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19/06/2024 | FRANCE | N°21/05928

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 19 juin 2024, 21/05928


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 19 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05928 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFJI





Décision déférée à la Cour :

Juge

ment du 07 SEPTEMBRE 2021 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE - N° RG 20/00095





APPELANT :



Monsieur [W] [B]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Gaëlle GUILLE-MEGHABBAR et Me Sylvain RECHE de la SCP RECHE-GUILLE MEGHABBAR, avocats au barreau de CARCASSONNE, substitués par Me GARRIGUE, avoc...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 19 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05928 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFJI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 SEPTEMBRE 2021 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE - N° RG 20/00095

APPELANT :

Monsieur [W] [B]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Gaëlle GUILLE-MEGHABBAR et Me Sylvain RECHE de la SCP RECHE-GUILLE MEGHABBAR, avocats au barreau de CARCASSONNE, substitués par Me GARRIGUE, avocat au barreau de Montpellier

INTIMEE :

S.C.O.P. S.A. LA FABRIQUE DU SUD

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Chloé DEMERET, avocat au barreau de CARCASSONNE

Ordonnance de clôture du 28 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Madame Florence FERRANET, Conseillère

M. Jean-Jacques FRION, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, la date du délibéré initialement fixée au 15 mai 2024, a été prorogée à celle du 05 juin 2024, puis à celle du 19 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

La société PILPA, spécialisée dans la fabrication et commercialisation de crèmes glacées, avait recruté [W] [B]. À la suite d'une procédure collective, [W] [B] a été licencié en 2013 pour motif économique comme l'ensemble des autres salariés.

[W] [B] s'est porté volontaire pour participer à la création de la SCOP LA FABRIQUE DU SUD et a bénéficié de l'aide aux repreneurs et créateurs d'entreprise (ARCE). La SCOP LA FABRIQUE DU SUD a été créée le 25 novembre 2013 et l'activité de production est née le 1er avril 2014.

Par contrat du 18 février 2014 à effet du 1er avril 2014, la SCOP LA FABRIQUE DU SUD a recruté [W] [B] en qualité d'opérateur de production pour une durée indéterminée, à temps complet et moyennant le salaire brut de 1563,71 euros.

[W] [B] a été en arrêt de travail à plusieurs reprises à compter de 2015.

Par décision du 27 octobre 2016, la MDPH a reconnu au salarié la qualité de travailleur handicapé avec un taux d'incapacité inférieur à 50 %.

[W] [B] était en arrêt de travail du 31 mai 2019 au 30 novembre 2019.

La CPAM informait [W] [B] le 8 novembre 2019 que son état de santé était stabilisé, que ses indemnités journalières prendraient fin le 1er décembre 2019 et qu'elle étudiait ses droits à une pension d'invalidité.

Par acte du 2 décembre 2019 dans le cadre de la visite de reprise, le médecin du travail a prononcé un avis d'aptitude avec reprise à temps réduit, le travail devant être organisé par demi-journée de quatre heures par jour, de préférence le matin. Il suggérait une prochaine visite intermédiaire avant le 31 décembre 2021.

Le 2 décembre 2019, la chaîne de production de l'entreprise était arrêtée comme chaque année jusqu'à la reprise courant janvier.

Par courrier du 3 décembre 2019, l'employeur écrivait au salarié qu'il l'avait reçu le 2 décembre à 9 heures, jour de sa reprise et qu'il lui avait signifié que ses horaires de travail étaient de 8h30 à 12h30 avec une présence dans l'entreprise à partir de 8 heures du matin alors qu'il a constaté que ce jour, il arrivait à 7h40 dans l'entreprise. L'employeur lui demandait de respecter les horaires qui lui avaient été donnés lors de leur entrevue.

Par acte du 3 décembre 2019, l'employeur et le salarié ont conclu un avenant au contrat de travail mentionnant que « la durée hebdomadaire de [W] [B] est de 20 heures par semaine réparties sur 5 jours, en raison de 4 heures par jour, du lundi au vendredi conformément au planning en annexe. [W] [B] devra en toutes circonstances se conformer aux instructions et à l'horaire qui lui seront notifiés ». L'accord prévoyait en outre une rémunération brute mensuelle de 1028,77 euros pour 86,67 heures de travail par mois. Le planning annexé à l'avenant prévoyait des horaires de 8h30 à 12h30 chaque matin du lundi au vendredi.

