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19/06/2024 | FRANCE | N°22/01047

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 19 juin 2024, 22/01047


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 19 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01047 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKMG





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 31 JANVIER 2022 du CONSEIL DE PRUD'HOMME

S - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE

N° RG F 20/00125





APPELANTE :



Madame [V] [H]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Virginie GARCIA BARQUEROS de la SCP NOVAE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me TAMANI, avocat au barreau de Montpellier







INTIMEE :
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ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 19 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01047 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKMG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 31 JANVIER 2022 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE

N° RG F 20/00125

APPELANTE :

Madame [V] [H]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Virginie GARCIA BARQUEROS de la SCP NOVAE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me TAMANI, avocat au barreau de Montpellier

INTIMEE :

S.A.S. ALLINE

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Cyril CAMBON, avocat au barreau de NARBONNE

Ordonnance de clôture du 01 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre chargé du rapport. et Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 24 avril 2024 à celle du 19 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Véronique ATTA-BIANCHIN, Greffière.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 4 juillet 2016, Mme [V] [H] a été engagée à temps complet (169 heures) en qualité de première vendeuse avant d'être promue au poste de chef de magasin par avenant du 20 novembre 2017 moyennant une rémunération mensuelle brut de 2 325,38 euros, étant précisé qu'il était convenu qu'elle pourrait exercer au sein des trois établissements de la société, situés à [Localité 5].

Elle exerçait dans la boutique « Suite 341 ».

Par avenant du 1er mars 2018, une prime trimestrielle a été prévue.

La salariée a été placée en arrêt de travail du fait de sa grossesse puis en congé de maternité jusqu'au 3 mai 2020, avant d'être en chômage partiel.

Par lettre du 1er juillet 2020, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par requête enregistrée le16 juillet 2020, considérant que les manquements de l'employeur justifiaient la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Narbonne.

Par lettre du 21 juillet 2020, l'employeur a notifié à cette dernière son licenciement pour faute grave.

Par jugement du 31 janvier 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement pour faute grave de Mme [V] [H] était justifié,

- rejeté les demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité de licenciement et de préavis, outre les congés payés y afférents,

- condamné la SAS Alline à payer à Mme [V] [H] les sommes de :

* 197,54 euros brut au titre du rappel de salaire pour la « prise d'ancienneté »,

* 19,75 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- dit que les demandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé sont infondées,

- condamné Mme [V] [H] à payer à la SAS Alline les sommes de :

* 100 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- renvoyé la SAS Alline à mieux se pourvoir pour obtenir le remboursement de la somme de 83 990 euros,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné à Mme [V] [H] aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 23 février 2022, la salariée a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 28 juillet 2023, à Mme [V] [H] demande à la Cour de :

- réformer le jugement grave en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, considéré le licenciement pour faute grave fondé, rejeté la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et la demande au titre du travail dissimulé et en ce qu'il l'a condamnée au titre de la concurrence déloyale et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le confirmer pour le surplus ;

- se déclarer incompétente pour connaitre des demandes relatives à la concurrence déloyale post-contractuelle et ainsi renvoyer la société à mieux se pourvoir devant le Tribunal de commerce de Narbonne ;

- juger, à titre subsidiaire, qu'elle n'a pas commis d'actes constitutifs de concurrence déloyale durant l'exécution et/ou postérieurement à la rupture du contrat de travail ;

- juger qu'elle avait droit à une prime d'ancienneté au titre de l'année 2020 ;

- juger qu'elle a effectué des heures supplémentaires non payées et que la SAS Alline s'est rendue coupable de travail dissimulé ;

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l'employeur,

- subsidiairement, juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et débouter la société de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner cette dernière à lui verser les sommes suivantes :

* 197,54 euros brut à titre de rappel de prime d'ancienneté,

* 19,75 euros au titre des congés payés y afférents,

* 7 093.71 euros brut au titre des heures supplémentaires,

* 709,37 euros brut au titre des congés payés y afférents,

* 13 864,08 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 6 932,04 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 693,20 euros au titre des congés payés y afférents,

