ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 30 MAI 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/04270 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P53J
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 JUILLET 2023
JUGE DE L'EXECUTION DE NARBONNE N° RG 23/00237
APPELANTE :
Madame [Z] [P] [S] [Y] [N] épouse [F]
née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 4]
Représentée par Me Emmanuel LE COZ de la SELARL CABINET LE COZ AVOCATS, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMEE :
Madame [H] [M]
née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
Représentée par Me DUBOIS substituant Me Sandy RAMAHANDRIARIVELO de la SCP RAMAHANDRIARIVELO - DUBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 11 Mars 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nelly CARLIER, Conseiller, faisant fonction de Président, chargée du rapport et Madame Fanny COTTE, Vice-Président placé.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Madame Nelly CARLIER, Conseiller
Madame Fanny COTTE, Vice-Président placé
Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
EXPOSE DU LITIGE :
Le 5 janvier 2023, Mme [H] [K] épouse [M] a fait pratiquer, sur plusieurs comptes ouverts au nom de Mme [Z] [N] une saisie-attribution entre les mains de la Caisse Régionale de Crédit Agricole du Languedoc pour obtenir paiement de la somme globale de 177 438, 37 euros en principal, intérêts et frais et ce, en exécution d'un jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Narbonne en date du 14 mai 2004.
Cette saisie-attribution a été dénoncée le 11 janvier 2023 à Mme [Z] [N] avec mention que cette dénonciation intervient en exécution du jugement précité et d'une cession de créance signifiée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile en date du 12 juillet 2022.
Par acte d'huissier du 7 février 2023, Mme [Z] [N] épouse [F] a fait assigner Mme [H] [K] épouse [M] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Narbonne aux fins principalement de voir annuler cette saisie-attribution et en ordonner sa mainlevée.
Par jugement en date du 27 juillet 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Narbonne a :
- débouté Mme [Z] [N] de sa demande d'annulation du procès-verbal de saisie-attribution du 5 janvier 2023 ;
- débouté Mme [Z] [N] de sa demande de mainlevée de la saisie ;
- débouté Mme [Z] [N] de sa demande de cantonnement du montant de la créance de Mme [H] [K] ;
- débouté Mme [Z] [N] de sa demande de suspension de l'exigibilité de sa dette ;
- condamné Mme [Z] [N] aux dépens de la présente procédure ;
- condamné Mme [Z] [N] à payer à Mme [H] [K] la somme de 2 000,00 euros au titre des frais irrépétibles.
Ce jugement a été notifié à Mme [Z] [N] épouse [F] par le greffe du juge de l'exécution par lettre recommandée dont elle a accusé réception le 7 août 2023.
Mme [Z] [N] épouse [F] a interjeté appel de cette décision par déclaration signifiée par la voie électronique le 18 août 2023.
Par conclusions signifiées par la voie électronique le 4 mars 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Mme [Z] [N] épouse [F] demande à la cour de :
* réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- débouté Mme [Z] [N] de sa demande d'annulation du procès-verbal de saisie-attribution du 5 janvier 2023 ;
- débouté Mme [Z] [N] de sa demande de mainlevée de la saisie ;
- débouté Mme [Z] [N] de sa demande de cantonnement du montant de la créance de Mme [H] [K]
- débouté Mme [Z] [N] de sa demande de suspension de l'exigibilité de sa dette ;
- condamné Mme [Z] [N] aux dépens de la présente procédure ;
- condamné Mme [Z] [N] à payer à Mme [H] [K] la somme de 2.000,00 euros au titre des frais irrépétibles.
