La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2024 | FRANCE | N°21/07137

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 04 juin 2024, 21/07137


ARRÊT n° 2024-



































Grosse + copie

délivrées le

à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 04 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/07137 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHT6





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 NOVEMBRE 2021

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA

PROTECTION DE PERPIGNAN

N° RG 21/01372





APPELANTS :



Madame [U] [P]

née le 10 Janvier 1996 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Julien BONNEL de la SELARL PORTAILL - BERNARD, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant



Monsie...

ARRÊT n° 2024-

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 04 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/07137 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHT6

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 NOVEMBRE 2021

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE PERPIGNAN

N° RG 21/01372

APPELANTS :

Madame [U] [P]

née le 10 Janvier 1996 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Julien BONNEL de la SELARL PORTAILL - BERNARD, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant

Monsieur [N] [C]

né le 08 Septembre 1981 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Julien BONNEL de la SELARL PORTAILL - BERNARD, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant

INTIMEE :

S.C.I. AL VENTADOR

inscrite au RCS de PERPIGNAN sous le n° 793 540 354, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie PINHEIRO de la SCP LAFONT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Kévin SANCHEZ de la SCP LAFONT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 01 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Avril 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Estelle DOUBEY

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Mme Estelle DOUBEY, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 1er décembre 2018, la SCI Al Ventador a donné en location à usage d'habitation à M. [N] [C] et Mme [U] [P] un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 4] (66), pour une durée de trois ans, renouvelable tacitement.

Aucun état des lieux d'entrée n'a été établi, M. [N] [C] étant déjà locataire de cet appartement depuis un contrat du 1er juin 2018 avec Mme [D] [G] et ayant simplement demandé à ce que Mme [U] [P] vienne en lieu et place de la précédente colocataire.

Par un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 24 août 2020, la SCI Al Ventador a été informée de la présence de moisissures sur les murs et plafonds, sanitaires, menuiseries et installations électriques du logement.

Le 9 juillet 2020, suite à des défauts de paiement du loyer, la SCI Al Ventador a adressé un commandement de payer visant la clause résolutoire aux consorts [C]-[P].

Après avoir donné congé au bailleur, les locataires ont quitté les lieux le 7 octobre 2020. Un état des lieux de sortie a été dressé par l'intermédiaire d'un huissier le même jour.

En novembre 2020, une sommation de payer la somme de 13 880,67 euros, accompagnée d'un décompte de loyers et charges étaient signifiés par acte d'huissier à M. [N] [C] et Mme [U] [P].

Le 15 juin 2021, la SCI Al Ventador a assigné M. [N] [C] et Mme [U] [P] afin notamment de les voir condamner solidairement au paiement des loyers et charges.

Le jugement réputé contradictoire rendu le 12 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection de Perpignan :

Condamne solidairement M. [N] [C] et Mme [U] [P] à payer, en deniers ou quittances, à la SCI Al Ventador, la somme de 13 120 euros ;

Déboute la SCI Al Ventador de ses autres demandes ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement les défendeurs aux dépens de l'instance, qui incluront en outre les frais afférents à la sommation qua la demanderesse leur a fait délivrer suivant acte d'huissier en date du 26 novembre 2020.

Le premier juge a retenu qu'il relevait du décompte produit par la SCI Al Ventador que M. [N] [C] et Mme [U] [P] restaient devoir à leur départ la somme de 13 120 euros et que ces derniers, non représentés, ne contestaient pas cette dernière.

Il a également relevé qu'il ne pouvait être fait droit aux demandes indemnitaires de la SCI Al Ventador dès lors qu'elles ne concernaient pas les menues réparations locatives à la charge des locataires mais des réparations de dégradations insuffisamment établies en l'absence d'état des lieux d'entrée.