* 2 310,68 euros net à titre d'indemnité de licenciement,

* 1 1.553,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

- condamner la SAS Alline aux intérêts au taux légal et à la remise des documents sociaux rectifiés conformément à la décision sous astreinte de 100 euros par jour à compter du prononcé de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 23 janvier 2024, la SAS Alline demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a renvoyée à mieux se pourvoir pour obtenir le remboursement de la somme de 83 990 euros et en ce qu'il l'a condamnée à payer des sommes au titre du rappel de prime d'ancienneté et des congés payés afférents ;

- en toutes hypothèses :

- condamner Mme [V] [H] :

* au remboursement de la somme de 83 990 euros net au titre des marchandises détournées,

* à la somme de de 300 000 euros net à titre de dommages et intérêts relatifs à la concurrence déloyale ;

- rejeter l'ensemble des demandes de cette dernière ;

- la condamner à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens y compris ceux de l'exécution forcée de la décision à intervenir, et lui imputer l'honoraire de recouvrement de l'huissier de justice.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er février 2024.

MOTIFS

Sur le rappel de prime d'ancienneté.

L'article 32 de la convention nationale collective applicable prévoit une prime d'ancienneté dont le calcul est fonction des heures travaillées, les heures non travaillées en cas d'absence étant déduites.

L'alinéa 2 de l'article L.1225-24 du code du travail édicte toutefois le principe selon lequel la durée du congé de maternité est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que la salariée tient de son ancienneté.

En l'espèce, en application de ce texte légal, la salariée devait percevoir la prime d'ancienneté dans sa totalité, sans que la durée de son congé de maternité puisse être prise en compte dans le cadre du calcul de ladite prime.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 197,54 euros brut à titre de rappel d'indemnité d'ancienneté, outre l'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

Sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du Code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, la salariée fait valoir qu'elle accomplissait 3 heures supplémentaires par semaine car elle devait, en dehors des horaires de travail à la boutique, d'une part, faire régulièrement un point sur l'organisation ou se rendre au magasin avant sa prise de poste et d'autre part, s'occuper des réseaux sociaux et présenter son "look" quotidien sur son Instagram afin de développer la clientèle. Elle ajoute avoir également travailler pendant son congé de maternité pour organiser son absence et accompagner l'équipe.

L'analyse des SMS échangés entre la gérante et la salariée durant le congé de maternité de cette dernière montre que la salariée a continué à travailler depuis son domicile en donnant son avis sur les mesures à prendre pour améliorer le chiffre d'affaires, qu'elle s'est même déplacée à la boutique après en avoir informé l'employeur, pour faire un point avec les employées sur des recommandations non suivies d'effets.

Toutefois, dans la mesure où le contrat de travail était suspendu, cette situation n'a pas pu créer juridiquement des heures supplémentaires et ne pourrait être réparée que par des dommages et intérêts, non sollicités par la salariée.

De même, les publications sur ses propres comptes Facebook et Instagram ne sauraient constituer des heures supplémentaires dans la mesure où elle a refusé, par la voie de son conseil, de communiquer à l'employeur les codes d'accès à ces comptes du fait de leur caractère personnel (n°11).

En revanche, l'analyse des SMS échangés avant la suspension du contrat de travail établit que la salariée a effectivement envoyé des messages avant même sa prise de poste à la boutique pour tenir la gérante informée de certaines difficultés.

Ces derniers éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.

Alors qu'il lui incombe de suivre la charge de travail de ses employés, celui-ci ne produit aucun élément de décompte du temps de travail de la salariée, de sorte qu'il doit être fait droit, sur le principe, à la demande présentée.

L'employeur verse aux débats la preuve de ce que la salariée a établi un devis pour le compte de son compagnon, sur le lieu de travail et pendant les heures de travail (n°42) ainsi qu'un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 23 février 2021 dont il résulte qu'après visionnage de vidéos issues des caméras de surveillance du magasin ' dont la salariée connaissait l'existence au vu du contrat de travail ' elle n'était présente à la boutique, notamment, le 31 décembre 2019 que 24 minutes, le 2 janvier 2020 que durant 1h15, le 6 janvier 2020 que durant 2h13 et le 11 janvier que durant 25 minutes. Aucune pièce du dossier ne prouve que la salariée aurait été, le reste du temps, occupée à une activité professionnelle dans un autre magasin de l'employeur.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et du fait que le contrat de travail prévoyait une durée de travail de 169 heures, il y a lieu de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme de 1 578 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre la somme de 157,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé.