* Statuant à nouveau,
- déclarer la demande de Mme [Z] [F] recevable et bien fondée, et en conséquence,
- In limine litis,
' déclarer nulle la saisie-attribution pratiquée à la demande de Mme [H] [M] sur les créances de sommes d'argent détenues par le Crédit Agricole du Languedoc pour le compte de Mme [Z] [N] pour le paiement de la somme totale de 177 438,37 euros ;
En conséquence,
' ordonner la main levée totale de la saisie-attribution pratiquée à la demande de Mme [H] [M] sur les créances de sommes d'argent détenues par le Crédit Agricole du Languedoc pour le compte de Mme [Z] [N] ;
- Au Principal,
' déclarer inopposable à Mme [Z] [N] la cession de créance établie entre Mme [H] [M] et la société STEPHARO ;
En conséquence,
' ordonner la main levée totale de la saisie-attribution pratiquée à la demande de Mme [H] [M] sur les créances de sommes d'argent détenues par le Crédit Agricole du Languedoc pour le compte de Mme [Z] [N] ;
- Au subsidiaire,
' ordonner la main levée partielle de la saisie-attribution pratiquée à la demande de Mme [H] [M] sur les créances de sommes d'argent détenues par le Crédit Agricole du Languedoc pour le compte de Mme [Z] [N] pour la somme de 147.883,81 euros ;
' accorder un échéancier à Mme [Z] [N] pour paiement de sa dette à hauteur de 160,00 euros/mois jusqu'à meilleure fortune ;
- A l'infiniment subsidiaire,
' déclarer prescrits les intérêts de retard pour la période antérieure au 01er janvier 2018 ;
En conséquence,
' ordonner la main levée partielle de la saisie-attribution pratiquée à la demande de Mme [H] [M] sur les créances de sommes d'argent détenues par le Crédit Agricole du Languedoc pour le compte de Mme [Z] [N] pour la somme de 138.169,29 euros ;
' accorder un échéancier à Mme [Z] [N] pour paiement de sa dette à hauteur de 160,00 euros/mois jusqu'à meilleure fortune ;
- En tout état de cause,
' entendre ordonner la notification, par les services du secrétariat-greffe, de la décision à intervenir, laquelle sera susceptible d'appel dans les quinze jours de cette notification ;
' condamner Mme [H] [M] à verser au requérant la somme de 2.500,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' condamner Mme [H] [M] aux entiers dépens.
Dans ses dernières écritures signifiées par la voie électronique le 3 novembre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Mme [H] [M] demande à la Cour :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter [Z] [N] de l'intégralité de ses moyens et demandes,
Y ajoutant,
- condamner [Z] [N] à payer à [H] [M] la somme de 3.000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
MOTIVATION
Sur la nullité du procès-verbal de saisie-attribution
L'appelante sollicite la nullité du procès-verbal de saisie-attribution du 5 janvier 2023 sur le fondement de l'article R 211-1-1° et 3° du code des procédures civiles d'exécution aux motifs d'une part que ce procès-verbal indique une adresse erronée en ce qu'il s'agit de son ancienne adresse qu'elle a quitté depuis 2019, bien que le commissaire de justice ait eu connaissance de sa nouvelle adresse pour lui avoir notifié une mise en demeure préalablement à la saisie en cause et d'autre part que le décompte figurant à ce procès-verbal est erroné pour avoir mentionné un principal ne tenant pas compte des règlements qu'elle a effectués à hauteur de 46 542, 45 €.
Aux termes de l'article 211-1° et 3° précité, lorsque le créancier procède à une saisie-attribution par acte d'huissier de justice signifié au tiers, cet acte contient à peine de nullité :
1° l'indication des noms et domicile du débiteur
...
3° le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le procès-verbal de saisie-attribution signifié au tiers saisi comporte la mention d'une adresse erronée à Puisseguier (34 620) concernant la débitrice alors qu'elle demeurait au jour de l'acte à [Localité 8]. Il ressort, en effet, d'une lettre de mise en demeure adressée par le même commissaire de justice le 20 décembre 2022, préalablement à la saisie en cause, que ce dernier avait connaissance de cette nouvelle adresse. Néanmoins, c'est à juste titre que le premier juge rappelle qu'en application de l'article 114 du code de procédure civile, l'irrégularité invoquée constitue un vice de forme en ce qu'elle porte sur un acte de procédure et ne peut entraîner la nullité de celui-ci qu'à la charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité. Or, l'appelante n'invoque et ne justifie de l'existence d'aucun préjudice résultant de cette erreur d'adresse, alors, ainsi que le fait justement observer l'intimée, la saisie a été dénoncée à Mme [F] le 11 janvier 2023 à sa nouvelle adresse, ce qui lui a permis de contester devant le juge de l'exécution dans les délais impartis la mesure d'exécution et qu'au surplus, elle n'a donné lieu à aucune méprise du tiers saisi sur l'identification de la débitrice, sur les comptes devant faire l'objet de la saisie ou toute autre donnée bancaire de nature à lui faire grief.
