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18/06/2024 | FRANCE | N°21/03991

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 18 juin 2024, 21/03991


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 18 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03991 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PBSQ





Décision déférée à la Cour : Jugement du 10

MAI 2021

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEZIERS

N° RG 20/00819





APPELANTE :



S.A.S. LOGISBEL venant aux droits de la SPRL LOGISBEL

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Karine MASSON, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant

assistée de Me Emmanuelle CARRETERO, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant M...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 18 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03991 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PBSQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 MAI 2021

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEZIERS

N° RG 20/00819

APPELANTE :

S.A.S. LOGISBEL venant aux droits de la SPRL LOGISBEL

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Karine MASSON, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant

assistée de Me Emmanuelle CARRETERO, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Karine MASSON, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A.R.L. PACULL IMMOBILIER représentée par son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Christel DAUDE de la SCP SCP D'AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Jérémie OUSTRIC, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Christel DAUDE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 22 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 MAI 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

FAITS et PROCEDURE- MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

La SAS Logisbel, venant aux droits de la SPRL Logisbel, est propriétaire des lots 6, 8, 7 et 9 dans un immeuble situé au [Adresse 3] à [Localité 4], qu'elle a mis en location. Aucun syndic n'était désigné.

Le 12 août 2015, la commune d'[Localité 4] a pris un arrêté de mise en péril imminent lié à la présence de façades qui menaçaient de s'écrouler et d'une toiture en mauvais état.

A la même date, la SAS Logisbel a reçu de la commune une lettre recommandé avec accusé de réception lui faisant interdiction de louer le lot n°3 dans l'attente de la réalisation des opérations de réfection de la toiture et du plafond, tout en lui notifiant une obligation de relogement.

Sur saisine de la SAS Logisbel, le président du tribunal de grande instance de Béziers désignait, par ordonnance rendue le 20 octobre 2015, M. [L] en qualité de syndic provisoire.

Lors de l'assemblée générale du 21 octobre 2016, la SARL Pacull était élu en qualité de syndic professionnel.

Un nouvel arrêté de péril ordinaire était pris par la commune le 15 novembre 2016 pour l'ensemble de l'immeuble, le syndic informait l'ensemble des copropriétaires de l'interdiction de louer tous les appartements.

Par courrier adressé avec accusé de réception le 23 octobre 2017, la SAS Logisbel dénonçait l'absence de réalisation des opérations de réfection en dépit de ses nombreuses relances.

Le 4 décembre 2017, la SARL Pacull organisait une assemblée générale aux termes de laquelle était voté un appel de fonds d'un montant de 79.500 euros pour remédier aux désordres et assurer la conservation de l'immeuble en ce compris l'étanchéité. La quote-part incombant à la SAS Logisbel s'élevant à la somme de 16.362,50 euros était réglée.

Le 4 avril 2019, le syndic sollicitait les copropriétaires pour un nouvel appel de fonds de 15.000 euros, les subventions de l'ANAH ne pouvant être versées qu'après la réalisation des travaux.

L'immeuble est resté classé en péril imminent jusqu'au 20 octobre 2021.

Considérant que la tardiveté dans la réalisation des travaux est imptuable au syndic, par acte d'huissier en date du 15 avril 2020, la SARL Logisbel a fait assigner la SARL Pacull immobilier devant le tribunal judiciaire de Béziers en réparation du préjudice économique subi du fait d'une faute commise dans le cadre de ses fonctions de syndic de nature à engager sa responsabilité.

Le jugement rendu le 10 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Béziers:

déclare la SARL Logisbel irrecevable en ses demandes;

dit n'y avoir lieu, s'agissant d'une fin de non-recevoir et non d'une exception d'incompétence, à inviter la demanderesse à mieux de pourvoir;

condamne la SARL Logisbel à payer la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

Le tribunal retient que si l'action engagée par la SAS Logisbel vise à voir engager la responsabilité contractuelle du syndic pour une faute commise dans l'exercice de sa mission, la SAS Logisbel n'a néanmoins aucune relation contractuelle avec la SARL Pacull, engagée uniquement à l'égard du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 4], de sorte qu'elle ne justifie d'aucun intérêt à agir.