M. [N] [C] et Mme [U] [P] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 13 décembre 2021.

Dans leurs dernières conclusions du 10 mars 2022, les consorts [C]-[P] demandent à la cour de :

Constater que le logement donné à bail le 1er décembre 2018 par la SCI Al Ventador aux preneurs, M. [N] [C] et Mme [U] [P], ne constitue pas un logement décent et ce depuis la prise à effet du bail ;

Constater le manquement du bailleur, la SCI Al Ventador, à son obligation de délivrance d'un logement décent et ce depuis la prise à effet du bail ;

Condamner la SCI Al Ventador à la somme de 13 120 euros aux bénéfices de M. [N] [C] et Mme [U] [P], aux titres de la réparation de l'inexécution du bailleur ainsi que des dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance depuis la prise à effet du bail ;

Prononcer la compensation des dettes réciproques et corrélativement l'extinction de la dette locative ;

Condamner la SCI Al Ventador au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamner aux entiers dépens.

Les consorts [C]-[P] soutiennent que le bailleur a manqué à son obligation contractuelle de délivrance d'un logement décent. Ils affirment que le bailleur était informé de l'état de l'appartement, tant par eux que par les locataires précédents, mais qu'il n'a rien fait pour solutionner le problème d'humidité et de moisissures alors même qu'elles ont causé l'effondrement du plafond de la salle de bain et occasionné des problèmes de santé pour leur famille.

Les consorts [C]-[P] sollicitent l'indemnisation de leur préjudice de jouissance à hauteur de leur dette locative, soit 13 120 euros. Ils précisent que, postérieurement au départ des lieux des locataires, l'obligation de délivrance d'un logement décent du bailleur était devenue définitive et ne nécessitait donc pas de mise en demeure de la part des locataires. Ils affirment avoir dénoncé plusieurs fois l'état du logement sans que la SCI Al Ventador ne fasse rien pour y remédier et ajoutent avoir subi un préjudice de jouissance caractérisé par les risques pour leur santé physique et celle de leurs enfants ainsi que la dégradation de leurs biens par les moisissures.

Les appelants sollicitent le prononcé de la compensation entre leur dette locative et la somme demandée au titre du préjudice de jouissance, sur le fondement des articles 1348 et 1348-1 du code civil ainsi que la constatation de l'extinction de cette dette locative par la compensation. 

Dans ses dernières conclusions du 30 mai 2022, la SCI Al Ventador, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demande à la cour de :

Confirmer en toutes ces dispositions le jugement rendu le 12 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montpellier ;

Débouter M. [N] [C] et Mme [U] [P] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

Condamner M. [N] [C] et Mme [U] [P] à payer à la SCI Al Ventador la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Al Ventador soutient que les consorts [C]-[P] sont débiteurs de la somme de 13 120 euros et qu'ils doivent être condamnés à la rembourser, ne la contestant pas.

L'intimée soutient que le logement est décent et ne présentait ni ne présente actuellement de désordres, justifiant du rejet de la demande des consorts [C]-[P] fondée sur un préjudice de jouissance. Elle affirme avoir, en amont de la prise de possession par les consorts [C]-[P], effectué de nombreux travaux suite au dégât des eaux qui était survenu. La SCI Al Ventador produit également l'état des lieux d'entrée de M. [N] [C] qui ne fait état d'aucun désordre et précise que c'est durant le premier bail que l'humidité est apparue et a fait l'objet d'installations permettant d'y remédier (VMC hygroréglable installée le 30 novembre 2018). La SCI Al Ventador affirme que les appelants ne l'ont alertée d'aucun désordre avant le 24 août 2020 et que les moisissures sont la résultante d'un défaut d'entretien des consorts [C]-[P], qui produisent les photographies des précédentes locataires. Elle affirme donc ne pas être redevable d'un préjudice de jouissance alors même que ses locataires ne l'ont pas informée des désordres qu'ils pouvaient subir et dont la majorité n'était pas de nature à justifier un état d'indécence.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 1er avril 2024.

MOTIFS

1. Sur la demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance au motif d'une non décence du logement objet du bail

Selon l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à sa sécurité physique ou à sa santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Il doit également délivrer au locataire un logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement, entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux. Il lui appartient d'assurer au locataire une jouissance paisible du logement et de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle.

Le décret 30 janvier 2002, qui définit les caractéristiques du logement décent, dispose notamment, en ses articles 2 et 3 :

qu'il assure le clos et le couvert. Le gros 'uvre du logement et de ses accès est en bon état d'entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellements et les remontées d'eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation,

que les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale et au fonctionnement des équipements.