Par ailleurs, l'acte de saisie attribution du 5 janvier 2023 comporte un décompte des sommes exigibles pour un total de 177438, 37 € de la manière suivante :
- Principal 99553, 04 €
- Intérêts au 01/02/2022 74036,61 €
- Les intérêts (au 20/12/2022) 1715, 39 €
- Les Actes & Débours 588,39 €
- Droit proportionnel 338, 24 €
- Coût de l'acte 438, 58 €
Total dû (sauf erreur ou omission) 176670, 25 €
A ceci il faut ajouter :
Les actes à prévoir 280,26 €
Un mois d'intérêts à prévoir 487, 86 €
Cet acte de saisie-attribution comporte bien un décompte conforme aux prescriptions de l'article R 211-1- 3° précité, ce texte n'exigeant pas que chacun des postes et notamment la somme en principal soient détaillé, ni même que les règlements effectués par le débiteur saisi soient mentionnés, seule l'absence de tout décompte comportant une ventilation entre les sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus étant de nature à entraîner la nullité du procès-verbal de saisie-attribution. La seule circonstance que la somme réclamée soit erronée pour ne pas avoir tenu compte de règlements n'affecte que la portée de la saisie-attribution et non sa validité alors même que le décompte en cause est parfaitement vérifiable au regard des contestations soulevées par la débitrice et des pièces justificatives produites par les deux parties qui permettent au juge de l'exécution de procéder au contrôle de la détermination des sommes dues et que l'appelante reconnaît subsidiairement aux termes de ses conclusions qu'en dépit de cette erreur invoquée, elle reste redevable envers Mme [M] d'une somme de 59 109, 69 € (page 8 de ses écritures).
Il y a donc lieu de considérer que le décompte figurant au procès-verbal de saisie-attribution du 5 janvier 2023 n'est entaché d'aucune erreur ou irrégularité de nature à entraîner la nullité de l'acte.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [F] aux fins de nullité de cet acte.
Sur la demande de mainlevée totale de la saisie-attribution
- Sur la prescription de l'exécution du titre exécutoire
L'appelante soulève la prescription de l'exécution du jugement du 14 mai 2004 qui est intervenue postérieurement à l'expiration du délai de 10 ans prévu à l'article L 111-4 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution et ce, sans être interrompu par ses versements effectués alors que le délai de prescription était déjà expiré et alors que le jugement ne lui a été signifié que le 19 décembre 2022.
Aux termes de l'article L. 111-4 du Code des procédures civiles d'exécution, issu de la loi n° 2008 -561 du 17 juin 2008, l'exécution des titres exécutoires ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
L'article 26-II de la loi précitée et l'article 2222 alinéa 2 du code civil prévoient que les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En l'espèce, le titre dont l'exécution est en cause est un jugement rendu le 14 mai 2004, soit avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008 -561 du 17 juin 2008, alors que la prescription applicable avant cette date aux voies d'exécution était trentenaire en vertu de l'article 2262 de l'ancien code civil.
