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20/06/2024 | FRANCE | N°19/03569

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 20 juin 2024, 19/03569


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 20 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/03569 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OFKT





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 11 AVRIL 2019

TRIBUNAL DE GRANDE I

NSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/02897





APPELANT :



Monsieur [Z] [O]

né le 20 Juin 1943 à [Localité 14] (PAYS-BAS)

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 13]

Représenté par Me Petra CRAMER de la SELARL CBH AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant non plaidant




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ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 20 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/03569 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OFKT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 11 AVRIL 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/02897

APPELANT :

Monsieur [Z] [O]

né le 20 Juin 1943 à [Localité 14] (PAYS-BAS)

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 13]

Représenté par Me Petra CRAMER de la SELARL CBH AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant non plaidant

INTIMES :

Monsieur [E] [V]

[Adresse 12]

[Localité 8]

et

Monsieur [M] [V]

[Adresse 10]

[Localité 11]

et

Monsieur [N] [V]

[Adresse 15]

[Localité 11]

Représentés par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Estelle MERCIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTERVENANTE :

Madame [K] [Y] [V] épouse [P]

[Adresse 22]

[Localité 2]

Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Estelle MERCIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 13 Septembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Brigitte DEVILLE, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme Brigitte DEVILLE, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, fixé au 6 juin 2024 et prorogé au 20 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.

* * * *

FAITS ET PROCEDURE

[Z] [O] est propriétaire de deux parcelles situées à [Localité 13] (34), cadastrées [Cadastre 17] et [Cadastre 16]. Un passage à gué permet de relier ces parcelles à la voie publique.

Les consorts [V] sont propriétaires des fonds voisins :

' [M] [V] possède les parcelles [Cadastre 18] et [Cadastre 3]

' [N] [V] possède les parcelles [Cadastre 19] et [Cadastre 4]

' [E] [V] possède les parcelles [Cadastre 20],[Cadastre 5],[Cadastre 21],[Cadastre 6] et [Cadastre 7].

Ces parcelles donnent accès à la voie publique par un pont communal.

[Z] [O] soutient que le passage à gué est régulièrement inondé et qu'il doit ainsi emprunter les parcelles appartenant aux consorts [V] pour rejoindre la voie publique. Or [E] [V] a clôturé ses parcelles par l'implantation d'un portail.

Par exploit du 22 mai 2017, [Z] [O] a assigné [E] [V] devant le tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de le voir condamner à respecter le droit de passage légal établi.

Par exploits du 7 septembre 2017, [Z] [O] a assigné [N] et [M] [V] aux mêmes fins.

Par jugement du 11 avril 2019, ce tribunal a :

' constaté l'absence d'enclave des fonds de [Z] [O] ;

' débouté [Z] [O] de l'ensemble de ses demandes ;

' rejeté la demande de dommages-intérêts des consorts [V] ;

' rejeté toute autre demande ;

' condamné [Z] [O] à payer à [E] [V], [N] [V] et [M] [V] la somme globale de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné [Z] [O] aux dépens ;

' dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire.

[Z] [O] a relevé appel de cette décision le 23 mai 2019.

Vu les conclusions de l'appelant remises au greffe le 17 janvier 2023

Vu les conclusions de [E], [M], [N] [V] ainsi que de [K] [V] épouse [P], intervenante forcée, remises au greffe le 6 janvier 2020,

MOTIFS

Sur la recevabilité de la mise en cause de [K] [V] épouse [P]:

Les intimés soutiennent que cette mise en cause est irrecevable en l'absence d'évolution du litige et de circonstances nouvelles intervenues depuis le prononcé du jugement.

Par acte du 5 novembre 2019, [Z] [O] a appelé en intervention forcée devant la cour [K] [V] épouse [P] , autre propriétaire des fonds contigus.

En application de l'article 555 du code de procédure civile, un tiers peut être appelé devant la cour lorsque l'évolution du litige implique sa mise en cause.

Il ne peut être prétendu à une évolution du litige lorsque les éléments dont se prévaut l'appelant étaient déjà connus dès la première instance.

Or, dans leurs conclusions déposées devant le tribunal de grande instance, les consorts [V] relevaient déjà l'absence de mise en cause de tous les propriétaires des fonds jouxtant les parcelles [O] et, ainsi, la difficulté de déterminer, en cas d'enclave, le chemin le plus court et le moins dommageable jusqu'à la voie publique.

Cet élément était donc connu de [Z] [O] dès la première instance et il lui appartenait d'assigner [K] [V] épouse [P].

La mise en cause de cette dernière devant la cour, en l'absence d'évolution du litige et de survenue de circonstances nouvelles, est irrecevable.

Sur l'état d'enclave des parcelles appartenant à [Z] [O] :

[Z] [O] fonde sa demande sur les articles 682 et 683 du code civil, soit sur la servitude légale de passage.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur l'éventuelle existence d'une servitude conventionnelle de passage qui résulterait d'un acte notarié de 1901 qui n'est pas produit aux débats et dont les recherches se sont avérées vaines ainsi que l'indique l'appelant.

L'acte notarié du 9 avril 2001 par lequel [Z] [O] a fait l'acquisition des parcelles [Cadastre 17] et [Cadastre 1] précise que l'acquéreur fera son affaire personnelle de l'accès à la maison sachant que celui-ci se fait actuellement par un petit pont submersible édifié avec l'accord de l'administration compétente jusqu'à la voie publique, au-dessus d'une rivière, et qu'il pourra éventuellement se prévaloir des articles 682 et 683 du code civil si cet accès se révèle insuffisant.

Le petit pont dont l'acte notarié fait état a une largeur de 3 m et est construit en béton armé sur des buses.

