La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2024 | FRANCE | N°21/04656

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 19 juin 2024, 21/04656


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 19 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04656 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PC3O



dont n° RG 21/04676 joint par ordonnance du 19 décembre 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 20/01123







APPELANTE à titre principal, intimée à titre incident :



S.A.R.L. GET CARRIERES BTP

Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès-quali...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 19 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04656 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PC3O

dont n° RG 21/04676 joint par ordonnance du 19 décembre 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 20/01123

APPELANTE à titre principal, intimée à titre incident :

S.A.R.L. GET CARRIERES BTP

Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès-qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marc GENOYER de la SCP 91 DEGRES AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES à titre principal et appelants à titre incident :

Monsieur [Z] [F]

né le 29 Septembre 1994 à [Localité 7] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Guilhem DEPLAIX, substitué sur l'audience par Me Laurence GROS, avocats au barreau de MONTPELLIER

S.A.S.U. SAINT ROCH BTP

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Mélanie MARREC, de la SELARL LEXEM CONSEIL, substituée sur l'audience par Me Louis-Marie TROCHERIS, avocats au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 25 Mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER, assistée de Madame Olivia COMARASSAMY, greffier stagiaire

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

M. [F] a été mis à disposition de la Société Saint Roch BTP par la société Get Carrières BTP aux termes de différents contrats de mission entre le 28 juin 2018 et le 30 avril 2019.

Le 10 novembre 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée, de rappel d'heures supplémentaires et de paiement de l'indemnité légale pour travail dissimulé.

Par jugement du 22 juin 2021, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

Dit et juge que l'action de M. [F] n'est pas prescrite,

Condamne in solidum la société Saint Roch BTP et la société Get Carrières BTP à payer à M. [F] les sommes suivantes :

- 691,60 euros à titre de rappel de salaire, à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 69,16 euros à titre de congés payés,

- 9 673,50 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

Juge que la rupture du contrat de travail ne s'analyse pas en une licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne à la société Get Carrières BTP de remettre à M. [F] des bulletins de paye rectifié, une attestation pôle emploi un certificat de travail conformes sous astreinte et de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux également sous astreinte,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne in solidum la société Get Carrières BTP et la société Saint Roch BTP à payer à M. [F] la somme de 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

La société Get Carrières BTP a interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes le 20 juillet 2021, appel enregistré sous le n° RG 21/4656.

Le même jour, la société Saint Roch BTP a interjeté appel de cette décision, appel enregistré sous le numéro de RG 21/4676.

Les instances ont été jointes par décision du conseiller de la mise en état en date du 19 décembre 2023.

' Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 14 mars 2022, la société Saint Roch BTP demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de requalification de ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée et de l'ensemble de ses demandes indemnitaires à ce titre,

A titre subsidiaire, juger que la demande de requalification de ses contrats de missions en CDI par M. [F] et les demandes indemnitaires y afférentes ne sauraient être exercées à son encontre et doivent être dirigées contre la seule société Get Carrières BTP,

Juger que le salarié ne s'est pas tenu à sa disposition pendant les périodes interstitielles entre ses contrats de mission,

L'infirmer en ce qu'il a condamné in solidum la société Saint Roch BTP et la société Get Carrières BTP au titre du rappel d'heures supplémentaires et de l'indemnité de travail dissimulé, ainsi qu'au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles,

Juger que l'employeur de M. [F] est la Société Get Carrières BTP et que les demandes du salarié concernant les heures supplémentaires et le travail dissimulé doivent être dirigées contre la seule société Get Carrières BTP,

Débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 11 janvier 2022, la société Get Carrières BTP demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée in solidum à verser à M. [F] les sommes suivantes : 691,60 euros bruts à titre de rappel de salaire et les congés payés afférents, 9 673,50 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à une astreinte et aux entiers dépens, de le confirmer pour le surplus et statuant à nouveau, de débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes et de condamner à lui verser 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.

