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06/06/2024 | FRANCE | N°21/02470

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 06 juin 2024, 21/02470


ARRÊT n°

































Grosse + copie

délivrées le

à













COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 06 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02470 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6VC





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 08 AVRIL 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION

PARITAIRE DE PERPIGNAN

N° RG F 20/00237





APPELANT :



Monsieur [F] [T]

né le 11 mars 1986 à [Localité 6] (34)

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 3],

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représenté par Me Corine SERFATI-CHETRIT de la SCP D'AVOCATS SERFATI-CHETRIT, avocat au bar...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 06 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02470 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6VC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 08 AVRIL 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN

N° RG F 20/00237

APPELANT :

Monsieur [F] [T]

né le 11 mars 1986 à [Localité 6] (34)

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 3],

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Corine SERFATI-CHETRIT de la SCP D'AVOCATS SERFATI-CHETRIT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Me Sonia PEREZ, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES

Domiciliée [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicolas DRUJON D'ASTROS de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Isabelle GUITTARD, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

Ordonnance de clôture du 19 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport et Madame Magali VENET, Conseiller.

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Magali VENET, Conseiller

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement fixée au 16 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

M. [F] [T] a été engagé le 03 septembre 2007 par la société Carrefour en qualité de stagiaire manager.

Au dernier état de la relation contractuelle, il exerçait les fonctions de manager métier statut cadre niveau VIIB et percevait une rémunération forfaitaire mensuelle brute de 3 430 euros.

Le 25 juillet 2018, M. [T] a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire ainsi que d'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 8 août 2018, le salarié a été licencié pour faute grave.

Le 07 février 2019, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan afin de contester son licenciement et voir condamner l'employeur au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 8 avril 2021, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement pour faute grave est justifié et débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration en date du 16 avril 2021, M. [T] a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 18 juin 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, le salarié demande à la cour de :

- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

- condamner la SAS Carrefour Hypermarchés à lui verser les sommes suivantes :

- 96 744 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 12 095,01 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 1 209,50 euros au titre des congés payés y afférents

- 31 037,90 euros net au titre de l'indemnité de licenciement

- 1 583 euros au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire

- 158,30 euros au titre de l'indemnité compensatoire de congés payés sur rappel de salaires.

- ainsi qu'aux frais d'instance, de notification et d'exécution s'il y a lieu outre à la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en date du 13 août 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la SAS Carrefour Hypermarchés demande à la cour de confirmer le jugement et condamner M. [T] au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est en date du 19 février 2024

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail:

La faute grave est définie comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise .

En l'espèce, M. [T] a été licencié pour faute grave par lettre du 8 août 2018 en raison des faits suivants:

« Le samedi 30 juin 2018, vous avez réalisé auprès de Monsieur [H] [A] [E] et de Madame [P] [E] la vente de plusieurs produits électroménagers, dont 3 téléviseurs, un lave-linge, un sèche-linge, 2 aspirateurs, un fer à repasser, un défroisseur et un lecteur 3D pour un montant total de 9 163,73 € à savoir 1 582,73 € pour Madame [E] et 7 581 € pour Monsieur [E] suivant bons de commande

n° 052120180603839 et 052120180603835 sur le code vendeur de M. [O] [C] en congés ce jour-là.

Alerté par le fait que vous ayez attribué 459 € de bons d'achat aux consorts [E] en dehors des règles d'attribution du magasin, je me suis vu contraint d'effectuer des contrôles sur la régularité de ces ventes.

Ainsi, le samedi 30 juin 2018, vous avez fait bénéficier aux consorts [E] des remboursements sous forme de deux bons d'achat d'une valeur individuelle de 250 € et 209 € soit un total de 459 € (à savoir 3 € de remise tous les 60 € d'achat : 9 163,73/60x3).

Or, les bons d'achat ne peuvent être délivrés dans notre magasin que le mardi de chaque semaine dans le cadre de la journée de réduction « journée PASS », cette faveur commerciale étant réservée aux titulaires d'une carte PASS à condition qu'ils règlent au passage en caisse avec leur carte PASS.

Vous avez donc attribué le bénéfice de cet avantage aux consorts [E] qui n'y avaient pas droit pour deux raisons :

- D'une part, le samedi n'est pas la journée de réduction PASS qui est fixée exclusivement au mardi de chaque semaine dans notre magasin ;

- D'autre part, aucun des consorts [E] n'a réglé en carte PASS puisque les paiements au passage en caisse ont été effectués par chèques.