Le délai de prescription de 30 ans qui courrait initialement n'était pas écoulé le 17 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Le délai de prescription de 10 ans s'est donc substitué à cette date à l'ancienne prescription, soit une date d'expiration du délai de prescription au 17 juin 2018. Cependant, il ressort d'un décompte d'intérêts de la créance produit par l'intimée pour la période du 14 mai 2004 au 1er septembre 2022 (pièce 5) que Mme [F] a procédé à des versements mensuels réguliers en remboursement de sa dette, tels que confirmés par les pièces produites par l'appelante elle-même et ce, au minimum dés le mois de septembre 2004 jusqu'au moins le 15 mai 2022, chacun de ces versements dont il n'est pas contesté qu'il s'est agi de versements volontaires soit par remise de chèque, soit par virement bancaire, valant reconnaissance du droit de créance de Mme [M] à son égard et constituant donc en application de l'article 2240 du code civil un acte interruptif de prescription faisant courrir pour chacun d'eux un nouveau délai de prescription de même durée. Le dernier versement résultant du décompte précité ayant été effectué le 15 mai 2022, le délai de prescription qui courrait jusqu'au 15 mai 2032 n'était donc pas expiré à la date de la saisie-attribution du 5 janvier 2023. Il importe peu à ce titre que le jugement du 14 mai 2004 n'ait été signifié à Mme [F] que le 19 décembre 2022, cette circonstance étant indifférente pour la calcul de la durée de la prescription.
En conséquence, Mme [M] ayant engagé la mesure d'exécution litigieuse en vertu d'un titre non prescrit, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté le moyen tiré de la prescription.
- Sur l'inopposabilité de la cession de créance
L'appelante fait valoir que la cession de créance dont se prévaut Mme [M] lui est inopposable en raison de la nullité de la signification de cette cession délivrée le 12 juillet 2022 suivant procès-verbal de recherches infructueuses à son ancienne adresse, les diligences de l'huissier de justice s'étant avérées insuffisantes pour rechercher son nouveau domicile.
Aux termes de l'article 689 du code de procédure civile, les notifications sont faites au lieu où demeure le destinataire de l'acte s'il s'agit d'une personne physique.
Il ressort, par ailleurs, de l'article 659 du code de procédure civile, que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
En l'espèce, il ressort de l'acte de signification en cause que l'huissier de justice déclare s'être déplacé au dernier domicile connu de Mme [Z] [N], à savoir au [Adresse 5] et avoir effectué les constatations suivantes :
"A cette adresse, le nom de la requise ne figure pas sur les boîtes aux lettres.
Elle est inconnue des voisins interrogés du :
- [Adresse 5]
- [Adresse 5]
- [Adresse 5]
Aucun autre renseignement n'a pu être recueilli sur place.
Il a été procédé aux diligences suivantes, pour rechercher le destinataire de l'acte :
- La consultation d'internet par le biais d'un moteur de recherche s'est avérée infructueuse
- La consultation des sites internet Pages Blanches, sté.Com et Facebook s'est avérée infructueuse
En conséquence, il apparaît qu'à l'adresse sus indiquée à ce jour, aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte n'y a son domicile , sa résidence ou son établissement.
Toutes les démarches décrites ci-dessus n'ont pu permettre de retrouver la nouvelle destination du signifié.'
Les diligences telles que mentionnées par l'huissier de justice pour la signification de l'acte de cession à l'adresse en question doivent être considérées comme suffisantes à établir la réalité, ainsi que le caractère sérieux et complet des recherches effectuées par l'huissier de justice pour localiser Mme [N] épouse [F]. Il ne saurait être fait grief à l'huissier de justice, contrairement à ce que soutient l'appelante, de n'avoir pas sollicité les services de Ficoba pour obtenir ses coordonnées bancaires et sa nouvelle adresse alors qu'ainsi relevé à juste titre par l'intimée, si l'article L 152-2 du code des procédures civiles d'exécution impose aux établissements bancaires d'indiquer à l'huissier de justice les comptes dont est titulaire le débiteur sans opposer le secret professionnel, c'est uniquement dans le cadre de l'exécution du titre, ce qui n'est pas le cas de la simple signification de la cession de créance qui n'est pas un acte d'exécution. Cette notification régulière de la cession en cause, en dépit même de sa délivrance par procès-verbal de recherches infructueuses, rend donc cette dernière parfaitement opposable à la débitrice en application de l'article 1324 du code civil qui n'impose pas que le débiteur en ait eu effectivement connaissance.
