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18/06/2024 | FRANCE | N°21/03375

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 18 juin 2024, 21/03375


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 18 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03375 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PAMJ





Décision déférée à la Cour : Jugement du 04

MAI 2021

Tribunal Judiciaire de PERPIGNAN

N° RG 19/00287





APPELANTE :



S.A. TROIS MOULINS HABITAT

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Céline FLORENTIN, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant







INTIMES :



Monsieur [A] [F]

né le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 1...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 18 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03375 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PAMJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 MAI 2021

Tribunal Judiciaire de PERPIGNAN

N° RG 19/00287

APPELANTE :

S.A. TROIS MOULINS HABITAT

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Céline FLORENTIN, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant

INTIMES :

Monsieur [A] [F]

né le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 18] (66)

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO - DUPETIT - MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant

Madame [T] [G] épouse [F]

née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 17] (ALGERIE)

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO - DUPETIT - MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant

Madame [J] [R]

née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 18] (66)

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO - DUPETIT - MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant

Ordonnance de clôture du 22 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 MAI 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La S.A Trois Moulins Habitat a fait construire dans le courant de l'année 2014 une résidence dénommée « [Adresse 15] » comprenant 36 logements sociaux, une salle de réunion et des commerces sur la commune de [Localité 7].

L'immeuble réalisé est un bâtiment linéaire en L évasé et surélevé de deux étages sur rez-de-chaussée en façade ouest et trois étages en façade nord. Il présente une hauteur de 13 mètres.

Il est situé sur une parcelle cadastrée section [Cadastre 12] qui est mitoyenne des parcelles cadastrées [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 11] qui font partie du lotissement « [Adresse 16] ».

M. et Mme [F] sont propriétaires d'une maison d'habitation deux faces avec jardin comportant une piscine, située au [Adresse 5], construite sur la parcelle [Cadastre 10].

Mme [R] a fait l'acquisition d'une villa située au [Adresse 3] consistant en une habitation trois faces construite sur la parcelle [Cadastre 14] avec jardin attenant situé sur l'arrière de la maison.

Considérant que la présence de cet immeuble leur cause un trouble de voisinage et arguant de multiples nuisances, les époux [F] et Mme [R] ont saisi leur assureur, la MAIF, qui a organisé des opérations d'expertise réalisées par le cabinet Saretec qui réalisait un rapport d'expertise pour chacun de ses assurés affirmant l'existence d'un trouble de jouissance.

Sur la base de ces rapports, les consorts [F] et [R] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire, qui par une ordonnance rendue le 4 janvier 2017, a fait droit à leur demande d'expertise judiciaire qu'il a confié à M. [N] chargé notamment de donner tout élément utile de nature à apprécier les effets de la construction dudit immeuble sur leur propriété (préjudice de jouissance, perte de valeur, les vues, la perte d'ensoleillement').

Le rapport a été déposé le 4 mars 2018.

Sur saisine des consorts [F] et [R] suivant acte d'huissier délivré le 7 janvier 2019, et par jugement rendu le 4 mai 2021, le tribunal judiciaire de Perpignan:

Déboute M. et Mme [F] ainsi que Mme [R] de leur demande de complément d'expertise ;

Dit n'y avoir lieu à transport sur les lieux ;

Juge que l'immeuble, propriété de la S.A Trois Moulins Habitat situé sur la commune de [Localité 7] ([Localité 7]) sur une parcelle cadastrée section [Cadastre 12], cause M. et Mme [F] ainsi qu'à Mme [R] un trouble anormal de voisinage ;

Condamne la S.A Trois Moulins Habitat à payer à M. et Mme [F], ensemble, les sommes suivantes :

50.000 euros en indemnisation de leur préjudice de jouissance ;

30.000 euros en indemnisation de la perte de valeur de leur immeuble ;

Condamne la S.A Trois Moulins Habitat à payer à Mme [R] les sommes suivantes :

50.000 euros en indemnisation de leur préjudice de jouissance ;

20.000 euros en indemnisation de la perte de valeur de leur immeuble ;

Dit que les condamnations pécuniaires ne porteront intérêts au taux légal qu'à compter du jugement ;

Prononce l'exécution provisoire du jugement ;

Condamne la SA HLM Trois Moulins Habitat à payer aux demandeurs, ensemble, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la S.A Trois Moulins Habitat aux entiers dépens en ce compris le frais de l'instance de référé et d'expertise judiciaire.

Le premier juge rejette en premier lieu la demande de complément d'expertise présentée par les époux [F] et Madame [R] fondée sur les articles 233 et 276 du code de procédure civile, considérant que si l'expert se montre peu précis et laconique sur le point de mission n°3 relatif à l'examen de la conformité des constructions au permis de construire, cette question n'est pas utile à la résolution du litige qui repose sur l'existence d'un trouble anormal du voisinage et non sur la question distincte du respect ou non des prescriptions d'un permis de construire précisant en effet que l'existence de tels troubles peut être même en présence d'une construction conforme.

Ainsi, bien que fondée en son principe, cette demande de complément est rejetée pour être inopportune et sans effet sur la résolution du litige.

