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26/06/2024 | FRANCE | N°21/03619

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 26 juin 2024, 21/03619


ARRÊT n°



























Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 26 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03619 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PA3Z



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 MAI 2021

CONSE

IL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 18/00680







APPELANTE :



Madame [V] [B]

née le 15 novembre 1963 à [Localité 10] (76)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée sur l'audience par Me Aurélie CARLES, avocat au barreau de MONTPELLIER











INTIMEE ...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 26 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03619 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PA3Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 18/00680

APPELANTE :

Madame [V] [B]

née le 15 novembre 1963 à [Localité 10] (76)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée sur l'audience par Me Aurélie CARLES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Mutualité L'UNION AESIO SANTE MEDITERRANEE venant aux droits de LANGUEDOC MUTUALITE

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, sis

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Arnaud LAURENT, substitué sur l'audience par Me Nathalie MONSARRAT, de la SCP SVA, avocats au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 04 Mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

Assistée de Mme Elissa HEVIN, greffier stagiaire

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 05 juin 2024 à celle du 26 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat du 1er juillet 2014, LANGUEDOC MUTUALITE a recruté [V] [B] en contrat à durée indéterminée et à temps complet en qualité de directrice de deux EHPAD situés à [Localité 9] ([7]) et à [Localité 8] ([5]).

Par courrier du 8 décembre 2014, [V] [B] s'est plainte de ses conditions de travail et de sa charge de travail excessive sur les deux établissements sans adjoint.

Par courriers des 14 et 31 décembre 2014, l'employeur indiquait à la salariée qu'elle ne serait plus affectée sur deux établissements mais un seul, le temps pour lui de trouver un autre directeur d'établissement. [V] [B] était en arrêt de travail du 11 au 20 février 2015. La fiche d'aptitude de reprise du médecin du travail du 10 février 2015 fait état d'un « état de burnout réel, l'état de santé de [V] [B] nécessite un allègement très rapide de ses tâches faute de quoi la nécessité d'un arrêt s'imposera ». Par avenant du 23 février 2015, l'employeur décidait que [V] [B] n'exercerait ses fonctions désormais qu'au sein de l'établissement de [Localité 8].

[V] [B] était en arrêt de travail du 14 septembre 2016 au 14 octobre 2016. Le médecin du travail a jugé la salariée apte à la reprise le 19 octobre 2016.

À la suite d'un entretien avec son employeur le 28 juin 2017 et le courrier de ce dernier le 29 juin 2017, [V] [B] s'est plainte par courrier du 25 juillet 2017 de sa charge de travail en raison notamment de la démission de Madame [X].

Par courrier du 27 février 2018, la salariée s'est plainte à son employeur de ses conditions de travail et de la dégradation de son état de santé. Par courrier du 12 mars 2018, l'employeur proposait à la salariée de la rencontrer le 15 mars 2018, laquelle n'est pas venue au motif que l'employeur avait refusé qu'elle soit assistée d'un représentant du personnel. Par courrier du 15 mars 2018, l'employeur précisait que du fait de son absence lors de l'entretien, il poursuivrait l'instruction de son dossier sur les seules bases de son courrier du 27 février 2018.

Par acte du 26 mars 2018, [V] [B] prenait acte de la rupture aux torts de l'employeur.

Par acte du 2 juillet 2018, [V] [B] saisissait le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'entendre requalifier la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 17 mai 2021, le conseil de prud'hommes jugeait que l'employeur n'avait commis aucun manquement au titre de l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail et au titre de l'obligation de sécurité en matière de santé au travail, que la prise d'acte de rupture du contrat de travail n'était pas fondée, qu'elle produisait les effets d'une démission et a débouté la salariée de l'intégralité de ses demandes.

Par acte du 3 juin 2021, [V] [B] a interjeté appel des chefs du jugement.