En outre, à supposer même établie la nullité de cette signification, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 1690 du code civil, le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur, aucune disposition n'imposant néanmoins au créancier de signifier la cession de créance dans un délai imparti et cette signification pouvant intervenir tant que le débiteur cédé ne s'est pas acquitté de sa dette et pouvant résulter de tous actes de procédure de nature à informer le débiteur à condition qu'ils contiennent les éléments nécessaires à son exacte information quant au transfert de la créance. Or, en l'espèce, il ressort de la dénonciation de la saisie-attribution faite à Mme [N] épouse [F] à sa nouvelle adresse le 11 janvier 2023 que l'acte de cession en cause lui a été signifiée de manière régulière avec remise d'une copie en même temps que le jugement du 14 mai 2004 et le procès-verbal de saisie-attribution.
La cession de créance a donc été signifiée valablement à Mme [F] et lui est parfaitement opposable.
C'est ainsi à bon droit que le premier juge a rejeté également ce moyen.
- Sur le caractère non exigible de la dette
L'appelante fait valoir l'existence d'un accord de rééchelonnement de sa dette depuis août 2004 qu'elle aurait respecté scrupuleusement et qui serait de nature à faire obstacle à l'exécution forcée du titre.
Or, c'est à juste titre que le premier juge a considéré qu'il n'était pas établi que ledit accord comportait un engagement explicite du créancier de renoncer à une exécution forcée des sommes dues, tant le courrier du 6 septembre 2004 cité par le premier juge que les autres courriers versés aux débats par l'appelante et émanant au demeurant de la société Stephano, partie cédante ne faisant que prendre acte des versements volontaires de la débitrice, étant relevé que cette dernière était soumise en vertu du titre à une mesure de mise à l'épreuve avec obligation de rembourser la victime. Il convient de rajouter que conformément à l'article L 111-7 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance, et ce même en présence de versements volontaires du débiteur, pourvu que l'exécution de ces mesures n'excède pas ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation, ce qui n'est pas démontré en l'espèce au regard du montant de la créance, de son ancienneté et de la modicité des versements, même s'ils ont été réguliers.
Il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de mainlevée totale de la saisie-attribution.
Sur la demande de mainlevée partielle de la saisie-attribution
L'appelante sollicite la mainlevée partielle de la saisie-attribution aux motifs que la créance en principal s'élève à 60 709, 09 € au vu de l'acte de cession et non 99 553,04 € comme retenu dans le procès-verbal de saisie-attribution et qu'il y a lieu de déduire 10 versements de 160 € qu'elle affirme avoir versé depuis la cession et dont il n'a pas été tenu compte. Elle conteste également le montant des intérêts légaux, dont elle estime ne pas être redevable dès lors qu'elle a respecté son accord de règlement et subsidiairement qu'elle évalue à la seule somme de 9 714, 52 € en raison de la prescription quinquennale.
L'acte de cession en page 2 prévoit qu'à la date du 31 décembre 2021, la créance cédée s'élevait, en effet, à 60 709, 09 €, cette somme tenant compte du montant recouvré par la société cédante jusqu'au 31 mars 2022 de 46 542, 45 € déduite du montant dû en principal de 106 901, 54 € aux termes du jugement du 14 mai 2004 et de frais et honoraires pour la somme de 350 € ( soit 106 901, 54 € + 350 € - 46 542, 45 € ). Néanmoins l'acte de cession précise que la créance cédée doit comprendre également les intérêts légaux à calculer sur le retard de règlement de la dette. L'intimée produit un décompte de créance conforme aux articles 1254 ancien et 1343-1 nouveau du code civil contenant calcul des intérêts de retard avec imputation des versements effectués en priorité sur les intérêts échus et ensuite sur le capital, ce calcul faisant apparaître un principal de 99 553, 04 € et des intérêts échus de 74 036, 61 €, tels que figurant au procès-verbal de saisie-attribution et tenant compte de ces règles d'imputation, expliquant la différence invoquée par l'appelante.
