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24/06/2024 | FRANCE | N°24/03079

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre civile, 24 juin 2024, 24/03079


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



N° RG 24/03079 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QIXO

Minute n°



ORDONNANCE

du 24 Juin 2024



CONTESTATION EN MATIÈRE FUNÉRAIRE

(Article 1061-1 du code de procédure civile)



APPELANT :

d'un jugement rendu par le Président du Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER en date du 12 Juin 2024



Monsieur [J] [O]

[Adresse 7]

[Localité 8]



Représenté par Maître Charlotte MOUTON avocat plaidant membre de la SELEURL CABINET DE MAITRE OLIVIER BAUER, avoca

ts au barreau de NANCY et Maître Alexandra SOULIER membre de la SELARL THEMISSO avocat postulant au barreau de MONTPELLIER



INTIMES



Madame [E] [S]

[Adresse 4]...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/03079 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QIXO

Minute n°

ORDONNANCE

du 24 Juin 2024

CONTESTATION EN MATIÈRE FUNÉRAIRE

(Article 1061-1 du code de procédure civile)

APPELANT :

d'un jugement rendu par le Président du Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER en date du 12 Juin 2024

Monsieur [J] [O]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représenté par Maître Charlotte MOUTON avocat plaidant membre de la SELEURL CABINET DE MAITRE OLIVIER BAUER, avocats au barreau de NANCY et Maître Alexandra SOULIER membre de la SELARL THEMISSO avocat postulant au barreau de MONTPELLIER

INTIMES

Madame [E] [S]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Maître Olivia ROUGEOT avocat postulant au barreau de MONTPELLIER et Maître Pascal FOUGHALI de l'Association FOUGHALI & ZENTNER avocat plaidant du barreau de METZ

Monsieur [T] [D]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Maître Laurent LIBELLE membre de la SCP LIBELLE LAURENT, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A. SERVICE FUNERAIRE DE [Localité 2] AGGLOMERATION - SFMA RCS 791310592

[Adresse 10]

[Adresse 9]

[Localité 2]

non représenté

Nous Jonathan ROBERTSON conseiller, délégué dans les attributions de Monsieur le Premier Président, statuant sur contestation sur les funérailles par application de l'article 1061-1 du code de procédure civile, assisté de Mme Béatrice MARQUES, greffier,

A l'audience publique du 18 Juin 2024, aucune des parties n'ayant sollicité quelle soit entendue en chambre du conseil, l'affaire a été mise en délibéré au 24 juin 2024 ;

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Jonathan ROBERTSON, conseiller, et Béatrice MARQUES, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Madame [I] [S] est décédée le [Date naissance 1] 2023 à l'Institut de Cancérologie de [Localité 2] (ICM) des suites d'un cancer diagnostiqué six ans auparavant, ce, en l'état d'un testament olographe en date du 9 janvier 2023 désignant notamment Monsieur [J] [O] et Monsieur [T] [D] exécuteurs testamentaires. Elle a été incinérée le 24 janvier 2023. Ses cendres ont été conservées depuis au funérarium de [Localité 2], faute d'entente entre ses proches quant à leur destination finale.

Monsieur [J] [O], selon assignation en date du 27 mars 2024, a fait assigner Madame [E] [S], s'ur de la défunte, ainsi que la SA SERVICES FUNERAIRES DE [Localité 2] AGGLOMERATION, devant le tribunal judiciaire de Montpellier aux fins d'être désigné, sur le fondement de l'article 1061-1 du Code de procédure civile, comme la personne ayant qualité pour décider du sort de l'urne funéraire contenant les cendres de la défunte.

