ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 30 MAI 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/04716 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P6Y3
Décision déférée à la Cour :
Arrêt du 15 JUIN 2023
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 22/04360
OPPOSANTS :
Monsieur [A] [F] [Y]
né le 30 décembre 1957 à [Localité 17] ( MAROC)
[Adresse 12]
[Localité 5]
Représenté par Me Bénédicte TOGNIOTTI, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [R] [T] [Y]
né le 16 mars 1956 à [Localité 17] ( MAROC)
[Adresse 16]
[Adresse 16]
[Localité 3]
Représenté par Me Bénédicte TOGNIOTTI, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [N] [D] [Y]
né le 03 janvier 1955 à [Localité 17] ( MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 4]
Représenté par Me Bénédicte TOGNIOTTI, avocat au barreau de MONTPELLIER
DEFENDEURS A L'OPPOSITION :
Madame [L] [M] veuve [Y]
née le 01 Janvier 1950 à [Localité 11] (MAROC)
[Adresse 14]
[Localité 1]
non représentée - assignée par acte étranger
Monsieur [P] [J] [H] [E]
né le 02 Septembre 1958 à [Localité 20]
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Adresse 19]
[Localité 8]
Représenté par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué sur l'audience par Me Eric NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [S] [Z]
née le 1er novembre 1975 à [Localité 10] ( MAROC)
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sophia GHELLAL, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A.S. ORGANIGRAM
Immatriculée au RCS d'Ajaccio n° 046 320 206 prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER - non plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mars 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Fabrice DURAND, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
- rendu par défaut
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
[A] [Y] était propriétaire d'un appartement formant le lot n°82 de la résidence [Adresse 15] située [Adresse 18] et cadastrée section CE n°[Cadastre 7] sur la commune d'[Localité 3] (Corse-du-Sud).
Par mandat d'entremise du 27 janvier 2010, [A] [Y] a confié à la SAS Organigram le soin de rechercher un acquéreur pour son appartement.
Cet appartement était alors occupé par Mme [S] [Z] qui le louait aux termes d'un bail conclu le 1er octobre 1999.
La SAS Organigram, agissant en qualité de mandataire de [A] [Y], a notifié par lettre recommandée du 25 novembre 2010 à Mme [Z] un congé avec offre de vente de l'appartement loué au prix de 85 000 euros.
Le 22 décembre 2010, Mme [Z] a répondu à cette offre en proposant d'acquérir le bien au prix de 65 000 euros.
Par acte authentique du 8 mars 2011, [A] [Y] a vendu cet appartement à M. [P] [E] au prix de 65 000 euros.
Par acte d'huissier du 23 avril 2014, Mme [Z] a fait assigner [A] [Y] et M. [E] devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio aux fins de voir prononcer la nullité de la vente du 8 mars 2011 au motif que cette vente aurait été conclue en violation du droit de préemption du locataire.
Par acte d'huissier du 18 septembre 2014, M. [E] a fait assigner la SAS Organigram en intervention forcée.
Ayant appris le décès de [A] [Y] survenu le 28 novembre 2013, Mme [Z] a fait assigner les 4, 9 et 10 février 2016 en intervention forcée ses héritiers pris en la personne de Mme [L] [M] veuve [Y], M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y].
Par jugement réputé contradictoire du 18 décembre 2017, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :
' déclaré irrecevable la demande de nullité du contrat de vente du 8 mars 2011 ;
' déclaré recevable la demande de restitution des loyers introduite par Mme [Z] ;
' rejeté la demande de restitution des loyers de Mme [Z] ;
' rejeté la demande en paiement de la SAS Organigram ;
' condamné la SAS Organigram à payer à M. [E] la somme de 21 571,50 euros représentant les loyers acquittés entre ses mains par Mme [Z] ;
' dit que la somme de 18 912,35 euros consignée par la SAS Organigram était incluse dans le montant du paiement auquel elle est condamnée ;
' condamné Mme [Z] à payer à M. [E] la somme de 9 060,03 en paiement des loyers impayés ;
' condamné in solidum Mme [Z] et la SAS Organigram à payer à M. [E] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamné la SAS Organigram à payer à M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamné in solidum Mme [Z] et la SAS Organigram aux dépens ;
' ordonné l'exécution provisoire de la décision y compris la condamnation aux dépens et au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclarations au greffe déposées les 17 janvier 2018 et 26 janvier 2018, Mme [Z] et la SAS Organigram ont relevé appel de ce jugement à l'encontre de Mme [L] [M] veuve [Y], de M. [N] [Y], M. [R] [Y], M. [A] [Y] et M. [P] [E].