La SAS Logisbel venant aux droits de la SPRL Logisbel a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 21 juin 2021.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 avril 2024.

Les dernières écritures pour la SAS Logisbel ont été déposées le 14 septembre 2023.

Les dernières écritures pour la SARL Pacull Immobilier ont été déposées le 12 juillet 2023.

Dans ses dernières écritures, la SAS Logisbel demande à la cour, au visa des articles 1991 et suivants du code civil, puis 1231-1 et 1240 du code civil:

- de réformer en toutes ses dispositions la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré la SAS Logisbel irrecevable en ses demandes s'agissant d'une fin de non-recevoir et en ce qu'elle l'a condamnée aux frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens;

En conséquence,

A titre principal,

- renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Béziers afin qu'il soit statué sur le fond de l'affaire;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la SARL Pacull immobilier a commis une faute dans le cadre de sa mission de syndic qui a engagé sa responsabilité délictuelle envers la SAS Logisbel;

En tou état de cause,

- condamner la SARL Pacull à lui payer les sommes suivantes :

* 47.160 euros d'indemnisation au titre du préjudice économique ;

* 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL Pacull aux dépens.

En premier lieu, la SAS Logisbel soutient sa qualité à agir à l'encontre du syndic tant sur le fondement contractuel que délictuel de sorte que les premiers juges ne pouvaient écarter sa demande par des motifs laconiques et infondés. Elle demande donc que ces derniers soient saisis à nouveau de ce litige puisqu'ils n'ont pas statué au fond.

De manière subsidiaire, la SAS Logisbel fait valoir que la SARL Pacull a commis de nombreux manquements dans le cadre de sa mission de syndic dont l'effet a été de retarder la réalisation des travaux de réfection indispensables à la levée de l'arrêté de péril imminent et à la relocation des logements et ce en dépit du caractère urgent des opérations à réaliser et retenues comme telles lors de l'assemblée générale du 4 décembre 2017.

Plus précisément, elle rappelle que le syndic a pour obligation d'assurer la conservation de l'immeuble ce qui implique l'exécution en urgence des travaux y contribuant. A défaut, le syndic est responsable des fautes commises dans le cadre de l'exécution de son mandat tant à l'égard du syndicat des copropriétaires que des copropriétaires qui justifient de préjudices personnels. Elle considère donc que la responsabilité contractuelle de la SARL Pacull doit être engagée.

L'appelante soutient en effet que le syndic est responsable de la destruction de deux de ses appartements lors de la réfection de la charpente, et du retard pris dans la réalisation des travaux en raison notamment du choix du maître d'oeuvre, M. [J], dont les difficultés financières étaient connues.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande à voir engager la responsabilité délictuelle du syndic, la faute résultant selon elle d'un manque d'appréciation du montant des travaux occasionnant des appels de fonds minorés entravant la réalisation des opérations de réfection, de la désignation d'un maître d'oeuvre en-dehors de toute assemblée générale mais également de la destruction de deux appartements lui appartenant ce qui n'avait jamais été envisagé et l'empêche de procéder à leur location. Elle ajoute que les travaux ne sont toujours pas réalisés et qu'elle a subi une perte locative sur ses quatre appartements pendant une durée de trois années.

Dans leurs dernières écritures, la SARL Pacull Immobilier demande à la cour, au visa des articles 1990 et 1231-1 du code civil, de la loi du 10 juillet 1965 et des articles 1240 et suivants du code civil, de :

- confirmer à titre principal le jugement entrepris en toutes ses dispositions et rejeter toutes demandes, fins et moyens contraires;

- à titre subsidiaire, en application de l'article 88 du code de procédure civile, de débouter la SAS Logisbel de l'ensemble de ses demandes comme injustes et mal fondées;

- en tout état de cause, condamner la SAS Logisbel à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur la confirmation du jugement déféré, la SARL Pacull Immobilier affirme que le syndic administre et gère les parties communes pour le compte du syndicat des copropriétaires et que seul ce dernier est responsable des dommages causés aux copropriétaires. Or, la demande présentée en première instance par la SAS Logisbel ne reposait que sur la responsabilité contractuelle et faute de lien contractuel avec ce syndic de copropriétaires, c'est à bon droit que le tribunal judiciaire de Béziers a déclaré son action irrecevable pour défaut de qualité à agir.

