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04/06/2024 | FRANCE | N°23/04741

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 04 juin 2024, 23/04741


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 04 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/04741 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P62P





Décision déférée à la Cour : Jugement du 31

AOUT 2023

Tribunal judiciaire de PERPIGNAN

N° RG 22/00183





APPELANTE :



S.A.R.L. FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Pierre CUSSAC de la SCP AYRAL-CUSSAC, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postula...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 04 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/04741 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P62P

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 AOUT 2023

Tribunal judiciaire de PERPIGNAN

N° RG 22/00183

APPELANTE :

S.A.R.L. FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Pierre CUSSAC de la SCP AYRAL-CUSSAC, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant

assistée de Me Philippe AYRAL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, substituant Me Marie-Pierre CUSSAC de la SCP AYRAL-CUSSAC, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

INTIMEE :

Commune [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Gaëlle D'ALBENAS de la SELARL TERRITOIRES AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER postulant non plaidant

ordonnance du 11 janvier 2024 : irrecevabilité des conclusions du 30 novembre 2023

Ordonnance de clôture du 15 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La commune de [Localité 4] est propriétaire depuis 1946 d'un four solaire.

Par contrat signé le 29 juin 1993, elle donne à bail à la SARL Four Solaire Développement différents biens décrits comme suit :

«  - Une demie partie d'un terrain cadastré sous le n° AC [Cadastre 2] (lieu d'implantation du four solaire partie Est uniquement) ;

-Une galerie d'accès au four solaire dont l'entrée est située [Adresse 5] ».

La durée du bail est consentie pour 3, 6 ou 9 années et devait s'achever au plus tard le 30 juin 2002.

Le contrat prévoit que « l'activité de la société Four Solaire Développement porte sur une production industrielle et artisanale du four solaire et sur des animations scientifiques avec des expériences en direct sur les applications solaires haute température, pendant les différentes périodes touristiques réparties sur l'année ».

Un avenant est signé entre les parties le 16 février 2002 pour une nouvelle durée de 3, 6 ou 9 années et devait s'achever au plus tard le 31 décembre 2010, la désignation des lieux étant la suivante :

« Une demie partie d'un terrain cadastré sous le n° AC [Cadastre 2] (lieu d'implantation du four solaire partie Est uniquement) représentant un demi-bastion ;

Une galerie d'entrée de 8 m sur 2,40 m donnant sur [Adresse 5] cadastrée sous le n° AB [Cadastre 1] ;

Un local (ex musée [7]) de 31,68 m² de superficie ;

Bureaux au 1er étage avec accès rez-de-jardin d'une superficie de 30,80 m² avec couloir et sanitaires (12,60 m²)

Un grenier de 44,64 m²,

Installations four solaire comprenant notamment un grand héliostat monté sur vérins, un miroir parabolique, un élévateur de four ».

En 2008, arguant d'une situation d'impayé de loyers, la commune de [Localité 4] saisit le juge des référés du tribunal administratif de Montpelier d'une demande aux fins d'expulsion de la SARL Four Solaire Développement, qui par une ordonnance du 18 décembre 2008, rejette cette demande en l'absence d'urgence.

Saisi d'une nouvelle demande, ce même juge a, par une ordonnance rendue le 27 juillet 2011, rejeté la requête de la commune au motif que le four n'était pas affecté à l'usage direct du public ou à une mission de service public et que le tunnel était soumis au régime de la copropriété.

Par courrier adressé avec accusé de réception le 3 décembre 2010, la commune, qui souhaite reprendre la gestion directe du four solaire, notifie à la SARL Four Solaire Développement la non-reconduction de leurs relations contractuelles à la date d'échéance.

En réponse et par acte du 1er août 2011, le preneur fait assigner la commune de [Localité 4] devant le tribunal de grande instance de Perpignan en vue d'obtenir la requalification du contrat en bail commercial et voir constater l'irrégularité du congé délivré.

Par ordonnance du 23 février 2012, le juge de la mise en état rejette l'exception d'incompétence soulevée par la commune de [Localité 4], décision confirmée par la cour d'appel de Montpellier dans un arrêt rendu le 12 mars 2013.