' Par ses dernières conclusions, en date du 28 janvier 2022, M. [F] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents ainsi que l'indemnité légale de travail dissimulé, mais de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de :

Requalifier l'ensemble des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée,

Juger que la rupture du contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dire que l'ordonnance Macron s'avère contraire aux normes conventionnelles,

Condamner in solidum la société Get Carrières BTP et de la société Saint Roch BTP à lui payer les sommes suivantes :

- 8 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 000 euros nets à titre d'indemnité de requalification,

- 335,88 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 1 612,25 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 161,22 euros bruts à titre de congés payés,

- 3 662,78 euros à titre de rappel de salaire pour les périodes interstitielles outre 366,28 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, outre 1 500 euros au titre des frais de procédure d'appel.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 18 décembre 2023.

MOTIVATION :

Sur l'étendue de la saisine de la cour :

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes ou fins de non recevoir formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n'est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et pas de celles qui n'auraient pas été reprises dans ce dispositif. En application de ce principe, il ne sera pas statué sur l'irrecevabilité de l'action en requalification soulevée par la société Get Carrières BTP dans le corps de ses écritures, mais non reprise au dispositif de ses dernières conclusions.

Sur les heures supplémentaires et l'indemnité légale pour travail dissimulé :

Au soutien de sa demande d'heures supplémentaires, M. [F] expose que, alors qu'il a accompli 147 heures supplémentaires ainsi qu'il ressort des feuilles de travail hebdomadaires renseignées par la société utilisatrice, son employeur qui ne lui en a payé que 101 heures, reste lui devoir la somme de 691,60 euros et n'est pas fondé à lui opposer l'indemnisation des 'jours de RTT' figurant sur ses bulletins de salaire.

La société Saint Roch BTP expose que la société de travail temporaire demeurant l'employeur du salarié, sa responsabilité ne saurait être recherchée alors même qu'il n'y a aucune discussion relativement au nombre d'heures de travail accompli, mais uniquement sur le point de savoir si la société Get Carrières BTP s'en est acquitté par le biais du poste 'heures RTT' figurant sur ses fiches de paye.

La société Get Carrières BTP s'oppose à la demande du salarié. Rappelant les stipulations de l'accord de branche du 27/03/2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail du personnel intérimaire, elle objecte que le solde des heures supplémentaires, qui ne lui ont pas été rémunérées comme telles, lui a été payé sous formes de repos compensateurs sous le libellé erroné de 'RTT'.

L'article 1er de l'accord de branche du 27/03/2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail du personnel intérimaire dispose que les entreprises de travail temporaire ont le choix entre le paiement ou la prise de repos compensateur pour tout ou partie :

- des 4 premières heures supplémentaires et de la bonification prévue au I de l'article L. 212-5 du code du travail,

- des heures supplémentaires ainsi que des majorations prévues au III de l'article L. 212-5 du code du travail. [...]

Rappel fait que l'erreur n'est pas créatrice de droit, alors que le salarié ne pouvait prétendre à des heures de RTT, la société Get Carrières BTP rapporte la preuve du caractère erroné de la mention figurant sur les bulletins de salaire relatives à l'indemnisation d'heures de 'RTT', et s'être acquittée sous cet intitulé des 48,5 heures supplémentaires restantes, et ce au-delà de son obligation en lui payant l'équivalent de 65,5 heures de récupération pour 48,5 heures supplémentaires ne lui ayant pas été payées comme telles.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a accueilli la réclamation de M. [F] de ce chef, ainsi que sa demande en paiement de l'indemnité légale pour travail dissimulé, aucune intention ne ressortant d'une simple erreur de libellé figurant sur les bulletins de salaire.

M. [F] sera débouté de ces chefs.

Sur la demande de requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée :

Le travail temporaire met en oeuvre une relation contractuelle triangulaire avec :

- un contrat de mise à disposition conclu entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise de travail temporaire,

- un contrat de mission conclu entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié.

Le contrat précaire ne doit pas pourvoir durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L 1251-40 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance du n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dispose que lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L 1251-5 à L 1251-7 (cas de recours au travail temporaire), L. 1251-10 (interdiction du recours au travail temporaire), L. 1251-11 (fixation du terme et durée du contrat), L. 1251-12-1 (durée maximale du contrat), L.1251-30 (aménagement du terme de la mission) et L.1251-35-1 (renouvellement du contrat) ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le premier jour de sa mission.

Selon l'article L 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif ne peut avoir pour effet ni pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de travail.