Subsidiairement, elle soutient une absence de faute susceptible de justifier la mise en cause de sa responsabilité délictuelle rappelant que seul l'arrêté de péril imminent sur l'immeuble est la cause du défaut de location des appartements.

Elle ajoute que le choix des entreprises, du maître d'oeuvre, du budget d'honoraires de l'architecte sont des informations transmises à l'ensemble des copropriétaires lors de l'assemblée générale du 4 décembre 2017 qui ont approuvé ces points ainsi que le budget voté pour un montant de 79.500 euros. Aucune contestation n'a été émise par l'appelante lors des différentes assemblées générales.

Elle conteste encore la notoriété de la situation financière de M. [J] étant relevé qu'il a été placé en liquidation judiciaire 18 mois après l'assemblée générale. Elle ne peut être tenue de la défaillance tant des entreprises que du maitre d'oeuvre.

Elle conteste enfin les allégations de l'appelante quant à la destruction de deux de ses appartements qu'elle ne démontre nullement.

Elle expose pour sa part que les travaux se sont terminés en août 2021 et que l'arrêté de péril a été levé le 30 novembre 2021. Aucune faute ne peut lui être reprochée n'étant ni responsable de l'état d'entretien de l'immeuble qui seul a contribué à la perte locative, ni des délais d'exécution des travaux, ni de la défaillance des entreprises et encore moins de la crise sanitaire qui a participé à ce retard.

DECISION

1/ Sur la recevabilité de l'action en responsabilité:

Le syndic n'entretient aucun lien direct avec les copropriétaires puisque, s'il est le représentant du syndicat, il n'agit pas au nom des copropriétaires pris individuellement.

Cela étant, le copropriétaire, qui est un tiers au rapport contractuel existant entre le syndicat et son mandataire, peut néanmoins engager sa responsabilité sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel (cass civ 3ème, 8 octobre 1997).

Par un arrêt rendu le 6 mars 1991, la cour de cassation a en effet admis que le 'syndic ... est responsable, à l'égard de chaque copropriétaire, des fautes commises dans l'accomplissement de sa mission'. Cette solution, confirmée depuis, permet donc à chaque copropriétaire d'attraire devant la juridiction compétente le syndic à raison d'une faute qu'il aurait commise en-dehors ou dans le cadre de sa mission.

Si le premier juge a indiqué à bon droit que la responsabilité contractuelle du syndic ne pouvait être recherchée par la SAS Logisbel, qui est tiers au contrat , la question du fondement de l'action engagée par cette dernière ne se pose plus en appel, celle-ci recherchant , à titre subsidiaire, la responsabilité délictuelle de la SARL Pacull immobilier. Son action est en conséquence bien-fondée.

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris sur ce point .

2/ sur la demande de renvoi devant la juridiction de premier degré:

Les exceptions de nullité sont régies par les articles 112 et suivants du code de procédure civile. La nullité est prononcée en cas d'irrégularités de forme ou de fond affectant la validité des actes, tels que le défaut de capacité d'ester en justice, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ou bien le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

Enfin, selon l'article 122, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'introduction d'une action en justice sur un fondement juridique erroné ne constitue pas une fin de non-recevoir ni une cause de nullité au sens des dispositions susvisées.

Il s'ensuit que le premier juge ne pouvait déclarer les demandes engagées par la SAS Logisbel irrecevables mais seulement la débouter de l'intégralité de ses prétentions de sorte que la cour d'appel ne peut faire droit à la demande de renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire de Béziers afin qu'il soit statué sur le fond de l'affaire, comme le sollicite la société appelante.

Il convient en conséquence de débouter la SAS Logisbel de cette prétention.