Après réouverture des débats aux fins de mise en cause de Monsieur [T] [D], le tribunal judiciaire de Montpellier, par décision en date du 12 juin 2024, a :

*rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Monsieur [J] [O], rejeté l'incident de faux soulevé par Monsieur [O], dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce n°7 initialement produite par Madame [E] [S] puis par Monsieur [T] [D], rejeté la demande d'indemnisation formée à ce titre par Monsieur [J] [O], débouté Madame [E] [S] de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale et de la procédure au fond relative à la validité du testament olographe,

*ordonné que l'urne contenant les cendres de Madame [I] [S] soit remise à Monsieur [T] [D] en sa qualité d'ami proche et de personne habilitée à pourvoir aux obsèques de la défunte, dit que Madame [I] [S] a élu pour son lieu de sépulture la vallée [Localité 13] en Inde,

*rejeté toutes les autres demandes formées à ce titre,

*condamné Monsieur [J] [O] à payer à Madame [E] [S] une somme de 2000 euros et à Monsieur [T] [D] une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

*dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,

*rappelé que la décision est exécutoire sur minute, qu'elle sera signifiée à la société SFMA et notifiée, en tant que de besoin, au maire chargé de l'exécution.

Monsieur [J] [O] a relevé appel de cette décision le 13 juin 2024.

Aux termes de ses dernières écritures soutenues à l'audience, auxquelles il est référé pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, Monsieur [J] [O] demande au premier président de :

*infirmer le jugement du 12 juin 2024,

*juger que « le formulaire de désignation d'une personne de confiance » produit par Madame [E] [S] et établi par Monsieur [T] [D] est faux et fabriqué pour les besoins de la cause,

*en tout état de cause, écarter cette pièce des débats comme étant un faux,

*constater que l'utilisation dans le cadre de la présente procédure dudit document de la part de Madame [E] [S] et établi par Monsieur [T] [D] est source de préjudice moral entrainant des répercussions physiques sur Monsieur [J] [O] qui mérite réparation,

*condamner in solidum Madame [E] [S] et Monsieur [T] [D] à payer la somme provisionnelle de 5000 euros en réparation du préjudice moral subi,

*déclarer les demandes de Monsieur [J] [O] recevables et bien fondées,

*désigner Monsieur [J] [O] comme la personne ayant qualité pour décider du sort de l'urne funéraire contenant les cendres de Madame [I] [S],

*condamner Madame [E] [S] et Monsieur [T] [D] in solidum aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

*déclarer commune et opposable la décision à intervenir aux services funéraires de l'agglomération de [Localité 2],

*ordonner l'exécution provisoire de la décision.

Aux termes de ses dernières écritures soutenues à l'audience, auxquelles il est référé pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, Madame [E] [S] demande au premier président de :

*confirmer dans son intégralité le jugement du tribunal judiciaire de Montpellier,

*rejeter purement et simplement l'appel de Monsieur [J] [O],

*condamner Monsieur [J] [O] aux entiers frais et dépens de la procédure ainsi qu'au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures soutenues à l'audience, auxquelles il est référé pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, Monsieur [T] [D] demande au premier président de :

*débouter Monsieur [J] [O] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,

*très subsidiairement, donner acte de la remise des cendres à Monsieur [T] [D] en sa qualité de personne habilitée à pourvoir aux obsèques de Madame [I] [S] dans l'attente de la décision à intervenir, lui donner acte de ce qu'il n'est pas opposé à la remise des cendres à Madame [E] [S], dire et juger que Madame [I] [S] a élu pour son lieu de sépulture la vallée du [Localité 13] en Inde,

*en tout état de cause, condamner Monsieur [J] [O] aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 7500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SA SERVICES FUNERAIRES DE [Localité 2] AGGLOMERATION n'a pas comparu ni personne pour elle.

MOTIFS

En application de l'article 1061-1 du Code de procédure civile, en matière de contestation sur les conditions des funérailles, le tribunal judiciaire est saisi à la requête de la partie la plus diligente selon un des modes prévus à l'article 750. Il statue dans les vingt-quatre heures. Appel peut être interjeté dans les vingt-quatre heures de la décision devant le premier président de la cour d'appel. Celui-ci ou son délégué est saisi sans forme et doit statuer immédiatement. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat. La décision exécutoire sur minute est notifiée au maire chargé de l'exécution.