La jurisprudence de la chambre sociale a admis que, dans certains cas, le salarié puisse exercer une action en requalification à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire dans des conditions strictement définies : l'omission d'un écrit, l'absence de signature du contrat de mission valant absence d'écrit, ou le manquement de cette entreprise à ces obligations légales relativement aux différentes mentions qui doivent figurer obligatoirement dans ce contrat de mission.

En outre, la Chambre a précisé que si l'action en requalification peut-être exercée à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire, elle ne peut aboutir à la condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité de requalification, l'article L. 124-7-1 devenu L. 1251-41 du code du travail ne visant que la seule entreprise utilisatrice s'agissant de la condamnation au paiement de cette indemnité.

Par un arrêt du 11 juillet 2007, la chambre a expressément reconnu la possibilité d'une condamnation in solidum laquelle suppose l'existence de manquements commis conjointement par l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice.

En l'espèce, M. [F] sollicite la condamnation in solidum de l'entreprise de travail temporaire et de l'entreprise utilisatrice au paiement d'une indemnité de requalification aux motifs, d'une part, que le motif de recours serait fallacieux et non justifié par l'entreprise utilisatrice, de deuxième part qu'il n'aurait pas bénéficié d'un contrat de mission pour la période courant du 29 au 30 avril 2019, que les contrats auraient pourvu durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société et, enfin, que le délai de carence n'aurait pas été respecté entre certains contrats.

Sur la demande de requalification visant l'entreprise utilisatrice :

Les contrats de mission successifs entre le 19 mars 2019 et le 26 juillet 2019 ont tous étés conclus pour accroissement temporaire d'activité. En cas de litige sur le motif de recours au travail temporaire, il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.

La société Saint Roch BTP soutient à cet égard que les contrats ont été conclus au motif d'un accroissement temporaire d'activité justifié soit par le respect des délais de la phase/travaux en cours, soit par des travaux non prévus au planning, mais s'abstient de produire la moindre pièce justificative sur ce point, échouant ainsi à rapporter la preuve qui lui incombe.

De ce seul chef, la société Saint Roch BTP encourt la requalification des contrats de mission à compter du premier contrat conclu, en date du 28 juin 2018.

Sur la demande de requalification visant la société de travail temporaire :

Les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10, L.1251-11, L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35-1 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d''uvre est interdite n'ont pas été respectées.

Par ailleurs, il résulte de l'article L. 1251-36 du code du travail et de l'article L. 1251-37 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, que l'entreprise de travail temporaire ne peut recourir pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin à un contrat de mission avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements. Les jours pris en compte sont les jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement utilisateur. Sans préjudice des dispositions de l'article L 1251-5, la convention ou l'accord de branche étendu de l'entreprise utilisatrice peut fixer les modalités de calcul de ce délai de carence.

Le non-respect du délai de carence prévu à l'article L. 1251-36-1 du code du travail est ainsi caractérisé à l'issue du contrat de mission du 27 juin 2018 au 29 juin 2018, prolongé jusqu'au 13 juillet (1er avenant du 13 juillet 2018) puis ensuite jusqu'au 20 juillet 2018 (2ème avenant du 13 juillet 2018), auquel lui a succédé un contrat de mission dès le 23 juillet 2018.

L'entreprise de travail temporaire ayant conclu des contrats de mission successifs au motif d'un accroissement temporaire d'activité sans respect du délai de carence, la relation contractuelle existant entre le salarié et l'entreprise de travail temporaire doit par conséquent être requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 juillet 2018, cette dernière date devant être retenue comme point de départ du contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise de travail temporaire, dès lors qu'il s'agit du premier jour de la première mission irrégulière.

Le non-respect du délai de carence caractérisant un manquement par l'entreprise de travail temporaire aux obligations qui lui sont propres dans l'établissement des contrats de mission, elle doit être condamnée in solidum avec l'entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l'exception de l'indemnité de requalification, dont l'entreprise utilisatrice est seule débitrice.

