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26/06/2024 | FRANCE | N°21/03589

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 26 juin 2024, 21/03589


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 26 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03589 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PAZ4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 MAI 2021
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APPELANTE :



Madame [M] [F]

née le 06 Mai 1988 à [Localité 5] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée sur l'audience par Me Elif ERDOGAN, avocat au barreau de TOURS













INTIMEE :



S.A...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 26 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03589 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PAZ4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00122

APPELANTE :

Madame [M] [F]

née le 06 Mai 1988 à [Localité 5] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée sur l'audience par Me Elif ERDOGAN, avocat au barreau de TOURS

INTIMEE :

S.A.R.L DIS AUTO

Prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès

qualité au siège social, sis

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Yann GARRIGUE, substitué sur l'audience par Me Fanny LAPORTE, de la SELARL LX MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée sur l'audience par Me Océane VIEUX, substituant Me Valérie BOUDE, avocats au barreau de LYON, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 04 Mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

Assistée de Mme Elissa HEVIN, greffier stagiaire

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 05 juin 2024 à celle du 26 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [F] a été engagée le 28 janvier 2013 par la société Dis Auto, employant habituellement plus de dix salariés, en qualité d'opérateur service rapide suivant contrat à durée indéterminée à temps complet régi par la convention collective des services de l'automobile.

La société Dis Auto exploite à l'enseigne Leclerc un garage de réparation de véhicules.

Mme [F] occupait au dernier état de ses fonctions l'échelon 5 correspondant à la fonction d'opérateur spécialisé et elle percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 1804,75 euros.

Elle était convoquée par courrier du 24 avril 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 02 mai 2018, sans mise à pied puis, par nouveau courrier du 09 mai 2018, remis en main propre, elle était derechef convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 mai 2018 avec mise à pied à la date du 09 mai 2018.

Mme [F] était licenciée pour faute grave par courrier du 23 mai 2018.

Mme [F] saisissait le 04 février 2019 le conseil de prud'hommes de Montpellier qui par jugement du 9 mai 2021 l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes, a débouté la société Dis Auto de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laissé les éventuels dépens à la charge de chacune des parties.

Le 03 juin 2021, Mme [F] a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 28 mai 2021.

Suivant ses dernières conclusions remises au greffe le 04 janvier 2022, Mme [F] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Dis Auto de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau de :

- Juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- de condamner la société Dis Auto à lui payer les sommes suivantes :

9546,54 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2214,94 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

3182,12 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 318,21 euros au titre des congés payés y afférents ;

832,95 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied ;

de prononcer l'exécution provisoire ;

4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

aux entiers dépens

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 29 octobre 2021, la société Dis Auto demande à la cour de dire et juger recevable mais non fondé l'appel interjeté par Madame [F],

En conséquence,

À titre principal,

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 19 mai 2021 en ce qu'il a débouté Mme [F] de l'intégralité de ses demandes ;

À titre subsidiaire,

- De constater, à défaut de faute grave, que les manquements de Mme [F] justifient un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

- de débouter Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

À titre infiniment subsidiaire,

- de constater que Mme [F] n'apporte pas la preuve d'un préjudice justifiant l'attribution d'un tel quantum de dommages et intérêts;

En conséquence :

- de fixer le quantum de dommages et intérêts à hauteur de trois mois de salaires, soit 4.773,27 € ;

en tout état de cause,

- de condamner Mme [F] à lui payer une indemnité d'un montant de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Par décision en date du 04 mars 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction du dossier et fixé l'affaire à l'audience du 03 avril 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, aux écritures qu'elles ont déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le licenciement :

Convoquée le 24 avril 2018 puis le 09 mai 2018, à un entretien préalable fixé au 16 mai suivant, Mme [F] a été licenciée par lettre du 23 mai 2018, énonçant les motifs suivants :

« (') Madame,

Nous faisons suite à l'entretien que nous avons eu ensemble le mercredi 16 mai 2018, dans les bureaux de la Direction, en présence de Monsieur [H] [A], responsable du Centre Auto.

Vous vous êtes présentée accompagnée par Mme [O] [X], déléguée du personnel.