Les deux instances d'appel ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 septembre 2018.
Par ordonnance de référé du 26 juin 2018 rendue à la demande de Mme [Z], l'exécution provisoire du jugement a été suspendue.
Par arrêt du 15 janvier 2020, la cour d'appel de Bastia a :
' confirmé la décision déférée en ce qu'elle a :
- déclaré recevable la demande de restitution des loyers introduite par Mme [Z] ;
- rejeté la demande de restitution des loyers de Mme [Z] ;
- rejeté la demande en paiement de la SAS Organigram ;
- condamné la SAS Organigram à payer à M. [E] la somme de 21 571,50 euros en paiement des loyers régulièrement acquittés entre ses mains par Mme [Z] ;
- dit que la somme de 18 912,35 euros consignée par la SAS Organigram était incluse dans le montant du paiement auquel elle était condamnée ;
- condamné in solidum Mme [Z] et la SAS Organigram à payer à M. [E] la somme de 5 000 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SAS Organigram à payer à M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum Mme [Z] et la SAS Organigram aux dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision y compris la condamnation aux dépens et au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
' infirmé les autres chefs et statuant à nouveau,
- déclaré recevable la demande en nullité de la vente introduite par Mme [Z] ;
- déclaré recevables les demandes formées par la SAS Organigram ;
- rejeté la demande en nullité de la vente du 8 mars 2011 formée par Mme [Z] ;
- condamné la SAS Organigram à payer à M. [E] la somme de 12 080 euros en paiement des loyers impayés du 1er juin 2015 au 30 avril 2017 ;
Ajoutant au jugement,
' condamné in solidum Mme [Z] et la SAS Organigram à payer à M. [E] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' rejeté les demandes formées par Mme [Z] et la SAS Organigram sur ce même fondement ;
' condamné in solidum Mme [Z] et la SAS Organigram aux dépens.
Cet arrêt a été rendu par défaut à l'égard de deux des quatre consorts [Y] à qui la déclaration d'appel n'a pas été signifiée à personne. Aucun de ces quatre intimés n'a comparu devant la cour d'appel de Bastia.
Mme [Z] a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt du 15 janvier 2020 de la cour d'appel de Bastia et la SAS Organigram un pourvoi incident.
Par arrêt du 11 mai 2022, la Cour de cassation a :
' constaté la déchéance du pourvoi principal en tant que dirigé contre Mme [L] [M] veuve [Y] et MM. [N], [R] et [A] [Y] ;
' cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia, et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Montpellier.
La Cour de cassation a jugé que la cour d'appel n'aurait pas dû rejeter la demande de nullité de la vente du 8 mars 2011 alors que la locataire avait reçu le 25 novembre 2010 une offre de vente du mandataire du vendeur au prix de 85 000 euros et que la vente du 8 mars 2011 avait été consentie au tiers acquéreur au prix de 65 000 euros, sans qu'une nouvelle offre lui ait été notifiée.
Par déclaration au greffe du 12 août 2022, Mme [Z] a saisi la cour d'appel de Montpellier désignée comme cour de renvoi.
