La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2024 | FRANCE | N°21/04600

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 30 mai 2024, 21/04600


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 30 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04600 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCYE





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PA

RITAIRE DE CARCASSONNE

N° RG F 20/00053





APPELANTE :



S.A.S.U. AUTO CONTROLE DU MIDI

Domiciliée [Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Valérie LAMBERT de la SELARL LAMBERT & CROCHET, avocat au barreau de CARCASSONNE







INTIME :



Monsieur [A] [V]

né le 02 Janvier 199...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 30 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04600 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCYE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE

N° RG F 20/00053

APPELANTE :

S.A.S.U. AUTO CONTROLE DU MIDI

Domiciliée [Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Valérie LAMBERT de la SELARL LAMBERT & CROCHET, avocat au barreau de CARCASSONNE

INTIME :

Monsieur [A] [V]

né le 02 Janvier 1993 à [Localité 4]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Valérie RENEAUD, avocat au barreau de CARCASSONNE

Ordonnance de clôture du 19 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Magali VENET, Conseiller

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 11 mars 2019, M. [A] [V] a été engagé, en qualité de contrôleur technique automobile, par la société Auto Contrôle du Midi (ci-après ACM), qui relève de la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile.

Il était stipulé une période d'essai de deux mois, renouvelable. Par acte reçu en main propre le 9 mai, la période d'essai a été renouvelée, pour une nouvelle période de deux mois expirant le 10 juillet 2019.

Par courrier du 15 juin 2019, l'employeur a notifié au salarié la rupture sa période d'essai à effet au 10 juillet 2019.

Par courrier du 1er juillet 2019, le salarié a dénoncé ses conditions de travail, le non respect du délai de prévenance d'un mois s'agissant de la rupture de sa période d'essai et a sollicité le paiement d'heures supplémentaires.

Convoqué le 3 juillet 2019, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 12 juillet suivant, avec mise à pied à titre conservatoire, le salarié s'est vu notifier son licenciement par lettre datée du 17 juillet 2019, pour faute grave.

Le 9 juin 2020, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Carcassonne aux fins d'entendre l'employeur condamner à lui payer des heures supplémentaires et un rappel de salaire, l'indemnité de travail dissimulé et des dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Par jugement du 22 juin 2021, le conseil a statué comme suit :

Condamne la SASU Auto Contrôle du Midi à payer à M. [V] les sommes suivantes :

- 417,84 euros à titre de rappel de salaire du 4 au 10 juillet 2019 outre 41,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaire,

- 944, 06 euros de rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires, outre 94,40 euros au titre des congés payés afférents,

Ordonne la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, sans astreinte,

Ordonne l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

Déboute M. [V] de ses autres demandes,

Déboute la société Auto contrôle du midi de toutes ses demandes,

Condamne la société à verser au salarié les sommes de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le 16 juillet 2021, la société Auto Contrôle du Midi a relevé appel de cette décision.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 21 octobre 2021, la société appelante demande à la cour de réformer le jugement en ce qui l'a condamnée au paiement de rappels de salaire et congés payés afférents pour la période du 4 juillet au 10 juillet 2019 ainsi qu'au titre d'heures supplémentaires, et statuant à nouveau, de :

Débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

Le condamner à lui payer une somme de 5 000 euros pour procédure abusive, une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 7 janvier 2022, M. [V] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui verser la somme de 417,84 euros à titre de rappel de salaire du 4 au 10 juillet 2019 outre 41,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, ordonné la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, sans astreinte, et condamné la société à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, mais de le réformer pour le surplus et statuant à nouveau, de :

Condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

- 459,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de salaire du 10 au 15 juillet 2019, outre 45,95 euros à titre de rappel de salaire sur l'indemnité compensatrice de salaire,

- 984,38 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre 98,43 euros à titre de congés payés afférents,

- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations de loyauté et de sécurité,

- 11 142,54 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

Ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés,

Débouter la société de ses demandes reconventionnelles,

Condamner la société à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 19 février 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 18 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur le rappel de salaire sur heures supplémentaires et l'indemnité légale pour travail dissimulé :

Au soutien de sa demande en paiement de la somme brute de 984,38 euros au titre des 73,40 heures supplémentaires qu'il déclare avoir accomplies, M. [V] expose qu'ainsi que le révèle ses bulletins de salaire d'avril et mai 2019, lesquels ne font apparaître qu'une prime exceptionnelle, l'employeur n'a pas cru devoir lui payer les heures supplémentaires, mais a réédité les fiches de paye, après qu'il a formulé une réclamation de ce chef, faisant alors apparaître des heures supplémentaires à 125% pour 232,09 euros mensuels, réduisant d'autant le montant de la prime exceptionnelle allouée. Il considère qu'il s'agit d'agissements frauduleux destinés à dissimuler des salaires sous forme de prime.