Sur saisine de la commune, et par un arrêt du 13 novembre 2014, la cour de cassation rejette le pourvoi indiquant que la convention liant la commune à la société preneuse est un contrat de droit privé relevant de la compétence du juge judiciaire en l'absence de clauses exorbitantes de droit commun.

Par une décision rendue le 10 juin 2014 confirmée par la cour d'appel de Montpellier dans un arrêt du 27 juin 2017, le tribunal de grande instance de Perpignan fait droit aux demandes de la SARL Four Solaire Développement en ordonnant notamment la requalification du bail liant les parties en bail commercial.

Sur pourvoi de la commune de [Localité 4], et par un arrêt du 20 décembre 2018, la cour de cassation casse en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé et sur renvoi, la cour d'appel de Nîmes, par un arrêt du 26 septembre 2019, infirme le jugement déféré et déclare prescrite l'action en requalification en bail commercial.

Par actes des 24 novembre et 1er décembre 2020, la commune notifie à la société preneuse deux saisies administratives à tiers détenteur à titre de recouvrement forcé d'une série de titres exécutoires réclamant ainsi une somme de 81.977,92 euros équivalente aux loyers non réglés par la société four Solaire Développement au titre de l'occupation des lieux depuis 13 années.

Ces actes sont contestés par la société Four Solaire Développement devant la juridiction perpignanaise saisie, selon acte du 25 janvier 2021, d'une demande aux fins d'annulation des titres exécutoires émis les 13 octobre 2009 et 17 mars 2020 par la commune de [Localité 4].

Cette instance est actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Perpignan.

Parallèlement, la commune de [Localité 4], qui a fait adopter le 15 janvier 2021 une délibération portant sur la gestion directe par la régie communale du service public des visites et des animations du four solaire à compter du 15 mars 2021, saisit, par requête délivrée le 16 avril 2021, le juge des référés d'une demande aux fins d'expulsion de la SARL Four Solaire Développement, qui par une ordonnance du 30 avril 2021, se déclare incompétent.

Par acte d'huissier du 27 octobre 2021, la commune saisit alors de la même demande le juge des référés du tribunal judiciaire de Perpignan qui, par une ordonnance du 15 décembre 2021, se déclare incompétent au profit du juge de la mise en état contrôlant la procédure de contestation des titres de recettes, décision infirmée par la cour d'appel de Montpellier par un arrêt en date du 8 septembre 2022, qui, tout en reconnaissant sa compétence, rejette la demande en l'état d'une contestation sérieuse.

Dans ce contexte, la commune de [Localité 4] saisit le tribunal judiciaire de Perpignan d'une demande d'expulsion, considérant que la SARL Four Solaire Développement est occupante sans droit ni titre en l'absence de reconduction du bail, qui par un jugement rendu le 31 août 2023 a :

Déclaré recevables les conclusions récapitulatives déposées par la SARL Four Solaire Développement en vue de l'audience du 4 juillet 2022 ;

Constaté que la demande de sursis à statuer formée par la SARL Four Solaire Développement est devenue sans objet ;

Rejeté les exceptions de litispendance et de connexité soulevées par la SARL Four Solaire Développement ;

Constaté que la condition d'urgence édictée à l'article 840 du code de procédure civile a été examinée par le président délégué du tribunal judiciaire de Perpignan le 7 janvier 2022 ;

Rejeté la demande de renvoi à la mise en état formée par la SARL Four Solaire Développement ;

Dit que la SARL Four Solaire Développement occupe sans droit ni titre depuis le 2 janvier 2011 à zéro heure les biens qui lui ont été loués par la commune de [Localité 4] aux termes du contrat du 29 juin 1993 et de son avenant du 16 février 2002 ;

Ordonné l'expulsion de la SARL Four Solaire Développement des biens mentionnés au chef de dispositif précédent sous astreinte de 20 euros par jour de retard passé un délai de trois mois après la signification du présent jugement et ce pour une durée de six mois ;

