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19/06/2024 | FRANCE | N°22/01623

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 19 juin 2024, 22/01623


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 19 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01623 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLO7





Décision déférée à la Cour :

Juge

ment du 08 MARS 2022

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER - N° RG F 17/01179





APPELANTE :



S.A.S. MAT POWER

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me David VAYSSIE de la SCP DAVID VAYSSIE, avocat au barreau de NARBONNE





INTIME :



Monsieur [Y] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté p...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 19 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01623 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLO7

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 08 MARS 2022

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER - N° RG F 17/01179

APPELANTE :

S.A.S. MAT POWER

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me David VAYSSIE de la SCP DAVID VAYSSIE, avocat au barreau de NARBONNE

INTIME :

Monsieur [Y] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 02 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

M. Jean-Jacques FRION, Conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Véronique ATTA-BIANCHIN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Véronique ATTA-BIANCHIN, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

[Y] [L] a été engagé par la société Mat Power à compter du 22 décembre 2014 selon contrat de travail initialement saisonnier. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de chauffeur super poids lourd avec un salaire mensuel brut de base de 1 547,03€, pour 151,67 heures de travail, augmenté d'heures supplémentaires et de majorations d'heures de nuit.

Le 6 avril 2017, il était convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé au 18 avril, et mis à pied simultanément à titre conservatoire.

Il a été licencié par lettre du 21 avril 2017 pour les motifs suivants, qualifiés de faute grave : 'Le mercredi 5 avril 2017, ... vous avez refusé catégoriquement de quitter la plate-forme. Vous avez contesté les directives du responsable-exploitation lui tenant tête sous prétexte que la marchandise du fond était mal chargée. Votre attitude a perduré pendant une bonne heure...

Il était de votre devoir de signaler toute anomalie au chargement sur la lettre de voiture de ce transport s'il y avait eu un réel problème.

Votre entêtement et votre agressivité envers le responsable-exploitation ont occasionné 1h30 de retard sur votre tournée prévue initialement, provoquant ainsi une désorganisation totale à l'arrivée à l'agence de [Localité 1]. Ceci a eu de très graves conséquences organisationnelles, commerciales et financières...

De plus, le 3 avril 2017, nous avons appris par notre fournisseur Sodime que vous avez pris dans leur magasin un blouson d'une valeur de 66€, sans aucun accord préalable ni bon de commande signé par notre direction. Vous avez affirmé à Mme [K], responsable de la Sodime, que notre responsable administrative vous avait donné son autorisation. Ces propos sont totalement mensongers...

Nous avons eu à dénombrer une fois de plus des débordements et dérapages verbaux à l'encontre de notre responsable administrative et ce, malgré nos remontrances précédentes. Vous envoyez des messages insultants et des appels téléphoniques incessants à son égard.'

Le 25 octobre 2017, estimant notamment que son licenciement était injustifié, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier qui, par jugement de départage en date du 8 mars 2022, a condamné la SAS Mat Power à lui payer :

- la somme de 805,87€ à titre de contrepartie conventionnelle obligatoire en repos liée aux heures supplémentaires accomplies tous les trimestres ;

- la somme de 80,58€ à titre de congés payés sur la contrepartie conventionnelle obligatoire en repos liée aux heures supplémentaires accomplies tous les trimestres ;

- la somme de 6 587,27€ à titre de contrepartie obligatoire en repos liée aux heures supplémentaires ;

- la somme de 658,73€ à titre de congés payés sur la contrepartie obligatoire en repos ;

- la somme de 856,80€ à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire ;

- la somme de 85,68€ à titre de congés payés sur rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire ;

- la somme de 4 044,54€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- la somme de 404,45€ à titre de congés payés sur préavis ;

- la somme de 910,02€ à titre d'indemnité de licenciement ;

- la somme de 12 133,64€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- la somme de 1 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Mat Power a également été condamnée sous astreinte à la remise de documents de fin de contrat conformes, à la régularisation de la situation du salarié ainsi qu'au remboursement des indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de six mois.

Le 23 mars 2022, la SAS Mat Power a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions notifiées et enregistrées au greffe le 20 juin 2022, elle conclut à l'infirmation, au rejet des prétentions adverses et à l'octroi de la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées et enregistrées au greffe le 19 septembre 2022, relevant appel incident, [Y] [L] demande d'infirmer partiellement le jugement et de lui allouer :

- la somme de 805,87€ à titre de contrepartie conventionnelle obligatoire en repos liée aux heures supplémentaires accomplies tous les trimestres ;

- la somme de 80,58€ à titre de congés payés sur la contrepartie conventionnelle obligatoire en repos liée aux heures supplémentaires accomplies tous les trimestres ;

- la somme de 6 587,27€ à titre de contrepartie obligatoire en repos liée aux heures supplémentaires ;

- la somme de 658,73€ à titre de congés payés sur la contrepartie obligatoire en repos ;

- la somme de 856,80€ à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire ;

- la somme de 85,68€ à titre de congés payés sur rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire ;

- la somme de 4 044,54€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- la somme de 404,45€ à titre de congés payés sur préavis ;

- la somme de 910,02€ à titre d'indemnité de licenciement ;

- la somme de 18 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- la somme totale de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande de confirmer le jugement pour le surplus.