Par conclusions du 14 février 2024, [V] [B] demande à la cour de réformer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de l'employeur, juger l'exécution déloyale du contrat et la violation de l'obligation de sécurité en matière de santé au travail par l'employeur, la prise d'acte de rupture imputable à l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

15 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3205,80 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la violation de l'obligation de sécurité et de prévention en matière de santé au travail,

10 605 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 1060 euros à titre de congés payés y afférents,

2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

ordonner la rectification des documents de fin de contrat sous astreinte définitive de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte.

Par conclusions du 2 novembre 2021, l'UNION AESIO SANTE MEDITERRANEE venant aux droits de LANGUEDOC MUTUALITE, demande à la cour de :

confirmer le jugement, débouter la salariée de ses demandes, subsidiairement limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 10 005 euros et le montant de l'indemnité légale de licenciement à la somme de 3056,52 euros,

infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation à la somme de 10 605 euros correspondant au préavis non exécuté par la salariée et la condamner au paiement d'une telle somme,

condamner la salariée au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera fait référence aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits et des moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2024.

LES MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

En application des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur est tenu vis-à-vis des salariés d'une obligation de sécurité et de protection de la santé dont il doit assurer l'effectivité et prendre toutes les mesures visant à assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale des travailleurs.

Dès lors que le salarié invoque précisément un manquement professionnel en lien avec le préjudice qu'il invoque, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du respect de son obligation de sécurité à l'égard du salarié.

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En l'espèce, la salariée fait valoir dans son courrier du 8 décembre 2014, que l'organisation mise en place n'est pas celle qui a été décidée lors de son embauche du fait de la difficulté liée à la charge de travail et de l'absence d'un adjoint comme convenu lors de son embauche. L'employeur réplique que ce poste était destiné à une salariée d'expérience comme l'était [V] [B] qui l'avait acceptée contractuellement, qu'elle a ensuite remis en cause cet accord et qu'il avait accepté de faire droit à la proposition de la salariée.

Si l'employeur a rapidement réagi par deux courriers de décembre 2014 en mettant fin à la présence de la salariée sur les deux établissements pour ne l'affecter que sur un seul, cette décision de principe n'a été mise en place que le 27 février 2015 et à la suite de l'avis du médecin du travail du 10 février 2015. Par conséquent, l'employeur a réagi concrètement tardivement.

Par courrier du 27 février 2018, la salariée se plaint d'avoir souvent constaté une remise en cause sans fondement de ses compétences, des pressions régulières et un manque de consignes claires qui ne lui permettent pas de réaliser ses missions dans de bonnes conditions, éléments qui avaient déjà été relevés dans son courrier du 25 juillet 2017 qui n'avait amené qu'à une rencontre le 30 juillet 2017 sans remise en cause de l'employeur, ni solutions apportées.

La salariée fait valoir un rapport interne SECAFI pour LANGUEDOC MUTUALITE relatif à l'évaluation de l'exposition du personnel des établissements [7], [4] et [6], aux risques psychosociaux en date du 28 novembre 2018. Il est à relever que [V] [B] a quitté l'établissement [7] en février 2015 et que ce rapport ne porte pas sur l'établissement de [Localité 8]. Toutefois, ce rapport fait apparaître des observations qui s'inscrivent dans la durée et qui permettent de le relier à la période pendant laquelle elle travaillait au sein de l'établissement [7] puisque la direction qui est critiquée dans le rapport était la même à cette époque. Ce rapport fait état que les salariés de la clinique « aujourd'hui en relation directe avec la direction expriment très fréquemment (pour ne pas dire « presque unanimement ») la difficulté qu'ils ont à coopérer efficacement avec elle. Cela se traduit concrètement par la remontée récurrente des observations suivantes : absence de réponse à des demandes parfois urgentes ; réponses ou validations au dernier moment ou avec du retard mettant en difficulté celui qui attendait cette réponse pour agir vis-à-vis de ses propres subordonnés, de ses collègues ou de ses partenaires internes ou externes ; engagements pris mais non tenus sur des réponses promises à une échéance précise, sur des engagements d'action finalement respectés (autour de recrutements, de projets ') ; réactions dont la virulence est sans rapport avec un traitement professionnel de la question abordée et parfois en public. Si la question du manque de considération (') est mentionnée comme conséquence des points qui précèdent, il s'agit aussi et avant tout des difficultés professionnelles générées qui sont évoquées et qui alimentent l'espoir que la situation change ».