Dit qu'à défaut de départ volontaire dans un délai de trois mois après la signification du présent jugement, la SARL Four Solaire Développement pourra y être contrainte par la force publique ;

Dit la SARL Four Solaire Développement irrecevable en ses demandes indemnitaires ;

Débouté la SARL Four Solaire Développement de sa demande tendant à voir enjoindre les parties de rencontrer un médiateur ;

Condamné la SARL Four Solaire Développement aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du constat ordonné par la juridiction administrative le 12 mars 2021 et effectué par l'expert judiciaire [U] [G] pour un montant de 8.184,24 euros ;

Condamné la SARL Four Solaire Développement à verser à la commune de [Localité 4] une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le premier juge écarte la demande de sursis à statuer devenue sans objet, la cour d'appel de Montpellier ayant statué par un arrêt en date du 8 septembre 2022 sur l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance de référé du 15 décembre 2021.

Le tribunal rejette les exceptions de litispendance et de connexité relevant que les deux instances évoquées sont portées devant la même juridiction et non deux juridictions distinctes.

Sur la demande relative au bail, le premier juge retient dans un premier temps l'existence d'un bail de droit privé régi par les dispositions de droit commun du code civil et plus précisément des articles 1737 et suivants.

Sur le constat de l'expiration du contrat à la date du 1er janvier 2011 à minuit, et au visa du congé délivré par la commune aux termes d'un courrier adressé le 3 décembre 2010 ainsi que des multiples procédures engagées par la commune caractérisant sa volonté persistance de récupérer l'exploitation du bien, la juridiction indique que la société Four Solaire développement occupe les lieux loués sans droit ni titre depuis le 2 janvier 2011 ce qui justifie son expulsion au besoin avec le concours de la force publique.

En réponse aux demandes indemnitaires présentées par la société Four Solaire Développement, le premier juge les déclare prescrites au visa de l'article 2224 du code civil, faisant en effet courir le délai de prescription quinquennal à compter du 2 janvier 2011.

Le premier juge écarte enfin l'exécution provisoire incompatible avec la nature de l'affaire compte-tenu de la gravité des conséquences de la décision rendue pour le preneur.

La SARL Four Solaire Développement a relevé appel de la décision par déclaration au greffe du 26 septembre 2023.

Les dernières conclusions déposées par la SARL Four Solaire Développement ont été notifiées par RPVA le 25 octobre 2023.

Les dernières conclusions déposées par la commune de [Localité 4] ont été notifiées par RPVA le 30 novembre 2023.

Par ordonnance du 11 janvier 2024, le magistrat en charge de la mise en état a prononcé l'irrecevabilité des conclusions remises le 30 novembre 2023 pour la commune [Localité 4].

Dans ses conclusions du 25 octobre 2023, la SARL Four Solaire Développement demande à la cour, de :

Juger l'appel recevable, juste et bien-fondé ;

Réformer le jugement rendu le 31 août 2023 par le tribunal judiciaire de Perpignan en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Prononcer et ordonner le dessaisissement du tribunal judiciaire de Perpignan saisi par assignation à jour fixe au profit du tribunal judiciaire de Perpignan instruisant l'affaire sous le n° RG : 21/0330 ;

Renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Perpignan instruisant l'affaire sous le numéro RG 21/0330 ;

A titre subsidiaire,

Prononcer et ordonner le renvoi de l'affaire devant le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Perpignan avec un calendrier de procédure,

A titre infiniment subsidiaire,

Prononcer et ordonner le renvoi de l'affaire devant le conseiller de la mise en état près la cour d'appel de Montpellier avec un calendrier de procédure,

A titre très infiniment subsidiaire,

Juger que le contrat liant les parties est toujours en cours d'exécution,

En conséquence,

Débouter la commune de [Localité 4] de l'intégralité de ses demandes,

En toutes hypothèses,

Condamner la commune de [Localité 4] à lui payer les sommes de :

365.470,80 euros ttc ;

288.465,60 euros ttc ;

39.944,10 euros ttc ;

Enjoindre les parties de rencontrer un médiateur ;

Condamner la commune de [Localité 4] à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelante précise à titre liminaire que la demande de sursis à statuer est devenue sans objet du seul fait de la carence du tribunal judiciaire dans le prononcé tardif de la décision.

