La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2024 | FRANCE | N°21/02094

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 05 juin 2024, 21/02094


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 05 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02094 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O56R





Décision déférée à la Cour : Jugement du 0

3 MARS 2021

CONSEI L DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00022







APPELANT :



Monsieur [J] [D]

né le 18 février 1968 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Fabrice BABOIN de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué ...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 05 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02094 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O56R

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 MARS 2021

CONSEI L DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00022

APPELANT :

Monsieur [J] [D]

né le 18 février 1968 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Fabrice BABOIN de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué sur l'audience par Me Déborah DEFRANCE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.R.L. PRUNIERES BTP

Prise en la personne de son représentant légal dont le siège sociale sis,

[Adresse 13]

[Adresse 13]

Représentée sur l'audience par Me Laurent ERRERA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 04 Mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

Assistée de Mme [Z] [E], greffier stagiaire

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [J] [D], reconnu travailleur handicapé depuis 1995, a été engagé le 4 juin 2007 par la Transport Prunières en qualité de conducteur routier dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à temps complet. A l'issue de ce premier contrat, M. [D] a été engagé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée au même poste.

A compter du 1er juillet 2013, à l'occasion d'une réorganisation de groupe, le contrat de travail de M. [D] a été transféré à la société Prunières BTP.

Le 5 novembre 2015, M. [D] a été placé en arrêt maladie.

Du 15 mai 2017 au 9 janvier 2018, le salarié a bénéficié d'une formation qualifiante sur l'emploi d' 'installateur en réseaux de communication, télécommunication et VDI administrateur'.

À l'issue de la première visite de reprise, en date du 15 février 2018, le médecin du travail a émis l'avis suivant : 'Inaptitude définitive au poste lié à Maladie Professionnelle. Son état de santé ne permet pas de dépasser 2 heures de conduite et la manutention de charges lourdes. Un reclassement sur un poste administratif serait compatible avec son état de santé', en précisant que l'étude de poste, l'étude des conditions de travail et l'entretien avec l'employeur restaient à faire.

Le 1er mars 2018, le médecin du travail a rendu un second avis d'inaptitude en ces termes : 'Inapte : L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (Article R.4624-42 du code du travail)'.

Convoqué le 13 mars 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 26 mars suivant, M. [D] a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par une lettre du 30 mars 2018.

Contestant cette décision, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier le 9 janvier 2019 aux fins d'entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 3 mars 2021, ce conseil a statué comme suit :

Dit que la Prunières BTP a respecté son obligation de sécurité de résultat,

Dit que la Prunières BTP a respecté les obligations légales et n'était pas soumise à une recherche de reclassement,

Déboute M. [D] de l'intégralité de ses demandes,

Déboute la Prunières BTP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Le 30 mars 2021, M. [D] a relevé appel de cette décision.

' Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 15 juin 2021, M. [D] demande à la cour d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de :

Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de M. [D] et le dire bien-fondé,

Dire et juger que la Prunières BTP a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

Dire et juger que le manquement à l'obligation de résultat commis par la Prunières BTP est la cause directe et certaine de l'inaptitude de M. [D],

Dire et juger que la Prunières BTP a violé son obligation de reclassement dans le groupe,

Dire et juger en conséquence que le licenciement pour inaptitude de M. [D] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la Prunières BTP à lui verser les sommes suivantes :

- 20 743,80 euros nets de CSG-CRDS à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000 euros nets de CSG-CRDS à au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

- 1 500 euros nets en réparation du préjudice lié à la remise tardive et volontairement erronée des documents de fin de contrat.

- 2 489,26 euros en paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la Prunières BTP à lui remettre les documents sociaux rectifiés, et ce, dans un délai de huit (8) jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

Prononcer une astreinte de 50 euros par jour de retard compter de l'expiration du délai de 8 jours courant à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

Condamner la Prunières BTP aux entiers dépens.

Assortir l'ensemble des condamnations des intérêts au taux légal assorti aux créances des particuliers.

Prononcer la capitalisation des intérêts, conformément à l'article 1343-2 nouveau du code civil.

Débouter la Prunières BTP de ses demandes reconventionnelles, fins et conclusions.

Le salarié indique que suite à la réclamation légitime qu'il a faite au sujet de congés payés imputés d'office en décembre 2013 et janvier 2014, l'employeur lui a changé le camion qu'il conduisait, lui confiant, à titre de mesure de représailles, un véhicule routier hors d'âge de plus de 500 000 kilomètres et en mauvais état et que ce faisant il a de manière parfaitement volontaire manqué à son obligation de sécurité, ce manquement étant la cause directe et certaine à son inaptitude professionnelle.