En deuxième lieu, le premier juge retient l'existence d'un trouble anormal du voisinage rappelant l'existence d'une discordance entre le projet initial et le bâtiment effectivement réalisé, mais également l'environnement urbanistique des habitations litigieuses rappelant l'existence d'une zone pavillonnaire calme uniquement composée de petites habitations bénéficiant d'une vue et d'une perspective agréable pour être situées en bordure de parcelles de vigne.

Il considère que la présence de vues plongeantes sur les parties habitables et le jardin des époux [F] provenant des balcons et fenêtres de la résidence est de nature à réduire leur intimité dans l'usage des espaces extérieurs intégrant notamment la piscine. De même, l'édification du bâtiment entraine une perte d'ensoleillement le matin jusqu'en milieu de journée. Il juge encore que ces troubles sont anormaux et excessifs, la construction de cet immeuble massif dans une zone pavillonnaire préexistante constituée d'habitations modestes et de petite taille entraîne une proximité prégnante préjudiciable à l'intimité de chacun et au respect de sa vie privée.

Le premier juge reconnaît enfin au bénéfice de Mme [R] l'existence de nuisances liées à l'intensité de l'éclairage nocturne mis en place sur le parking extérieur de l'immeuble voisin qui est perceptible toute la nuit depuis sa chambre l'obligeant à dormir les volets fermés.

Le premier juge rejette par contre l'existence de nuisances liées à l'utilisation du parking attenant à la résidence en cause tels que la dégradation de la qualité de l'air ou l'accroissement des contraintes de circulation dans le quartier' il rejette également l'existence de nuisances sonores en l'absence de pièces attestant de la diffusion de bruits en provenance des terrasses des logements créés qui leur est préjudiciable.

Enfin, le premier juge reconnaît l'existence d'une perte de valeur de l'habitation des époux [F] et [R] découlant des nuisances générées par cet immeuble reprenant ainsi l'estimation proposée par l'expert. Il ajoute sur la réparation du trouble accueilli une injonction de faire à l'adresse de la SA Trois Moulins Habitat qui se voit ainsi condamnée à mettre en 'uvre plusieurs mesures destinées à mettre fin aux nuisances occasionnées par les luminaires du parking extérieur.

La S.A Trois Moulins Habitat a relevé appel de la décision par déclaration au greffe du 25 mai 2021.

Par ordonnance de référé du 11 août 2021, la S.A Trois Moulins Habitat a été déboutée de ses demandes tendant à obtenir la suspension de l'exécution provisoire au motif de l'absence de conséquences manifestement excessives en lien avec l'exécution du jugement entrepris.

Par jugement du 8 avril 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Perpignan a constaté que les travaux impartis n'ont pas été réalisés par la S.A Trois Moulins Habitat qui a été condamnée au paiement d'une somme de 12.400 euros au titre de la liquidation d'astreinte ; une nouvelle astreinte de 150 euros par jour de retard a été fixée à compter du 30ème jour suivant le jour de la signification du jugement.

Les dernières conclusions déposées par la S.A Trois Moulins Habitat ont été notifiées par RPVA le 12 avril 2024.

Les dernières conclusions déposées par Monsieur et Madame [F] et Mme [R] ont été notifiées par RPVA le 17 avril 2024.

Dans ses dernières conclusions, la SA Trois Moulins Habitat demande à la cour de :

Réformer le jugement dont appel en ce qu'il juge que M. et Mme [F] souffrent d'un trouble anormal du voisinage causé par les vues, la perte d'ensoleillement et le phénomène de réverbération créés par l'immeuble de la S.A Trois Moulins Habitat ;

Juger irrecevable pour être nouvelle en cause d'appel, leur demande d'indemnisation complémentaire au motif d'un préjudice qui résulterait de nuisances causées par les luminaires ;

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il juge qu'ils ne souffrent d'aucun trouble anormal de voisinage résultant de troubles sonores et olfactifs ;

Dire et juger qu'ils ne souffrent d'aucun trouble anormal de voisinage ;

Condamner solidairement Monsieur et Madame [F] à rembourser à S.A Trois Moulins Habitat la somme de 80.000€ ;

Réformer le jugement dont appel en ce qu'il juge que Mme [R] souffre d'un trouble anormal du voisinage causé par les vues, la perte d'ensoleillement et l'éclairage créés par l'immeuble de la S.A Trois Moulins Habitat ;

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il juge qu'ils ne souffrent d'aucun trouble anormal de voisinage résultant de troubles sonores et olfactifs ;

Dire et juger qu'ils ne souffrent d'aucun trouble anormal de voisinage ;

Condamner Mme [R] à rembourser à S.A Trois Moulins Habitat la somme de 88.243,26€ au total ;

Condamner solidairement Monsieur et Madame [F] et Mme [R] à lui rembourser la somme de 13.667,43 euros payée par la SA TMH en exécution du jugement JEX du 2 avril 2024 rendu en lecture du jugement dont appel et réformé par la cour ;

Débouter les intimés de toutes leurs demandes injustes et mal fondées en ce compris de leur demande d'indemnisation complémentaire au motif d'un préjudice qui résulterait des nuisances causées par les luminaires depuis le jugement dont appel ;