Sur la litispendance, la société appelante expose que le tribunal judiciaire de Perpignan est toujours saisi d'une contestation portant sur les sommes prétendument impayées au titre des loyers. L'appelante soutient que les deux instances au fond opposent les mêmes parties et portent sur le même objet de telle sorte que l'affaire doit être renvoyée devant le premier juge saisi au visa de l'article 100 du code de procédure civile.

Elle précise sur ce point qu'un lien étroit existe entre les deux instances dans la mesure où la demande d'expulsion est la conséquence de l'existence d'une dette locative dont la reconnaissance dépend du sort réservé à la demande d'annulation des titres exécutoires. La société Four Solaire Développement ajoute que la cour d'appel de Montpellier a jugé dans un arrêt rendu le 8 septembre 2022 que les deux affaires opposent les mêmes parties et ont le même objet.

A défaut, l'appelante fait valoir que la cour doit retenir l'exception de connexité au regard du lien existant entre les deux instances en présence d'une demande de paiement de loyers formée par le biais de titres exécutoires et d'une demande d'expulsion qui en est la conséquence.

A titre subsidiaire, la société appelante sollicite l'application de l'article 779 du code de procédure civile sur le constat de l'absence d'urgence en raison de la tardiveté dont la commune de [Localité 4] a fait preuve pour organiser le service public et pour réclamer la résiliation du contrat, alors qu'elle revendique un défaut de titre depuis le 1er janvier 2011, ainsi qu'à l'absence d'exécution de travaux nécessaires à l'exécution de sa mission de service public.

La société ajoute que l'examen de la question de l'urgence par le président délégué du tribunal judiciaire de Perpignan n'interdit pas la juridiction de faire application des dispositions de l'article 779.

Sur le bien-fondé de la demande, la société Four Solaire Développement prétend que la convention liant les parties est toujours en cours d'exécution de sorte qu'elle ne peut avoir la qualité d'occupante sans droit ni titre. Elle soutient en effet que la commune a manifesté, après le courrier adressé le 3 décembre 2010, sa volonté de poursuivre l'exécution du contrat. En attestent, selon elle, la notification par courrier du 26 janvier 2011 de l'indice de référence des loyers dus à compter du 1er janvier 2011, le paiement d'un nouveau loyer pour la période de janvier à juillet 2011 sans contestation.

L'appelante se prévaut ainsi de la poursuite tacite de la convention litigieuse excluant de ce fait l'existence d'un trouble manifestement illicite.

La société Four Solaire Développement fait également valoir que la résiliation du contrat d'occupation n'a jamais été ni constatée ni prononcée par aucune juridiction saisie du litige. Elle considère sur ce point qu'en présence d'un contrat de droit privé, dont l'existence a été reconnue par la cour de cassation dans un arrêt du 13 novembre 2014, la commune devait saisir la juridiction d'une demande de résiliation compte-tenu du litige les opposant. Elle souligne enfin la contradiction évidente de la commune qui évoque à la fois une résiliation du contrat acquise depuis l'arrêt du 26 septembre 2019 rendu par la cour d'appel de Nîmes et une résiliation acquise depuis le 31 décembre 2010.

Pour finir, l'appelante soutient qu'aucun élément ne peut caractériser une volonté manifeste de la commune de reprendre possession du bien rappelant qu'après le rejet de la demande d'expulsion présentée devant le juge des référés administratif en 2011, la commune a entendu plus de 10 ans pour formuler à nouveau une telle demande.

Sur les demandes reconventionnelles, la société Four Solaire Développement conteste la prescription soutenant que le délai de 5 ans de l'action en exécution des obligations du bail n'a pas commencé à courir puisqu'elle soutient que le contrat en cause est toujours en cours d'exécution tout en revendiquant une formalisation de ses demandes dès l'année 2011.