De plus, vous avez fait éditer 2 bons d'achats d'une valeur de 250 € et de 209 € alors même que Monsieur [E] avait un ticket de caisse de 1 582,73 €, soit une valeur en bons d'achat de 79,14 €, et que Madame [E] avait un ticket de caisse de 7 581 €, soit une valeur en bons d'achat de 379,05 €.

Vous avez donc sciemment contrevenu aux règles d'attribution des bons d'achats et avez même prétendu auprès de la caissière, Madame [S], à qui vous avez ordonné de les délivrer nonobstant ses réticences, qu'il s'agissait de bons de ventes erronés que vous deviez refaire, ce qui est totalement faux puisque vous n'avez refait aucun bon de vente ce jour-là.

En raison de cette sollicitation surprenante de la part d'un manager, celle-ci vous a même demandé de signer le ticket de remboursement qu'elle se voyait contrainte d'éditer à votre demande.

Par ailleurs, il est apparu suivant nos vérifications que, dans le cadre de ces ventes, vous avez affecté à certains produits des remises anormalement élevées, qui ont entraîné des ventes sans aucune rentabilité pour le magasin, totalisant des marges nulles ou insignifiantes, voire même une vente à perte .

Plus précisément, le 30 juin 2018, une de vos remises à Mme [E] a entraîné la vente à perte du téléviseur référencé 4548736061729 KD65A1BAEP TV OLED 4K SONY dont le prix de vente TTC était fixé en magasin à 3 499 € a été remisé de 400 € par vos soins, de sorte que ce produit a été effectivement vendu 3 099 € TTC (2 582,50 € HT), pour un prix d'achat hors taxe de 2 712,50 €, soit une perte de 130 € pour notre magasin.

Non seulement le magasin a purement et simplement perdu 130 € sur cette transaction mais encore vous savez pertinemment que la revente à perte (prix de vente au client inférieur au prix d'achat par le magasin) est considérée comme une pratique commerciale déloyale légalement interdite et punie de 75 000 euros d'amende suivant l'article L442-2 du code du commerce.

Vous avez aussi facturé certains à 0,01 € de sorte que le magasin n'a dégagé aucune marge sur ces ventes. Ce fut le cas pour :

- un support TV POSS inclinable référencé 3614611988618 POS-T792LT dont le prix de vente TTC était fixé en magasin à 69,99 € a été remisé de 69,98 € par vos soins, de sorte que ce produit a été effectivement vendu 0,01 € TTC, pour un prix d'achat hors taxe de 16,81 €, soit une marge nulle pour notre magasin, au lieu de 41,51 € sans remise.

- un support TV POSS inclinable référencé 3614611993506 POS-PSWMT862TS dont le prix de vente TTC était fixé en magasin à 79,99 € a été remisé de 79,98 € par vos soins, de sorte que ce produit a été effectivement vendu 0,01 € TTC, pour un prix d'achat hors taxe de 36,14 €, soit une marge nulle pour notre magasin, au lieu de 30,52 € sans remise.

Avec ces 2 produits offerts à vos clients, le magasin a donc perdu 72,03 € de marge initialement prévue. Si des remises sont parfois possibles dans une certaine mesure, la remise à hauteur de l'intégralité du prix de vente du produit, c'est-à-dire la gratuité, est interdite sauf autorisation expresse de la Direction.

Vous le saviez pertinemment puisque vous avez, par pur subterfuge, « facturé » ces produits à 0,01 € pour que le logiciel ne refuse pas la vente '

En outre, sur certaines ventes, vos remises ont rendu les marges carrément insignifiantes rendant quasiment nulles la rentabilité de la vente pour le magasin :

- le fer vapeur ROWENTA référencé 4210101953013 DW5210D1 dont le prix de vente TTC était fixé en magasin 64,90 € a été remisé de 12,98 € par vos soins, de sorte que ce produit a été effectivement vendu 51,92 € TTC (43,32 € HT), pour un prix d'achat hors taxe de 39,97 €, soit une marge de 3,35 € pour notre magasin, au lieu de 14,11 € sans remise.

En effet, en dehors des remises nationales qui nous sont imposées et directement intégrées dans le logiciel V9000, les remises en magasin ne sont jamais attribuées arbitrairement. Notre logiciel de vente V9000 rappelle d'ailleurs les « codes-remises » correspondants à chacun des cas d'utilisation autorisé qui doivent être mentionnés au moment de la saisine du bon de vente :

Remise produit 2 ème main (pour les produits de 2 ème main repris par le SAV, réparé ou remis en état...)