Condamner solidairement Monsieur et Madame [F] au paiement de la somme de 5.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Madame [R] au paiement de la somme de 5.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner solidairement les époux [F] et Mme [R] au paiement des entiers dépens d'instance et d'appel ;

A titre subsidiaire, si la cour devait retenir un ou plusieurs troubles anormaux du voisinage ;

rejeter toute demande indemnitaire au titre d'une perte de valeur vénale pour reposer uniquement sur une estimation forfaitaire à dire d'expert ;

rejeter toute demande indemnitaire au titre des préjudices de jouissance invoqués et non justifiés ;

A titre infiniment subsidiaire,

Réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formées au titre des préjudices de jouissance invoqués et de la perte de valeur vénale au regard des explications qui précèdent ;

Condamner les intimés, par le jeu de la compensation visée aux articles 1347 et suivants du Code Civil, à rembourser à S.A Trois Moulins Habitat le trop-perçu ;

Statuer ce que de droit sur les dépens.

Au soutien de son appel, la SA Trois Moulins Habitat affirme en premier lieu avoir fait réaliser les travaux impartis par le premier juge réalisés par la société TPR ; elle expose que seule la pose des caches n'a pas été réalisée car elle s'avère impossible ce dont attestent différents professionnels. Elle s'oppose donc aux prétentions présentées à ce titre.

Elle rappelle par ailleurs que la proximité immédiate d'une propriété génère par nature des inconvénients sans que cela ne soit constitutif de troubles anormaux de voisinage. Aussi, selon elle, si la construction de la résidence litigieuse occasionne une gêne, encore faut-il qu'elle revête un caractère anormal ce qui n'est pas le cas pour les parties intimées.

Elle fait valoir que l'existence de vues est réduite se référant ainsi au rapport d'expertise judiciaire qui relève uniquement la présence de trois portes fenêtres et 6 fenêtres situées à proximité des habitations étant relevé que les balcons offrent une vue latérale sur les fonds et que les portes fenêtres n'ont aucune vue sur le logement des époux [F].

L'appelante se réfère également au procès-verbal de constat établi par commissaire de justice les 11 et 15 juin, 25 et 28 juillet 2021 confirmant cette situation.

Elle dénombre pour sa part six fenêtres litigieuses dont seulement trois présentent une vue latérale plongeante sur la propriété des époux [F]. Elle précise néanmoins qu'aucune vue n'est permise sur le fonds litigieux depuis le parking. L'appelante fait valoir qu'il n'existe aucune vue sur la terrasse et à l'intérieur de l'habitation.

Elle conclut en l'absence d'anormalité des vues rappelant que l'expert judiciaire a écarté l'anormalité des troubles eu égard à l'environnement immédiat dans lequel se trouvent les bâtiments à savoir une zone urbaine en pleine expansion étant relevé que la commune de [Localité 7] est en pleine croissance démographique. Elle souligne enfin que la parcelle des époux [L] est située dans une zone urbanisée et qu'ils ne pouvaient ignorer son expansion future.

S'agissant des vues sur le fonds [R], la SA HLM Trois Moulins Habitat formule les mêmes observations concluant en effet à l'existence de vues très réduites et limitées non constitutives d'un trouble anormal.

A titre subsidiaire, elle sollicite une réduction de l'indemnité allouée pour tenir compte de la configuration réelle des lieux et du caractère très limitée des vues.

Pour le surplus, l'appelante conteste toute perte d'ensoleillement du fait de l'imprécision du rapport judiciaire sur ce point et soutient encore son caractère minime dénué de toute anormalité. A titre subsidiaire, elle demande une réduction de l'indemnisation allouée compte-tenu du caractère minime de la nuisance dénoncée.

Sur le phénomène de réverbération entraînant une hausse des températures l'été dans le jardin et les pièces habitables des époux [F], l'appelante soutient que l'expert judiciaire n'a pas constaté un tel phénomène se contentant de reprendre les doléances des intimés qui n'ont jamais évoqué ce trouble au cours de la procédure en référé.

Elle conclut également en l'absence de nuisances sonores et olfactives se référant expressément aux constatations de l'expert judiciaire qui n'a relevé aucun trouble.

Sur les nuisances lumineuses, l'appelante conteste le préjudice invoqué pour la première fois en appel par les époux [F] soutenant par ailleurs que l'expert n'a relevé ce trouble que pour la parcelle de Mme [R]. Elle ajoute que la société TMH a procédé à la mise en place d'un éclairage conforme aux dispositions applicables afin d'assurer la sécurité sur le parking. Elle conteste en conséquence l'existence d'un trouble anormal.

Elle conclut enfin en l'absence de perte valeur de l'immeuble en lien avec les troubles dénoncés, la seule baisse provenant de la situation nouvelle de mitoyenneté.