Par courrier du 13 décembre 2019, le salarié critiquait notamment la clause de l'avenant en vertu de laquelle il devait en toutes circonstances se conformer aux instructions et à l'horaire qui lui seraient notifiés par l'employeur et attirait l'attention de l'employeur sur les dispositions du code du travail relatives au harcèlement moral.

Par courrier du 13 décembre 2019, l'employeur écrivait au salarié qu'à la suite de son refus de participer à l'entretien professionnel le 12 décembre 2019, il lui proposait une nouvelle date, le mardi 17 décembre à 8h30. Par courrier du 16 décembre 2019, le salarié contestait le refus de participer à la première date de l'entretien individuel et souhaitait seulement être prévenu à l'avance, indiquait que depuis sa reprise du travail, la production étant arrêtée, personne ne lui donnait plus de travail à effectuer, faisant du nettoyage de sa propre initiative, étant isolé de ses collègues de travail et humilié lorsque l'employeur lui a dit « j'espère que tu ne vas pas faire un accident de travail avec la pelle et le balai » tout en rappelant les dispositions relatives au harcèlement moral. Au cours de cet entretien, l'employeur a proposé au salarié une rupture conventionnelle qui a été refusée.

Par courrier du 10 janvier 2020, l'employeur écrivait au salarié que l'avenant du 3 décembre 2019 qui contenait un planning indicatif, était respecté puisque le poste de travail avait été aménagé du fait de l'impossibilité du salarié de travailler sur la ligne de production où exercent les autres collègues de travail, que seuls les postes au conditionnement restent possibles compte tenu de la santé du salarié et lui indiquait en outre que l'activité de production de la société allait reprendre et qu'à partir du 20 janvier 2020, dans le respect du délai de sept jours de prévenance, ses horaires de travail seraient de 10h30 à 15h30 avec une pause déjeuner d'une heure. Par courrier du 13 janvier 2020, le salarié refusait ce changement d'horaire.

La production a recommencé le 14 janvier 2020.

Par courrier électronique du 17 janvier 2020, le médecin du travail indiquait à l'employeur que l'aménagement de poste de quatre heures par jour de 10h30 à 15h30 avec une heure de pause était compatible avec l'état de santé de [W] [B].

Par courrier du 20 janvier 2020, l'employeur écrivait au salarié pour lui demander de respecter le nouveau planning, d'arriver à 10h30 et non à 8h30 sur son poste de travail comme le jour même. À défaut, il serait dans l'obligation de prendre des sanctions à son encontre. Contestant une volonté délibérée et constante de lui nuire, le salarié répondait à l'employeur en lui demandant le retrait de des modifications d'horaires et de la clause litigieuse et sollicitait son inscription à la formation CACES.

Par acte du 28 janvier 2020, l'employeur convoquait le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement le 7 février 2020. Par courrier daté du 12 janvier 2020, l'employeur licenciait le salarié pour cause réelle et sérieuse compte tenu de son refus de prendre son poste à 10h30 au lieu de 8h30.

Par acte du 21 février 2020, le salarié a vainement contesté son licenciement.

Par acte du 28 août 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Carcassonne en contestation de la rupture.

Par jugement du 7 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Carcassonne a jugé que le licenciement n'est pas frappé de nullité sur son caractère discriminatoire, est pourvu d'une cause réelle et sérieuse sans discrimination liée à l'état de santé du salarié et a débouté le salarié de ses demandes.

Par acte du 7 octobre 2021, [W] [B] a interjeté appel des chefs du jugement.

Par conclusions du 5 janvier 2022, [W] [B] demande à la cour d'annuler et d'infirmer le jugement, débouter l'employeur de ses demandes, juger nulle la clause de l'avenant du 3 décembre 2019 relative à la durée du travail, prononcer la nullité du licenciement du fait de son caractère discriminatoire et condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 12 993,36 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère discriminatoire du licenciement,

- 16 241,70 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse équivalente à 15 mois de salaire brut pour une ancienneté cumulée de 19 années ; subsidiairement, la somme de 8662,24 euros à défaut d'ancienneté cumulée,

- Subsidiairement à défaut de reprise de l'ancienneté, la somme de 5955,29 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

- condamner l'employeur à délivrer les documents de rupture rectifiés sous astreinte journalière de cinq euros par jour de retard passé ce délai de 15 jours à compter de la signification du jugement.