En ce qui concerne la méthode reprochée par la salariée à son employeur de communiquer directement avec les salariés sous sa responsabilité pour lui faire perdre toute crédibilité professionnelle et ensuite, le lui reprocher, l'attestation du 23 mai 2019 de [J] [K] [E], directeur délégué de l'EHPAD de [Localité 8], énonce que le directeur général [L] [A] et la DRH [R] [C], entretenaient et entretiennent un management par les intimidations et l'humiliation sur les directeurs d'EPHAD que ce soit en public ou en individuel. Durant l'année 2017, il indique que « nous faisions un groupe de directeurs et directrices solidaires et maintes fois nous avons réconforté [V] [B] qui subissait des pressions et moulte reproches en notre présence. On ne comprenait pas pourquoi il y avait autant de pression contre [V] [B]. Lors d'une réunion de directeurs aux Violettes en 2017, nous avons vu [V] [B] déstabilisée pendant une heure, on l'a vue pleurer et elle s'est confiée à nous. [V] [B] n'était jamais soutenue par rapport aux salariés, notre supérieur Monsieur [F] voyait en sous main les salariés et discréditait [V] [B]. J'atteste que le mécanisme était complété de la façon suivante : M. [P] ou Madame [C] voyaient derrière le dos du directeur (en douce) les salariés pour décrédibiliser les directeurs, je peux en témoigner pour mes collègues. J'atteste enfin du désarroi actuel des directeurs d'EHPAD du peu de soutien, de respect et de confiance ». L'attestation de [O] [I] corrobore les contacts directs entre la direction et les salariés et qu'elle subissait une pression de la part des salariés de l'EHPAD pour ne pas en parler à [V] [B]. [Z] [N] s'est plaint de la remontée en direct par une salariée d'information concernant sa situation à Madame [C].

[V] [B] fait valoir que Monsieur [A] et Madame [C] ont quitté leurs postes courant juillet 2019 à la suite de témoignages d'autres salariés.

L'arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Montpellier du 20 septembre 2017 opposant le même employeur à une autre salariée et sanctionnant un type de management répréhensible d'une part en ce qu'il s'abstient de répondre et de prendre en compte les interventions ou sollicitations du salarié voire ces difficultés éventuelles et d'autre part en ce qu'il excède considérablement les limites du pouvoir de direction de l'employeur, ce dernier ne pouvant comme il le fait, utiliser des termes aussi blessants et humiliants envers un salarié sans lui faire encourir le risque d'une souffrance au travail, d'une dégradation de ses conditions de travail et sur sa santé pour des faits à compter de l'arrivée d'un nouveau directeur en 2011, Monsieur [A], ne répond qu'à une situation personnelle de la salariée et est sans portée en ce qui concerne la présente instance.

La salariée qui a été en arrêt de travail à deux reprises, fait valoir que son état de santé s'est dégradé du fait de l'inertie de l'employeur à la suite de ses courriers qui caractérisent des alertes circonstanciées sur les man'uvres qu'elle indiquait endurer depuis sa prise de fonction. La salariée justifie de prescriptions médicamenteuses d'anxiolytiques depuis le 20 février 2015 jusqu'en février 2018. La fiche d'aptitude de reprise du médecin du travail du 10 février 2015 fait état d'un « état de burnout réel ». Le certificat médical du médecin traitant [Y] le 14 septembre 2016 fait aussi état d'une symptomatologie de burnout. Le préjudice invoqué par la salariée est donc établi et la concomitance des dates des arrêts de travail, des observations du médecin du travail permettent de considérer que la dégradation de son état de santé est liée à ses conditions de travail.