Au fond, elle dénonce les manquements de la commune aux obligations découlant de l'article 1719 du code civil. Plus précisément, elle lui reproche de s'être opposée à la prise en charge financière de travaux de réparations et d'entretien la contraignant à supporter le coût de travaux de grosses réparations, à l'instar de la restauration de l'héliostat. Elle affirme s'être trouvée contrainte de financer de travaux utiles au fonctionnement du four solaire et à la poursuite de son exploitation de production d'énergies et de technologies solaires. Elle réclame donc le coût des travaux, soit une somme de 365.470,80 euros ttc, ainsi que le manque à gagner lié au défau d'exploitation de l'héliostat pendant 5 années, soit une somme de 288.465,60 euros ttc, et enfin l'assurance bris de machine pour un montant de 39.944,10 euros ttc.

Enfin, sur l'application de l'article 127-1 du code de procédure civile, elle revendique une mesure de médiation

La clôture de la procédure est intervenue le 15 avril 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera précisé que la cour n'est pas saisie de la demande de sursis à statuer qui n'est plus reconduite par la société Four Solaire Développement en appel.

1/ Sur l'exception litispendance et/ou connexité :

En application de l'article 100 du code de procédure civile , « si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office ».

L'article 101 dispose que s'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction.

En l'espèce, le tribunal judiciaire de Perpignan a été saisi de deux instances concernant les mêmes parties, la première aux fins d'obtenir l'annulation de titres exécutoires émis les 13 octobre 2009 et 17 mars 2020 par la commune de [Localité 4] pour une somme de 81.977,92 euros équivalente aux loyers non réglés par la société four Solaire Développement au titre de l'occupation des lieux pendant 13 années, la seconde aux fins d'expulsion de la société Développement Four Solaire qui ne justifie d'aucun titre d'occupation.

Au cas présent, il n'y a pas litispendance puisque l'objet des deux litiges n'est pas identique.

Il ne peut pas plus être retenu un lien de connexité entre ces deux instances alors que la demande en résiliation présentée par la commune de [Localité 4] repose, non pas sur le non-paiement des loyers, mais sur un défaut de titre, l'avenant signé le 16 février 2002 étant arrivé selon elle à terme.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les exceptions de litispendance et de connexité soulevées par l'appelante.

2/ Sur l'article 779 du code de procédure civile :

La société Four Solaire Développement réclame le renvoi de l'affaire devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Perpignan et à défaut devant le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Montpellier au visa de l'article 779 du code de procédure civile considérant que l'urgence n'est nullement démontrée dans le présent litige.

Cette demande ne saurait prospérer en appel pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges que la cour fait siens, à savoir que la question de l'urgence a été tranchée et retenue par le président du tribunal judiciaire de Perpignan qui a fait droit à la requête aux fins d'assignation à jour fixé par une décision rendue le 7 janvier 2022.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

3/ Sur la médiation :

En application de l'article 127-1 du code de procédure civile, à défaut d'avoir accueilli l'accord des parties prévu à l'article 131-1, le juge peut leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu'il détermine, un médiateur chargé de les informer de l'objet et du déroulement d'une mesure de médiation. Cette décision est une mesure d'administration judiciaire.

La commune de [Localité 4] s'est opposée en première instance à la médiation sollicitée par la société Four solaire Développement.

En l'état, la mesure de médiation revendiquée par l'appelante n'est pas opportune en présence d'un contentieux ancien, opposant les parties depuis 2008, et au regard de l'existence de multiples procédures engagées par l'une ou l'autre des parties qui ne révèlent nullement un esprit propice à la médiation.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

4/ Sur l'existence d'un contrat de bail :

En application de l'article 1737, le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé, lorsqu'il a été fait par écrit, sans qu'il soit nécessaire de donner congé.

Selon l'article 1738, si, à l'expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par l'article relatif aux locations sans écrit.

Enfin, l'article 1739 dispose que lorsqu'il y a un congé signifié, le preneur quoiqu'il ait continué sa jouissance, ne peut invoquer la tacite reconduction.