[W] [B] fait essentiellement valoir qu'avant d'être discriminatoire et de révéler une intention de lui nuire et un harcèlement moral, le licenciement est en premier lieu dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'un avenant du 3 décembre 2019 a été conclu entre les parties fixant une nouvelle durée du travail ainsi que la répartition des horaires sur le temps de la semaine et qu'il était en droit de refuser la modification de ces horaires de travail imposée par l'employeur le 10 janvier 2020.

Par conclusions du 28 mars 2022, la SCOP LA FABRIQUE DU SUD demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner le salarié au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La SCOP LA FABRIQUE DU SUD objecte que le planning mentionné dans l'avenant du 3 décembre 2019 était indicatif et provisoire sans être contractualisé puisque la période correspondait à l'arrêt de la production en décembre 2019 avant la reprise en janvier 2020 et que son pouvoir de direction lui permettait de modifier les conditions non essentielles du contrat de travail sans l'accord du salarié. Il conteste toute intention de nuire, discrimination et harcèlement moral.

Il sera fait référence aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits et des moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2024.

LES MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la modification de l'avenant du 3 décembre 2019 :

L'article L.3123-6 du code du travail prévoit que le contrat de travail à temps partiel mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue (..), la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. En application de l'article L.3123-12, lorsque l'employeur demande au salarié de modifier la répartition de la durée du travail alors que le contrat de travail n'a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d'accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.

Il est admis que la mesure qui affecte un ou plusieurs éléments essentiels du contrat de travail constitue une modification du contrat nécessitant l'accord du salarié alors que la modification par l'employeur d'un élément non déterminant du contrat relève de son pouvoir de direction et ne constitue qu'un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat. De même, si l'employeur ne peut pas modifier sans l'accord du salarié la durée du travail, il peut imposer une nouvelle répartition des horaires de travail au sein de la journée sauf lorsque les horaires de travail ont été contractualisés ou ont été jugés déterminants lors de l'embauche.

En l'espèce, l'avenant au contrat de travail du 3 décembre 2019 a transformé le contrat en contrat à durée indéterminée et à temps partiel. Il mentionne que « la durée hebdomadaire de [W] [B] est de 20 heures par semaine réparties sur 5 jours, en raison de 4 heures par jour, du lundi au vendredi conformément au planning en annexe. [W] [B] devra en toutes circonstances se conformer aux instructions et à l'horaire qui lui seront notifiés ». Le planning annexé à l'avenant prévoyait des horaires de 8h30 à 12h30 chaque matin du lundi au vendredi.

S'agissant de la validité de la clause en vertu de laquelle « [W] [B] devra en toutes circonstances se conformer aux instructions et à l'horaire qui lui seront notifiés », il est admis que la clause contractuelle accordant à l'employeur le pouvoir de modifier les horaires en fonction des besoins de l'entreprise ou des nécessités du service et ne précisant pas la nature de cette modification ne correspond pas aux exigences légales. Par conséquent et du fait de sa généralité, cette clause sera annulée.

De plus, l'avenant a précisé les jours de travail ainsi que les horaires mentionnés dans un planning dont il est fait référence en annexe à savoir de 8h30 à 12h30 chaque matin de la semaine du lundi au vendredi. Les horaires de travail ont donc été contractualisés entre les parties.

Au jour de l'avenant, l'employeur fait valoir que la société était en arrêt de production comme chaque année au mois de décembre jusqu'en janvier et que la reprise de l'activité l'a obligé à aménager le cadre de travail du salarié compte tenu de l'avis du médecin du travail et du caractère provisoire de l'avenant du 3 décembre 2019. C'est ainsi que le salarié devait exercer son activité au stade du conditionnement une fois la production achevée ce qu'il obligeait à différer l'intervention à 10h30 et non à 8h30 comme pour les salariés du cycle de production.

