La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2024 | FRANCE | N°21/06612

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 19 juin 2024, 21/06612


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 19 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06612 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PGTH





Décision déférée à la Cour :

Juge

ment du 27 OCTOBRE 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER -N° RG F19/01290





APPELANTE :



Société SEP [T] [B] [CM] ' LA MEDICALE'

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Karine GARDIER de la SCP TRIAS, VERINE, VIDAL, GARDIER LEONIL, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEE :



Madame [P...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 19 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06612 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PGTH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 27 OCTOBRE 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER -N° RG F19/01290

APPELANTE :

Société SEP [T] [B] [CM] ' LA MEDICALE'

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Karine GARDIER de la SCP TRIAS, VERINE, VIDAL, GARDIER LEONIL, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [P] [U]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Céline ROUSSEAU de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 02 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

M. Jean-Jacques FRION, Conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Véronique ATTA-BIANCHIN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Véronique ATTA-BIANCHIN, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [P] [U] a été engagée à compter du 3 septembre 2012 par la société [T] [B] [CM] selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de collaborateur d'agence, le contrat de travail étend régi par les dispositions de la convention collective nationale du personnel des agences générales d'assurance du 2 juin 2003 moyennant un salaire mensuel brut de base de 1500 euros, outre une rémunération variable correspondant initialement à 8 % des cotisations annuelles brutes à partir d'un seuil minimal de déclenchement de 7000 euros TTC mensuel.

Le 20 février 2017, l'employeur lui notifiait un avertissement en raison de problèmes d'organisation et de gestion du temps ainsi que de problèmes relationnels.

Le 12 mai 2017 l'employeur lui adressait un courrier demandant à être alerté de tout litige pouvant survenir au sein de l'agence en raison d'échanges verbaux dépassant les règles de courtoisie et audibles par les clients.

Le 10 janvier 2019 l'employeur lui notifiait un nouvel avertissement en raison d'un incident verbal avec une autre salariée de l'agence, madame [M].

Le 26 août 2019 la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 2 septembre 2019, et aux termes du même courrier l'employeur lui notifiait une mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 septembre 2019 l'employeur notifiait à la salariée son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier par requête du 19 novembre 2019 aux fins de condamnation l'employeur à lui payer un rappel sur commissions ainsi que différentes indemnités au titre d'une rupture abusive de la relation de travail.

Par jugement du 27 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de Montpellier a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [P] [U] par la société [T] [B] [CM] et il a condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :

'28 975,38 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'7587,86 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 758,78 euros au titre des congés payés afférents,

'6639,37 euros à titre d'indemnité de licenciement,

'1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [T] [B] [CM] a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 16 novembre 2021.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 26 mars 2024, la société [T] [B] [CM] conclut à l'infirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel d'un solde de commissions, à titre principal, au débouté de la salariée de l'intégralité de ses demandes et à sa condamnation à lui payer une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement à la limitation des indemnités éventuellement allouées à la salariée aux montants respectifs de 7587,86 euros au titre du préavis, de 6639,37 euros au titre de l'indemnité de licenciement, et à titre infiniment subsidiaire, à 11 381,79 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 25 avril 2022, Madame [P] [U] conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à titre de solde sur commissions pour un montant de 2348,74 euros et elle sollicite la condamnation l'employeur à lui payer cette somme, outre 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 avril 2024.

SUR QUOI

$gt;Sur la demande de rappel sur commissions

Les dispositions contractuelles prévoient la rémunération variable comme suit :

' 8 % des primes annuelles brutes, à partir d'un seuil minimal de déclenchement de 10 000 euros TTC par mois,

' 9 % des primes annuelles brutes, à partir d'une production mensuelle de 13 000 euros TTC. Une prime de 300 euros viendra compléter cette rémunération (prime trimestrielle versée en une seule fois),

' 10 % des primes annuelles brutes à partir d'une production mensuelle de 15 000 euros TTC. Une prime de 500 euros viendra compléter cette rémunération (prime trimestrielle versée en une seule fois),

' 11 % des primes annuelles brutes, à partir d'une production mensuelle de 20 000 euros TTC. Une prime de 750 euros viendra compléter cet rémunération (prime trimestrielle versée en une seule fois).

Une reprise de commissions est également prévue pour tous contrat initié par le salarié et résilié par le client dans les vingt-quatre mois qui suivent la souscription, et ce quelle qu'en soit la raison.