Le maire de la commune indiquait, au mois d'octobre 1996, que le lit de la rivière enjambée par ce pont est souvent encombré et nécessite un nettoyage des buses après chaque crue.

Un huissier de justice, le 12 mai 2017, a constaté l'impossibilité d'accéder à la propriété [O] en voiture, le pont busé n'étant accessible qu'à pied et par beau temps.

Les photos produites aux débats par l'appelant démontrent le caractère submersible du pont en cas de crue ainsi que le caractère précaire de la dalle en béton, des gravats et des pierres qui le constituent.

Un huissier de justice, en 2019, a relevé un passage irrégulier, non stabilisé avec ornières, impraticable en voiture et situé à une faible hauteur au-dessus du lit du ruisseau.

Le plan de prévention des risques d'inondation de la haute vallée de l'Orb a établi, en 2003, que la commune d'[Localité 13] présentait des risques naturels et technologiques, soit des inondations, des mouvements de terrain et des coulées de boue.

Or, [Z] [O] qui dispose d'une maison d'habitation sur ses parcelles doit pouvoir y accéder ainsi que les services d'incendie et de secours et tous les éléments ci-dessus apportent la preuve de l'insuffisance d'issue à la voie publique telle que visée par l'article 682 du code civil.

Enfin, l'appelant verse aux débats un devis estimatif de travaux pour la reprise du passage à gué s'élevant à la somme TTC de 9 846 euros au mois d'octobre 2015. Les risques fréquents d'inondations et de coulées de boue qui ont justifié le classement de la commune d'[Localité 13] en zone rouge de risques technologiques et d'inondations, entraînent des travaux de remise en état du passage d'un coût excessif.

En conséquence, les parcelles cadastrées [Cadastre 17] et [Cadastre 1], appartenant à [Z] [O] n'ont pas d'issue suffisante à la voie publique et sont donc enclavées autorisant leur propriétaire à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour en assurer la desserte complète.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a constaté l'absence d'enclave desdits fonds et en ce qu'il a débouté [Z] [O] de ses demandes.

Sur le désenclavement des parcelles appartenant à [Z] [O] :

L'action de désenclavement n'est recevable que si l'ensemble des propriétaires des fonds voisins susceptibles d'être concernés par un droit de passage est attrait à la cause.

En effet, aux termes de l'article 683 du code civil, le passage doit être régulièrement pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique et fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé. Dès lors toutes les solutions possibles, outre celle choisie par le demandeur, doivent être soumises au juge afin que soit déterminée la solution la moins préjudiciable aux propriétaires des fonds voisins.

L'extrait du plan cadastral versé aux débats par l'appelant montre que ses deux parcelles jouxtent non seulement les fonds appartenant aux consorts [V] mais également de nombreux autres fonds dont on ignore les possibilités d'accès à la voie publique.

En outre, les parcelles [Cadastre 21] et [Cadastre 6] appartiennent à [N] [V] mais également, indivisément, à [K] [V] dont la mise en cause en appel est irrecevable.

En conséquence, à défaut d'avoir appelé à l'instance l'ensemble des propriétaires des fonds voisins, l'action en désenclavement de Monsieur [O] doit être déclarée irrecevable.

Sur la demande de dommages et intérêts de [E] [V] :

[E] [V] réclame l'allocation de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice subi du fait de l'agression physique dont il a été victime de la part de [Z] [O] mais également au titre de la violation de sa propriété et du préjudice moral résultant du harcèlement par l'appelant.

[E] [V] verse aux débats le procès-verbal de son audition par les militaires de la gendarmerie au cours de laquelle il indique avoir été physiquement agressé par [Z] [O] qui désirait, le 8 août 2016, passer de force sur sa propriété et qui est devenu violent l'attrapant par les épaules et le poussant au sol.

Un examen de son rachis lombaire, le 30 août 2016, a révélé une fracture-tassement du plateau supérieur de T12 ainsi qu'une discarthrose L4-L5 et L5-S1.

Un médecin généraliste a établi un certificat le 7 juin 2017 rappelant qu'un certificat initial avait constaté une contusion de l'avant-bras droit, du coude gauche ainsi qu'un choc émotionnel post-traumatique et qu'un examen avait été réalisé le 30 août 2016 après signalement de douleurs rachidiennes lombaires.

Cependant [E] [V] ne verse pas l'intégralité de l'enquête de gendarmerie qui aurait pu révéler la réalité de l'agression dont il aurait été victime de la part de l'appelant. Ainsi il ne rapporte aucune preuve concrète et objective de l'auteur des blessures constatées médicalement ni d'ailleurs du harcèlement dont aurait fait preuve [Z] [O].

Cependant, ainsi qu'il admet lui-même, l'appelant a emprunté un chemin à travers les parcelles de [E] [V] obligeant ce dernier à installer un portail fermé à clé. Il a donc porté une atteinte manifeste au droit de propriété de ce dernier. Pour ce seul motif il y a lieu d'allouer à [E] [V] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Déclare irrecevable l'appel en intervention forcée, en cause d'appel, de [K] [V] épouse [P] ;

Dit et juge que les parcelles cadastrées [Cadastre 17] et [Cadastre 1], commune d'[Localité 13] (34), appartenant à [Z] [O] sont enclavées ;

Déclare irrecevable l'action en désenclavement de [Z] [O] ;

Condamne [Z] [O] à payer à [E] [V] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à sa propriété privée ;

Condamne [Z] [O] à payer à [E], [M], [N] et [K] [V], ensemble, la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Condamne [Z] [O] aux dépens de première instance et d'appel.

le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/03569
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;19.03569 ?
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