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18/06/2024 | FRANCE | N°22/01765

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 18 juin 2024, 22/01765


ARRÊT n°2024-



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 18 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01765 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLXA





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 FEVRIER 2022

TRIBUNAL JUDI

CIAIRE DE MONTPELLIER

N° RG 11-21-000885





APPELANT :



Monsieur [R] [E]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Séverine LE BIGOT de la SCP RUDELLE, LE BIGOT, SCOLLO, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant







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ARRÊT n°2024-

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 18 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01765 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLXA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 FEVRIER 2022

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

N° RG 11-21-000885

APPELANT :

Monsieur [R] [E]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Séverine LE BIGOT de la SCP RUDELLE, LE BIGOT, SCOLLO, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIME :

Monsieur [P] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Audrey NGUYEN PHUNG de la SARL NGUYEN PHUNG, MONTFORT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Ordonnance de clôture du 22 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Estelle DOUBEY

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Mme Estelle DOUBEY, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [E] est propriétaire d'une maison située [Adresse 4].

A la suite d'un incendie qui a endommagé le haut de la maison, l'expert en assurance a préconisé la reconstruction des combles au motif que les parpaings avaient brûlé et n'étaient plus suffisamment solides pour garantir la solidité de l'immeuble.

Les travaux ont débuté en mai 2018.

Par retour de mail du 5 juin 2018, M. [P] [S], propriétaire d'une maison voisine, située au [Adresse 2], a sollicité la possibilité d'utiliser les gravats issus de la déconstruction de la partie haute de la maison M. [R] [E] afin de combler les futurs passages autour d'une nouvelle construction sur sa parcelle, ce que ce dernier a accepté.

A compter du mois de novembre 2018, M. [R] [E] a fait constater par huissier la présence croissante d'un amoncellement de gravats sur sa parcelle, devant sa porte de garage.

Par acte d'huissier du 14 novembre 2019, M. [R] [E] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier afin notamment de voir ordonner l'enlèvement des gravats mis en place par M. [P] [S], sous astreinte.

Par ordonnance du 18 juin 2020, le juge des référés l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à verser à M. [P] [S] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [R] [E] a interjeté appel de cette décision, qui a été confirmée en toutes ses dispositions suivant un arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 4 mars 2021.

Par acte d'huissier du 26 avril 2021, M. [R] [E] a saisi le juge des contentieux de la protection de Montpellier afin notamment de voir condamner M. [P] [S] à lui verser la somme de 4 800 euros pour l'enlèvement des gravats et 3 000 euros en raison du préjudice subi.

Par jugement de la chambre de proximité rendu le 1er février 2022, le tribunal judiciaire de Montpellier :

Déboute M. [R] [E] de l'ensemble de ses demandes formées contre M. [P] [S] ;

Condamne M. [R] [E] aux entiers dépens ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit.

Le premier juge a rejeté la demande en paiement de la facture concernant l'enlèvement des gravats de M. [R] [E]. A cette fin, il a retenu que les échanges évoquant « beaucoup de gravats » ne permettaient pas de démontrer que M. [P] [S] avait accepté contractuellement que tous les gravats de M. [R] [E] soient déposés chez lui et qu'il pouvait donc restituer lesdits gravats à M. [R] [E].

Le premier juge a relevé que, ne justifiant pas d'une faute de M. [P] [S], la demande de M. [R] [E] au titre du préjudice moral résultant de l'endommagement du mur et de la porte du garage devait être rejetée.

M. [R] [E] a relevé appel de la décision par déclaration au greffe du 30 mars 2022.

Dans ses dernières conclusions du 20 octobre 2022, M. [R] [E] demande à la cour de :

Dire et juger l'appel régulier et fondé en son principe ;

Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Montpellier en date du 1er février 2022 ;

Déclarer que M. [P] [S] a commis une faute en déversant les gravats donnés et les siens sur la parcelle de M. [R] [E] ;

Condamner M. [P] [S] à payer à M. [R] [E] la somme de 4 800 euros pour l'enlèvement desdits gravats ainsi que la somme de 3 000 euros pour le préjudice subi ;