Par arrêt du 15 juin 2023, rendu par défaut à l'encontre de Mme [L] [Y], M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y], la cour d'appel de Montpellier a :
' infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant :
- déclaré recevable la demande de restitution des loyers de Mme [S] [Z] ;
- rejeté cette demande comme étant non fondée ;
- condamné la SAS Organigram à payer à M. [E] la somme de 21 571,50 euros représentant les loyers acquittés par Mme [Z] ;
- rejeté la demande en paiement de la SAS Organigram contre les consorts [Y] ;
Et statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,
' déclaré recevable l'action en nullité de la vente reçue le 8 mars 2011 par Me [X] engagée par Mme [S] [Z] ;
' annulé la vente reçue le 8 mars 2011 par Me [X] portant sur un appartement constituant le lot n°82 du bâtiment C de la copropriété [Adresse 15] située [Adresse 18] et cadastrée section CE n°[Cadastre 7] sur la commune d'[Localité 3] (2A) et publiée le 11 avril 2011 au service de la publicité foncière d'[Localité 3] sous le volume n°2011P2564 et attestation rectificative par acte du 27 juin 2011 de Me [X] publié le 8 juillet 2011 sous le volume n°2011P4555 ;
' débouté Mme [S] [Z] de sa demande de réalisation forcée de la vente de cet appartement à son profit ;
' condamné solidairement Mme [L] [M] veuve [Y], M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] à payer à Mme [S] [Z] les sommes suivantes :
- 63 000 euros en réparation de son préjudice matériel ;
- 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
' dit que M. [E] devait restituer l'appartement objet de la vente annulée du 8 mars 2011 à Mme [L] [M] veuve [Y], M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] ;
' condamné solidairement Mme [L] [M] veuve [Y], M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] à payer à M. [P] [E] la somme de 39 532,59 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;
' débouté Mme [S] [Z] et la SAS Organigram de leurs demandes de paiement, de restitution, de compensation de conservation ou de consignation de sommes représentant les loyers ou les charges locatives de l'appartement objet du litige ;
' débouté M. [P] [E] de sa demande de paiement de la somme de 12 080 euros de loyers formée contre Mme [S] [Z] ;
' débouté M. [P] [E] de sa demande de dommages-intérêts formée contre la SAS Organigram ;
' condamné in solidum Mme [L] [M] veuve [Y], M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] pris solidairement d'une part, M. [P] [E] et la SAS Organigram (avec répartition définitive d'un tiers pour chaque partie) à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ;
' condamné in solidum Mme [L] [M] veuve [Y], M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] pris solidairement d'une part, M. [P] [E] et la SAS Organigram (avec répartition définitive d'un tiers pour chaque partie) à payer à Mme [S] [Z] la somme de 9 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
' débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
' ordonné la publication de l'arrêt au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles à la diligence de Mme [S] [Z] ;
' dit que ces frais de publication de l'arrêt seraient inclus dans les dépens d'appel.
Par acte du 22 septembre 2023, M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] ont formé opposition à cet arrêt en application de l'article 573 du code de procédure civile.
Le même jour 22 septembre 2023, M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] ont déposé au greffe du tribunal judiciaire d'Ajaccio une déclaration de renonciation pure et simple à la succession de leur père [A] [Y].
Vu l'acte d'opposition formé le 22 septembre 2023 par M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] aux termes duquel ils demandent à la cour de recevoir leur opposition et de rejeter toutes les demandes formées contre eux en faisant valoir qu'ils ont renoncé le 22 septembre 2023 à la succession de [A] [Y] ;
Vu les dernières conclusions de Mme [Z] déposées au greffe le 29 février 2024 ;
Vu les dernières conclusions de la SAS Organigram déposées au greffe le 21 février 2024 ;
Vu les dernières conclusions de M. [E] déposées au greffe le 16 février 2024 ;
La déclaration d'opposition de M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] a été signifié le 12 février 2024 à Mme [L] [M] veuve [Y] qui n'a pas constitué avocat.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la recevabilité de l'opposition formée par les consorts [Y],
M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] ont formé opposition le 22 septembre 2023 contre l'arrêt du 15 juin 2023 de la cour d'appel de Montpellier statuant sur renvoi après cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 15 janvier 2020.
L'arrêt du 15 juin 2023 de la cour d'appel de Montpellier a été rendu par défaut à l'égard des trois opposants.
La déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi a été signifiée à domicile le 30 août 2022 à M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] et aucun de ces trois intimés n'a constitué avocat devant la cour d'appel de Montpellier.
L'arrêt du 15 juin 2023 a donc bien été rendu par défaut à leur égard.
Il résulte de l'application combiné des articles 528 et 538 du code de procédure civile que le délai imparti pour former opposition à un arrêt par défaut est d'un mois courant à compter de la date de signification de cet arrêt.
L'arrêt rendu par défaut le 15 juin 2023 a été signifié le 23 août 2023 par Mme [Z] à M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y].
Par ailleurs cet arrêt du 15 juin 2023 a aussi été signifié à l'initiative de M. [E] :
' le 24 juillet 2023 à M. [R] [Y] à domicile ;
' le 25 juillet 2023 à M. [A] [Y] à domicile ;
' le 3 août 2023 à M. [N] [Y] à personne.