Remise alignement concurrence (alignement du magasin sur le prix moins cher de la concurrence sur justificatif)

Remise catalogue (pour des produits en promotion sur catalogues)

Remise immédiate (pour des produits en promotion par remise immédiate en caisse)

Remise sur modèle d'exposition (pour les produits en exposition dans le magasin)

Remise pour soldes (pendant les dates légales des soldes)

Remise commerciale (pour cause d'erreurs de balisages, de promotions locales, de produits en fin de vie ou en fin de stock).

Aucun des produits ci-dessus mentionnés, remisés ou carrément offerts aux consorts [E] ne rentrait dans ces catégories bien que vous ayez indiqué indûment qu'il s'agissait de « Remises commerciales ».

Vous avez enfin, sans aucune raison objective, octroyé une remise commerciale de 150€ sur le lave linge SAMSUNG WW90K54100UW référencé 8806088194387(prix remisé 549€)et à nouveau 150€ de remise sur le sèche linge SAMSUNG DV80M50131W référencé 8806088770475(prix remisé 599€).

Ces remises n'avaient pas non plus lieu d'être et n'avaient que pour seul avantage d'absorber le prix des deux assurances 'Packs Premiums' achetées pour ces produits par Mme [E] à hauteur de 286€...

Ces initiatives totalement incompréhensibles de votre part le samedi 30 juin 2018 sont en totale contradiction avec votre mission de manager, responsable du bon suivi des activités de votre rayon EPCS, de l'amélioration permanente de ses résultats et de ses marges...

Vos agissements ce jour là ont été en parfaite contradiction avec les intérêts économiques de votre rayon , ce que vous avez pour mission permanente de défendre.

Il n'est même pas possible de penser que vous ave fait ces remises pour 'encourager ' les clients à réaliser des achats qui auraient pu, dans leur ensemble , rentabiliser la vente avec un résultat global finalement avantageux puisque, sur la globalité des ventes réalisées avec les consorts [E] le 30 juin 2018, la marge du magasin ne s'est élevée qu'à 44€ sur une vente totale de 9163,73€ ce qui n'est pas en proportion avec ce qui aurait dû être...

Nous considérons que ces agissements sont contraires à vos obligations contractuelles et rendent impossible votre maintien , même temporaire, dans l'entreprise...'

Il est tout d'abord reproché à M. [T] d'avoir émis un samedi deux bons d'achat en faveur des époux [E] d'une valeur totale de 459€, correspondant à un remboursement de 3€ par tranche de 60€ d'achat, alors que ces bons ne peuvent être délivrés que le mardi et à condition de régler avec la carte Pass. La société précise en outre que le montant porté sur les bons d'achats ne correspondait pas à celui de la réduction liée au somme réglées, puisqu'il aurait dû s'élever à la somme de 379,05€.

La documentation relative au fonctionnement des cartes 'Pass' produite aux débats justifie effet que cet avantage, plafonné à la somme maximum de 399€, nécessite de payer le mardi avec la carte Pass rattachée au programme fidélité Carrefour . Or, en l'espèce, les clients ont réglé leurs achat un samedi et par chèques bancaires sachant qu'il n'est pas établi qu'ils étaient titulaire d'une carte Pass.

M. [T] qui ne conteste pas la matérialité des faits , soutient que le montant des achats était trop élevé pour que les clients puissent régler avec leur carte Pass ou avec une carte bancaire classique au regard des conditions générales d'utilisation de la carte PASS mentionnant que pour un paiement d'achat différé le plafond de la carte est fixé à 2500€ alors que pour un paiement immédiat la carte est plafonnée à 1000 euros.

L'employeur justifie cependant qu'en sollicitant l'autorisation des services de Carrefour Banque, il est possible d'augmenter temporairement le plafond d'achat comptant dès le lendemain de la demande, jusqu'à 10 000€ si nécessaire.

M. [T] fait également valoir qu'il a recueilli l'accord de son chef de secteur quant à l'émission des bons d'achat, et que M. [L], membre de la direction a reconnu lors de son entretien préalable en avoir été informé.