Ainsi, depuis le 8 décembre 2014, la salariée s'est plainte de sa charge de travail excessive à laquelle l'employeur n'a remédié que tardivement par décision du 23 février 2015 en l'affectant désormais qu'à un seul établissement. En ce qui concerne ses conditions de travail, l'employeur ne justifie d'aucun élément permettant de considérer qu'il a tenu compte des reproches de la salariée et qu'il a mis en 'uvre toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Par conséquent, il a manqué à son obligation de sécurité.

En considération du préjudice subi au cours de la période comprise entre le 8 décembre 2014 et le 27 février 2018, le préjudice sera évalué à la somme de 8 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat par l'employeur :

L'article L.1222-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En pareille matière, la preuve de la faute dommageable pèse sur la partie qui s'en prévaut.

En l'espèce, la salariée reproche à l'employeur les faits suivants :

a/ un manque d'écoute, de soutien, d'informations claires et des reproches injustifiés :

la salariée reproche sa charge de travail sur les deux établissements et la décision tardive de ne l'affecter qu'à un seul établissement. En l'absence de préjudice distinct par rapport à sa demande au titre de l'obligation de sécurité, ce moyen sera rejeté.

En ce qui concerne l'absence de communication d'informations par l'employeur dans le cadre du recrutement du médecin coordonnateur, outre les reproches infondés formulés sur la gestion de ce dossier, la salariée considère que ce recrutement ne relevait pas de ses fonctions et ne peut donc opposer à l'employeur le processus de recrutement qu'il a mis en place. Quant aux modalités concrètes d'horaires relevant de sa compétence, aucun élément ne permet de considérer que l'employeur a tenté de lui faire porter la responsabilité de ses propres manquements lorsque le médecin coordonnateur lui indiquait prévoir d'intervenir à des moments inadaptés qui auraient dû être évoqués avec elle avant le recrutement de ce médecin et non une fois recruté. Ce moyen sera rejeté.

S'agissant du manque d'information relatif à l'embauche d'un contrat aidé en 2014, [V] [B] ne justifie d'aucune faute dommageable imputable à l'employeur en la personne de Madame [C].

b/des reproches infondés sur des propos non vérifiés :

La salariée fait état d'une « convocation pour reproches infondés en novembre 2014. Manque de respect, de considération d'une collaboratrice du service RH soutenue par Mme [C] sans que l'on demande à la concluante de s'expliquer sur les faits », sans autre précision. En outre, elle précise avoir été convoquée en novembre 2014 à la suite d'une conversation qu'elle a eue avec une salariée, [M] [T], infirmière pour lui faire des reproches en se basant sur ses propos sans qu'elle sache exactement de quoi il s'agissait. Ultérieurement, la salariée fait état que le 14 septembre 2016, l'employeur lui a reproché la démission de [U] [H], infirmière coordinatrice sans avancer d'éléments factuels sur les raisons amenant à de tels reproches. De même, la salariée reproche à Mme [C] de ne pas lui avoir apporté un soutien attendu et indispensable devant le comportement irrespectueux d'une salariée notamment le 8 janvier 2015.

Toutefois, [V] [B] évoque ces faits sans rappel d'un contexte et de fait précis permettant d'apprécier le bien-fondé de tels comportements.

Ce moyen sera par conséquent rejeté.

c/ Discrédit mené à son encontre :

Il a précédemment été jugé que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité par le discrédit de la salariée qu'il a pu faire naître. En l'absence d'un préjudice distinct, ce moyen sera rejeté.

En ce qui concerne les autres irrégularités, à savoir « au sujet des salariés rencontrés en présence de Mme [C] lors d'un entretien préalable resté sans suite. Pas de réponse à sa demande d'information sur l'organisation de réunions avec un intervenant extérieur et reproches infondés sur la prétendue annulation de date de réunion invoquée par le prestataire. Dysfonctionnements dans le soutien de la fonction support RH ».

[V] [B] se borne à évoquer des échanges de mails pour en déduire l'absence de réponse de la part de l'employeur, notamment au sujet de la venue de Monsieur [G], sans s'expliquer sur le rôle de chacun à tenir, du contexte et des faits de la situation pour permettre d'apprécier s'il existe des torts et de pouvoir les imputer.