Dans leurs dernières conclusions, Monsieur et Madame [F] et Mme [R] demandent à la cour de :

Vu le rapport d'expertise établi par Monsieur [N],

Vu le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage,

A titre principal,

En tant que de besoin, organiser un transport sur les lieux ;

Juger que les travaux commandés par la S.A Trois Moulins Habitat à la société Nouvelle électricité, selon facture du 24 août 2021 puis à la société TPR 66, selon devis du 12 juillet 2022, ne correspondent pas à ceux ordonnés par le tribunal puisque :

Aucun cache permettant d'atténuer le flux lumineux dirigé vers les habitations des concluants n'a été mis en place ;

Les luminaires n'ont pas été abaissés ;

Débouter la S.A Trois Moulins Habitat de sa demande, au demeurant nouvelle en cause d'appel, de remboursement de la somme de 4.613,66 euros ttc correspondant auxdits travaux

Juger que l'immeuble, propriété de la S.A Trois Moulins Habitat situé sur la commune de [Localité 7] ([Localité 7]) sur une parcelle de terre cadastrée Section [Cadastre 12], cause à Monsieur et Madame [F] et Mme [R] des troubles anormaux de voisinage, se caractérisant notamment par les éléments suivants :

* Implantation d'un immeuble collectif de 13 m. de hauteur à proximité de la ligne divisoire entraînant une perte de vue, de perspective et d'ensoleillement ;

* Phénomène de diffusion sonore des bruits en provenance des terrasses des logements créés, compte tenu de la forme en arc-de-cercle du bâtiment ;

* Phénomène de réverbération de la chaleur solaire vers le jardin et les parties des villas de requérants en période estivale, entraînant un accroissement de la température ambiante ;

* Création de balcons et fenêtres donnant vue plongeante et directe sur les jardins et pièces à vivre coté jardins des villas des requérants ;

* Implantation côté jardin de Mme [R] d'un vaste espace de stationnement entraînant des émanations de gaz d'échappement des véhicules ;

* Présence de lampadaires à illumination intense et permanente en période nocturne, implantés sur l'espace de stationnement de l'immeuble, perceptible depuis les parties habitables des habitations, entraînant l'obligation de dormir les voltes clos et empêchant l'aération naturelle et le rafraîchissement de la chambre en période estivale ;

* Perte globale de valeur des propriétés des requérants liée à l'implantation d'un ensemble collectif à proximité de la ligne divisoire ;

En conséquence,

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la S.A Trois Moulins Habitat à payer à procéder aux travaux suivants permettant l'atténuation des troubles anormaux du voisinages remédiables :

Mise en place de caches ou tout autre système équivalent sur l'ensemble des lampadaires extérieurs visibles depuis la propriété des concluants de sorte que la lumière émise par ces luminaires soit obturée et ne puisse être visible depuis ces propriétés ;

Modification de l'orientation de ces lampadaires ;

Mise en place d'un détecteur de présence permettant aux lampadaires de ne s'illuminer qu'en cas de nécessité ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas tenu compte des autres éléments de troubles anormaux de voisinage invoqués par les concluants ;

En conséquence,

Condamner la S.A Trois Moulins Habitat à procéder aux travaux suivants permettant l'atténuation des troubles anormaux de voisinages remédiables :

Mise en place d'une haie vive en fond de parking d'une hauteur de 2 mètres maximum suffisamment dense pour empêcher les émanations de gaz en provenance des véhicules stationnés ;

Changement de destination des 3 ou 4 places de stationnement longeant le grillage de la propriété [R] en un espace végétalisé ;

Injonction d'intégrer dans les baux des appartements loués par la société Trois Moulins Habitat un règlement intérieur imposant au véhicule de sa garer en marche avant contre le grillage bordant le jardin de Mme [R] de sorte que les fumées d'échappement générées au démarrage soient expulsées vers le parking et non le jardin ;

Assortir ces obligations d'une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard suivant le 30ème jour de la signification de la décision à intervenir ;

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la SA Trois Moulins Habitat à payer à :

Monsieur et Madame [F], ensemble, les sommes de 50.000 € en indemnisation de leur préjudice de jouissance, et de 30.000 € en indemnisation de la perte de valeur de leur immeuble ;

Mme [R] les sommes de 50.000 € en indemnisation de leur préjudice de jouissance, et de 20.000 € en indemnisation de la perte de valeur de leur immeuble ;

Juger que la SA Trois Moulins Habitat n'a pas exécuté les travaux mis à sa charge par le premier juge s'agissant du trouble anormal de voisinage lié à la présence des lampadaires sur le parking ;

Juger que Mme [R], et dans une moindre mesure les époux [F], ont continué à subir ces nuisances nonobstant le jugement rendu du fait de la créance de la SA Trois Moulins Habitat ;

Juger qu'il appartient à la cour d'indemniser le préjudice en résultant qui s'est constitué durant la procédure d'appel, postérieurement au jugement de première instance ;

En conséquence,

Condamner la SA Trois Moulins Habitat à payer à Mme [R] une indemnité complémentaire de 30.000 euros et aux époux [F] une indemnité complémentaire de 15.000 euros en réparation du trouble anormal subi ;

Juger que lesdites sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation au fond, et au double de l'intérêt au taux légal à compter de la date du jugement confirmé avec capitalisation annuelle le 1er janvier de chaque année ;

Débouter la S.A Trois Moulins Habitat de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions ;

Á titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour réformerait le jugement dont appel et considérerait que le trouble anormal de voisinage n'est pas établi,