En premier lieu, M. [E] est fondé à soutenir que l'opposition formée le 22 septembre 2023 par les consorts [Y] est irrecevable à son égard pour avoir été formée plus d'un mois après signification aux trois opposants de l'arrêt du 15 juin 2023.
Mme [Z] et la SAS Organigram se prévalent elles aussi des actes de signification faits par M. [E] pour soutenir que l'opposition formée par les consorts [Y] serait tout aussi irrecevable à leur égard.
En application de l'article 529 alinéa 2 du code de procédure civile, dans le cas où un arrêt profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir de la notification faite par l'une d'elles.
Il y a indivisibilité du litige entre plusieurs parties lorsqu'il serait impossible d'exécuter simultanément plusieurs décisions contraires à l'égard de certaines parties, soit à raison de la nature du litige, soit à raison de leur position au litige.
En l'espèce, l'arrêt par défaut du 15 juin 2023 a principalement annulé la vente par [A] [Y] le 8 mars 2011 de l'immeuble litigieux, alors loué à Mme [Z], et a en conséquence condamné les consorts [Y] :
' à indemniser Mme [Z] du préjudice subi en raison de l'annulation de cette vente immobilière du 8 mars 2011 en fraude de son droit de préemption de locataire ;
' à rembourser M. [E], acquéreur évincé de l'immeuble, des frais supportés lors la vente du 8 mars 2011 annulée.
Il serait impossible d'exécuter la condamnation prononcée contre les consorts [Y] au bénéfice de M. [E], devenue définitive, dans l'hypothèse où la cour à nouveau saisie des demandes formées par Mme [Z], sur opposition des consorts [Y], rejetait l'annulation de la vente qu'elle sollicite.
Cette impossibilité d'exécuter plusieurs décisions contraires à l'égard de plusieurs parties s'applique au regard des condamnations prononcées par le même arrêt contre la SAS Organigram.
Le présent litige est donc indivisible entre toutes les parties.
Mme [Z] et la SAS Organigram sont donc fondées à se prévaloir des actes de signification délivrés aux consorts [Y] par M. [E] conformément aux dispositions de l'article 529 alinéa 2 du code de procédure civile.
Il en résulte que l'opposition formée le 22 septembre 2023 par M. [R] [Y], M. [A] [Y] et M. [N] [Y] est irrecevable pour avoir été formée plus d'un mois après la signification de l'arrêt qui leur a été faite respectivement le 24 juillet 2023, le 25 juillet 2023 et le 3 août 2023.
Sur les demandes formées par Mme [Z],
L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages-intérêts qu'en présence de circonstances particulières le rendant fautif et notamment en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
Par acte reçu le 25 juillet 2014 par Me [U], notaire à [Localité 3], M. [N] [Y], M. [R] [Y] à M. [A] [Y] ont accepté purement et simplement la succession de leur père [A] [Y] décédé le 28 novembre 2013.
Par acte reçu aussi le 25 juillet 2014 par Me [U], M. [N] [Y], M. [R] [Y] à M. [A] [Y] ont vendu une maison d'habitation cadastrée E n°[Cadastre 9] sur la commune de [Localité 4] (Corse-du-Sud) au prix de 149 182 euros payé comptant par l'acquéreur.
Les consorts [Y] ont constitué avocat devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio après avoir été assignés en intervention forcée les 4, 9 et 10 février 2016 par Mme [Z].
La déclaration de saisine de la cour d'appel de Montpellier a été signifiée le 30 août 2022 par Mme [Z] aux domiciles respectifs de M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] étant précisé que les trois actes ont été remis par l'huissier à Mme [G] [Y], épouse de M. [R] [Y].
Les conclusions d'appel de Mme [Z] ont aussi été signifiées le 7 octobre 2022 à M. [R] [Y] en personne à qui l'huissier a remis les deux actes destinés à M. [N] [Y] et à M. [A] [Y], tous deux signifiés à domicile.
La SAS Organigram a signifié ses conclusions d'appel à personne le 7 décembre 2022 à M. [A] [Y] et à personne le 8 décembre 2022 à M. [R] [Y] et à domicile le 7 décembre 2022 à M. [N] [Y] (acte reçu par M. [A] [Y]).
De nouvelles conclusions d'appel ont été signifiées le 28 février 2023, le 22 mars 2023 et le 4 avril 2023 par Mme [Z] à M. [N] [Y], M. [R] [Y] à M. [A] [Y] dans les mêmes conditions.