Au cours de cet entretien, nous avons recueilli vos explications sur les faits qui vous sont reprochés, à savoir :

-non respect des procédures de vérification entraînant ou pouvant entraîner des conséquences graves pour nos clients,

- non suivi des diagnostics,

- tenue de propos outranciers vis-à-vis d'un client,

- travail non soigné.

1. Le samedi 24 Mars dernier, vous avez eu en charge de réaliser le remplacement de deux pneus et deux flexibles de frein avant d'une Mazda 626 (ordre de réparation n°201790).

Lors du remplacement de 'exible et après démontage, vous avez remarqué que les flexibles commandés préalablement ne convenaient pas à ce véhicule. Vous avez donc remonté l'ancien flexible avant droit et effectué une purge.

Le client nous a appelé le lundi suivant pour nous informer qu'un voyant de frein s'était allumé et qu'il n'avait plus de frein.

Nous avons dû nous déplacer chez le client à 19h30 et avons pu constater que le 'exible droit avait été mal serré. Après resserrage et nouvelle purge des freins, et après essai du véhicule, tout fonctionnait à nouveau normalement.

Le client a donc dû revenir à nouveau le 27 mars pour le changement de ses deux flexibles et pour nous excuser du désagrément causé, nous lui avons fait un geste commercial de 59€.

2. Le 2 Mai 20l8 vers 9h30, M. [K] s'est présenté avec sa Mercedes a'n de remplacer ses pneus neige par ses pneus été. Il a réglé la somme de 58€. Le lendemain, il nous a rappelé a'n de nous signaler que ses jantes étaient sales (le produit utilisé lors du changement laissant des traces dif''cilement nettoyables lorsqu'il n'est pas essuyé au fur et a mesure par le mécanicien) et que l'un de ses cache-jante avait été cassé. Nous avons dû commander un nouveau cache-jante chez Mercédès pour une valeur de 30€. Nous avons repris le véhicule pour installer le cache-jante et lui nettoyer ses jantes salies par le produit utilisé et non immédiatement essuyé lors du changement de pneus que vous avez réalisé.

Lorsque votre collègue de travail est venu vous voir pour vous signaler que vous n'aviez pas nettoyé les jantes de sa voiture, vous avez répondu a ce même collègue :« Tu ne veux pas non plus que je le suce ! ''.

3. Le 5 mai 2018, M. [I] est venu avec son véhicule pour signaler une fuite d'huile suite à une vidange qui avait été effectuée par vos soins le 2 mai. Après vérification, il s'est avéré que le bouchon du carter avait été serré de travers. Il a fallu à nouveau vidanger le moteur, refaire le filtrage et changer le bouchon, le tout à nos frais.

Ces deux derniers faits se sont passés alors même que nous vous avions déjà convoquée, dans le cadre d'une procédure disciplinaire, à un entretien préalable 'xé au 2 mai 2018 à 10h30. Tant leur réitération que leur gravité nous ont conduits à annuler la première convocation a'n de lui suppléer une convocation en vue d'un éventuel licenciement.

Votre persistance malgré la tenue d'un premier entretien dénote non seulement d'un manque total d'implication et de rigueur dans votre poste mais également d'un mépris affiché envers nos directives.

L'ensemble de ces faits nous ont donc conduit à vous mettre à pied à titre conservatoire en attendant que nous prenions notre décision.

Nous vous avons donc demandé des explications, suite à ces différents manquements :

l. Concernant le véhicule Mazda, vous nous avez expliqué que vous êtes sûre d'avoir resserré le flexible correctement, vous ayant même fait la réflexion que vous aviez eu peur de casser le filetage en serrant fort.

Vous ne comprenez pas comment ce flexible a pu se desserrer.

Malgré le fait que vous étiez sûre de l'avoir serré suf'samment, vous nous avez indiqué que vous aviez quand même remarqué, en essayant le véhicule que les freins ne répondaient pas correctement !

Malgré cela, vous n'avez pas cherché à savoir pourquoi les freins ne répondaient pas: vous avez laissé le client repartir avec son véhicule sans demander de l'aide à l'un de vos collaborateurs et, plus grave encore, sans même prévenir le client !!

2. Vous avez reconnu avoir tenu ces propos et avez expliqué que vous étiez énervée à ce moment-là du fait de problèmes personnels. Concernant le cache-jante. vous indiquez ne pas l'avoir cassé sinon vous n'auriez pas remis la jante en place. Reste cependant que vous étiez la seule à être intervenue sur le véhicule.