Il est acquis que le bail, signé par les parties le 29 juin 1993 et poursuivi par avenant du 16 février 2002, est un contrat de droit privé régi par les dispositions de droit commun du code civil et plus particulièrement les articles 1737 et suivants du code civil.

Aux termes de ce contrat, les parties ont convenu d'un terme au 31 décembre 2010 sans prévoir de clause de tacite reconduction du bail.

Il s'ensuit que le contrat de bail à durée déterminée est arrivé à échéance à cette date.

Sur la tacite reconduction du bail revendiquée par la société Four Solaire Développement, les premiers juges ont écarté cette prétention au visa du congé délivré par la commune aux termes d'un courrier adressé le 3 décembre 2010 ainsi que des multiples procédures engagées par cette dernière caractérisant sa volonté persistance de récupérer l'exploitation du bien.

Il est justifié en l'espèce que par courrier adressé le 3 décembre 2010 par lettre recommandée avec accusé de réception, la commune de [Localité 4] informe la société preneuse de ce que « les relations contractuelles de la société FSD avec la commune de [Localité 4], telles qu'issues de la convention susvisée s'achèveront à la date du 1er janvier 2011, soit au terme convenu dans cette convention ».

Ce congé, dont la régularité en la forme et au fond n'est nullement contestée par l'appelante, produit ses pleins effets et justifie l'application des dispositions de l'article 1739 du code civil.

Il s'ensuit que la société Four Solaire Développement ne peut invoquer, quoiqu'elle ait continué sa jouissance, la tacite reconduction du bail.

Enfin, sur l'éventuelle poursuite de la relation contractuelle sur la base d'un nouveau contrat de bail verbal liant les parties postérieurement au 31 décembre 2011, nonobstant la notification par la commune de [Localité 4] du loyer révisé par courriers du 26 janvier 2011, 31 janvier 2012 et 27 janvier 2016 pouvant caractériser le comportement propre d'un bailleur, encore faut il que la société Four Solaire Développement démontre qu'elle a entendu se comporter elle aussi comme un preneur ce qui passe notamment par le règlement du loyer.

Or, en-dehors de la communication de deux documents attestant du règlement du loyer par l'appelante le 24 juin 2011 et le 5 août 2011, il n'est nullement justifié du paiement régulier et continu du loyer sur la période postérieure au 31 décembre 2010, ce dont atteste par ailleurs la notification de saisie administrative à tiers détenteur par la commune portant sur une indemnité justifiée par l'occupation des lieux litigieux.

Il s'ensuit que la société Four Solaire Développement ne justifie pas de son titre d'occupation ce qui motive, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, son expulsion des locaux.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

5/ Sur les demandes indemnitaires :

L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer.

En application de ces dispositions, le délai de prescription de l'action en responsabilité contractuelle reposant sur l'inexécution des obligations du contrat de location court à compter du terme du bail.

Le contrat de bail étant arrivé à terme le 31 décembre 2010, le preneur disposait d'un délai de 5 ans pour mettre en cause la responsabilité du bailleur pour non-respect des obligations et réclamer le remboursement des travaux engagés en ses lieu et place étant souligné que les dysfonctionnements affectant l'héliostat étaient connus du locataire depuis le mois de juillet 1993, date à laquelle celui-ci s'est effondré comme le précise la société Four Solaire Développement dans ses écritures.

Les demandes indemnitaires étant présentées pour la première fois dans le cadre de l'instance engagée le 13 janvier 2022 devant le tribunal judiciaire de Perpignan, le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a retenu le caractère prescrit de ces prétentions.

6/ Sur les demandes accessoires :

Le jugement entrepris sera confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La société Four Solaire Développement, qui succombe, sera déboutée de la demande présentée au titre des frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Dans les limites de la saisine de la cour,

Confirme le jugement rendu le 31 août 2023 par le tribunal judiciaire de Perpignan en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société Four Solaire Développement de la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne société Four Solaire Développement aux dépens d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/04741
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.04741 ?
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