Toutefois, la répartition des heures ayant été contractualisée et sans limitation de durée, la force obligatoire des conventions justifie que le salarié était en droit de refuser la modification de son contrat de travail concernant la nouvelle répartition de ses heures de travail sans que cela ne puisse constituer une faute justifiant une sanction.

La lettre de licenciement, datée par erreur du 12 janvier 2020 mais qu'il faut lire du 12 février 2020, mentionne que la production a recommencé le 14 janvier 2020, que la ligne de production des glaces débute à 8 heures, celle du conditionnement à 10h30, qu'il ne peut maintenir le salarié sur les horaires initiaux de l'avenant puisque pendant les deux premières heures, le salarié n'aurait aucun travail à effectuer et qu'il devrait embaucher une autre personne de 13h30 à 15h30 pour le remplacer. Prenant acte du refus du salarié de ce changement des horaires, il a procédé à son licenciement.

Ainsi, alors que l'avenant avait fixé contractuellement les horaires de travail sans limitation de durée, le salarié était en droit de s'opposer à une modification des horaires. Dès lors que le refus du salarié n'est pas fautif, la lettre de licenciement ne peut être justifiée par une telle faute.

Pour autant, si l'employeur entend maintenir cette modification, il est alors tenu de licencier le salarié et le licenciement qui est prononcé n'est pas, en soi, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il convient de rechercher si le motif de la modification constitue ou non, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l'espèce, compte tenu de l'état de santé du salarié qui ne peut plus être affecté dans le cycle de production démarrant à 8h30, il ne peut être affecté qu'au cycle de conditionnement qui démarre à 10h30. Cet horaire a été jugé compatible avec l'état de santé du salarié par le médecin du travail. Dès lors, le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Les demandes du salarié seront rejetées et ce chef de jugement sera confirmé.

Sur la nullité du licenciement en raison de la santé et du handicap du salarié :

L'article L.1152-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Enfin, l'article L.1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, un stage ou à une période de formation en entreprise, ou le salarié, présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, le salarié fait valoir avoir été victime de faits de harcèlement moral notamment à compter du jour même de la reprise de son activité professionnelle à la suite de l'avis du médecin du travail du 2 décembre 2019.

1- En premier lieu, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Pour cela, le salarié doit établir la matérialité de chacun des faits invoqués pour permettre de déterminer s'ils sont ou non établis.

[W] [B] expose les faits suivants :

- l'employeur a non seulement rechigné à toute forme d'aménagement, l'a isolé, l'a affecté à des tâches sans la moindre organisation, a multiplié les intimidations tendant à lui faire accepter une rupture conventionnelle sur menace de procédure de licenciement finalement mise en 'uvre. Il produit l'attestation de [G] [M] qui précise que « [W] [B] était la cible de la direction depuis que ces problèmes de santé s'étaient aggravés. Ne pouvant plus fournir les mêmes efforts, le directeur lui avait confié diverses tâches parfois inappropriés comme sécher du béton à l'aide d'un sèche-cheveux ou nettoyer les extérieurs avec une pelle et un balai ».

- [G] [M] ajoutait que « le problème majeur de l'entreprise, c'étaient le caractère psychorigide de son directeur. Il faisait régner une atmosphère oppressante, jamais satisfait malgré les très bons résultats de l'entreprise. Le défaut de [W] [B] était de ne pas le craindre. C'est la raison pour laquelle [E] [X] disait qu'il « montait le bourrichon » aux autres ».

- [G] [N] a aussi rencontré des problèmes avec la direction en lien avec sa demande d'aménagement de poste.

Ces faits sont établis.

Le salarié évoque des carences de l'employeur :

- son poste n'a finalement pas été aménagé.

- qu'il n'a bénéficié d'aucune formation pour lui permettre de poursuivre son activité en étant affecté à un autre service de transport.

- que l'employeur remet en cause le principe même des problèmes de santé rencontrés. le salarié considère que l'intention de nuire est incontestablement caractérisée notamment par la lettre de licenciement antidatée et ne vise qu'à le contraindre à accepter le principe d'une rupture conventionnelle alors qu'il se trouve en situation de faiblesse et de fragilité sur le plan de son état de santé. La multiplication des lettres d'observations et griefs de tous ordres sur une période aussi brève à l'issue d'un arrêt de travail révèle que l'employeur a pour objectif, non pas de favoriser l'insertion d'un salarié handicapé et partiellement inapte, mais bien de rompre son contrat de travail pour éviter d'avoir à supporter les conséquences de son handicap et de son invalidité. L'attestation SAMSO indique qu'à l'occasion de l'entretien préalable, l'employeur a demandé une rupture conventionnelle au salarié.