3. Vous n'avez pas d'explication sur ce bouchon mal serré, vous ne vous en souvenez pas.

Vous nous avez fait part de problèmes d'ordre personnel sans pour autant imaginer qu'ils puissent impacter votre travail.

Vous n'avez ainsi pas respecté plusieurs articles de votre 'che de fonction signée le 20/05/2014. notamment :

- Réaliser l'ensemble des interventions de maintenance préventives et correctives des véhicules dans le respect des OR,

- Effectuer le diagnostic, le contrôle et le réglage de l'ensemble mécanique,

- Rester à la disposition du client après réparation pour des conseils techniques et d'utilisation du véhicule.

~ Signaler au coordinateur d'équipe des pièces du véhicule vétuste qui mériteraient d'être changées et en informer le client,

- Respecter le niveau 100% Qualité du service.

Vous n'avez également pas respecté l'article 13 du Règlement intérieur :

- Les employés doivent avoir une attitude courtoise et polie vis-a-vis de la clientèle, de la hiérarchie et des collègues de travail.

Il s'avère qu'au vu des explications que vous nous avez fournies, nous ne pouvons que constater de graves manquements de votre part, non seulement dans le suivi des procédures de diagnostic et de contrôle mais également dans vos relations avec vos collègues de travail.

Vos défaillances se sont multipliées ces dernières semaines. Vous avez fait l'objet de plusieurs rappels à l'ordre de ce type, notamment d'une mise a pied disciplinaire pour des faits similaires en fin d'année dernière.

Vous n'avez pas tenu compte de ces rappels, continuant à manquer de rigueur dans le contrôle de votre travail.

Plus grave encore, vous n'avez pas eu la présence d'esprit, alors que vous aviez remarqué un danger immédiat sur l'un des véhicules qu'on vous a confié, de demander un avis complémentaire à votre chef d'atelier.

Fort heureusement, vos manquements n'ont pas eu de conséquences graves pour ces clients. Mais vos fonctions vous amènent à prendre en charge des réparations beaucoup plus importantes et de ce fait, les conséquences d'un manque de contrôle ou de diagnostic pourraient alors s'avérer catastrophiques pour le client repartant avec son véhicule. En outre, vos fautes nuisent a la société et entraîne le mécontentement de notre clientèle.

Aussi, nous nous voyons contraints de vous signifier votre licenciement pour faute grave, licenciement sans préavis ni indemnités qui prendra effet dès l'envoi de ce courrier, date de la Poste faisant foi.

Nous vous indiquons que vous aurez droit à l'intéressement au prorata de votre temps de présence.

Nous vous invitons à nous contacter préalablement avant votre venue a'n d'éviter tout déplacement inutile et convenir d'un rendez-vous avec notre service paie.

De votre côté, vous voudrez bien restituer tous les éléments en votre possession appartenant à l'entreprise tels que badges (accès, ...), clés, etc...lors de la remise de votre solde de tout compte. (...) ».

En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat.

Il revient à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié.

En l'espèce l'employeur reproche trois manquements à Mme [F] lors d'interventions sur trois véhicules distincts ainsi que d'avoir tenu des propos outranciers se rapportant à un client.

- S'agissant de l'intervention du samedi 24 mars 2018, portant sur un véhicule Mazda, la société Dis Auto reproche à Mme [F], alors qu'elle devait lors de l'intervention sur le véhicule notamment remplacer les deux flexibles de frein avant, de s'être aperçue que les flexibles commandés ne convenaient pas après démontage des flexibles alors qu'elle n'aurait dû procéder au démontage qu'après s'être assurée que la pièce reçue correspondait.

Faute de contrôle préalable de sa part des flexibles reçus et qui ne convenaient pas, il lui a donc été demandé de remonter les anciens flexibles.

Mme [F] procédait à une purge et au remontage des anciens flexibles. Or le client contactait le garage dès le lundi suivant pour signaler que le voyant de frein s'était allumé et qu'il n'avait plus de frein.

La société Dis Auto ajoute qu'à la suite une intervention avait lieu chez le client et à cette occasion, il était relevé que le flexible droit avait été mal serré, qu'après resserrage et nouvelle purge, tout fonctionnait à nouveau.

