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19/06/2024 | FRANCE | N°21/04660

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 19 juin 2024, 21/04660


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 19 JUIN 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04660 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PC3X



Décision déférée à la Cour : jugement du 21 JUIN 2

021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00609







APPELANTE :



Madame [H] [G]

née le 28 Novembre 1983 à [Localité 6] (72)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée sur l'audience par Me Natacha YEHEZKIELY, avocat au barreau de MONTPELLIER









IN...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 19 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04660 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PC3X

Décision déférée à la Cour : jugement du 21 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00609

APPELANTE :

Madame [H] [G]

née le 28 Novembre 1983 à [Localité 6] (72)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée sur l'audience par Me Natacha YEHEZKIELY, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S.U EUROFINS CONSULTING AGROALIMENTAIRE

Pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric DABIENS de l'AARPI DABIENS, KALCZYNSKI, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée sur l'audience par Me Valérie BETOLAUD DU COLOMBIER, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 25 Mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER, assistée de Madame Olivia COMARASSAMY, greffier stagiaire

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [H] [G] a été engagée à compter du 7 juillet 2008 par la société Eurofins Cervac Audit devenue la SAS Eurofins Consulting Agroalimentaire en qualité d'auditrice, statut cadre, position 1.1, coefficient 95 selon les dispositions de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil, moyennant un salaire mensuel brut de 1750 euros sur douze mois pour 218 jours de travail par an.

Par la suite elle exerçait la fonction de consultant confirmé, niveau 2, position 1-1, coefficient 115.

Consécutivement à un premier congé de maternité, la salariée reprenait son poste dans le cadre d'un congé parental à temps partiel, à 80 %.

À compter du 26 novembre 2015, la salariée était à nouveau placée en congé de maternité, lequel était suivi d'un congé parental d'une durée de deux ans.

Le 25 janvier 2018, Madame [G] reprenait son poste de travail.

À la suite d'un entretien du 30 mars 2018, le manager et le directeur général de la société indiquaient à la salariée qu'elle serait pendant un temps prioritairement affectée aux missions d'audit au motif qu'elle présentait une qualification insuffisante pour produire les missions d'étiquetage sans supervision alors que ces qualification lui permettaient de réaliser des audits.

La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 25 avril 2018.

À l'occasion d'une visite de reprise du 1er octobre 2018, le médecin du travail déclarait la salariée inapte à son poste en une seule visite en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 octobre 2018, l'employeur convoquait la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 12 octobre 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 octobre 2018 l'employeur notifiait à la salariée son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête du 22 mai 2019, la salariée, soutenant qu'elle avait tout à la fois été victime d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et fait l'objet d'un harcèlement moral et d'une discrimination, a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'un harcèlement moral et d'un manquement à l'obligation de sécurité,

'15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'actes de discrimination,

'40 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'un licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

'8137,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 813,73 euros au titre des congés payés afférents,

'2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 21 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Montpellier a débouté la salariée de ses demandes aux fins de nullité du licenciement sur le fondement d'un harcèlement moral ou d'une discrimination liée à ses maternités, et considérant que la société Eurofins avait manqué à son obligation de sécurité, il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [H] [G] et il condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :

'8137,35 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'8137,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 813,73 euros au titre des congés payés afférents,

'1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes du même jugement le conseil de prud'hommes a ordonné la remise par l'employeur à la salariée de ses documents sociaux de fin de contrat rectifiés et il a par ailleurs ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée à concurrence d'un mois d'indemnités de chômage.

Le 20 juillet 2021, la salariée a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 19 octobre 2021, Madame [H] [G] conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre d'un harcèlement moral, d'une discrimination, et en ce qu'il a rejeté la nullité du licenciement pour inaptitude subséquente. Considérant tout à la fois que son licenciement est nul et sans cause réelle et sérieuse, elle sollicite la condamnation de la SAS Eurofins Consulting Agroalimentaire à lui payer les sommes suivantes :

'15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'un harcèlement moral et d'un manquement à l'obligation de sécurité,

'15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'actes de discrimination,

'40 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'un licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

'8137,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 813,73 euros au titre des congés payés afférents,

'2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 19 janvier 2022, la SAS Eurofins Consulting Agroalimentaire conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit qu'elle avait manqué à son obligation de sécurité et que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse et quant aux condamnations prononcées à ces différents titres. Considérant qu'aucun des griefs qui lui sont reprochés par la salariée n'est fondé, elle sollicite le débouté de Madame [G] de l'ensemble de ses demandes ainsi que sa condamnation à lui payer une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 mars 2024.