Par ailleurs, si l'appelante justifie par la production de ses relevés bancaires avoir fait huit versements mensuels de 160 euros chacun de juin 2022 à janvier 2023, ces virements ont été adressés à la société Stephano, la société cédante et non au cessionnaire de sorte que ces paiements n'ont eu aucun effet libératoire à l'égard de ce dernier, à défaut pour l'appelante d'établir qu'au jour de l'acte de saisie-attribution, Mme [M] aurait reçu de la société Stephano les paiements en cause. C'est donc à juste titre que le premier juge n'a pas déduit ces versements du montant de la créance en principal.
S'agissant des intérêts de retard, l'appelante ne démontre pas qu'en contrepartie des versements volontaires effectués, les créanciers tant cédant que cessionnaire aient renoncé à la perception des intérêts de retard, aucun des courriers produits ne contenant un tel accord. En ce qui concerne leur prescription, quand bien même fût-elle quinquennale, le délai de prescription a été interrompu au même titre que l'exécution du titre par les versements volontaires et continus de la débitrice depuis 2004 jusqu'au moins au 15 mai 2022, comme indiqué précédemment et la prescription des intérêts n'était pas acquise au jour de la saisie-attribution.
L'appelante invoque encore l'absence de solidarité entre les créanciers cessionnaires , la créance ayant été cédée non seulement à Mme [H] [M] mais également à M. [O] [M].
Il est exact que l'acte de cession prévoit que la créance est cédée non seulement à Mme [H] [M] mais également à M. [O] [M] sans stipuler l'existence d'une solidarité attachée à l'obligation portant sur cette créance commune, la solidarité ne se présumant pas et une telle obligation, s'agissant d'une somme d'argent, étant de plein droit divise entre les co-créanciers, par parts égales à défaut de stipulation contraire de l'acte de cession, de sorte que chacun d'eux ne peut réclamer à la débitrice le paiement que de sa part, en application de l'article 1309 du code civil. C'est ainsi à tort que l'intimée prétend que la solidarité active résulterait des mentions de l'acte, le fait qu'ils soient désignés ensemble sous le vocable unique 'le cessionnaire', que le prix de cession soit indivis, ce qui n'est d'ailleurs pas mentionné dans l'acte, ou qu'ils aient déclaré accepter de se charger directement du recouvrement de la créance ne caractérisant pas de manière claire et non équivoque une obligation solidaire ou une intention commune des parties à ce titre.
Enfin, c'est également à tort que le premier juge a écarté ce moyen en se fondant sur le caractère partiellement fructueux de la saisie-attribution correspondant à un montant inférieur à celui auquel Mme [M] serait susceptible de prétendre, si sa créance ne s'élevait qu'à la moitié des sommes faisant l'objet de la mesure d'exécution. En effet, à défaut de solidarité, la saisie-attribution à laquelle Mme [M] a fait pratiquer sur l'ensemble de la créance cédée ne peut être déclarée valable qu'à concurrence de sa part, soit la moitié de la somme de 175 305, 04 € représentant le principal et les intérêts échus jusqu'au 20 décembre 2022 et donc qu'à concurrence de 87 652, 52 €. La circonstance que la saisie-attribution ait été fructueuse partiellement à hauteur de 3 236, 57 € est indifférente et ne fait pas échec au pouvoir du juge de l'exécution de statuer sur les contestations élevées par la débitrice sur l'exigibilité de la créance et son quantum à l'égard du créancier saisissant, aucune disposition du code des procédures civiles d'exécution ne subordonnant d'ailleurs l'examen de ces contestations au caractère insuffisamment fructueux ou non de la mesure de saisie.