Par message sur le réseau privé virtuel des avocats du 24 avril 2024, il a été demandé aux parties de s'expliquer sur la possibilité de cumul de la contrepartie obligatoire en repos de droit commun et du repos compensateur trimestriel obligatoire bénéficiant au personnel roulant des entreprises de transport.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - SUR L'EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL:

1- Sur le repos compensateur trimestriel obligatoire :

Attendu que la cour n'examine les moyens au soutien des prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ;

Que tout en concluant dans le dispositif de ses conclusions à l'infirmation du jugement en 'tous ces éléments', la SAS Mat Power ne fait valoir aucun moyen propre à remettre en cause la condamnation prononcée à son encontre au paiement de la somme de 805,87€ à titre de contrepartie conventionnelle obligatoire en repos trimestriel, augmentée des congés payés afférents ;

Attendu que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;

2- Sur la contrepartie obligatoire en repos de droit commun :

Attendu que les repos compensateurs trimestriels obligatoires applicables aux personnels roulants du transport routier ont seuls vocation à s'appliquer, sans possibilité de cumul avec la contrepartie obligatoire en repos prévue par les dispositions du code du travail ;

Attendu que la demande à ce titre sera donc rejetée ;

II - SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL:

Attendu que la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

Que c'est à l'employeur et à lui seul d'apporter la preuve de la faute grave invoquée par lui pour justifier le licenciement ;

Attendu qu'en l'espèce, trois griefs sont invoqués :

1- Sur le refus de quitter la plate-forme :

Attendu que, selon l'article R. 312-19 du code de la route, toutes précautions utiles doivent être prises pour que le chargement d'un véhicule ne puisse être une cause de dommage ou de danger ;

Que le rangement des colis de marchandises conditionne l'équilibre de la charge et la stabilité du porteur ;

Que c'est donc à juste titre, au vu des photographies produites et du danger manifeste que représentait un tel chargement de son camion, sans calage ni arrimage, qu'[Y] [L], tenu à une obligation de sécurité en matière de transport, a refusé de quitter la plate-forme et pris du retard dans ses livraisons ;

Attendu que ce premier grief n'est pas constitué ;

2- Sur les débordements verbaux :

Attendu qu'à elle seule, l'attestation de la responsable administrative selon laquelle en 2016 et 2017, elle a fait l'objet 'de dérapages verbaux et de messages injurieux', sans autre précision de date et de teneur, est insuffisante à établir le degré de gravité des débordements et dérapages verbaux reprochés à [Y] [L] ;

Que les messages téléphoniques fournis, s'ils témoignent de la mauvaise humeur d'[Y] [L], ne sont ni insultants ni menaçants ;

Que l'agression dont la responsable administrative a été victime, sanctionnée pénalement, est également postérieure au licenciement ;

Attendu que ce grief n'est donc pas établi ;

3- Sur le blouson :

Attendu qu'il est démontré par les messages électroniques échangés entre la responsable comptable de la société Mat Power et la responsable commerciale de la société Sodime que, le 9 mars 2017, [Y] [L] a pris l'initiative d'emporter avec lui un blouson d'une valeur de 55€ hors taxe ;

Qu'il ne justifie ni d'une autorisation préalable, comme il le prétend, ni même d'une pratique courante autorisant les salariés de la société Mat Power à se servir en matériel auprès de la société Sodime, sans accord préalable de la direction ;

Que pour autant, il s'agissait d'un blouson jaune destiné au travail et qu'il est manifeste que le salarié n'a pas eu l'intention de commettre un vol ;

Attendu que la procédure ayant été engagée le 6 avril 2017, la prescription soulevée de deux mois n'est pas encourue ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que, sans que la faute grave soit caractérisée, le licenciement revêt une cause réelle et sérieuse ;

* * *

Attendu qu'enfin, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirmant le jugement et statuant à nouveau,

Rejette les demandes à titre de contrepartie obligatoire en repos prévue par les dispositions du code du travail, de congés payés afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Dit n'y avoir lieu au remboursement par l'employeur des indemnités de chômage payées au salarié licencié ;

Condamne la SAS Mat Power aux dépens.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01623
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;22.01623 ?
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