SUR QUOI :

La salariée soutient qu'elle a été victime de discrimination en raison de l'état de grossesse et de la suspension du contrat de travail subséquent, qu'elle a également été victime d'un harcèlement moral et d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, qu'en effet à son retour dans l'entreprise le 25 janvier 2018 elle a seulement bénéficié de trois jours d'intégration avant de reprendre son poste le 29 janvier 2018, que par la suite, elle a été convoquée à un entretien professionnel le 30 mars 2018 selon un courriel du 16 mars 2018 aux termes duquel elle était invitée à « faire le point sur sa réintégration au sein de l'équipe », qu'inquiète de cette convocation elle avait sollicité par courriel du 19 mars 2016 d'en connaître les raisons en faisant part à sa manager de son état de stress face à cette convocation, sans pour autant obtenir de réponse, qu'au cours de cet entretien qui n'avait eu pour objet que de stigmatiser sa longue absence et de remettre en cause ses compétences sur l'activité d'étiquetage, l'employeur avait décidé de l'affecter exclusivement sur une fonction d'audit nécessitant des déplacements incessants alors que l'activité d'étiquetage qu'elle exerçait également avant son second congé de maternité lui permettait de travailler depuis son domicile pour l'essentiel de son temps. Elle ajoute qu'au cours de l'entretien du 30 mars 2018 le directeur général n'avait eu de cesse que de la soumettre à des injonctions contradictoires, à des interrogations déstabilisantes et à des propos stigmatisants, faisant peser une menace sur la pérennité de son emploi, portant atteinte à sa dignité, et de nature à altérer sa santé mentale. Elle indique qu'à la suite de cet entretien elle avait demandé à plusieurs reprises par courriel un compte rendu de l'entretien avant que le 11 avril 2018 un courrier ne lui soit adressé par sa manager dont l'objet était « votre réintégration au sein de notre société »  et qui contenait des reproches officiels faisant conclure à l'employeur à un retrait d'une partie de ses missions, conduisant à une détérioration de ses conditions de travail débouchant sur une dégradation de son état de santé suivi d'un arrêt de travail jusqu'à sa déclaration d'inaptitude.

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À l'appui de ses prétentions, elle verse notamment aux débats des procès-verbaux de réunion du CHSCT des 20 avril 2012, 17 juillet 2012 et 7 septembre 2012 faisant état de situations de harcèlement moral dénoncées par certains salariés ainsi que d'une attestation de Madame [P] faisant part d'attitudes verbales agressives du directeur général à l'occasion d'entretiens et de l'assignation d'objectifs financiers irréalisables, d'une attestation de Monsieur [F] [M] selon lequel lors d'une réunion de service il avait pu assister avec les autres salariés à une vive interpellation du directeur général envers Madame [G] à laquelle il reprochait sèchement de n'être pas présent au deuxième jour de cette réunion et d'une attestation de Monsieur [B] expliquant que le directeur général pratiquait un management toxique dont il avait souffert et qui avait conduit à son hospitalisation, que le 9 janvier 2014, il avait assisté à une situation très tendue durant laquelle le directeur général s'était violemment emporté envers Madame [G] lorsqu'elle avait expliqué qu'elle ne pourrait pas être présente au deuxième jour d'une réunion.

Elle produit encore un courriel du 16 février 2018 par lequel elle demande à sa manager si elle pourrait lui faire parvenir ses tickets restaurant par voie postale, laquelle lui répond « ils étaient à ta disposition hier. Tu pourras les récupérer à ton prochain passage» ainsi que des échanges de courriels de mars 2018 émanant de sa manager demandant aux consultants référents de lui attribuer tous ses étiquetages à compter du 15 mars 2018 car elle était actuellement en sous-production.