La salariée relate à nouveau les échanges en direct de la direction avec les salariés pour la décrédibiliser sans établir de préjudice distinct. Le moyen sera rejeté.

d/ Injonctions paradoxales et reproches infondés :

La salariée fait état des « reproches inadaptés concernant l'encadrement de la secrétaire. Reproches concernant l'alerte de l'inquiétude de salarié par rapport aux propos tenus par d'autres remettant en cause sa légitimité. Reproche injustifié au sujet du départ de l'IDEC. Reproche de ne pas avoir trouvé trois heures de présence supplémentaire dans le secteur protégé alors que cela n'était pas possible au regard de la masse salariale et des objectifs de ne pas dépasser le budget. Reproche injustifié concernant le planning de Mme [D]. Reproche injustifié au sujet de l'insatisfaction de Monsieur [X] ».

En l'état de l'imprécision, du caractère général et non justifié ni expliqué, ce grief sera rejeté.

e / non respect de ses délégations :

La salariée fait valoir le non-respect les délégations dont elle peut se prévaloir et l'immixtion de la direction dans le domaine de compétence de la salariée pour la mettre en difficulté et lui faire perdre toute crédibilité envers le reste du personnel.

La salariée rappelle une fois encore le processus de recrutement du médecin coordinateur sans justifier d'un préjudice distinct.

Elle évoque la démission puis la réembauche de Madame [X] par la direction sans avoir été associée à la démarche dans le non-respect de ses délégations sur un poste majeur sans évoquer à qui incombe la charge de recruter une telle salariée.

Ce grief sera rejeté.

f/ autres irrégularités :

La salariée évoque que, durant son arrêt de travail en 2016, « l'employeur a attendu faire application de jours de carence. Cela a d'ailleurs été évoqué dans le courrier de prise d'acte et resté sans réponse ». Elle se fonde sur un usage d'entreprise qui consistait à appliquer aux professionnels ayant des conditions d'exercice spécifiques non visées par l'accord collectif d'entreprise, dont les directeurs d'établissement font partie, les mêmes conditions que pour tous les autres salariés visés par l'accord collectif d'entreprise, ce dont elle avait d'ailleurs bénéficié en 2015.

Devant la contestation par l'employeur de l'usage tel qu'invoqué par la salariée, cette dernière ne s'explique pas sur le caractère de généralité, de constance et de fixité de cette pratique qui serait créatrice de droits en sa faveur.

Ce grief sera rejeté.

g/ Un audit sur les risques sociaux a été réalisé courant de l'été 2018 avec un rapport remis début de l'année 2019 mettant en cause les pratiques managériales dénoncées par plusieurs salariés. Pour autant, ce grief a déjà été retenu au titre du manquement à l'obligation de sécurité et, faute d'un préjudice distinct, ne sera pas retenu.

Ainsi, la salariée ne justifie pas d'une faute de l'employeur ayant causé un préjudice distinct de celui précédemment réparé. Sa demande sur le fondement de l'exécution déloyale du contrat de travail sera par conséquent rejetée et ce chef de jugement sera confirmé.

Sur la prise d'acte de rupture du salarié imputable à l'employeur :

Il est admis que le salarié qui reproche à l'employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat qui entraîne la cessation immédiate du contrat de travail si l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués par le salarié sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat. Le salarié doit rapporter la preuve des manquements de l'employeur qu'il invoque.

En l'espèce, quand bien même la salariée a accepté contractuellement un double poste de directrice déléguée au sein de deux EHPAD, cette fonction s'est avérée impossible à assumer ce que l'employeur a reconnu puisqu'il a décidé en décembre 2014 de cesser cette double fonction et de la répartir sur deux personnes distinctes. Ultérieurement, la salariée a subi un second arrêt de travail pour burnout en septembre 2016.