Condamner M. [P] [S] à payer à M. [R] [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

M. [R] [E] soutient qu'aucun accord concernant une restitution quelconque des gravats n'est intervenu. Il affirme que les gravats ont été déposés sur le terrain de M. [P] [S] à sa demande et en sa présence, ce dernier procédant même à leur contrôle. Il ajoute que M. [P] [S] a conservé les gravats sur son terrain pendant plus de six mois alors même que M. [R] [E] avait disposé du surplus au recyclage et que son terrain en était totalement dégagé, comme en témoigne l'artisan maçon présent. L'appelant affirme que M. [P] [S] ne rapporte pas la preuve du fait que sa demande ne portait que sur une partie desdits gravats. Il précise également que l'accord stipulait que « ces gravats n'étaient ni repris ni échangés » et que M. [P] [S] n'a jamais contesté les dépôts effectués sur son terrain.

M. [R] [E] soutient donc que M. [P] [S] a procédé à une restitution non prévue au contrat, comme en atteste la voisine des parties, qui précise avoir été témoin des dépôts de gravats de M. [P] [S] sur le terrain de M. [R] [E] alors que celui-ci était dégagé. Il affirme que les photographies produites par l'intimé sont en réalité prises sur le terrain de M. [R] [E] et permettraient de démontrer l'absence de gravats sur la parcelle avant le dépôt sauvage par M. [P] [S].

L'appelant fait valoir que ce déversement de gravats non autorisé engage la responsabilité de M. [P] [S] qui lui a occasionné un préjudice, endommageant le mur séparant le parking du jardin ainsi qu'une aggravation de la déformation de la porte du garage de M. [R] [E], attesté par l'artisan maçon. M. [R] [E] affirme qu'il n'a ainsi pas pu jouir de son garage pendant deux ans et chiffre son préjudice à la somme de 3 000 euros et ajoute à cela la facture et le devis signé pour l'enlèvement des gravats, pour un montant de 4 800 euros.

Dans ses dernières conclusions du 21 septembre 2022, M. [P] [S] demande à la cour de :

Confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions ;

Débouter M. [R] [E] de l'intégralité de ses prétentions ;

Condamner M. [R] [E] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [P] [S] sollicite le rejet de la demande de remboursement de la facture d'enlèvement des gravats de M. [R] [E]. Il affirme que le transfert de propriété n'a eu lieu que sur la partie des gravats, qui était nécessaire aux travaux prévus et non sur la totalité des gravats. L'intimé précise que c'est à M. [R] [E] de démontrer l'accord qui a été conclu tant sur la quantité que sur la qualité des matériaux remis ainsi que le fait d'avoir remis la stricte quantité demandée et souligne que cette démonstration fait défaut. M. [P] [S] ajoute qu'il n'était pas présent pour réceptionner les gravats et que l'attestation du maçon employé par M. [R] [E] ne faisait initialement pas état du fait que ces derniers n'étaient « ni repris ni échangés », n'en faisant pas mention dans le cadre de la procédure de référé. En outre, M. [P] [S] conteste la réalité de la facture, en affirmant que c'est l'appelant lui-même qui a procédé à l'enlèvement des gravats.

M. [P] [S] fait valoir que M. [R] [E] échoue à rapporter la preuve du préjudice de jouissance allégué. Il affirme que la porte de garage a été initialement endommagée par l'incendie et qu'une porte provisoire de récupération a simplement été placée devant le garage. L'intimé verse aux débats des photos qui, selon lui, permettent d'attester que cette porte ainsi que le mur séparant le parking du jardin étaient déjà tous deux abîmés avant le dépôt des gravats sur le terrain de M. [R] [E].

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 22 avril 2024.

MOTIFS

1. Sur les prétentions indemnitaires de M. [R] [E]

Il est constant que consécutivement à l'engagement des travaux de reconstruction de la maison incendiée, intervenu début mai 2018, par courrier électronique du 5 juin 2018, M. [P] [S] a sollicité M. [R] [E] afin de recevoir une quantité importante de gravats issus de la déconstruction de la partie haute de l'immeuble, ayant alors exprimé cette demande en ces termes : « J'ai besoin de beaucoup de gravats ».