Mme [F] répond qu'elle a reçu l'ordre de démonter de la part de M. [P] alors qu'il devait lui apporter les pièces et qu'une fois la pièce arrivée elle a constaté que les flexibles n'étaient pas compatibles, comme elle l'a indiqué sur l'ordre de réparation, elle a alors demandé que le véhicule soit immédiatement immobilisé ce qui a été refusé par sa direction qui lui a demandé de remonter les flexibles.

La société Dis Auto produit deux copies écrans de deux sms adressés par Mme [F] à M. [J] qui travaillait lui-même au sein de l'établissement lors des faits et dont il ressort qu'elle lui demandait :

« dis moi peux-tu faire 2 attestations stp, 1 disant que les flexibles de frein de la mazda que j'ai fait, j'ai demandé à ce que le véhicule reste dans l'atelier vu que nous n'avions pas les bons (...) »

« Sa ne te mettra pas en porte à faux puisque c'est pour le cas où, et ton identité est protégée par le secret de l'instruction. Tu n'auras pas de problème ton nom n'apparaît pas ».

Suivant une attestation établie le 02 juillet 2018 M. [J] confirme que Mme [F] lui a demandé par sms, reçus le 22 juin 2018, de faire de fausses attestations et il ajoute : « (...) elle ne m'a jamais informé d'un problème de freinage sur la mazda et encore moins d'immobiliser le véhicule (...) ».

Si Mme [F] reproche à M. [J] d'avoir préféré lâchement divulguer une conversation privée à son ancien employeur, elle dénie lui avoir demandé d'établir une fausse attestation comme M. [J] l'affirme et elle soutient qu'on ne peut lui reprocher d'avoir remonté les anciens flexibles alors qu'elle a reçu des instructions en ce sens.

Toutefois l'attestation établie par M. [J] est parfaitement précise et circonstanciée et la réponse apportée par Mme [F] n'est pas de nature à remettre en question sa force probante.

Selon l'attestation établie par M. [L], mécanicien, ce dernier confirme s'être déplacé le lundi suivant au domicile du propriétaire du véhicule Mazda avec M. [A] et d'avoir constaté à cette occasion que le flexible était mal serré, qu'il avait dû le resserrer d'un quart de tour, que le bocal du liquide de frein était complètement vide, qu'après purge et remplissage le véhicule freinait parfaitement.

Il confirme également avoir donné l'ordre de réparation à Mme [F] et que cette dernière est venue lui signaler que les flexibles reçus ne correspondaient pas, qu'elle aurait dû contrôler la correspondance avant démontage, qu'après remontage de l'ancien flexible elle n'avait signalé aucun problème de freinage, auquel cas elle l'aurait alors mentionné sur l'ordre de réparation.

L'employeur produit également la fiche de réparation qui porte la mention manuscrite « pas les bons flexibles » sans qu'y figure une observation portant sur un éventuel problème de freinage et qui aurait justifié que le véhicule soit immobilisé, ce que Mme [F] ne démontre pas avoir sollicité.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [F] a procédé au démontage puis remontage des anciens flexibles du véhicule faute d'avoir les bons flexibles et qu'une nouvelle intervention a dû avoir lieu dès le surlendemain au domicile du client.

Si Mme [F] expose qu'elle a procédé au remontage conformément aux instructions données, il n'apparaît pas que ce point emporte discussion alors même que ce n'est pas tant le remontage qui est reproché mais l'absence d'exécution dans les règles de l'art lors du remontage des anciens flexibles, faute d'avoir resserré correctement le flexible droit qui a laissé fuir le liquide de freinage, ce qui aurait pu être source d'accident en raison du dysfonctionnement du système de freinage et dans l'hypothèse d'un accident, qui aurait engagé la responsabilité de la société Dis Auto tenue par une obligation de résultat et de sécurité à l'égard de son client.

Il en ressort que le premier grief reproché est établi.

- S'agissant de l'intervention portant sur le véhicule de M. [I], la société Dis Auto reproche à Mme [F] d'avoir à l'occasion de la vidange effectuée trois mois auparavant abîmé le bouchon de vidange ce qui avait pour conséquence que le circuit présentait une fuite et que le 05 mai 2018, le client s'était présenté pour signaler la fuite d'huile.