La lecture du compte rendu de l'entretien préalable qui s'est déroulé entre la direction, représentée par M. [L], et M. [T] ne permet cependant pas de corroborer les affirmations du salarié au regard des propos respectifs des intéressés ainsi rapportés:

'- [D] [L]: les bons de vente ont ils été validés en collaboration avec votre chef de secteur'

- [F] [T]: oui, tout à fait

- [D] [L]: ce n'est pas ce qu'il dit

- [F] [T]: c'est ce qu'il dit. Mais je peux vous certifier que nous en avons parlé à plusieurs reprises sur une période de plus de quinze jours. Cela n'est pas digne d'un chef de secteur. Il ne peut pas dire qu'il n'était pas au courant. Vous-même étiez au courant de cette commande et de cette vente.

-[D] [L]: effectivement, et je vous avais demandé si elle était rentable vous m'avez répondu 'oui'.'

Par ailleurs, M. [I] responsable hiérarchique de M. [T] témoigne ainsi: 'A la fin de la vente, le manager m'a informé avoir donné des bons d'achat du mardi Carte Pass aux clients, 3€ par tranche de 60€, soit 459€. Or, les cliens ont réglé par chèque et qui plus est un samedi. Ils ne respectent donc pas les critères d'égibilité aux bons d'achats'.

Il et ainsi établi que le salarié n'a pas respecté les règles régissant la délivrance de bons d'achat, de sorte que le premier grief est établi.

L'employeur reproche également à M. [F] d'avoir effectué des remises anormalement élevées sur certains produits, entraînant des ventes sans rentabilité pour le magasin en raison de marges nulles ou insignifiantes, voire même une vente à perte.

Il apparaît ainsi que le magasin n'a perçu aucun bénéfice sur la vente d'un téléviseur dont le prix d'achat HT par le magasin (2 712,51 euros) était supérieur au prix de vente consenti par M. [T](2 582,50€ HT) soit une perte de 130€ pour le magasin.

M. [T] explique que la remise était justifiée dans la mesure où le téléviseur était en 'fin de vie' et que la perte générée par cette réduction a été compensée par la vente au client d' une assurance garantie de 299€.

Il produit une capture d'écran de la fiche produit du téléviseur qui mentionne dans le cadre 'assortiment ' la ligne 'mouvement Assortiment: D/déréférencé.'

L'employeur justifie cependant, au vu des captures d'écran produites, que cette mention ne signifie pas que le produit est 'en fin de vie' , mais qu'il n'est pas référencé en stock par le magasin et qu'il peut être commandé auprès de l'entrepôt de la société , tel qu'il ressort du même document dans le cadre 'commandabilité'.

Par ailleurs, la perte occasionnée par la vente du téléviseur n'est pas compensable par la vente de l'assurance garantie , laquelle a vocation à s'ajouter au prix d'achat et non à s'y substituer.

La société reproche en outre à M. [T] d'avoir facturé 0,01€ chacun deux supports TV vendus au prix de 69,99€ et 79,99€, de sorte que le magasin n'a dégagé aucune marge sur ces ventes.

M. [T] fait valoir qu'il a effectué ces remises pour s'aligner sur un devis de l'enseigne Boulanger présenté par les clients, sans cependant produire ce document.

Il verse aux débats un devis Conforama qui ne fait pas état de supports TV, outre un relevé de prix issu d'un comparateur de prix internet concernant les prix pratiqués à la date du 09 décembre 2019 par deux concurrents, soit 18 mois après les ventes réalisées le 30 juin 2018, sachant que les prix sont très fluctuants sur ces produits.

Le salarié ajoute avoir présenté des justificatifs à son responsable, M. [I] qui le conteste dans son témoignage, rédigé ainsi: 'Je n'ai aucunement été informé au préalable du montant aussi important des remises accordées. Pendant la vente, M. [T] m'a bien contacté mais uniquement pour me demander si je ne voyais pas d'inconvénient à ce que les clients payent par chèque un montant de 9168,73€.'

De plus, le mail envoyé au transporteur et en copie à M. [I] concernant 'une grosse vente de 9200€ ' a été expédié le 02 juillet 2018, soit postérieurement à la vente réalisée le 30 juin , de sorte que ce dernier n'a pas été en mesure d'exercer un contrôle préalable.

Par ailleurs, l'employeur justifie que M. [T] n'a pas renseigné sur le bon de commande la rubrique 'remise alignement concurrence' auquel doit être agrafé la preuve de l'alignement (facture ou devis concurrence) mais la mention 'remise commerciale ' accordée en cas de 'erreur balisage, promo locale, produit fin de vie, hors tan, stocks morts', alors qu'en l'espèce, la remise accordée ne se fondait sur aucun de ces motifs.

L'employeur fait également état de remises annulant toute rentabilité de la vente concernant un fer vapeur Rowenta ainsi qu'un lave linge et un sèche linge Samsung.