Il ressort des précédents éléments d'une part que les consorts [Y] ont accepté purement et simplement la succession de leur père dès le 25 juillet 2014 et qu'ils se sont toujours comportés en héritiers, d'autres part qu'ils ont été constamment informés des développements de la présente procédure judiciaire en première instance puis en appel.
En qualité d'héritier, ils ont au moins perçu le prix de vente de 149 182 euros de l'immeuble dépendant de la succession de [A] [Y], étant précisé qu'ils ne versent aucun autre élément ni acte de partage permettant de connaître l'exacte ampleur de l'actif net successoral dont ils ont bénéficié.
Dès lors, les trois actes de renonciation à la succession de [A] [Y] signés le 22 septembre 2023 par M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] sont manifestement nuls par application de l'article 786 du code civil.
L'acte d'enregistrement de ces trois renonciations à succession par le greffier du tribunal judiciaire d'Ajaccio le 22 septembre 2023 constitue un faux intellectuel à visée frauduleuse.
Cet acte frauduleux a été utilisé le jour même par M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] au soutien de la présente opposition dans le but de faire échec aux demandes des autres parties à une instance dont ils étaient parfaitement informés du déroulement au moins depuis février 2016.
Cette man'uvre frauduleuse commise par les consorts [Y], à dessein de nuire et avec pour unique objectif de se soustraire à leurs obligations d'héritiers alors qu'ils ont par ailleurs reçu les actifs de la succession de [A] [Y], caractérise un abus de leur droit de former opposition à l'arrêt du 15 juin 2023.
Il en résulte que Mme [Z] est fondée à se prévaloir de cette faute commise par M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] et de leur demander réparation du préjudice moral qui en a directement résulté.
La cour évalue ce préjudice moral à la somme de 15 000 euros au regard des circonstances de cette opposition frauduleuse qui fait suite à un procès particulièrement long et éprouvant durant lequel Mme [Z] a dû affronter de multiples obstacles pratiques et procéduraux.
En conséquence, M. [N] [Y], M. [R] [Y] à M. [A] [Y] sont condamnés in solidum à payer à Mme [Z] la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts.
Sur l'amende civile pour procédure abusive,
L'article 32-1 du code de procédure civile dispose :
« Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »
M. [N] [Y], M. [R] [Y] à M. [A] [Y] ont volontairement fait enregistrer par un officier public le 22 septembre 2023 une renonciation à la succession de leur père alors qu'ils avaient accepté purement et simplement cette succession le 25 juillet 2014 et obtenu leur part de l'actif successoral, notamment de l'immeuble vendu le même jour au prix de 149 182 euros.
Cette renonciation à succession, nulle au regard de l'article 786 du code civil, est en réalité une fausse déclaration des intéressés visant seulement à soutenir l'opposition qu'ils formaient le même jour contre l'arrêt du 15 juin 2023.
Pour ces motifs et ceux précédemment développés au soutien de la demande indemnitaire de Mme [Z], la procédure d'opposition engagée au moyen de cette man'uvre frauduleuse est abusive et justifie la condamnation de M. [N] [Y], de M. [R] [Y] et de M. [A] [Y] à une amende civile de 8 000 euros chacun.
Sur les demandes accessoires,
Les consorts [Y] succombent à l'instance d'opposition et seront donc tenus d'en supporter les entiers dépens.
L'équité commande en outre de les condamner tous trois in solidum à payer à Mme [Z], à la SAS Organigram et à M. [E] une indemnité de 5 000 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Déclare irrecevable l'opposition formée le 22 septembre 2023 par M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 15 juin 2023 (dossier RG n°22/04360) ;
Condamne in solidum M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] à payer à Mme [S] [Z] 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral pour procédure abusive ;
Condamne in solidum M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] à supporter les entiers dépens de l'instance d'opposition et autorise la SCP Nègre - Pepratx Nègre à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [N] [Y], M. [R] [Y] et M. [A] [Y] à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
' 5 000 euros à Mme [S] [Z] ;
' 5 000 euros à la SAS Organigram ;
' 5 000 euros à M. [P] [E] ;
Condamne M. [N] [Y] à payer une amende civile de 8 000 euros au Trésor Public sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
Condamne M. [R] [Y] à payer une amende civile de 8 000 euros au Trésor Public sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
Condamne M. [A] [Y] à payer une amende civile de 8 000 euros au Trésor Public sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,