En matière de funérailles, il y a lieu de rappeler qu'en l'absence de manifestation expresse de la volonté du défunt il convient de désigner, afin de pourvoir à l'organisation des funérailles, la personne la plus qualifiée pour interpréter la volonté du défunt et s'en faire le meilleur interprète.

Comme l'a parfaitement relevé le premier juge, le testament établi le 9 janvier 2023 par Madame [I] [S], alors qu'elle était hospitalisée à [Localité 12] ' et qui fait l'objet d'une procédure de contestation ' ne renseigne nullement sur la volonté de son auteur quant à l'organisation de ses funérailles et à la destination finale de l'urne funéraire.

De même, il ne saurait être inféré d'une éventuelle désignation en qualité de tiers de confiance, au sens de l'article 1111-6 du Code de la santé publique, contrairement à ce que prétend Monsieur [O], la qualité exclusive pour pourvoir aux funérailles, ce, d'autant qu'en l'espèce, cette qualité, partagée entre Monsieur [O] et Monsieur [D], le premier pour avoir été sans doute désigné comme tel pendant l'hospitalisation de Madame [I] [S] à [Localité 12] (quoique aucun formulaire de désignation n'est produit aux débats, Monsieur [O] se fondant à cet égard sur les seules mentions du dossier médical), les deux ayant été désignés en cette qualité lors du rapatriement de la défunte à l'ICM de [Localité 2] ainsi qu'en atteste le formulaire du 13 janvier 2023, qu'aucun élément de la cause ne permet d'écarter des débats ' et dont la production en justice ne saurait fonder une quelconque demande indemnitaire ' mais dont l'utilité est toute relative tenant les dissensions existantes entre les deux personnes désignées tiers de confiance.

Il convient dès lors de se référer aux autres pièces versées aux débats pour déterminer qui est la personne la plus proche de Madame [I] [S] et la plus susceptible d'avoir recueilli sa volonté quant à l'organisation de ses funérailles et au devenir de ses cendres.

Il ne saurait être contesté, au vu des attestations produites par Monsieur [O], que ce dernier entretenait des relations avec Madame [I] [S] et avait des intérêts communs, notamment autour de leur passion pour le Tibet, à telle enseigne que la défunte sera son témoin de mariage lors de son dernier séjour dans les Vosges à la fin de l'année 2022, juste avant son décès. Toutefois, si les attestations versées par Monsieur [O], qui émanent de sa famille ou de ses proches, permettent de documenter la bonne entente ayant existé entre l'appelant et la défunte, elles ne renseignent en revanche aucunement sur la volonté qu'aurait manifesté Madame [I] [S] quant à l'organisation de ses funérailles.

Si l'attestation de Monsieur [X] [B]-[Y], qui s'est rendu au chevet de Madame [I] [S] à l'hôpital de [Localité 12] est un peu plus explicite quant à la volonté de l'intéressée relativement au sort de ses cendres, dès lors qu'il indique que le v'u le plus cher de Madame [I] [S] était qu'il emporte ses cendres au [U] et les disperse au tour de la nonnerie de [Localité 11], il reste que les circonstances dans lesquelles l'attestant aurait recueilli les confidences de la défunte conduisent à la plus grande prudence quant à la portée de ce témoignage, Monsieur [B]-[Y], qui avait fait un trekking au Tibet avec la défunte vingt auparavant et ne l'avait jamais revu depuis, ayant été mandaté par Monsieur [O] lui-même, Madame [I] [S] se trouvant dans un état de santé ne lui permettant manifestement pas de disposer de l'ensemble de ses capacités et de sa lucidité ' nul besoin d'être spécialiste pour s'en convaincre, et ayant reçu au même moment la visite de Monsieur [C] [P], moine bouddhiste, qu'elle désignera, à l'instar de Monsieur [B] [Y], légataire universel de ses biens par testament.