Madame [U] revendique un rappel sur commissions d'un montant de 2348,74 euros au motif que ses commissions ont été injustement retenues par l'employeur par reprise de commissions pour un montant de 21 352,27 euros.

Il ressort des pièces produites que Madame [U] avait en réalité réalisée un chiffre d'affaires de 30 110,50 euros ouvrant droit à commissions.

Or l'employeur justifie pour les différents contrats concernés de résiliations de seize clients dans des délais inférieurs à vingt-quatre mois pour un montant total de 18 971,22 euros justifiant la reprise de commissions opérées par l'employeur.

L'assiette ouvrant droit à commissions s'établit par conséquent à la somme de 11 139,28 euros.

Il ressort des pièces produites, qu'à l'occasion de la rupture du contrat de travail l'employeur qui devait en réalité à la salariée une somme de 1225,32 euros ne lui a versé une somme de

963,41 euros.

Il restait donc lui devoir une somme de 261,92 euros dont le paiement est intervenu par chèque du 13 avril 2021 dont l'encaissement n'est pas discuté.

Partant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [P] [U] de sa demande de rappel de commissions pour un montant de 2348,74 euros.

$gt;Sur le licenciement pour faute grave

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. 

Lorsque la faute grave est invoquée, la charge de la preuve incombe à celui qui l'invoque.

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

« Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave.

En effet, courant la semaine 31 (du 29 juillet 2019 au 2 août 2019), vous avez eu un comportement inacceptable, profitant de l'absence de vos agents généraux.

Vous avez fait des remarques désobligeantes, tenu des propos dévalorisants auprès de certains membres de l'équipe, vous avez été agressive, vous avez publiquement manqué de respect auprès de votre hiérarchie, vos agents généraux.

En effet, vous avez proféré des insultes, des injures, sur vos 3 employeurs mais également envers vos clients, et ce, devant témoins.

De plus, de nombreux clients se plaignent de votre comportement agressif et de votre accueil téléphonique. Les locaux dans lesquels nous exerçons sont partagés par d'autres salariés et nous y recevons du public, votre comportement agressif n'est plus tolérable et devient incompatible avec le nécessaire vivre ensemble de notre activité.

Votre comportement ne respecte plus les valeurs de notre entreprise.

Par le passé, nous avions déjà dû déplorer des faits similaires, mais vous n'avez pas tenu compte de nos observations verbales et écrites.

Vos faits perturbent le bon fonctionnement l'entreprise, nuisent à son image et créent un mal-être au sein de l'équipe.

Nous devons vous rappeler l'ensemble des actions que nous avons réalisées afin d'améliorer votre travail, votre relation avec vos clients, collègues et partenaires et ce, malgré les réprimandes de notre directeur général lors de votre altercation avec l'une de nos clientes, Madame [C], ou le litige qui nous a opposé à notre partenaire historique, Interfimo, après avoir tenu des propos injurieux envers l'un de leurs collaborateurs lors d'une réunion commerciale organisée au sein de l'agence.

Nous vous avions mis en garde sur votre comportement via un courrier en date du 12 mai 2017 et deux avertissements en date du 20 février 2017 et du 10 janvier 2019.

Votre conduite met en cause la bonne marche de notre agence d'assurance ' »

$gt;

Au soutien de sa prétention l'employeur justifie d'un courrier de signalement qui lui était adressé le 23 août 2019 par Madame [E] [L], salariée de l'entreprise, laquelle faisait état à l'employeur de remarques désobligeantes dont elle faisait quotidiennement l'objet ainsi que de propos dévalorisants et d'un manque de respect à son égard ainsi qu'à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques de la part de [P] [U].

Il justifie encore d'une attestation de Madame [V] [J], collaboratrice d'agence, laquelle faisait part d'une agressivité et de propos violents tenus par [P] [U] qui instaurait un climat de stress et d'insécurité, et avait tenu en l'absence des agents au cours de la semaine du 29 juillet 2019 au 2 août 2019 des propos très agressifs en déclarant notamment que [X] [CM] « ne sert à rien », « elle n'en branle pas une », et à propos de [N] [T] : « rien lui demandait, il sait rien, n'est bon qu'à prendre du fric », enfin au sujet de [W] [B] : « ce connard se la joue, il a une grosse tête, je n'ai qu'une envie, c'est de l'enculer avec un bâton épineux ».