3/ Sur la responsabilité du syndic:

Conformément à une jurisprudence constante de la cour de cassation, un copropriétaire est fondé à invoquer une faute contractuelle sur un fondement délictuel lorsque le manquement lui a causé un préjudice. (Cass, 1° civ, 25 novembre 2015 n°14-21.873).

Le syndic est donc responsable à l'égard de chaque copropriétaire des fautes commises dans l'exercice de sa gestion à charge pour ce dernier d'apporter la preuve d'une faute, d'un préjudice direct et personnel ainsi que d'un lien de causalité entre les deux.

La SAS Logisbel met en cause la responsabilité de la SARL Pacull immobilier considérant qu'elle a commis une faute dans l'exercice de son mandat de gestion en ne procédant pas avec diligence à l'exécution d'une décision votée en assemblée générale et qu'elle n'a pas rempli sa mission consistant à assurer la conservation de l'immeuble par l'exécution des travaux les plus urgents.

Elle lui impute le retard pris dans l'exécution des travaux de réfection résultant d'un manque d'appréciation de leur montant occasionnant des appels de fonds minorés entravant ainsi la réalisation des opérations de réfection, en témoigne l'appel de fonds en 2019 non voté en assemblée générale attestant de cette évaluation erronée.

Elle dénonce également la désignation d'un maître d'oeuvre en-dehors de toute assemblée générale dont elle connaissait la fragilité financière, ainsi que la destruction de deux appartements lui appartenant lors de la réfection de la charpente, ce qui n'avait jamais été envisagé et l'empêche de procéder aujourd'hui à leur location.

Il n'est nullement contesté que l'immeuble est concerné par un premier arrêté de mise en péril imminent adopté le 12 août 2015 par la commune d'[Localité 4] en raison de façades menaçant de s'écrouler et d'une toiture en mauvais état.

Cet arrêté a en effet été pris sur le fondement d'un rapport d'expertise judiciaire établi le 7 août 2015 par M. [G] relevant que:

- les deux façades sur [Adresse 5] et [Localité 6] présentent des décollements de l'enduit dont certaines surfaces sont en équilibre instable et risquent à tout moment de tomber sur le trottoir et la chaussée créant un danger évident pour le public;

- la toiture n'est pas étanche et présente de nombreuses traces d'infiltrations; l'humidité a déterioré les plafonds en placoplâtre dans l'appartement situé au 3ème étage au point qu'une grande partie du plafond est tombée dans l'appartement, et que l'atmosphère est malsaine du fait de la présence de plaques de placoplâtres imbibées d'humidité;

- le garde-corps de l'escalier commun est partiellement cassé créant une situation de danger manifeste.

L'expert retient en conséquence la présence d'un péril grave et imminent, et propose le déménagement et le relogement immédiat du locataire de l'appartement situé au 3ème étage qui est la propriété de la SAS Logisbel.

Un arrêté de péril ordinaire a été pris le 15 novembre 2016 pour l'ensemble de l'immeuble en raison de la persistance des désordres mettant en cause la sécurité de ses occupants.

Le 4 décembre 2017, la SARL Pacull a organisé une assemblée générale aux termes de laquelle ont été votés le montant total des travaux pour une somme de 97.300 euros ttc dont 48.650 euros ttc à la charge des propriétaires pour remédier aux désordres et assurer la conservation de l'immeuble en ce compris l'étanchéité, ainsi que le financement s'effectuant au moyen de deux appels de fonds, le premier à hauteur de 40.000 euros exigible le 10 décembre 2017 et le second exigible le 20 janvier 2018 correspondant au montant strictement nécessaire des travaux.

Ces travaux consistent en la pose d'un échafaudage, la dépose de la charpente et de la couverture, la réfection de l'escalier, la reprise de la charpente, la reprise du revêtement des sols, l'électricité, la peinture de la cage d'escalier.

Ce vote s'est effectué sur la base de pièces établies par [N] [J], architecte DPLG, qui a procédé à la consultation des entreprises et proposé une évaluation du budget.

Le 11 août 2021, la SARL Pacull produit une facture matérialisant la fin de chantier.