Il lui fait également reproche de ne pas lui avoir rémunéré 73,40 heures supplémentaires accomplies au-delà des heures supplémentaires contractuelles, en ne comptabilisant que les heures de début et de fin de contrôle technique.

Il estime que ces agissements caractérisent par ailleurs, l'intention de l'employeur de dissimuler une partie de son activité salariée.

La société ACM conteste que le salarié ait accompli des heures supplémentaires au-delà de celles prévues au contrat de travail, ainsi que le démontrerait 'l'état de production' du salarié, et fait valoir, par ailleurs, que les bulletins de salaire initialement remis au salarié comportaient des erreurs imputables à l'expert-comptable qui en atteste.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, L. 3171-3 et L. 3171-4 du même code, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, rappel fait que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, il est constant que M. [V] a été engagé aux termes d'un contrat de travail stipulant qu'il percevrait un salaire mensuel brut de 1 857,09 euros bruts pour 39 heures hebdomadaires, selon l'horaire suivant :

Du lundi au jeudi : 9 heures ' 12 heures / 14 heures ' 19 heures

Vendredi : 9 heures ' 12 heures / 14 heures ' 18 heures.

Se prévalant de cet horaire, M. [V] soutient avoir effectué des heures supplémentaires soit en commençant plus tôt soit en finissant plus tard.

Il verse aux débats les éléments suivants :

- Le planning hebdomadaire qui précise les heures de rendez-vous clients pour effectuer les

contrôles, (Pièce n°10)

- La liste des contrôles de véhicule effectuées par M. [V], (Pièce n°11)

- Le récapitulatif des heures supplémentaires dues, (Pièce n°12)

- Des documents justifiant de la durée d'un contrôle technique variant entre 30 et 45 minutes.

(Pièce n°13)

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'employeur justifie objectivement par la communication du relevé de production, qui précise les heures de début et de fin de chacun des contrôles réalisés par les salariés, que lorsque le salarié débutait sa journée plus tôt il l'a terminée également plus tôt de sorte que le décompte communiqué par le salarié ne saurait être intégralement entériné.

Il en va de même des observations et justifications fournies par l'employeur.

En effet, alors que les heures supplémentaires se calculent à la semaine, que l'employeur, qui s'est engagé à fournir contractuellement 39 heures hebdomadaires, n'était pas en droit de compenser des semaines de sous activité par des semaines de sur activité, il ressort de son propre décompte intégré à ses conclusions qu'il concède implicitement que le dépassement des semaines au cours desquelles le salarié a accompli davantage que 39 heures hebdomadaires s'établit à 13 heures, lesquelles ne sont retenues que sur la seule base du relevé de production lequel ne prend pas en compte les temps nécessaires à l'accomplissement de la mission du contrôleur qui précèdent et suivent le contrôle.

Au vu de l'ensemble des éléments produits par l'une et l'autre partie, il apparaît que M. [V] a bien exécuté des heures supplémentaires au-delà des 39 heures hebdomadaires convenues, mais dans une proportion moindre que celle indiquée par l'intéressé et retenue par le conseil.

Le jugement sera donc confirmé sur le principe de l'accomplissement des heures supplémentaires mais réformé sur le montant de la créance salariale en résultant et la société ACM sera condamnée à payer à M. [V] la somme de 650 euros bruts outre 65 euros au titre des congés payés afférents.

Même si l'employeur ne justifie pas parfaitement des heures effectivement réalisées et alors que l'expert-comptable a adressé à M. [V], le 22 juillet 2019, une correspondance aux termes de laquelle il indiquait que les bulletins de salaire qui lui avaient été délivrés comportaient des erreurs induites par un problème de mise à jour logiciel, ayant conduit à incrémenter le montant des heures supplémentaires contractuelles dans le montant de la prime mensuelle, la preuve de l'intention de la société de se soustraire à ses obligations n'est pas suffisamment rapportée, ainsi que l'a à juste titre retenu le conseil.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral :

A l'appui de sa demande en paiement de la somme de 8 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de l'employeur de loyauté et de sécurité, M. [V] soutient avoir fait l'objet d'un harcèlement moral.