Il reproche en outre à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de reclassement en s'abstenant de rechercher une solution au sein du groupe auquel appartient la société en plaidant que la dispense de recherche d'une solution de reclassement ne s'appliquait qu'à l'entreprise.

' Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 8 juin 2021, la société Prunières BTP demande à la cour de confirmer le jugement et de :

Dire et juger que M. [D] n'est pas recevable à ses demandes relatives au licenciement abusif et encore moins au titre de l'obligation de sécurité ;

En conséquence :

Débouter des demandes formulées par M. [D] à l'encontre de la société sont parfaitement infondées,

Et ainsi, débouter M. [D] de ses entières prétentions,

Dire et juger n'y avoir lieu à exécution provisoire,

A titre reconventionnel,

Condamner M. [D] au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

La société soutient rapporter la preuve du caractère sans fondement des allégations du salarié. Elle indique que les salariés n'ont pas de camions attitrés et conteste lui avoir attribué un camion en représailles d'une réclamation, l'attribution du camion litigieux l'ayant été pour des motifs professionnels liés à l'ouverture du chantier de construction de la Ligne à Grande Vitesse. Elle expose avoir ignoré le statut de travailleur handicapé de l'intéressé et souligne que le salarié faisait de la course à pied de manière intensive en participant à des trails ou semi-marathon, la hernie discale dont il souffre trouvant forcément son explication dans cette pratique sportive traumatisante. Enfin s'agissant de la recherche de reclassement, elle fait valoir que le médecin du travail l'en a dispensée.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par une ordonnance en date du 4 mars 2024.

MOTIVATION :

Sur l'obligation de sécurité :

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En vertu de ces textes, l'employeur est tenu à l'égard de son salarié d'une obligation de sécurité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Dès lors que le salarié invoque précisément un manquement professionnel en lien avec le préjudice qu'il invoque, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du respect de son obligation de sécurité à l'égard du salarié.

En l'espèce, M. [D], qui justifie avoir sollicité de l'employeur, par lettre du 17 mars 2014, la régularisation des 8 jours de congés du 23 décembre au 3 janvier 2014 décomptés en l'absence de demande de congés formée de sa part, fait grief à l'employeur de lui avoir confié à compter du 14 avril 2014 'un camion benne immatriculé [Immatriculation 3] destiné aux travaux publics', tout en précisant par ailleurs avoir été transféré l'année précédente, le 1er juillet 2013 à la SARL Prunières BTP, transfert à compter duquel 'ses fonctions étaient désormais liées uniquement à la conduite de camions sur pistes, routes, chantier de démolition et enrobés'.

M. [D] se plaint du kilométrage et du mauvais état de ce camion et considère que l'attribution de ce camion n'est intervenue qu'à titre de représailles pour avoir porté une réclamation sur ses congés payés, dont l'employeur justifie qu'elle a été régularisée dès le salaire d'avril 2014.

La société Prunières BTP objecte utilement que ce changement de camion est intervenu à l'occasion de l'affectation de M. [D] sur le chantier de la LGV ouvert en 2014, ce que le salarié ne conteste pas sérieusement, sauf à affirmer sans être contredit qu'il n'a été affecté sur ce chantier que 77 jours.

Certes, le camion [Immatriculation 3] présentait un kilométrage de 458 000 kilomètres, tandis que le précédent utilisé par l'appelant avait un kilométrage de 225 000 kilomètres. Affecté à des travaux publics, comme le concède expressément le salarié, la benne tractée présentait un état dégradé, ainsi que le fait apparaître un cliché photographique.

Toutefois, la société communique les notices techniques du camion que le salarié utilisait initialement et du camion litigieux desquels il ressort que ceux-ci, tous deux de marque Volvo, sont équipés du même modèle d'amortisseurs pneumatiques, la seule différence notable résidant dans la taille et le positionnement de la cabine, moins haute sur le camion utilisé sur les chantiers (2 marches) par rapport aux camions destinés aux déplacements (3 marches).

La société Volvo trucks France atteste que les ressorts pneumatiques des suspensions arrières châssis sont identiques pour les 3 véhicules cités par le salarié (celui qu'il utilisait jusqu'à la mi-avril 2014) et les camions [Immatriculation 3] et [Immatriculation 2], dont il critique l'état, qu'ils sont tous les 3 équipés de suspensions mécaniques à l'avant du châssis et que les cabines de ces trois véhicules sont équipées de suspensions à ressort pression et amortisseur.