Mme [F] réplique que son intervention sur le véhicule concerné n'est pas certaine alors que la fiche d'intervention mentionne « vous avez été reçu par [Y] [G] » et que durant le laps de temps écoulé, le client a très bien pu se rendre chez un autre garagiste ou procéder lui-même à une intervention.

Or il ressort du courrier de Mme [F], adressé le 20 juin 2018 à son employeur qu'elle confirme avoir effectué une vidange du véhicule dont s'agit, en précisant dans son courrier « dans les règles de l'art » et ajoutant que « (...) le bouchon du carter a été vissé normalement (...) », qu'elle pensait que le client avait lui-même touché son bouchon de carter et qu'il l'avait mal revissé, ajoutant que le cas s'était déjà présenté « (...) d'un client qui n'avait pas confiance au serrage réalisé par une femme (...) ».

L'employeur pour sa part produit une attestation établie par M. [C], opérateur de service rapide, selon laquelle il atteste :

« Le samedi 5 mai 2018, on m'a confié un SAV sur une Citroën C4 qui n'avait plus d'huile de moteur. J'ai dû enlever le cache protège carter, j'ai constaté que le bouchon tournait dans le vide « filtrage du carter abîmé suite à un mauvais serrage j'ai retarodé « refaire le filetage '' et mis un bouchon et joint neuf. J'ai nettoyé, remis de l'huile puis démarré. J'ai constaté qu'il n'y avait plus de fuite, puis remonté le cache protège carter pour restituer le véhicule 45 minutes après au client. [M] est venue me voir mais n'a porté aucun intérêt. ''

Il convient de relever que le client s'est à nouveau présenté au garage pour signaler la fuite trois mois après l'intervention de Mme [F], par conséquent, en raison du temps écoulé entre l'intervention effectuée par l'appelante et le retour au garage du véhicule ce grief sera écarté au bénéfice du doute.

- S'agissant des faits du 02 mai 2018, l'employeur fait grief à Mme [F] qui avait changé les pneus d'un véhicule de M. [K] d'avoir laissé des traces de salissure sur les jantes du véhicule et de ce que l'un des caches jantes avait été cassé.

Mme [F] réplique que rien ne permet de lui imputer la détérioration du cache jante alors que le client est revenu le jour même vers 12 h 15 pour se plaindre des traces qui ont été facilement nettoyées sans qu'à cette occasion il ne se soit plaint d'une détérioration d'un cache jante.

Elle ajoute que, s'agissant des salissures, la vie et la sécurité du conducteur n'ont pas été mis en danger de sorte que la société Dis Auto ne peut soutenir qu'il s'agit d'une faute grave.

La société Dis Auto communique une attestation établie par M. [L], mécanicien qui mentionne :

« le 2 mai 2018, j'ai confié via la réception atelier le changement de 4 pneus à [M] [F]. Ce client est revenu le lendemain. Le client m'a dit qu'il n'arrivait pas à enlever des traces noires sur ses jantes, je suis donc allé constater les dires du client. Le client revenait de la station lavage où il a pu faire partir les traces de savon noires. Les traces restantes proviennent des marques de montage qui s'enlèvent facilement quand on les nettoie directement. Nous avons appliqué un produit pour nettoyer ces traces et j'ai pu constater qu'un cache moyeu avait été cassé. Lors du démontage nous l'avons donc remplacé ».

La société Dis Auto communique le sms reçu par M. [J] le 22 juin 2018, adressé par l'appelante et qui indique notamment : « (...) dis moi peux-tu faire 2 attestations stp, (...) » , et l'autre que les jantes en alu que j'ai fait sur la mercedes le monsieur est revenu le jour même à 12 h 15 stp ».

Par son attestation du 02 juillet 2018, M. [J] atteste également que : « (...) Concernant les jantes alu de la Mercedes, le client est revenu le lendemain et non deux heures après. C'est mon collègue M. [L] [Z] qui m'a informé qu'ils avaient procédé au nettoyage des jantes (...) ».

Il ressort de ces éléments la preuve d'un manque de soin dans l'exécution de cette tâche imputable à la salariée ayant conduit un client à se plaindre de salissures sur les jantes de pneus de son véhicule et à la dégradation d'un cache dont le coût de remplacement s'est élevé à 23,26 euros.