En l'espèce, au moyen des pièces versées au débat, M. [N] [C] et Mme [U] [P] entendent démontrer que le logement pris à bail était non décent au motif de l'existence d'une humidité et de l'apparition de moisissures, qui auraient conduit notamment à l'effondrement du plafond de la salle de bain dans le bac de douche.

Ils estiment avoir ainsi subi un préjudice dont ils demandent réparation par l'allocation de la somme de 13 120 euros, correspondant à l'arriéré locatif, qu'ils ne contestent pas, mais pour lequel ils recherchent compensation.

Or, si la SCI Al Ventador, à qui incombe, en sa qualité de bailleresse, l'obligation de délivrer un logement décent et sur laquelle repose la charge de la preuve, ne conteste pas que le logement en litige a subi un dégât des eaux le 10 juillet 2016, dû à une fuite provenant de l'étage supérieur, toutefois, elle avance qu'il a été pris en charge par les assureurs de la copropriété et intégralement réparé, que si elle reconnait que les précédents locataires s'étaient plaints de traces d'humidités consécutives au dégât des eaux antérieur, qui n'avaient pas été prise en charge par les assurances, elle indique qu'un expert a toutefois été dépêché et que le plafond de la salle de bain a été repris, la SCI Al Ventador ayant fait réaliser des travaux par la société Humidistop le 12 mars 2018, soit avant l'entrée dans les lieux, consistant en l'installation d'une centrale de traitement par ventilation, travaux dont elle justifie.

La SCI Al Ventador produit par ailleurs l'état d'entrée dans les lieux de M. [N] [C] au 1er juin 2018, qui est celui attachée au bail en litige, du 1er décembre 2018, duquel il ne ressort aucun désordre, et ne conteste pas que durant l'exécution du premier contrat de bail, M. [N] [C] l'a cependant alerté d'une persistance d'humidité excessive dans la salle de bain, ce qui a conduit la SCI Al Ventador à faire installer au surplus des travaux déjà réalisés, le 30 novembre 2018, une ventilation mécanique contrôlée (VMC) de type hygro réglable dans les deux salles de bain et les toilettes, travaux dont elle justifie également.

En l'état des éléments versés par les parties, la cour relève que si le logement en litige a connu en 2016 un problème d'humidité, qui a pu perdurer en 2018 après la prise en charge du sinistre, mais face auquel la bailleresse a fait preuve de diligences, au 1er décembre 2018, date de signature du bail en litige, il n'était pas fait état de problèmes d'humidité et de présence de moisissures, tels qu'avancés par les appelants, et ce n'est que par un courrier du 24 août 2020 qu'ils établissent les avoir dénoncés, soit seulement quelques jours avant leur départ du logement et en l'état d'un arriéré locatif conséquent, qu'ils ne contestent pas.

La cour relève que si à l'occasion de leur départ, il a été mentionné dans l'état des lieux de sortie réalisé le 7 octobre 2020, un effritement de la peinture du plafond de la salle de bain et des toilettes, ces seuls éléments, de nature esthétique, notamment en l'absence de tout constat réalisé pendant le cours du bail, par huissier ou par les services sanitaires, ces derniers pourtant saisis par eux, sont insuffisants pour retenir une non décence du logement en litige.

Il s'ensuit que M. [N] [C] et Mme [U] [P] seront déboutés de leurs prétentions indemnitaires au motif d'une non décence du logement pris à bail, partant de leur demande de compensation, et, en conséquence, le jugement rendu le 12 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection de Perpignan sera confirmé en toutes ses dispositions.

2. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [N] [C] et Mme [U] [P] seront condamnés aux dépens de l'appel.

M. [N] [C] et Mme [U] [P], qui échouent en leur appel, seront en outre condamnés à payer à la SCI Al Ventador la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 12 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection de Perpignan, en toutes ses dispositions ;

Statuant pour le surplus,

DEBOUTE M. [N] [C] et Mme [U] [P] de l'ensemble de leurs prétentions ;

CONDAMNE M. [N] [C] et Mme [U] [P] à payer à la SCI Al Ventador la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;

CONDAMNE M. [N] [C] et Mme [U] [P] aux dépens de l'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/07137
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;21.07137 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award