Monsieur [O] affirme qu'il était le « plus fidèle ami » de Madame [I] [S] depuis « de nombreuses années ». Toutefois, les pièces qu'il produit aux débats (attestations, échanges de SMS, etc'), parcellaires, ne documentant que certains évènements bien particuliers, comme le mariage de l'appelant, ou certaines fêtes de fin d'année, sont insuffisantes pour affirmer qu'il était le plus proche confident de la défunte. Le fait qu'il ait écrit le 5 septembre 2016 à Madame [E] [S] pour l'informer de la maladie de sa s'ur ne démontre nullement qu'il en était le premier confident, pas plus qu'il ait signé un bon de commande le 18 janvier 2023 pour les obsèques de la défunte ou qu'il ait diffusé l'annonce de son décès dans les journaux, dès lors que ces actes traduisent davantage des interventions ponctuelles de l'intéressé, notamment et surtout alors que Madame [I] [S] était sur sa fin de vie.

En revanche, ainsi que l'a relevé le premier juge, il n'est contesté par aucune des parties, ni par Madame [E] [S], s'ur jumelle de la défunte, ni par Monsieur [O] lui-même, qui se borne à reprocher à Monsieur [D] de ne fournir aucune attestation, que Monsieur [T] [D] était un ami de longue date de Madame [I] [S], qui se connaissaient depuis plus de 20 ans, qui résidaient dans la même région, qui étaient animés de la même passion pour l'Inde au point d'avoir créé tous les deux l'association « Témoins du Monde » à travers laquelle ils avaient organisé divers évènements de type expositions ou conférences, qui avaient fait ensemble de nombreux voyages à travers le monde, Monsieur [T] [D] ayant accompagné Madame [I] [D] quotidiennement dans la maladie contre laquelle elle luttait depuis 2016 et ayant été, aux côtés de Madame [E] [S], d'un grand soutien jusqu'à la fin.

Contrairement à Monsieur [O] qui n'a jamais réellement indiqué ce qu'il entendait faire des cendres de la défunte, si ce n'est à l'audience, sur question du président, indiquant qu'elles seraient déposées dans l'Himalaya, Monsieur [D], qui au demeurant avait pris le soin d'organiser les funérailles et avait même sollicité une demande de transport des cendres à l'étranger, a indiqué avec constance qu'à l'occasion d'un voyage qu'ils effectuaient tous les deux Madame [I] [S] lui avait fait promettre, s'il lui survivait malgré leur différence d'âge, de déposer ses cendres en Inde dans la haute vallée du [Localité 13], lieu qu'elle chérissait tout particulièrement, volonté exprimée manifestement avec toute sa lucidité et sa pleine capacité, ce qui était connue de la s'ur jumelle de Madame [E] [S] avec laquelle, au moins sur les dernières années lorsque les s'urs s'étaient retrouvées et alors que Madame [E] [S] s'occupait quotidiennement de la maladie de sa s'ur, Madame [I] [S] entretenait de très bonne relations. 

Il résulte de l'ensemble des motifs ci-dessus développés que seul Monsieur [T] [D] peut être considéré comme la personne ayant reçu les confidences de Madame [I] [S] quant au devenir de ses cendres. Doit donc être confirmée purement et simplement la décision du tribunal judiciaire de Montpellier ayant ordonné que l'urne contenant les cendres de Madame [I] [S] soit remise à Monsieur [T] [D], en sa qualité d'ami proche et de personne habilitée à pourvoir aux obsèques de Madame [I] [S] et dit que cette dernière a élu pour lieu de sépulture la vallée du [Localité 13] en Inde.

Monsieur [O] sera condamné aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 2000 euros au bénéfice de Madame [E] [S] et de 3000 euros au bénéfice de Monsieur [T] [D] au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Nous, magistrat délégué par le premier président, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRMONS la décision du tribunal judiciaire de Montpellier en date du 12 juin 2024 ;

Y ajoutant,

CONDAMNONS Monsieur [J] [O] à payer à Madame [E] [S] la somme de 2000 euros et à Monsieur [T] [D] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNONS Monsieur [J] [O] aux dépens d'appel.

DISONS que la présente décision sera notifiée au Maire de la commune de [Localité 2] en application des dispositions de l'article 1061-1 du code de procédure civile.

Le greffier Le conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 24/03079
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;24.03079 ?
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