- Le non-paiement du préavis doublé en raison du handicap est une preuve complémentaire du caractère discriminatoire de la mesure de licenciement.

- La mise en 'uvre d'horaires de travail « découpés » sur le matin et l'après-midi avec une pause sur lors de midi.

- Sa prime de préavis n'a pas été payée conformément à son statut de travailleur handicapé. L'employeur n'a rectifié le paiement qu'après saisine du conseil de prud'hommes ce qui caractérise l'intention de lui nuire.

Ces faits sont établis.

Faute d'éléments produits, les faits suivants ne sont pas établis :

- L'employeur a tenté de jeter le discrédit en affirmant que la reprise du travail ne serait intervenue que du fait de la fin des indemnités journalières au 1er décembre 2019.

- L'employeur n'a pas communiqué l'information de la visite sur site de Madame [F] de CAP EMPLOI le 18 décembre 2019 ce qui démontre qu'il n'a pas été accompagné dans ses problèmes de santé.

- Le licenciement était décidé depuis plusieurs années.

- [U] [L], autre salarié a subi des faits de harcèlement avec une enquête à son sujet.

- aucune demande de la part du salarié pour exercer une activité de phoning n'est établie.

[W] [B] fait valoir une détérioration de son état psychologique et physique constatée par les certificats médicaux produits.

Ces faits, pris dans leur ensemble, sont de nature à faire présumer un harcèlement moral et une discrimination fondée sur son état de santé.

2 - Dès lors, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement ou d'une discrimination et que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et discrimination.

En l'espèce, l'employeur fait valoir que :

- chaque année, l'activité de production s'arrête en décembre et reprend à compter du mois de janvier pour tout le personnel de production, sans distinction ni discrimination, les horaires de travail étant adaptés afin de pouvoir reprendre la production courant janvier ce qui a permis de proposer au salarié des horaires uniquement le matin avec un démarrage de poste à 8h30 le 2 décembre ;

- les nouveaux horaires ont été validés par la médecine du travail avec le respect d'un délai de prévenance ;

- l'activité de l'entreprise se déroule en ateliers de production au sein d'une organisation composée d'opérateurs affectés sur des postes de fabrication, pasteurisation, conditionnement du produit et nettoyage de la chaîne de production, les huit postes de salariés dépendant les uns des autres ;

- plusieurs aménagements de postes ont été réalisés pour permettre au salarié d'être affecté au poste de conditionnement des pots de glace, remplaçant les collègues pendant leur pause, ne travaillant plus sur la ligne de production sauf exception pendant la fabrication des bûches, pouvait arriver cinq minutes après la prise de poste ; il pouvait partir cinq minutes avant la fin du poste en application de la convention collective ; les aménagements de poste convenaient à la médecine du travail notamment le 8 avril 2015 mentionnant un aménagement de poste adapté tel qu'il avait été défini par le courrier adressé par l'employeur le 7 avril 2015, le 10 juillet 2015 selon la proposition d'aménagement de poste du 7 juillet 2015 jusqu'au 18 janvier 2016 date à laquelle le salarié devait voir son médecin traitant pour la prise en charge de sa pathologie chronique ; lors de la visite de reprise du 16 janvier 2017, de nouvelles préconisations du médecin du travail ont été mises en place par l'employeur et validées par le médecin du travail le 10 mai 2017 notamment concernant le poids des cagettes ; qu'il a accompagné le salarié entre 2015 et 2019 dans ses problèmes de santé sans lien avec le travail ;

- qu'il a constamment sollicité l'avis du médecin du travail dont il a respecté les préconisations ;

- aucun des arrêts de travail n'est un accident de travail ou une maladie professionnelle ;

- qu'il a proposé deux offres d'emploi en interne en novembre 2015 pour un poste d'employé administratif et commercial même si une autre salariée a finalement été recrutée après consultation du délégué du personnel, et en février 2018 pour un poste de chef de ligne, refusé par le salarié lui-même considérant que la rémunération proposée n'était pas suffisante ;