Aux termes d'une attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, M. [I], responsable d'atelier, atteste que les deux camions immatriculés [Immatriculation 3] et [Immatriculation 2] étaient adaptés aux travaux sur chantiers, en ce qui concerne la taille et la hauteur des cabines. Le témoin précise que ces camions, de marque Volvo, avaient été acquis auprès du concessionnaire, qu'ils étaient en très bon état général et que les camions affectés aux chantiers de travaux publics qui parcouraient peu de kilomètres par rapport aux véhicules longue distance pouvaient être plus anciens mais qu'ils étaient entretenus.

La société communique également le témoignage de M. [S], mécanicien, qui atteste de ce que les véhicules étaient suivis et entretenus par le service interne de l'entreprise conformément aux indications fournies par les chauffeurs, ce que concède l'appelant dans ses conclusions.

Il en ressort que les véhicules litigieux étaient, conformément aux mesures de prévention du risque routier, adaptés au déplacement et aux tâches sur chantier qui étaient confiées au salarié.

Si M. [D] n'allègue pas avoir avisé l'employeur de son statut de travailleur handicapé, il est établi que le salarié bénéficiait, nonobstant, d'un suivi régulier auprès du médecin du travail. C'est ainsi qu'il est établi que le salarié qui se plaint de ce changement de camion survenu à compter d'avril 2014, a été déclaré apte à ses fonctions de chauffeur poids-lourds à l'occasion des visites médicales périodiques en date des 27 août 2013, soit antérieurement à la période litigieuse, et 3 septembre 2015, à deux mois de la première constatation médicale de la maladie professionnelle, et ce sans que le médecin du travail n'émette une quelconque recommandation, notamment relativement à la taille des cabines des tracteurs qui lui étaient confiés.

Certes, alors que l'employeur fait valoir que le salarié avait une pratique sportive soutenue, laquelle pourrait être en lien avec ses ennuis de santé, M. [D] justifie qu'un homonyme pratiquait, comme lui la course à pied.

Toutefois, alors qu'il concède dans ses conclusions avoir cessé d'en faire 'de manière intensive' depuis 2015, il ressort de l'attestation rédigée par son homonyme, aux termes de laquelle ce témoin identifie sur le listing établi par le site 'Kikourou' de novembre 2019, les courses à pied auxquelles il a personnellement participé, que le salarié a accompli :

- le 27 juillet 2014 : la course [Localité 9] - [Localité 10] en 2H45 la localisation du club correspondant à celle de son domicile ([Localité 4]),

- le 5 juillet 2015 : le trail du [Localité 11] - 15 km (2H06)

- le 3 juillet 2016 : le trail du [Localité 11] (1H58 - club de [Localité 4])

- le 29 octobre 2016 : La Nantaise en 2H06,

- le 22 avril 2017 : le trail découverte du [Localité 12] 14km en 1H52,

- le 28 octobre 2017 : la Nantaise en 2H04.

Si le salarié prétend, sans en justifier que 'le 27 novembre 2014, une hernie discale a été décelée ce dont il affirme avoir informé l'employeur', il ressort de la déclaration de maladie professionnelle rédigée par le médecin traitant du salarié, en date du 26 novembre 2015 que la première constatation médicale de la maladie professionnelle remonte au 5 novembre 2015, et non à l'année 2014 comme le prétend l'appelant.

L'enquêteur assermenté de la caisse primaire d'assurance maladie dresse l'historique des différents emplois exercés par M. [D] des camions utilisés et relève qu' 'à compter de mai 2014, il a été affecté au chantier OCVIA (chantier TGV).

Pendant environ 6 mois, il conduira une partie de son temps sur de la mauvaise route'.

Il ressort de la liste des chantiers auxquels M. [D] a participé qu'il a été effectivement affecté à compter du 12 avril 2014 sur le chantier de la Ligne Grande Vitesse, puis sur les chantiers Eiffage TP, de nouveau la LGV, les carrières '[Localité 6]', des '[Localité 5]' et '[Localité 7]'.