Elle verse ensuite aux débats le courriel du 16 mars 2018 par lequel sa manager lui indique que le directeur général souhaite la voir le 30 mars 2018 pour faire le point sur sa réintégration au sein de l'équipe, le courriel du 19 mars 2018 qu'elle adresse à sa manager ainsi libellé : « je tiens à t'informer de mon état de stress et que cela me perturbe vraiment, car nous faisons des points réguliers (hebdomadaires) au sujet de ma réintégration au sein de l'équipe. Serait-il possible STP d'avoir un complément d'information sur le motif de cet entretien. Je te remercie. Bonne journée », les courriels adressés à sa manager et au directeur général les 3 avril 2018, 9 avril 2018 et 11 avril 2018 aux termes desquels elle sollicite le compte rendu de l'entretien du 30 mars 2018. Elle produit en outre le courrier du 11 avril 2018 adressé par sa manager à la suite de cet entretien et ainsi libellé : « Madame, nous faisons suite à votre demande de compte-rendu de votre entretien du 30 mars 2018 avec [V] [C] et moi-même. Nous vous avons fait part des constats suivants : -vous avez repris le travail le 24 janvier 2018 après 29 mois d'absence-nous avons conçu et mis en 'uvre un processus de réintégration au sein de l'entreprise, adapté et personnalisé, comprenant les principales étapes suivantes : sensibilisation à notre système de management de la qualité, rappel des modalités d'audit et de trames utilisées, information des changements organisationnels au sein de notre entité (incluant les nouveaux interlocuteurs commerciaux et back office) et de clients le cas échéant-supervision de validation d'étiquetages-supervision de validation de cahiers des charges. Ces étapes se sont déroulées comme prévu, et ont impliqué les référents de chaque métier. Cependant nous constatons que vous n'arrivez pas encore à démontrer une qualification suffisante pour produire les missions d'étiquetage sans supervision. Nous devons par conséquent maintenir le processus de supervision pour certaines familles de produit. Nous sommes contraints de ne vous confier que très peu d'étiquetages le temps de finaliser votre qualification. En attendant et comme pour les audits génériques votre qualification semble être entérinée par la direction technique, vous serez susceptibles de réaliser majoritairement plus d'audits. Cette situation est susceptible de changer à tout moment en fonction de l'amplitude de vos qualifications, laquelle est déterminée et validée par les référents métiers ».

Elle produit également son propre compte-rendu de l'entretien du 30 mars 2018 et le courrier qu'elle adressait à l'employeur le 17 avril 2018 pour lui faire part de termes qu'elle lui reproche d'avoir utilisés à la fois pour stigmatiser ses absences en raison de congés parentaux, lui dire qu'elle était redevable à la société à ce titre, pour lui faire part de réserves sur ses capacités à traiter des cahiers des charges et des étiquetages avant de s'abstenir de répondre à la question qu'elle leur avait faite afin de savoir comment faire pour qu'ils soient satisfaits.

Elle verse aussi aux débats la réponse de contestation à ce courrier signée du directeur général et de sa manager pour lui indiquer que ce courrier établi à sa demande reprenait très clairement les éléments d'entretien et ajoutait « nous avons pris la peine de vous en faire part à l'occasion d'un entretien parfaitement informel, et ce, par courtoisie ».

Elle produit enfin le compte rendu de consultation établi le 2 mai 2018 par le médecin du centre de consultation des pathologies professionnelles de l'hôpital [5] reprenant ses dires sur le contexte professionnel évoqué et le constat qu'elle présente un syndrome anxieux avec des pleurs itératifs, des troubles du sommeil, une anxiété majorée en fin de week-end accompagné de l'invitation du médecin du travail à prononcer une inaptitude en raison de la crainte d'une aggravation de cet état, le certificat établi par le médecin traitant le 28 août 2018 faisant état des prescriptions d'antidépresseurs et d'anxiolytiques, un courrier du psychiatre traitant mentionnant le traitement préconisé, le certificat médical d'inaptitude du 1er octobre 2018 avec mention de l'obstacle à tout reclassement dans un emploi.

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Il sera relevé que les procès-verbaux de réunion du CHSCT en 2012 ne concernent pas directement la salariée, qu'ensuite l'attestation imprécise de Madame [P] n'apporte pas davantage d'élément sur la situation de la salariée, que Monsieur [M] n'apporte aucune précision permettant de dater et d'identifier la réunion de service à laquelle il se réfère, que l'employeur justifie de son absence pour la période du 21 janvier 2018 au 4 mai 2018, si bien qu'il ne pouvait être témoin des conditions de retour de la salariée dans l'entreprise après son congé parental entre le 25 janvier 2018 et le 25 avril 2018, date de son arrêt travail pour maladie. Si Monsieur [B] explique ensuite que le directeur général pratiquait un management toxique dont il avait souffert et qui avait conduit à son hospitalisation et que le 9 janvier 2014, il avait assisté à une situation très tendue durant laquelle le directeur général s'était violemment emporté envers Madame [G] lorsqu'elle avait expliqué qu'elle ne pourrait pas être présente au deuxième jour d'une réunion, l'employeur démontre que ce salarié était en litige avec lui par la production de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 23 mai 2019 dont il ressort que le litige qui avait pour objet les conditions salariales ne fait état d'aucune allégation de harcèlement moral. Cette attestation n'est donc pas davantage probante des faits dénoncés à cet égard par la salariée qui ne sont en définitive pas établis.