Juger que l'expert judiciaire a méconnu à ses obligations en :

Ne répondant pas au 3ème point de mission qui lui était imparti,

Ne répondant pas aux dire transmis par les requérants (qu'il a pourtant bien réceptionné puisqu'il figure dans la liste des pièces annexes)

Ne procédant pas personnellement aux mesures des distances qui figurent dans son rapport, s'étant contenté de reprendre celles figurant sur les plans du permis '

Juger que l'expert judiciaire n'a pas complètement et correctement répondu au troisième point de mission qui lui était confié, visant à vérifier la conformité de l'immeuble litigieux avec les plans du permis de construire ;

En conséquence,

Ordonner un complément d'expertise en imposant à Monsieur [N] de répondre complètement aux points de mission qui lui avaient été impartis ;

Juger que ce complément de mission résultant d'une carence de l'expert à l'accomplissement de sa mission initiale, se fera à ses frais exclusifs et sans demande de consignation complémentaire à la charge des demandeurs.

Et en toute hypothèse,

Condamner la S.A Trois Moulins Habitat à payer à M. et Mme [F] d'une part et à Mme [R] d'autre part, chacun une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Condamner la S.A Trois Moulins Habitat aux entiers dépens de référé, de 1ère instance et d'appel incluant le coût de l'expertise judiciaire ;

Les intimés font valoir que leur habitation s'intégrait dans un environnement pavillonnaire calme bordé de vignes que la nouvelle construction n'a pas respecté ce cadre en imposant une construction massive et surélevée.

Ils ajoutent que le projet initial portait sur la construction d'un éco quartier en mitoyenneté et que l'immeuble devait être situé à plusieurs dizaines de mètres de leur habitation et séparé par un jardin arboré, raison pour laquelle ils ne se sont pas opposés à cette construction qui leur paraissait respectueuse de leur cadre de vie.

Or, ils font valoir que le projet réalisé ne correspond en rien au plan diffusé auprès de la population et que les nuisances générées par la présence de cet immeuble sont réelles et excessives justifiant la reconnaissance d'un trouble anormal du voisinage. Ils ajoutent que les aménagements, qui devaient réduire les nuisances, n'ont jamais été réalisés (absence d'espace arboré').

A titre liminaire, ils dénoncent l'absence de mise en 'uvre par l'appelante des mesures mises à sa charge par le premier juge afin d'atténuer certaines nuisances étant précisé que les travaux réalisés le 25 novembre 2022 ne sont pas ceux qui ont été fixés dans le cadre de la décision entreprise de sorte que les troubles persistent. Ils réclament donc la fixation d'une astreinte de 500 euros ainsi que l'indemnisation du préjudice subi depuis la décision déférée.

Pour le surplus, ils dénoncent de multiples troubles à leur jouissance paisible et soutiennent qu'ils sont imputables à la présence de l'immeuble situé à 5 mètres de leur parcelle présentant une hauteur conséquente ainsi que la présence de plusieurs fenêtres et balcons disposant d'une vue latérale sur leurs fonds qui réduit considérablement l'usage de leur jardin, terrasse et/ou piscine compte-tenu de la perte de toute intimité.

Selon eux, cette résidence entraîne également une perte d'ensoleillement en matinée, puisque les façades arrière de leur habitation ne sont plus ensoleillées dès le lever du soleil. Ils prétendent également qu'il créé un phénomène de réverbération occasionnant un accroissement des températures en période estivale qui est également favorisé par la présence d'un parking goudronné.

De plus, Mme [R] soutient subir un préjudice la nuit du fait de la présence des luminaires de la résidence qui illuminent le jardin sur la partie arrière ainsi que sa chambre.

Ils ajoutent que la forme en arc de cercle du bâtiment favorise la diffusion des bruits provenant des fenêtres et des balcons ce qui leur cause une nuisance sonore constitutive d'un trouble anormal de voisinage.

Ils dénoncent enfin les nuisances liées à la présence du parking extérieur en raison de la dégradation de la qualité de l'air outre la gêne occasionnée par la présence de luminaires ainsi que l'accroissement des contraintes de circulation dans le quartier.

Pour finir, ils font valoir que l'expert judiciaire a indiqué que la perte de vue et de perspective ainsi que la création de vues sur le jardin outre la perte d'ensoleillement sont évidentes à constater. Aussi, si les vues sont atténuées en rez-de-chaussée, tel n'est pas le cas pour les ouvertures pratiquées sur les étages supérieurs. Les parties intimées ajoutent que le choix d'implantation du bâtiment à un emplacement autre que celui prévu initialement qui était plus éloigné et le défaut d'aménagement destiné à réduire les nuisances expliquent seuls le trouble anormal subi.

Ils ajoutent en réponse aux moyens développés par l'appelante qu'ils ne pouvaient prévoir l'aménagement de cette zone ainsi que l'implantation d'un immeuble collectif de sorte que l'évolution urbanistique de cette zone ne saurait justifier les troubles actuellement subis.