En conséquence, il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande formée par Mme [N] épouse [F] aux fins de cantonnement de la saisie-attribution et statuant à nouveau, faisant droit partiellement à cette demande, de valider la saisie-attribution du 5 janvier 2023 mais uniquement à hauteur de la seule somme de 87 652, 52 € en principal et intérêts échus au 20 décembre 2022, les autres sommes figurant sur le procès-verbal de
saisie-attribution et correspondant aux frais d'actes n'étant plus justifiées dans leur calcul dès lors que le montant de la créance principale à recouvrer est inférieure de moitié.
Sur la demande de délais de paiement
L'appelante sollicite l'octroi de délais de paiement à hauteur de 160 € par mois jusqu'à retour à meilleur fortune au regard de sa bonne foi du fait des versements réguliers déjà intervenus depuis 2004 pour régler sa dette.
L'intimée s'oppose à cette demande en faisant valoir que la dette a pour origine une fraude commise par la débitrice condamnée pénalement pour avoir détourné des sommes au préjudice de la société Stephano, que tout délai accordé ne pourrait excéder 24 mois et serait en toute hypothèse sans effet sur la saisie-attribution pratiquée en raison de son effet attributif immédiat.
L'article 1343-5 du Code civil, applicable devant tout juge, dispose que 'Le juge peut, en tenant compte de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
En outre, il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments.'
En matière de saisie-attribution, dés lors que le procès-verbal de saisie est dressé, le juge de l'exécution ne peut plus accorder de délais de paiement, la saisie-attribution ayant pour effet de transmettre au créancier la propriété des fonds saisis et le paiement ainsi fait au saisissant ne pouvant plus être remis en cause.
Néanmoins, contrairement aux affirmations de l'intimée, l'octroi de délais de paiement est possible lorsque la somme saisie ne désintéresse pas totalement le créancier.
En l'espèce, il convient de relever que la saisie-attribution du 5 janvier 2023 n'a permis de désintéresser la créancière que partiellement à hauteur de 3 236, 57 €.
La demande de délais de paiement formée par Mme [F] est donc recevable pour le paiement du solde de la créance, soit pour la somme de 84 415, 95 €.
Toutefois, et indépendamment de la question de la bonne foi de la débitrice, c'est de manière pertinente que le premier juge a rejeté cette demande alors que Mme [F], tant devant lui que devant la présente cour, ne produit aucun justificatif de sa situation actuelle de ressources et de charges permettant de s'assurer que sa situation financière justifie l'octroi de délais de paiement et qu'elle est, au surplus en mesure de supporter la charge de mensualités conformes aux exigences de l'article 1343-5 précité qui limite à 24 mois la durée du délai de grâce, supposant ainsi la fixation soit de 24 mensualités de plus de 3500 €, soit de 23 mensualités de 160 €, ainsi qu'elle le propose et d'une 24ème mensualité correspondant au solde de la dette (83 956, 67 €), qu'elle n'explique pas de quelle manière elle sera en mesure de régler dans le délai imparti alors qu'elle déclare ne percevoir qu'un salaire mensuel de 1400 €. Elle ne justifie, en conséquence, d'aucune garantie sérieuse de paiement du totalité de sa dette.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de délai de paiement formée par Mme [F].
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il est inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens. Mme [F] sera condamnée à lui verser la somme de 1500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande formée sur le même fondement par Mme [F] qui succombe en grande partie en son appel sera rejetée.
Pour les mêmes motifs, elle sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté Mme [Z] [N] de sa demande de cantonnement du montant de la créance de Mme [H] [K] ;
Statuant à nouveau de ce chef d'infirmation,
- valide la saisie-attribution du 5 janvier 2023 pratiquée par Mme [H] [K] épouse [M] à l'encontre de Mme [Z] [N] épouse [F] à hauteur de la seule somme de 87 652, 52 € en principal et intérêts échus au 20 décembre 2022 ;
Et y ajoutant :
- condamne Mme [Z] [N] épouse [F] à payer à Mme [H] [K] épouse [M] la somme de 1500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejette la demande formée par Mme [Z] [N] épouse [F] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne Mme [Z] [N] épouse [F] aux dépens de l'instance d'appel.
Le greffier La présidente