Ensuite, si la salariée se prévaut d'une absence de réponse à son courriel du 19 mars 2018 sollicitant les raisons de l'entretien prévu avec le directeur général le 30 mars 2018, l'employeur qui s'en défend, justifie d'une attestation de la manager de madame [G] expliquant qu'en raison de l'état de stress décrit par la salariée dans le courriel qu'elle lui avait adressé le 19 mars 2018, elle avait préféré l'appeler par téléphone et l'avait également prévenue au cours de cet entretien téléphonique qu'elle devait aussi s'attendre à ce qu'on lui demande d'accélérer sa remise à niveau afin de pouvoir assurer la production des audits et des étiquetages qui lui étaient demandés. Le grief d'absence de réponse à son questionnement sur les raisons de l'entretien du 30 mars 2018 n'est par conséquent pas établi.

Le compte rendu d'entretien du 30 mars 2018 que la salariée a elle-même établi et dont le contenu allégué est infirmé par le courrier officialisant la position de l'employeur le 11 avril 2018 ne permet pas davantage à lui seul d'établir le grief relatif aux propos prêtés au directeur général à cette occasion.

L'invitation à récupérer ses tickets restaurant au siège lors de son prochain passage en réponse à la demande d'envoi par voie postale formée par la salariée ne caractérise pas par lui-même un manquement de l'employeur à une obligation.

En revanche, alors que les dispositions combinées des articles L6315-1, L1225-25, L 1225-27 du code du travail (s'agissant du congé maternité) et L1225-57 (s'agissant du congé parental) prévoient systématiquement pour le salarié qui reprend son activité initiale à l'issue d'un congé de maternité ou d'un congé parental d'éducation, la tenue d'un entretien, pouvant le cas échéant être organisé avant le retour du salarié dans l'entreprise, destiné à organiser le retour à l'emploi, déterminant les besoins de formation du salarié et examinant les conséquences éventuelles du congé sur sa rémunération et l'évolution de sa carrière, donnant lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, l'analyse des documents produits aux débats par madame [G] démontre que l'entretien du 30 mars 2018 ne répond pas aux exigences de ces textes.

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Pour autant, alors que parmi les griefs allégués, tant en matière de harcèlement moral que de discrimination, seul le défaut de prévention consistant à esquiver la demande d'envoi de tickets restaurant par courrier et l'absence d'organisation de l'entretien prévu aux articles L1225-25, L 1225-27, L1225-57 et L6315-1, sont établis, ces éléments, pris dans leur ensemble ne laissent supposer ni l'existence d'un harcèlement moral, ni l'existence d'une discrimination.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes de dommages-intérêts fondées sur un harcèlement moral ou sur une discrimination.

Par ailleurs, l'article L 1225-71 du code du travail, dans sa rédaction issue de la l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, précise : L'inobservation par l'employeur des dispositions des articles L. 1225-1 à L. 1225-28 et L. 1225-35 à L. 1225-69 peut donner lieu, au profit du salarié, à l'attribution d'une indemnité déterminée conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1. Or, ce texte est relatif aux sanctions en cas d'inobservation par l'employeur, notamment, des dispositions protectrices de la grossesse et de la maternité énoncées aux articles L. 1225-1 à L. 1225-28 du code du travail et tire les conséquences de la modification de l'article L. 1235-3-1 du code du travail en harmonisant les dispositions du code du travail relatives à la sanction de certains licenciements nuls. L'article L.1235-3-1 établit ainsi une liste des cas de nullité de licenciement, notamment celui d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées à l'article L. 1225-71. L'article L.1225-71 prévoit l'indemnisation du salarié conformément à l'article L.1235-3-1 pour inobservation par l'employeur des dispositions des articles L.1225-1 à L.1225 28 et L1225-35 à L1225-69- L'article L.1225-27 et l'article L1225-57 prévoient que la salariée qui reprend son activité à l'issue d'un congé de maternité a droit à l'entretien professionnel mentionné au I de l'article L. 6315-1, qui se révèle être un entretien d'orientation ou d'évolution professionnelle, consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience.