Sur la demande d'indemnité de requalification :

Conformément aux dispositions légales, la société Saint Roch BTP sera condamnée à payer à M. [F] une somme de 2 000 euros, qui n'est pas inférieure à un mois de salaire, à titre d'indemnité de requalification des contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles :

M. [F] réclame à ce titre une somme de 3 662,78 euros bruts, outre 366,27 euros au titre des congés payés afférents portant sur la période courant du 3 septembre 2018 au 30 avril 2019 au cours de laquelle, indique-t-il, il devait se tenir en permanence à la disposition de la société utilisatrice, soulignant que sur cette période de 239 jours il a travaillé toutes les semaines hormis les semaines du 26 novembre 2018 au 2 décembre 2018, du 24 décembre 2018 au 31 décembre 2018, du 1er janvier au 6 janvier 2019, du 4 au 10 février 2019, du 11 au 17 février 2019, du 18 2019 au 24 février 2019, et du 25 février au 3 mars 2019, et du 4 au 10 mars 2019, représentant au total 56 jours seulement.

Alors que la société Saint Roch BTP objecte et justifie qu'au cours de la relation de travail ainsi requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée, le salarié a pu travailler pour une autre entreprise, la société Ferer Sud, du 27 au 31 août 2018, M. [F] qui se prévaut exclusivement de la brièveté des périodes interstitielles, ne justifie pas par ce seul élément qu'il se soit tenu à sa disposition pour effectuer un travail pendant ces périodes.

Faute pour le salarié de rapporter la preuve qui lui incombe de ce chef, il sera débouté de sa demande de rappel de salaire à ce titre.

Sur la rupture :

En rompant unilatéralement la relation contractuelle ainsi requalifiée à durée indéterminée sans avoir notifié au salarié une lettre de rupture motivée, les sociétés Get Carrières BTP et Saint Roch BTP ont pris l'initiative de la rupture qui s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au jour de la rupture, M. [F] âgé de 24 ans percevait un salaire mensuel brut de 1 612,25 euros, les sociétés ayant des effectifs supérieurs à 10 salariés.

Le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément à l'article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu'il aurait perçue s'il avait travaillé pendant la période du délai-congé.

Au vu de la durée du délai-congé, fixé à un mois tenant son ancienneté, M. [F] est bien fondé en sa demande en paiement de la somme de 1 612,25 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 161,22 euros au titre des congés payés afférents.

Calculée sur la base d'une ancienneté au terme du préavis auquel il avait droit, de 11 mois, du salaire de référence, calculé conformément aux dispositions de l'article R 1234-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la réclamation du salarié au titre de l'indemnité légale de licenciement est justifiée à hauteur de la somme de 335,88 euros.

Le salarié est fondé en sa demande en paiement d'une indemnité au titre de la perte injustifiée de son emploi.

M. [F] ne fournit aucun élément d'appréciation sur son préjudice et l'évolution de sa situation professionnelle.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut excéder un mois de salaire brut.

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail. Elles ne sont pas non plus contraires aux dispositions de l'article 4 de cette même

Convention, qui prévoit qu'un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, puisque précisément l'article L.1253-3 sanctionne l'absence de motif valable de licenciement.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge du salarié au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 1 250 euros bruts.

Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation est de droit lorsqu'elle est demandée en justice.

Il sera ordonné à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat régularisés, mais sans astreinte laquelle n'est pas nécessaire à assurer l'exécution de cette injonction.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a, d'une part, débouté M. [F] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles, et d'autre part, condamné in solidum la société Saint Roch BTP et la société Get Carrières BTP à payer à M. [F] la somme de 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance.

L'infirme pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés,

Déboute M. [F] de sa demande en paiement d'un rappel

d'heures supplémentaires et de l'indemnité légale pour travail

dissimulé.

Requalifie les contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet au 28 juin 2018 à l'égard de la société Saint Roch BTP et du 23 juillet 2018 à l'égard de la société Get Carrières BTP.

Condamne la société Saint Roch BTP à payer à M. [F] la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité de requalification.

Condamne in solidum la société Saint Roch BTP et la société Get Carrières BTP à payer à M. [F] les sommes suivantes :

- 1 612,25 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 161,22 euros au titre des congés payés afférents,

- 335,88 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 1 250 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire.

Ordonne la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.

Rejette la demande d'astreinte.

Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière.

Condamne in solidum la société Saint Roch BTP et la société Get Carrières BTP à payer à M. [F] la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, et aux dépens d'appel.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Marie-lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04656
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.04656 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award