A titre subsidiaire, ils réclament un complément d'expertise motivé par l'absence d'examen de la question de l'adéquation du permis de construire avec le projet réalisé alors qu'ils soutiennent que la résidence litigieuse n'est pas conforme aux documents urbanistiques déposés dans le cadre du permis de construire.

La clôture de la procédure est intervenue le 22 avril 2024.

MOTIFS

1/ Sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage :

Il est de principe que nul ne doit causer à autrui un dommage excédant les inconvénients normaux de voisinage.

Il est constant que ce régime de responsabilité est autonome par rapport au droit commun de la responsabilité. Il s'agit d'une responsabilité objective subordonnée uniquement, la preuve d'une faute n'étant nullement requise, à l'existence d'un trouble anormal qui doit être apprécié in concreto, en fonction des circonstances de temps et de lieu. Le respect des normes, notamment en matière d'urbanisme, n'est pas exclusif de l'existence d'un trouble anormal de voisinage, et inversement, la méconnaissance de ces normes n'implique pas nécessairement un tel trouble.

Ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge, le caractère licite ou non de la construction édifiée est sans incidence sur l'existence éventuelle d'un trouble anormal de voisinage de sorte que la demande d'expertise complémentaire ne se justifie nullement.

Pour le surplus, il appartient aux intimés, qui se prévalent d'une privation d'ensoleillement, d'un préjudice de vue ainsi que d'un phénomène de réverbération outre des nuisances sonores et lumineuses, d'établir que les inconvénients dénoncés excèdent les troubles normaux du voisinage.

Le trouble anormal dénoncé par les intimés s'apprécie à l'aune de l'environnement dans lequel s'inscrit le trouble supposé.

Il n'est nullement contesté que la SA Trois Moulins Habitat a fait édifier un immeuble linéaire en L évasé et surélevé composé de 4 bâtiments séparés constitués de deux étages sur rez-de-chaussée en façade ouest et trois étages en façade nord, présentant une hauteur de 13 mètres, sur une parcelle cadastrée section [Cadastre 12], autrefois en nature de vignes, mitoyenne des parcelles appartenant aux époux [F] et Mme [R], les premiers propriétaires d'une maison et d'un jardin comportant une piscine, et la deuxième d'une habitation avec jardin, le tout faisant partie du lotissement « [Adresse 16] » constituant une zone résidentielle.

La construction d'un immeuble collectif de trois étages sur une parcelle jouxtant la propriété des intimés leur cause nécessairement un trouble puisqu'ils se voient imposer la proximité immédiate d'un bâtiment au lieu et place de parcelles de vigne de nature à modifier leur environnement.

Cela étant, ce seul constat ne peut suffire à établir l'anormalité du trouble dénoncé, leur habitation se situant dans une zone urbanisée vouée à s'étendre.

Il convient donc d'examiner les griefs dénoncés par les intimés à la lumière du rapport d'expertise déposé par M. [N] le 31 janvier 2018 et des pièces communiquées par les parties dont les rapports d'expertise privés.

Selon l'expert judiciaire, les conditions urbanistiques ont évolué avec la construction des bâtiments. La perte de vue et de perspective, la création de vues donnant sur le jardin privatif de M. et Mme [F] et celui de Mme [R], tout comme la perte d'ensoleillement sont évidentes à constater.

Il n'est d'ailleurs nullement remis en question par l'appelante l'existence de ces modifications, celle-ci contestant seulement l'anormalité des troubles dénoncés.

En l'état, à l'examen des pièces produites, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a écarté l'existence de nuisances sonores excessives imputables à la construction de ce nouvel immeuble.

En effet, les intimés, qui dénoncent la forme en arc de cercle du bâtiment comme favorisant la diffusion des bruits provenant des fenêtres et des balcons ainsi que la présence du parking pour expliquer l'existence de nuisances sonores constitutives d'un trouble anormal de voisinage, ne confortent leur analyse par aucune pièce justificative alors même que l'expert judiciaire n'a pas retenu ce grief considérant les désagréments normaux au regard de l'urbanisation de la zone.

L'expert indique en effet dans la conclusion du rapport qu'« il est difficile de parler d'un trouble anormal du voisinage. La construction des bâtiments par la SAS Trois Moulins a créé, c'est certain, plus d'activité sur ce secteur par rapport à l'existant antérieur (circulation plus importante, voisinage plus dense') et certains désagréments (bâtiments en perspective, perte d'ensoleillement') cela résulte de l'urbanisation de la zone, phénomène que l'on retrouve fréquemment dans toutes les communes. Il est logique que cette zone soit moins calme qu'avant la construction du lotissement [Adresse 15] ».

S'agissant du trouble généré par le stationnement et la circulation de véhicules à proximité immédiate de la propriété [R], le premier juge reconnaît au bénéfice de Mme [R] l'existence de nuisances liées à l'intensité de l'éclairage nocturne mis en place sur le parking extérieur de l'immeuble voisin qui est perceptible toute la nuit depuis sa chambre l'obligeant à dormir les volets fermés.