Cette finalisation des travaux de réfection est constatée le 20 octobre 2021 par l'Agglo Hérault Méditerranée qui atteste de la mise aux normes de l'immeuble (réfection de la toiture, pose d'une isolation thermique, réfection des plafonds du 3ème étage, purge des enduits façades, mise en conformité du garde-corps d'escalier, réfection de l'alimentation électrique des parties communes du bâtiment) de sorte que la main levée des deux arrêtés de péril imminent et ordinaire est proposée et a été décidée le 30 novembre 2021 par la commune d'[Localité 4].

Le rapprochement de ces différentes informations laissent apparaître en premier lieu la signalisation des désordres le 12 août 2015, le vote des travaux de réfection lors de l'assemblée générale le 4 décembre 2017, soit 26 mois après, et enfin la finalisation desdits travaux en août 2021, soit 6 ans après le premier arrêté adopté par la commune d'[Localité 4], et 3 ans et demi après l'adoption de ces travaux en assemblée générale.

La durée de réalisation des travaux, en présence de deux arrêtés municipaux attestant de la présence d'un péril grave et imminent affectant l'immeuble caractérisant ainsi une situation d'urgence, doit être considérée comme excessive et la tardiveté de leur exécution est imputable pour partie au syndic qui n'a fait preuve de diligences suffisantes pour s'assurer d'un délai plus raisonnable.

Si la SARL Pacull ne peut être tenue responsable du retard pris antérieurement au 21 octobre 2016, date à laquelle elle a été élue en qualité de syndic professionnel, force est de constater qu'elle a attendu près de 14 mois, soit le 4 décembre 2017, pour que le principe et les modalités des travaux soient votés en dépit des constatations faites par l'expert judiciaire [G] qui a signalé une situation d'urgence. Si le syndic devait déterminer les travaux à engager et évaluer le budget nécessaire après consultation de plusieurs entreprises, ce délai est néanmoins excessif au regard de la situation de l'immeuble qui nécessitait un traitement plus rapide et des démarches particulières du syndic, qui a été relancé par l'appelante par courrier adressé le 23 octobre 2017 avec accusé de réception.

Sur la période postérieure au 4 décembre 2017, le syndic n'explique pas la raison légitime du retard pris dans l'exécution des travaux qui ont été finalisés plus de trois ans et demi après leur vote en assemblée générale étant relevé que la SAS Logisbel l'a mis en demeure à plusieurs reprises de finaliser les travaux par courriers adressés le 5 octobre 2018, puis le 21 janvier 2019 auxquels aucune réponse n'a été apportée.

Les pièces produites aux débats objectivent plusieurs causes au retard pris dont le placement en liquidation judiciaire de M. [J] et la nécessité de procéder à son changement.

Le moyen tenant au choix fautif de M. [J] et ce en-dehors de toute assemblée générale ne serait être retenu.

Alors que la société SAS Logisbel conteste le choix de [N] [J] par le syndic dont il était de notoriété publique qu'il était en difficulté financière, il est justifié que le syndic a porté à la connaissance des copropriétaires le choix des entreprises, le montant du budget ainsi que l'intervention de [N] [J], architecte DPLG, intervenant en qualité de maître d'oeuvre comme le démontrent les pièces figurant en effet en annexe du procès-verbal d'assemblée générale du 4 décembre 2017. Les copropriétaires ont entériné les propositions par l'adoption de la résolution 7 et par voie de conséquence ont avalisé la désignation de M. [J].

En outre, si le 6 mars 2014, M. [J] a fait l'objet d'un redressement judiciaire puis à compter du 26 novembre 2015 d'un plan de continuation, pour autant ces éléments, dont rien ne démontre qu'ils aient été portés à la connaissance du syndic, ne révèlent aucune inaptitude professionnelle du maître d'oeuvre qui a été autorisé judiciairement à pousuivre l'exercice de son activité compte-tenu d'éléments permettant de croire légitimement à une activité économiquement viable. Ce n'est d'ailleurs que le 17 mars 2019 qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ordonnée.

Ce choix n'est donc pas constitutif d'une faute.