Madame [Z] [F], collaboratrice d'agence, rapportait à son tour qu'au mois de juillet 2019, en l'absence des patrons, [P] [U] s'en était pris à [E] [L] qu'elle avait « engueulée » devant eux, essayant par ailleurs de les monter les uns contre les autres. Elle avait ainsi assisté à une dispute avec sa collègue [ES] [G] qu'elle avait insultée devant tout le monde en lui disant « pour qui elle se prend celle-là, cette grosse connasse » ou encore avec une à une dispute avec [K] [M] en janvier 2019. Elle faisait également état d'une altercation téléphonique avec une cliente de l'agence Madame [Y] début 2017. Elle avait alors entendu [P] [U] crier dans son bureau contre cette personne avant d'entrer en furie à l'accueil avant que les pompiers n'interviennent.

Monsieur [I] [O], salarié de l'entreprise rapportait encore qu'en juillet 2019, elle venait le voir afin de lui dire que les filles du back office le critiquaient méchamment ainsi que l'équipe commerciale et qu'il s'était aperçu que ce n'était pas vrai. Il rapporte également les critiques émises à l'égard des employeurs ainsi que les insultes proférées envers Monsieur [A] [R], employé d'Interfimo, partenaire important de l'agence, qu'elle avait traité de « connard ».

Par courriel du 5 septembre 2019, Monsieur [H] [OP], client de l'entreprise, rapportait que Madame [U] s'était permis de le prendre de haut en lui faisant comprendre que son dossier n'était pas prioritaire au sujet de deux contrats de prévoyance pour lesquels il versait malgré tout 3400 euros par an à la société.

$gt;

Madame [P] [U] qui conteste les griefs justifie d'une attestation de monsieur [D] [S], salarié de l'entreprise l'ayant assisté à l'occasion de l'entretien préalable, lequel indique à l'occasion de l'entretien préalable la salariée ne comprenait pas les griefs dont faisait état les employeurs et avait également nié avoir traité le représentant d'Interfimo de « connard ».

Elle verse également aux débats une lettre de remerciements pour sa gentillesse et son efficacité d'un client de l'agence en date du 21 novembre 2018. Elle produit encore un courriel d'un salarié du Crédit Lyonnais lui faisant part le 19 janvier 2019 des remontées positives de clients qu'ils avaient en commun et qui louaient son efficacité. Elle verse encore aux débats un courriel d'un client du 16 novembre 2018 louant la qualité des contacts qu'il avait entretenus avec elle. Elle produit par ailleurs un courrier de sa mère faisant état de sa souffrance à l'occasion de la rupture du contrat de travail ainsi qu'un certificat médical de son médecin traitant en date du 10 mars 2017 mentionnant qu'elle avait été arrêtée à la suite d'un burnout et du fait qu'elle avait à nouveau craqué alors qu'une cliente se comportait mal avec elle, ce qui avait donné lieu à un avertissement, qu'elle vivait comme une terrible injustice, se plaignant de pressions subies par sa hiérarchie. Elle verse encore aux débats un second certificat médical du même médecin indiquant qu'elle avait consulté en urgence au jour de sa mise à pied et qu'il avait alors dû majorer ses traitements alors qu'elle avait perdu confiance en elle.

$gt;

Si la salariée sans pour autant former de demande spécifique impute à l'employeur des manquements à ses obligations, elle ne justifie cependant d'aucun élément objectif susceptible d'accréditer la thèse selon laquelle il serait à l'origine des comportements dénoncés par les attestations concordantes de salariés de l'entreprise produites aux débats.

Or, la lettre de licenciement se réfère très précisément à des faits précis identifiables à l'origine de l'engagement de la procédure, commis au cours de la semaine du 29 juillet au 2 août 2019 et vérifiés par les attestations concordantes de madame [J] et de Monsieur [O].

Le dénigrement de l'employeur et les injures proférées à son égard devant d'autres salariés constituaient par eux-mêmes des éléments suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail alors que ces derniers faits intervenaient à la suite d'avertissements pour des difficultés relationnelles et des comportements injurieux envers des clients et salariés de l'entreprise notifiés en mai 2017 et janvier 2019.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes formées par la salariée pour licenciement abusif, et, compte tenu de ce qui précède, il convient de débouter Madame [P] [U] de l'ensemble de ses demandes pour rupture abusive de la relation travail.

$gt;Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution apportée au litige, Madame [P] [U] supportera la charge des dépens.

En considération de l'équité, il convient de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 27 octobre 2021, sauf en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel de commissions pour un montant de 2348,74 euros ;

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés ;

Déboute Madame [P] [U] de l'ensemble de ses demandes pour rupture abusive de la relation travail ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [P] [U] aux dépens ;

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/06612
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.06612 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award