Dans son courrier du 27 février 2018 adressé à [L] [A], la salariée se plaint d'une remise en cause de ses compétences sans fondement, de pressions régulières et d'un manque de consignes claires qui ne permettent pas, selon elle, de réaliser ses missions dans de bonnes conditions. Elle en conclut que « ce contexte de travail est parfaitement insupportable de telle sorte que je vous demande d'assurer vos obligations en prenant toutes les mesures nécessaires pour me permettre de travailler dans de bonnes conditions ».

Le fait que la salariée ait signé un nouveau contrat de travail dans une fonction équivalente de directrice d'EPHAD le lendemain de sa prise d'acte ne la prive pas du droit d'invoquer une prise d'acte aux torts de l'employeur. Seul le préjudice pourra, le cas échéant, être apprécié différemment.

Ainsi, il est établi des manquements suffisamment graves de l'employeur à son obligation de sécurité depuis décembre 2014 jusqu'au jour de la prise d'acte du salarié de rompre le contrat, le 12 mars 2018. L'ensemble des manquements de l'employeur nonobstant l'ancienneté de l'un d'entre eux, qui ont perduré dans le temps, rendaient impossible la poursuite du contrat de travail. La prise d'acte produit ainsi les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ce chef de jugement qui avait considéré le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse sera infirmé.

Sur les indemnités de rupture :

L'ancienneté de la salariée est de 3 ans, 8 mois et 26 jours.

Sa rémunération au jour de la rupture comprenant un salaire de base de 3335 euros et une prime d'astreinte de 200 euros, s'élève à la somme de 3535 euros.

S'agissant de l'indemnité au titre du préavis de départ, la salariée est cadre et bénéficiera d'une indemnité de préavis fixée à la somme de 10 605 euros brute outre la somme de 1060,50 euros brute à titre de congés payés y afférents.

S'agissant de l'indemnité de licenciement de l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte huit mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Tel est le cas en l'espèce. L'indemnité sera évaluée à la somme de 3205,80 euros nette comme demandée par la salariée.

S'agissant des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail et du préjudice subi par la salariée entre le 8 décembre 2014 et sa prise d'acte de rupture, compte tenu de deux arrêts de travail pour syndrome dépressif réactionnel ou burn out, de son âge pour être née le 15 novembre 1963, sa formation, du contrat nouvellement conclu par la salariée dès le lendemain de sa prise d'acte pour une même fonction de directrice d'EPHAD pour un salaire augmenté, elle sera évaluée à la somme de 10 605 euros brute.

Il convient d'ordonner à l'employeur de tenir à disposition du salarié les documents sociaux de fin de contrat rectifiés dans le délai d'un mois sans astreinte.

La demande reconventionnelle de l'employeur en paiement de l'indemnité de préavis au titre de ce qu'il considère comme une démission sera par conséquent rejetée et le jugement confirmé.

Sur les autres demandes :

L'intimée succombe à la procédure, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'appelante, l'intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de [V] [B] de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu'il a rejeté la demande de l'UNION AESIO SANTE MEDITERRANEE au titre de l'indemnité de préavis.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne l'UNION AESIO SANTE MEDITERRANEE venant aux droits de LANGUEDOC MUTUALITE à payer à [V] [B] la somme de 8000 euros au titre de la violation par l'employeur de l'obligation de sécurité.

Dit que la prise d'acte de rupture du 12 mars 2018 par [V] [B] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne l'UNION AESIO SANTE MEDITERRANEE venant aux droits de LANGUEDOC MUTUALITE à payer à [V] [B] les sommes suivantes :

10 605 euros brute à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1060,50 euros brute à titre de congés payés y afférents,

3205,80 euros nette au titre de l'indemnité légale de licenciement,

10 605 euros brute au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ordonne à l'employeur de tenir à disposition de la salariée les documents sociaux de fin de contrat rectifiés dans un délai d'un mois sans astreinte.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Y ajoutant,

Condamne l'UNION AESIO SANTE MEDITERRANEE venant aux droits de LANGUEDOC MUTUALITE à payer à [V] [B] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne l'UNION AESIO SANTE MEDITERRANEE venant aux droits de LANGUEDOC MUTUALITE aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/03619
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;21.03619 ?
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