La dissimulation d'emploi salarié prévue à l'article L 8221-5 du Code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, omis d'accomplir la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche ou de déclarer l'intégralité des heures travaillées.

L'article L 8223-1 du même Code, dans sa version applicable, prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié concerné par le travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, au regard du volume peu important d'heures supplémentaires accomplies, l'intention frauduleuse de l'employeur n'est pas démontrée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de cette demande.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par des manquements de l'employeur d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et, dans le cas contraire, doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

En l'espèce, la salariée a introduit l'instance prud'homale le 16 juillet 2020 et son licenciement est intervenu le 21 juillet 2020. Il y a lieu en conséquence d'analyser en premier lieu la demande au titre de la résiliation judiciaire.

Conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le salarié peut demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles. Il lui appartient alors de rapporter la preuve des faits qu'il allègue.

Si les manquements invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sont établis et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de ce contrat, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date.

En l'espèce, la salariée fait valoir qu'à l'issue de son congé de maternité le 3 mai 2020, elle n'a pas été mise en mesure par l'employeur de reprendre son poste de travail alors que le confinement dû à l'épidémie de Covid-19 avait pris fin, que toutes les boutiques Suite 341 avait rouvert, qu'elle l'avait interrogée sur cette situation et qu'elle avait été immédiatement placée en chômage partiel sans justification.

Il est constant que dans le cadre de la pandémie de Covid-19 survenue en 2020, un premier confinement a eu lieu entre le 17 mars et le 11 mai 2020 inclus, date de réouverture des magasins de vêtements.

L'employeur ne conteste pas que la salariée n'a pas été en mesure de reprendre son poste à cette date.

Certes, il a eu des doutes sur la bonne gestion du commerce confié à la salariée mais ceux-ci auraient dû se traduire par une mise à pied à titre conservatoire le temps de ses vérifications. Faute de toute mesure conservatoire, il appartenait à l'employeur de fournir du travail à la salariée ; ce qu'il n'a pas fait.

Ce seul motif, suffisamment grave pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, justifie qu'il soit fait droit à la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

L'article L 1235-3 du code du travail prévoit que l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un salarié totalisant 4 années complètes d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, doit être comprise entre 1 et 5 mois de salaire brut.

Compte tenu de l'âge de la salariée (née le 14/11/1985), de son ancienneté à la date du licenciement (4 années complètes), du nombre de salariés habituellement employés (moins de 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut (2 310, 68 euros) et de l'absence de justificatifs chiffrés relatifs à sa situation actuelle depuis l'ouverture de sa propre boutique, il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :

- 2 311 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 621,36 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois selon l'article 15 de la convention collective pour un salarié ayant au moins 2 ans d'ancienneté et non 3 mois sollicités),

- 462,13 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 2 310,68 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Sur la demande reconventionnelle au titre de la concurrence déloyale.

Le contrat de travail impose aux parties de respecter l'obligation de loyauté laquelle interdit au salarié d'exercer une activité concurrente à celle de son employeur pendant la durée de la relation contractuelle.

En l'espèce, la salariée soulève l'incompétence du conseil de prud'hommes pour connaître des faits de concurrence déloyale reprochés par l'employeur et expose qu'en l'absence de toute clause de non-concurrence contractuelle et de toute action concurrentielle pendant la durée de la relation de travail, cette juridiction n'était pas compétente pour statuer sur la demande de dommages et intérêts de l'employeur à son encontre.

Il est constant que le contrat de travail ne contient aucune clause de non-concurrence, de sorte que seule peut être reprochée à la salariée une éventuelle violation de son obligation de loyauté au cours de la relation contractuelle, consistant en l'exercice d'une activité concurrente, laquelle ressort de la compétence du conseil de prud'hommes.