Il résulte néanmoins de l'expertise judiciaire que « le stationnement et la circulation de véhicules à proximité immédiate de la propriété [R], la dégradation de la qualité de l'air ambiant, l'accroissement des contraintes de la circulation dans le quartier, la gêne causée par l'implantation de luminaires à proximité du jardin de Mme [R] sont bien difficiles à démontrer (nous nous sommes rendus à plusieurs reprises sur les lieux à différentes heures de la journée et cela ne nous a pas paru évident) ».

L'expertise privée établie par l'agence Saretec le 3 mai 2016 n'a pas retenue ce type de nuisances ni la gêne occasionnée par l'implantation de luminaires à proximité de l'habitation de Mme [R].

Le procès-verbal de constat établi par un commissaire de justice à la demande des intimés le 20 janvier 2022 ne met pas en évidence l'existence d'un trouble anormal de voisinage résultant de la présence de luminaires situés sur le parking de l'immeuble litigieux. S'il résulte des photographies jointes au procès-verbal la présence d'un éclairage permanent la nuit, la luminosité occasionnée ne se révèle pas être excessive ni agressive à l'égard des habitations mitoyennes.

En l'absence de pièces justificatives, il ne peut être retenu un préjudice anormal de voisinage en lien avec une pollution luminaire qui n'est nullement démontrée.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la S.A Trois Moulins Habitat à mettre en 'uvre des caches ou tout autre système équivalent sur l'ensemble des lampadaires extérieurs visibles depuis la propriété des demandeurs afin que la lumière émise par ces luminaires soit obstruée et ne puisse être visible depuis ces propriétés, à modifier l'orientation des lampadaires concernés et à mettre en 'uvre un détecteur de présence permettant aux lampadaires de ne s'illuminer qu'en cas de nécessité et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 60 jours suivants la signification du présent jugement.

S'agissant du phénomène de réverbération, l'expert judiciaire n'a procédé à aucun constat ni analyse se contentant de reprendre les doléances des époux [F] qui évoquent une augmentation de température sans plus de précision. Le préjudice dénoncé n'est donc pas justifié.

S'agissant des conditions d'ensoleillement, si le premier juge a retenu une perte d'ensoleillement, il conviendra néanmoins de mesurer l'anormalité du trouble au regard des constatations faites par l'expert judiciaire.

Or, l'imprécision de l'expertise sur ce point ne permet pas de retenir l'anormalité de la perte d'ensoleillement évoquée étant relevé que M.[N] indique qu' « actuellement la maison de M et Mme [F] n'est ensoleillée sur sa façade arrière qu'à partir de 10h30 / 11h selon la saison (certainement plus tôt en été) celle de Mme [R] l'est 15 à 30 minutes plus tôt. Nous ne pouvons déterminer très précisément ce qu'il en était avant la construction des bâtiments ' mais nous pouvons imaginer qu'elles devaient l'être peu après le lever du soleil ».

Il ajoute que « la création de l'immeuble entraîne une perte d'ensoleillement ; elle est similaire aux précédentes (le bien bénéficie quelques minutes lors du lever du soleil et en est privé jusqu'en milieu de journée) ».

Ces constatations ne permettent pas de retenir que le caractère excessif de cette perte d'ensoleillement qui découle naturellement de la construction en mitoyenneté d'un immeuble, peu importe sa nature.

Si elle est effective, aucun élément ne permet de retenir son anormalité étant rappelé qu'elle résulte de l'urbanisation de la zone. La privation de quelques heures de soleil ne peut être considérée comme excessive sauf à interdire toute construction dans la zone considérée.

La décision entreprise sera donc infirmée sur ce point.

Par contre, s'agissant du préjudice de vue, le jugement sera confirmé en ce qu'elle a retenu l'existence d'un trouble anormal et excessif.

En effet, si l'urbanisation d'une zone s'accompagne de désagréments évidents impliqués par la construction d'un bâtiment de plusieurs étages, en l'espèce 3 étages avec une hauteur de 13 mètres, celle-ci ne peut se faire néanmoins s'en tenir compte de l'environnement dans lequel elle s'intègre et doit faire en sorte de réduire les inconvénients induits pour le voisinage déjà présent en procédant notamment à une implantation judicieuse du bâtiment de nature à limiter les vues.

Ceci est tellement vrai que la plaquette informant le voisinage de la création d'un nouveau lotissement « [Adresse 15] », comprenant l'édification de plusieurs logements individuels sur des parcelles localisées autour de l'avenue Jean Zay ainsi qu'un bâtiment collectif jouxtant leur parcelle, a été faite dans cet esprit.

Elle présente en effet l'immeuble comme étant situé à proximité de la route, à l'opposé de la parcelle des intimés étant précisé que l'illustration jointe comporte un espace vert composé d'arbustes servant de séparation végétale entre la maison des époux [F] ainsi que celle de Mme [R] et la nouvelle construction laissant supposer l'existence d'une certaine distance entre les deux immeubles.

Or, les photos produites aux débats contredisent cette plaquette de présentation et révèlent au contraire une certaine proximité, le bâtiment présentant une hauteur de 13 mètres se situant en effet à 5 mètres des habitations mitoyennes comme l'a constaté l'expert, et il est à noter l'absence d'aménagements verts et de séparation arborée remplacés par un parking. Il peut être ainsi constaté la présence de fenêtres qui disposent d'une vue plongeante sur le jardin des intimés.