La société justifie que M. [T] a accordé des 'remises commerciales' sur le fer vapeur ramenant la marge de la société à 3,35€ au lieu 14,11, ainsi que sur un lave linge et sur un sèche linge Samsung, d'un montant de 150€, sachant que ces remises n'étaient justifiées par aucun des motifs les autorisant, occasionnant ainsi une perte de 300€ sur la vente des deux produits au magasin.

M. [T] se borne à mentionner (une) nouvelle fois que les remises ont été compensées par l'achat des assurances garantie par les clients, qui n'ont cependant pas pour vocation de compenser des remises mais doivent au contraire venir s'ajouter au prix, tel que cela a été précédemment rappelé.

Il ressort du tableau récapitulatif établi par M. [I], responsable non alimentaire du magasin et annexé à son témoignage, que sur une vente globale de 9 168,73€ TTC et au regard des remises effectuées par M. [T] à hauteur de 2 301,90€, incluant une remise nationale de 900 euros sur un téléviseur, la marge du magasin ne s'est élevée qu'à 44€

M. [T] produit lui aussi un tableau récapitulatif des ventes, laissant apparaître une marge de 832,60€ pour le magasin, incluant cependant les assurances produits. Par ailleurs, la plupart des captures d'écran sur lesquelles le tableau se fonde concerne des 'fiches produits' dont les tarifs ne correspondent pas à la date du 30 juin 2018 , alors que la tarification est extrêmement mouvante.

Le salarié mentionne également avoir alerté sa direction par plusieurs mails au sujet d'anomalies quant à la fixation de prix entaînant des ventes à perte , sans cependant établir de lien entre ces difficultés et les ventes réalisées le 30 juin 2018.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que les faits reprochés à M. [T] relatifs à l'octroi irrégulier de bons d'achats , et de remises anormalement élevées sur l'achat de produits électroménagers, et qui ont eu pour conséquence de réduire de façon excessive les marges du magasin, sont établis.

Cependant, ces faits commis par un salarié qui disposait d'une ancienneté de 11 ans dans la société , qui n'avait jamais fait l'objet d'une sanction, et dont les évaluations soulignaient son implication et ses compétences professionnelles, ne sont pas constitutifs d'une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, mais d'une simple faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la décision sera réformée en ce sens.

Sur les conséquences du licenciement:

Le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave, de sorte que la rupture du contrat de travail ouvre droit pour le salarié à une indemnité de licenciement et de préavis ainsi qu'à un rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire.

Sur l'indemnité de licenciement:

La convention collective d'entreprise Carrefour, plus favorable que l'indemnité légale de licenciement, prévoit que l'indemnité de licenciement est calculée sur les bases suivantes:

'pour une présence ininterrompue dans l'entreprise de 2 ans à 5 ans, l'indemnité de licenciement est calculée sur la base de 5/10eme de mois par année de présence. Au/ delà de 5 ans de présence ininterrompue , l'indemnité est calculée sur la base de 8/10ème de mois par année de présence dans l'entreprise. L'indemnité ne peut excéder 24 mensualités. '

En l'espèce, M. [T] disposait d'une ancienneté de 11 ans et son salaire moyen s'élevait à la somme de 4 031 euros. Par application de ces dispositions, l'indemnité de licenciement qui lui est due s'élève à la somme de 29 425,50 euros.

Sur l'indemnité de préavis:

La situation de M. [T] lui ouvre droit au versement d'une indemnité de préavis d'un montant de 12093 euros, outre 1209,30 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire:

L'employeur sera condamné à verser à M. [T] la somme de 1583 euros au titre du salaire retenu pendant la période de mise à pied à titre conservatoire outre 158,30€ au titre des congés payés y afférents.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:

Il convient de condamner l'employeur à verser à M. [T] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [F] [T] de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

L'infirme en ce qu'il a dit que le jugement pour faute grave est justifié et débouté le salarié de ses demandes en paiement de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, et de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

- Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- Condamne la société Carrefour Hypermarchés à verser à M. [F] [T] les sommes suivantes:

- 29 425,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 12 093 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 1 209,30 euros au titre des congés payés y afférents

- 1 583 euros au titre de la mise à pied conservatoire

- 158,30 euros au titre des congés payés y afférents

- Condamne la société Carrefour Hypermarchés à verser à M. [F] [T] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne la société Carrefour Hypermarchés aux dépens de la procédure.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02470
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;21.02470 ?
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