L'exception d'incompétence doit par conséquent être rejetée.

L'employeur reproche à la salariée d'avoir détourné les comptes Facebook et Instagram de la boutique à son profit, d'avoir ouvert un magasin de vêtements à quelques mètres de la boutique, d'avoir publié des photographies de vêtements de la boutique pour lancer son propre magasin "Mademoiselle Inédite" et d'avoir de ce fait violé son obligation de loyauté.

Il résulte de la pièce numéro 25 produite par la salariée et de l'extrait du site societe.com versé aux débats par l'employeur, que la boutique « Suite 341 » a fermé le 28 décembre 2021 alors que la salariée avait déjà créé le 11 septembre 2020 son propre magasin de prêt-à-porter femme à [Localité 5], à quelques mètres ainsi que le prouve le constat d'huissier de justice du 27 octobre 2020 versé aux débats par l'employeur, et que cette nouvelle boutique avait ouvert avant la fermeture de « Suite 341 ».

Il se déduit de cette seule chronologie que la salariée a manqué à son obligation de loyauté à l'égard de l'employeur en ouvrant un commerce concurrent de la boutique dans laquelle elle travaillait.

Par ailleurs, la salariée, qui gérait seule les comptes Facebook et Instagram pour le compte de l'employeur en utilisant notamment son propre compte Instagram pour les publications profitant à l'employeur, avait de ce fait un accès direct à la clientèle de « Suite 341 » pour promouvoir son propre commerce.

Toutefois, la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde. Or, il est constant que celui-ci a qualifié les faits reprochés à la salariée de faute grave dans le cadre de la lettre de licenciement et que l'intention de nuire de la salariée n'est pas démontrée.

Dès lors, la demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

Sur la demande au titre des détournements.

L'employeur sollicite « en toutes hypothèses » la condamnation de l'appelante au « remboursement » de la somme de 83 990,02 euros au titre de détournements de marchandises qui lui étaient reprochés dans le cadre du licenciement pour faute grave.

Il est constant que pendant l'absence de la salariée en congé de maternité, la gérante de la boutique a dû faire elle-même les opérations de rapprochement comptable ; ce qui lui a permis de constater des dysfonctionnements sur le plan de la gestion dont elle a fait part à la salariée.

Il résulte du SMS envoyé à l'employeur le 10 mai 2020 par la salariée, reproduit dans le cadre du constat d'huissier du 27 octobre 2020, que cette dernière a reconnu devoir, après avoir additionné tous les tickets de caisse conservés à son domicile et correspondant à ses achats de vêtements non payés au détriment de la boutique qui l'employait, la somme totale de 33 339 euros. Il est également prouvé que la salariée passait des pièces sur le compte client de tierces personnes alors qu'il s'agissait de ses propres « achats ».

Toutefois, en vertu du principe rappelé ci-dessus selon lequel la responsabilité du salarié ne peut être engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde et compte tenu de ce que la faute lourde n'est pas constituée en l'absence de toute démonstration d'une intention de nuire de la salariée, la demande doit être rejetée.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent et en ce qu'il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Sur les demandes accessoires.

L'employeur sera tenu aux dépens de première instance et d'appel.

En revanche, il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement du 31 janvier 2022 du conseil de prud'hommes de Narbonne en ce qu'il a condamné la SAS Alline à payer à Mme [V] [H] les sommes de 197,54 euros brut au titre du rappel de prime d'ancienneté et de 19,75 euros brut au titre des congés payés y afférents et en ce qu'il a débouté Mme [V] [H] de sa demande au titre du travail dissimulé ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

CONDAMNE la SAS Alline à payer à Mme [V] [H] les sommes suivantes :

- 1 578 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- 157,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [V] [H] à effet au 21 juillet 2020 et DIT qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Alline à payer à Mme [V] [H] les sommes suivantes :

- 2 311 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 621,36 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 462,13 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 2 310,68 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

REJETTE la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour concurrence déloyale ainsi que la demande en remboursement de la somme de 83990 euros ;

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Alline aux entiers dépens de l'instance ;

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01047
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;22.01047 ?
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