- que le poste de nettoyage de la chaîne de production et en extérieur est précisément un aménagement de poste à une époque sans production ni conditionnement de produits pour cause d'arrêt de l'entreprise, en réponse à l'état de santé du salarié et non une volonté de l'isoler des autres salariés, de le dénigrer ou de l'humilier ;

l'attestation de [A] [Z], chef de ligne, rend compte de la pression psychologique qu'a a eu le salarié sur lui, critiquant toutes ses décisions mais ne proposant rien, refusant d'apporter des pots vides, restant volontairement à l'écart tout en refusant toute aide, se montrant agressif, constamment négatif, indiquant que ces années de travail avec lui ont été un véritable calvaire qui fait qu'aujourd'hui les salariés travaillent sereinement ;

L'attestation de [D] [Y], opératrice de production, mentionne que le salarié avait un poste adapté puisqu'il restait toujours au même poste et ne faisait pas les deux autres, qu'avec lui il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas, dès qu'une solution était trouvée, un autre problème surgissait,

L'attestation de [A] [P], son responsable, expose que le salarié était provocateur, impossible à gérer du fait qu'il refusait de modifier ses horaires, plus personne ne voulait travailler avec lui, que pour son entretien professionnel, il ne se sentait pas en capacité de le faire et un autre salarié a dû le remplacer ; le salarié refusait de signer les feuilles d'heures, de renseigner les données d'enregistrement de production, de signer son entretien professionnel,

L'ambiance que le salarié faisait régner l'entreprise explique la demande de rupture conventionnelle faite par l'employeur en raison de ambiance de travail devenue pénible et exécrable pour les salariés, de surcroît dans une petite équipe de huit personnes comprenant [W] [B],

- le changement des horaires de production a été rendu nécessaire pour les besoins de la production en janvier 2020,

- le salarié souhaitait simplement disposer de ses après-midi de libre,

- l'employeur conteste que le préjudice moral subi par le salarié ait eu pour origine son activité professionnelle.

Au vu des éléments produits par les parties, l'employeur justifie avoir réalisé des aménagements sur la durée en respectant les préconisations de l'inspecteur du travail. La décision de l'employeur de proposer une rupture conventionnelle est fondée sur des reproches professionnels à l'encontre du salarié notamment son comportement à l'égard des autres salariés et du climat ambiant qui en est résulté. La demande de changement d'horaire est liée au redémarrage de l'activité de production commune à tous les salariés de l'entreprise, se répétant d'année en année pour des raisons objectives et nécessaires.

Contrairement à ce qu'invoque le salarié, il n'apparaît pas établi la volonté de l'employeur d'isoler le salarié pour favoriser son départ mais plutôt uniquement pour lui proposer un des rares postes

adaptés dans l'entreprise hors le cycle de production et de conditionnement sans port de charges.

L'employeur a payer avec retard l'indemnité de préavis complète du fait de la majoration due au statut de travailleur handicapé du salarié qu'il indiquait ne pas connaître. Le solde du paiement de cette indemnité d'un montant de 832,88 euros a été payé dès le 1er septembre 2020. Aucune intention de nuire n'est caractérisée par ce paiement tardif contrairement à ce que prétend le salarié.

Seule l'absence de formation permettant au salarié d'envisager un autre emploi est établie mais insuffisante en elle seule à caractériser un fait de harcèlement moral.

Ce chef de jugement sera confirmé.

Sur l'absence de discrimination :

En application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison notamment de son état de santé. Les articles L.1132-4 et L.1134-1 prévoient respectivement que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul et que lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, [W] [B] expose les mêmes faits à l'appui de sa demande de discrimination liée à son état de santé. La SCOP LA FABRIQUE DU SUD expose les mêmes arguments qu'en matière de harcèlement moral.

Des éléments produits par les parties, il n'est établi aucune discrimination liée à la santé du salarié.

Dès lors, les demandes du salarié seront rejetées et ce chef de jugement confirmé.

Sur les autres demandes :

La partie appelante succombe à la procédure, elle sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'intimée, l'intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne [W] [B] à payer à la SCOP LA FABRIQUE DU SUD la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne [W] [B] aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/05928
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.05928 ?
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