Néanmoins, le retard pris ne peut s'expliquer par le seul placement en liquidation judiciaire de M. [J].

A cet égard, la SAS Logisbel évoque une erreur de gestion impliquant la nécessité de procéder à des appels de fonds complémentaires pour achever les travaux ce qui a retardé leur finalisation.

Il résulte en effet du courrier adressé par le syndic en date du 4 avril 2019 la demande d'une provision supplémentaire de 15.000 euros.

La SAS Logisbel dénonce sur ce point une mauvaise appréciation financière des prestations à réaliser dont est responsable le syndic qui a imputé sur le montant initial les subventions de l'ANAH alors qu'il ne pouvait ignorer qu'elles seraient payées après la réalisation des travaux.

Cet élément n'est pas contesté par l'intimée et il est certain qu'en sa qualité de professionnel, le syndic ne pouvait ignorer cette information ce qui caractérise une faute dans la détermination du budget et des appels de fonds minorés de nature à ralentir la réalisation des travaux.

Par ailleurs, il sera souligné que la société Pacull immobilier ne donne aucune explication légitime au retard pris dans l'exécution desdits travaux. Si la période du covid-19 a pu ralentir l'organisation du chantier, il doit être néanmoins relevé que le secteur du bâtiment n'a pas été le plus impacté par les périodes de confinement puisque les entreprises du bâtiment ont été autorisées à poursuivre leur activité.

La finalisation des travaux et la levée des arrêtés de péril imminent et ordinaire cinq années après la désignation de la société Pacull Immobilier en qualité de syndic, illustre une gestion hasardeuse et peu professionnelle des travaux de réfection dont dépendait la décence du logement et ce d'autant que l'intimée ne justifie aucunement avoir engagé des démarches en vue de remédier aux difficultés et retard rencontrés bien que sa mission consiste à assurer la conservation de l'immeuble dont elle assure la gestion.

Ce délai excessif dans la réalisation des travaux de rénovation sans la justification d'un motif légitime et l'absence de démarches en vue de limiter ce retard caractérise la faute du syndic de nature à voir engager sa responsabilité.

La SAS Logisbel se prévaut d'un préjudice financier arguant de la destruction de deux de ses appartements lors de la réfection de la charpente alors que cette opération n'était pas envisagée intialement, mais également de l'impossibilité de louer les quatre logements dont elle est propriétaire.

En premier lieu, le préjudice lié à la destruction de deux logements sera écarté en l'absence de preuve en ce sens, aucun élément ne démontrant effectivement que deux des quatre apparements appartenant à la SAS Logisbel ont fait l'objet d'une destruction rendant leur remise en location impossible.

S'agissant de la perte de loyers, il doit être rappelé que l'interdiction de louer s'explique par l'adoption de deux arrêtés de mise en péril imminent et ordinaire liés à la vétusté de l'immeuble qui n'est pas imputable au syndic.

La société Pacull Immobilier ne peut donc être tenue responsable que du retard pris dans la réalisation des opérations de réfection de sorte qu'elle n'a pas à supporter la totalité des pertes de loyers revendiqués par l'appelant qui ne peut opposer à son encontre qu'une perte de chance de n'avoir pu procéder à la relocation de ses biens plus rapidement.

Il s'ensuit que la société Pacull Immobilier doit être condamnée au paiement d'une somme de 8.000 euros en réparation du préjudice subi.

4/ Sur les demandes accessoires:

Le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions.

L'équité commande de faire application des dispositions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à l'appelante une somme de 1.500 euros et de condamner l'intimée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 10 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Béziers en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare bien-fondées les demandes de la SAS Logisbel,

Déclare la société Pacull Immobilier a commis une faute dans la gestion de son mandat de syndic occasionnant un préjudice à la SAS Logisbel,

Condamne la société Pacull Immobilier à payer à la SAS Logisbel la somme de 8.000 euros au titre de la perte d'une chance,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Pacull Immobilier à payer à la SAS Logisbel la somme 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Pacull Immobilier aux entiers dépens.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/03991
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.03991 ?
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