Dans ce contexte, l'employeur objecte à juste titre que les témoignages communiqués par l'appelant, aux termes desquelles, MM. [V], [P], [R] et [X] indiquent avoir été étonnés de le voir au volant d'un véhicule qualifié de 'tracteur et benne d'une médiocrité sans nom' , 'usé', 'FM petite cabine', 'usé et vieux', alors que le précédent était un 'FH cabine intermédiaire', voire 'pourri', en faisant abstraction des missions/ chantiers qui étaient confiées à ce dernier, ne sont pas pertinentes.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que l'affectation de M. [D] sur le chantier de la LGV à compter du 12 avril 2014, était conforme à l'activité de l'entreprise qu'il avait récemment rejointe, l'employeur rapportant la preuve d'une part, de ce que le camion mis à cette occasion à sa disposition présentait, certes une ancienneté et un kilométrage supérieur à celui qu'il utilisait précédemment, mais en revanche, les mêmes caractéristiques d'amortisseurs que le précédent, que ce camion était adapté aux travaux de terrassement sur chantiers, tenant la taille et la hauteur des cabines, d'autre part, que les camions étaient entretenus, ce que le salarié concède expressément, et, enfin, que le salarié bénéficiait en outre d'un suivi régulier auprès de la médecine du travail, le médecin du travail ayant déclaré le salarié apte sans réserve ni une quelconque préconisation en août 2013 et septembre 2015. Ce faisant, la société Prunières BTP justifie avoir respecté son obligation de sécurité.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef.

Sur la cause du licenciement :

L'employeur rapportant le preuve du respect de son obligation de sécurité, M. [D] ne justifie pas d'un manquement de la société ayant provoqué l'inaptitude.

L'article L. 1226-10 dispose :

« Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l'entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l'article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l'ensemble des entreprises implantées sur le territoire français.»

En outre, aux termes de l'article L 1226-12 du code du travail :

« Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.»

En l'espèce, il est constant que le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude à l'issue de deux visites médicales de reprise séparées de 15 jours :

- après avoir émis le 15 février 2018, un avis d'inaptitude ainsi libellé :

« Inaptitude définitive au poste lié à Maladie Professionnelle. Son état de santé ne permet pas de dépasser 2 heures de conduite et la manutention de charges lourdes. Un reclassement sur un poste administratif serait compatible avec son état de santé »,

- le docteur [U] a conclu le 1er mars 2018, après étude de poste et des conditions de travail, à l'inaptitude du salarié dans les termes suivants : « Inapte : L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (Article R.4624-42 du Code du travail) ».

Le médecin du travail n'ayant pas limité la portée de la dispense de reclassement à la seule société Prunières BTP, M. [D] n'est pas fondé à reprocher à l'employeur de ne pas avoir recherché une solution de reclassement auprès des autres sociétés du groupe Prunières auquel elle appartient.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande tendant à voir juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages-intérêts pour délivrance tardive et déloyale des documents de fin de contrat :

A l'appui de sa demande en paiement de la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts, M. [D] expose que la société a dû s'y reprendre à plusieurs fois pour lui délivrer des documents de fin de contrat, ce qui l'a contraint à contester par trois fois les dits documents.

Il est établi que le salarié a échangé plusieurs courriels avec le service ressources humaines entre le 4 et le 9 avril 2018 (pièce salarié n°33) et que le montant de son reçu pour solde de tout compte, mentionné initialement pour 13 160,21 euros nets à payer au salarié, a été porté à 15 659,43 euros, avant que l'employeur concède un solde de 1 555,04 euros (pièces salarié n°8 à 10).

Le manquement est ainsi avéré. Toutefois, faute pour le salarié de justifier d'un préjudice en lien avec ce manquement, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef.

Sur l'indemnisation des congés payés :

Soulignant le caractère professionnel de son arrêt de travail, M. [D] critique le jugement en ce qu'il n'a pas accueilli sa demande en paiement de la somme de 2 489,26 euros au titre des congés payés qu'il a acquis pendant 12 mois du 5 novembre 2015 au cours de l'année 2016 dans la limite d'un an conformément aux prescriptions de l'article L. 3141-5 du code du travail.

Tout en concluant au débouté pur et simple de l'appelant, force est de relever que l'employeur ne présente aucune observation de ce chef.

En application des dispositions de l'article L. 3141-5 du Code du travail, lesquels en vertu desquelles sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé [...] 5° les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle, M. [D] rapporte la preuve de l'obligation dont il se prévaut.

La société Prunières BTP ne justifiant pas s'en être libérée, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [D] sur ce point.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation est de droit lorsqu'elle est demandée en justice.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande en paiement d'un rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Prunières BTP à verser à M. [D] la somme de 2 489,26 euros bruts en paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés,

Dit que cette créance de nature contractuelle est productive d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,

Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière,

Ordonne la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi et solde de tout compte) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.

Rejette la demande d'astreinte.

Condamne la société Prunières BTP à verser à M. [D] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02094
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;21.02094 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award