S'il est également constant que des gravats ont ainsi été déversés sur la propriété de M. [P] [S] courant le mois de juin 2018, il n'est pas contesté que cette propriété constituait sa résidence principale et qu'elle était à ce moment fermée par un mur de clôture et un portail, de sorte que, comme l'avance M. [R] [E], M. [P] [S] était en capacité de contrôler la quantité et la nature des gravats déversés sur sa propriété.

A ce titre, la cour relève que M. [P] [S] ne verse au débat aucun élément qui aurait pu établir qu'il se serait à ce moment opposé à tout ou partie de ces déversements de gravats en raison d'un désaccord tant sur la quantité que leur nature.

Au moyen de plusieurs pièces versées au débat, notamment une attestation de M. [O] [H], géomètre-expert, qui a effectué des relevés le 2 novembre 2018 et a pu rapporter qu'à ce moment, il n'y avait aucun gravat sur l'espace situé devant le garage de la propriété de M. [R] [E], celui-ci établit que M. [P] [S] a conservé les gravats en litige de juin 2018 à novembre 2018, sans opposition aucune, jusqu'à ce qu'il vienne les déverser sur la propriété de M. [R] [E] à compter de mi-novembre 2018, ce que M. [P] [S] ne conteste pas.

Ainsi, dès lors qu'il avait sollicité le versement de gravats, qu'il les avait reçus sans aucune opposition et qu'il les avait conservés plusieurs mois, conduisant ainsi à un transfert de propriété desdits gravats, M. [P] [S] ne pouvait les déverser sur la propriété de M. [R] [E] plusieurs mois après, à compter de mi-novembre 2018 ;

Cette action constituant une faute, M. [P] [S] sera tenu, sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil, d'indemniser M. [R] [E] des préjudices en résultant.

En conséquence, le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a débouté ce dernier de ses prétentions indemnitaires et celles-ci seront examinées.

S'agissant du préjudice de jouissance, M. [R] [E] avance qu'il n'a pas pu utiliser son garage pendant deux ans et sollicite la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation.

S'il est incontestable que les déversements de gravats en litige lui ont occasionné un préjudice, qui ouvre droit à indemnisation, pour autant, M. [R] [E] n'établit pas qu'il n'a pu jouir de son garage, sa maison étant alors en travaux à cette période et sa résidence principale étant située à [Localité 6], de sorte qu'il lui sera alloué la somme de 800 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

S'agissant des frais relatifs à l'enlèvement des gravats en litige, M. [R] [E] avance qu'il a été contraint de procéder à l'enlèvement de plusieurs tonnes, pour un coût total de 4 800 euros et verse au débat un devis signé ainsi qu'une facture, pour demander à la cour de condamner M. [P] [S] à lui payer cette somme.

De la même façon, si M. [R] [E] allègue qu'il a dû être contraint de procéder à l'enlèvement de plusieurs tonnes de gravats, il n'établit pas quelle quantité M. [P] [S] aurait effectivement déversée sur sa propriété, de sorte que, s'il est incontestable qu'il a dû procéder à un tel enlèvement, en considération du principe de réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime, des faits de l'espèce et des pièces versées au débat, ces frais seront ramenés à la somme de 800 euros.

2. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera infirmé en ce qui concerne les dépens et confirmé en ce qui concerne l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [P] [S] sera condamné aux dépens de l'instance.

M. [P] [S] sera en outre condamné à payer à M. [R] [E] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement rendu le 1er février 2022 par la chambre de proximité du tribunal judiciaire de Montpellier, en ce qu'il a débouté M. [R] [E] de l'ensemble de ses demandes formées contre M. [P] [S] et l'a condamné aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE M. [P] [S] à payer à M. [R] [E] la somme de 800 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

CONDAMNE M. [P] [S] à payer à M. [R] [E] la somme de 800 euros au titre des frais engagés pour l'enlèvement des gravats ;

CONDAMNE M. [P] [S] à payer à M. [R] [E] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;

CONDAMNE M. [P] [S] aux dépens de l'instance.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/01765
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.01765 ?
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