- S'agissant des propos outranciers, la société Dis Auto reproche à Mme [F] d'avoir tenu des propos injurieux dans le cadre de son activité professionnelle à l'égard du client propriétaire du véhicule mercedes, ce qui nuit à l'image de la société et elle ajoute que ces propos accompagnaient le refus de Mme [F] de nettoyer les jantes, qu'ils dénotent ainsi une insubordination délibérée et justifient que la faute grave soit retenue à l'égard de Mme [F].

Mme [F] reconnaît avoir tenu les propos reprochés mais ajoute qu'ils ont été tenus hors la présence du client et que l'écrit établi par ses soins par lequel elle reconnaît avoir prononcé les propos reprochés, a été obtenu sous la menace d'un licenciement.

La société Dis Auto communique l'écrit établi et signé par Mme [F] par lequel cette dernière indique :

« Jeudi 3 mai 2018 [Z] m'a informée que le client à qui j'ai fait les réparations (pose de 4 pneus sur une MERCEDES) s'est plaint que ses jantes étaient sales et un cache jante cassé, j'ai répondu tu veux pas non plus que je suce ''.

Rien ne permet d'établir que cet écrit ait été établi sous la menace d'un licenciement et de surcroît Mme [F] reconnaît dans ses écritures les avoir tenus mais tente d'en minorer l'impact en précisant qu'il ont été tenus hors la présence du client, or Mme [F] s'adressait au mécanicien du garage, la société Dis Auto précise qu'ils venaient en réponse à la demande de nettoyer les jantes du véhicule, ainsi Mme [F] refusait d'une manière particulièrement vulgaire d'exécuter une tache relevant de son activité professionnelle.

Il s'ensuit que le grief est établi.

La société Dis Auto justifie également avoir eu par le passé à sanctionner Mme [F] à deux reprises :

- Le 02 juillet 2015 Mme [F] était sanctionnée d'une mise à pied disciplinaire d'un jour dès lors que le 04 juin 2015 elle avait omis à l'occasion de son intervention sur le filtre à huile du véhicule d'un client de poser le joint d'étanchéité, la société lui reprochant dans le courrier adressé : « (...) d'avoir failli à son devoir de contrôle (...) la cliente a vu son véhicule immobilisé une nouvelle fois (...) l'entreprise elle-même qui a été contrainte, d'une part de prendre en charge l'intégralité des coûts de notre seconde intervention et, d'autre part de mobiliser un collaborateur pour assurer la prise en charge du véhicule sur Saint Gély du Fest (...) ».

- Le 26 octobre 2017, Mme [F] faisait l'objet d'une nouvelle mise à pied disciplinaire d'un jour motivée par « (...) le non-respect des procédures de diagnostic et de contrôle. (') la cliente nous a appelé le 18 septembre, à la suite de cette vidange, car il a remarqué une tache d'huile sous le véhicule. Le véhicule a dû être remorqué jusqu'au centre auto via une société de dépannage afin d'être recontrôlé. Il a été constaté que vous aviez mal positionné le joint du filtre à huile (...) ».

Mme [F] reproche à la société Dis Auto un déficit de formation qui serait la cause de ses fautes professionnelles alors que nombre des faits porte sur des joints de filtre à huile.

Elle produit toutefois une attestation d'aptitude n°11545 du 27 juin 2013 mentionnant notamment son aptitude pour réaliser les opérations de « contrôle d'étanchéité, maintenance et entretien (...) ».

Il résulte de ces éléments que, ainsi qu'il est reproché par l'employeur dans la lettre de licenciement, Mme [F] a manqué à ses obligations contractuelles et ce de manière réitérée. Alors qu'elle avait été sanctionnée par le passé par deux fois pour avoir manqué à son devoir de contrôle, le grief relatif au système de freinage du véhicule Mazda, et donc à un élément essentiel de sécurité du véhicule, lequel aurait pu avoir des conséquences graves pour le client, ainsi démontré, outre les autres manquements ci-avant identifiés comme avérés, caractérisent une faute d'une gravité telle qu'elle rendait impossible la poursuite de la relation de travail.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Mme [F] qui succombe en ses prétentions est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Dis Auto la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 19 mai 2021 sauf en ce qu'il a débouté la société Dis Auto de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Madame [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à la société Dis Auto la somme de 1500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et pa Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/03589
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;21.03589 ?
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