L'expert judiciaire relève en effet la présence de neuf ouvertures, six fenêtres et trois portes fenêtres, situées à moins de 5,28 m de la limite séparative de la parcelle des époux [F] et environ 22 m pour la parcelle de Mme [R], ainsi que l'existence de balcons, qui disposent de vue latérale sur les habitations localisées à proximité.

Il ajoute qu'« Il est évident que les vues directes sur la piscine, si elles n'empêchent pas la jouissance de celle-ci, entraînent beaucoup moins d'intimité dans son utilisation ».

Cette constatation n'est pas contredite par le procès-verbal produit par l'appelante dans la mesure où les photos jointes laissent apparaître des vues latérales mais plongeantes sur le jardin de Mme [R] mais également des vues directes et plongeantes sur le terrain et la piscine des époux [F] qui se trouvent dès lors à découvert. Il a été à noter sur ce point que les nuisances subies par les époux [F] sont plus importantes que celles occasionnées à Mme [R] tant en raison de la situation de leur habitation qui est située au plus près des ouvertures litigieuses que de la présence de leur piscine qui est visible des six fenêtres situées au-dessus d'elle et qui disposent d'une vue plongeante et directe sur la propriété.

Cette configuration est confirmée par le rapport d'expertise privé établi par l'agence Saretec le 3 mai 2016 qui met effectivement en évidence la présence de vues directes sur la piscine des époux [F] ainsi que des vues latérales sur la propriété de Mme [R].

Cette vue plongeante sur leur jardinet, offerte par les six fenêtres situées au deux derniers niveaux, est de nature à réduire leur intimité dans l'usage des espaces extérieurs de sorte qu'elle caractérise un trouble anormal de voisinage. Il en est de même pour Mme [R] dont la propriété est soumise à des vues latérales et plongeantes de nature à porter atteinte à son intimité.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

2/ sur la réparation du trouble :

Le premier juge a accordé aux époux [F] une indemnisation d'un montant de 50.000 euros au titre du préjudice de jouissance subi ainsi qu'une somme de 30.000 euros correspondant à la perte de la valeur vénale de l'habitation subie du fait de ce trouble anormal du voisinage. Mme [R] s'est vue allouer une somme de 50.000 euros au titre du préjudice de jouissance subi ainsi qu'une somme de 20.000 euros correspondant à la perte de la valeur vénale de l'habitation.

En appel, la demande indemnitaire sera revue à la baisse dans la mesure où seul un préjudice de vue est retenu.

Eu égard à l'importance des désagréments subis, les époux [F] se verront alloués une somme de 20.000 euros au titre du préjudice de jouissance qui est plus important que celui subi par Mme [R] du fait de la présence de la piscine qui supporte des vues directes et plongeantes, ainsi que la somme de 10.000 euros résultant de la perte de la valeur vénale de l'habitation.

Mme [R] bénéficiera d'une somme de 10.000 euros au titre du préjudice de jouissance ainsi que la somme de 5.000 euros résultant de la perte de la valeur vénale de l'habitation.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

En dernier lieu, l'appelante réclame la condamnation des intimés, par le jeu de la compensation visée aux articles 1347 et suivants du code civil, à rembourser à S.A Trois Moulins Habitat le trop-perçu.

La cour rejettera cette demande qui a trait à l'exécution des décisions en cause.

3/ Sur les frais accessoires :

Le jugement déféré sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

L'appelante, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer aux intimés ensemble une somme de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Confirme le jugement rendu le 4 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Perpignan sauf en ce qu'il a condamné la S.A Trois Moulins Habitat à payer à :

* M. et Mme [F], ensemble, les sommes suivantes :

50.000 euros en indemnisation de leur préjudice de jouissance ;

30.000 euros en indemnisation de la perte de valeur de leur immeuble ;

*Mme [R] les sommes suivantes :

50.000 euros en indemnisation de leur préjudice de jouissance ;

20.000 euros en indemnisation de la perte de valeur de leur immeuble ;

*à mettre en 'uvre des caches ou tout autre système équivalent sur l'ensemble des lampadaires extérieurs visibles depuis la propriété des demandeurs afin que la lumière émise par ces luminaires soit obstruée et ne puisse être visible depuis ces propriétés, à modifier l'orientation des lampadaires concernés et à mettre en 'uvre un détecteur de présence permettant aux lampadaires de ne s'illuminer qu'en cas de nécessité et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 60 jours suivants la signification du présent jugement

Statuant à nouveau,

Condamne la S.A Trois Moulins Habitat à payer à

* M. et Mme [F], ensemble, les sommes suivantes :

20.000 euros en indemnisation de leur préjudice de jouissance ;

10.000 euros en indemnisation de la perte de valeur de leur immeuble ;

*Mme [R] les sommes suivantes :

10.000 euros en indemnisation de leur préjudice de jouissance,

5.000 euros en indemnisation de la perte de valeur de leur immeuble,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la S.A Trois Moulins Habitat à payer à M. et Mme [F] et Mme [R] ensemble la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A Trois Moulins Habitat au paiement des entiers dépens.

Le greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/03375
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.03375 ?
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