Mais, il ne résulte d'aucun des textes invoqués par la salariée, ni de leur combinaison, que l'absence d'organisation de l'entretien prévu par l'article L.1225-27 (ou L 1225-57) du code du travail pourrait être, à elle seule, une cause de nullité d'un licenciement ultérieurement prononcé.

Aussi, le jugement sera-t-il confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes fondées sur une nullité du licenciement.

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L'employeur qui entend combattre le manquement à l'obligation de sécurité dont se prévaut la salariée justifie encore, outre du document unique d'évaluation des risques listant le travail à domicile comme facteur de risque psycho-social lié à un isolement, de la mise en place d'une formation de trois jours au retour de la salariée dans l'entreprise dont la réalité n'est pas discutée puis d'une supervision pendant deux mois de son activité par les consultants référents matérialisée par un tableau de suivi et par un compte-rendu de réunion étiquetage du 29 mars 2018.

Toutefois, tandis que l'entretien destiné à préparer le retour dans l'entreprise de la salariée après un congé de maternité ou un congé parental d'éducation s'inscrit dans le processus de responsabilisation des employeurs envers la formation de leurs salariés et dans le cadre de l'obligation qui est la leur de préserver leur employabilité, que cet entretien est également un moyen de faciliter le retour dans l'emploi des salariés de retour d'une longue absence, et que l'employeur qui s'est abstenu de l'organiser, s'est limité à mettre en place des mesures exclusivement destinées à évaluer le travail de la salariée, à mesurer et à accélérer sa performance, la plaçant ainsi en situation d'échec comme elle l'exprime dans son courriel du 19 mars 2018 à la suite des points hebdomadaires sur sa réintégration précédant la tenue de l'entretien informel du 30 mars 2018 aux termes duquel était acté son insuffisance en l'état à l'exercice d'une partie de ses fonctions, il ne rapporte pas la preuve d'avoir, en s'abstenant d'organiser l'entretien prévu, mis en place des moyens adaptés, suffisamment évalué les risques qui ne peuvent être évités, et les avoir combattus à la source, alors que dans ce contexte l'état de santé de la salariée s'est dégradé, conduisant celle-ci à être placée en arrêt de travail ininterrompu jusqu'à la déclaration d'inaptitude au poste par le médecin du travail.

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Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a dit que le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur était à l'origine de son inaptitude au poste, et que son licenciement du fait de l'employeur était sans cause réelle et sérieuse.

À la date de la rupture du contrat de travail, la salariée était âgée de 37 ans, elle bénéficiait d'un salaire mensuel brut de 2712,47 euros et elle avait une ancienneté de dix ans trois mois révolus dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés. Elle a retrouvé un emploi équivalent le 23 octobre 2019. Au vu de ce qui précède, la cour dispose par conséquent d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 16 274,82 euros le montant de l'indemnité réparant pour la salariée le préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi.

Dans ce contexte, le défaut d'organisation de l'entretien destiné à préparer le retour dans l'entreprise de la salariée après un congé de maternité ou un congé parental d'éducation, allié à la nécessité pour madame [G] de solliciter à trois reprises un compte rendu d'entretien susceptible de remettre en cause la pérennité de son emploi, caractérisent l'existence d'un préjudice distinct de la seule perte injustifiée de l'emploi, découlant du manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur et justifiant qu'il soit fait droit à la demande de dommages-intérêts formée par madame [G] à ce titre à concurrence d'un montant de 1000 euros.

La perte injustifiée de l'emploi du fait de l'employeur ouvre également droit pour la salariée au bénéfice d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire pour un montant non utilement discuté de 8137,41 euros, outre 813,73 euros au titre des congés payés afférents.

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Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail en ordonnant le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage.

Compte tenu de la solution apportée au litige, la SAS Eurofins Consulting Agroalimentaire supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer à la salariée qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 21 juin 2021 sauf quant au montant alloué à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et statuant à nouveau du seul chef infirmé,

Condamne la SAS Eurofins Consulting Agroalimentaire à payer à Madame [H] [G] une somme de 16 274,82 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Eurofins Consulting Agroalimentaire à payer à Madame [H] [G] une somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Condamne la SAS Eurofins Consulting Agroalimentaire à payer à Madame [H] [G] une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Eurofins Consulting Agroalimentaire aux dépens ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04660
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.04660 ?
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