En application des articles L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il lui revient d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [V] énonce les faits suivants, constitutifs selon lui d'un harcèlement : avoir subi une dégradation de ses conditions de travail, un dénigrement et des propos injurieux de la part de l'épouse du gérant de la société.

Au soutien de ses allégations, M. [V] verse aux débats les attestations de MM. [S], [F] et [G].

M. [S], qui se présente comme un client régulier du Centre de contrôle de [Localité 5], atteste avoir vu la femme du patron, Mme [I], parler d'une façon totalement inacceptable à [A], 'cela s'est produit au mois d'avril. Elle a insulté [A] d'idiot et lui a parlé d'une façon inacceptable. On sentait qu'elle tentait de le rabaisser alors que [A] a toujours été irréprochable dans son travail [...] J'ai vu son moral se dégrader au fil du temps'.

M. [G] qui a travaillé au sein de l'entreprise, expose, dans des termes généraux, que 'Mme [I] a toujours fait preuve d'un comportement inacceptable envers ses salariés mais également envers sa clientèle', sans citer un incident dont le salarié aurait été personnellement victime.

Le témoignage de M. [F], qui indique avoir travaillé pour l'employeur de mars 2015 à avril 2019, licencié pour faute grave pour avoir accepté de faire passer des véhicules au contrôle technique lesquels présentaient des anomalies moyennant remise d'une somme d'argent, ainsi qu'il l'a expressément reconnu, ce qui lui a valu le retrait de son agrément, suivant décision du Préfet d'octobre 2019 (pièces n° 14 et 19 de l'employeur), aux termes duquel il indique notamment que 'Mme [I] a insulté M. [V] et (lui-même) d'incapable et d'incompétent. Cela s'est produit à plusieurs reprises et se produisait déjà avant l'arrivée de M. [V]'. Le témoin évoque un 'jour particulièrement violent le 13/03/2019, l'atmosphère pesante qui régnait entre les insultes la pression des horaires du planning, le ton qu'ils employaient [...] Nous nous faisions régulièrement menacé de licenciement', n'est pas probant.

Le salarié fait également valoir une pression dans l'exercice de son travail et la réalisation de contrôles pour aller toujours plus vite comme cela ressortirait du compte-rendu de l'entretien préalable de licenciement (pièce salarié n°19), qui ne rapporte que ses propos. Il vise également le 'rapport de production' produit par l'employeur sans en faire toutefois l'analyse. Ce grief n'est pas établi.

Il se plaint encore de la volonté de nuire de l'employeur qui l'a dénoncé auprès de la Préfecture suite à la lettre de licenciement, c'est à dire d'un comportement postérieur à la rupture effective du contrat.

Il est constant que l'employeur a signalé à la Préfecture le comportement qu'il reprochait au salarié, ce qui a entraîné une suspension de l'agrément dont il bénéficiait pour exercer son métier pendant six semaines, par lettre du 22 juillet 2019.

Ce dernier fait étant survenu postérieurement à la rupture du contrat de travail ne saurait intervenir dans l'appréciation de la réalité du harcèlement moral allégué durant l'exécution de son contrat de travail.

Le salarié vise également dans ses conclusions le certificat médical établi par son médecin traitant, Mme [Y] qui indique l'avoir examiné le 4 juillet 2017 et précise que M. [V] lui déclare 'subir stress et pression au travail de la part de son employeur (lui demanderait de réduire le temps des interventions pour plus de rendement) et le menacerait de licenciement à répétition. A été mis à pied ce matin pour un motif inconnu et est convoqué le 12/07/2019. Je constate à l'examen : patient anxieux et insomniaque avec recrudescence de son psoriasis et décrivant une anorexie avec perte de poids de 8 kilos'.

Le seul fait précis établi par le salarié, à savoir le comportement virulent et injurieux adopté par Mme [V] en avril à l'égard du salarié en présence d'un client, unique, ne constitue pas la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laisseraient supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que M. [V] n'avait pas été victime de harcèlement moral, et l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur la rupture de la période d'essai :

Sur le rappel de salaire pour la période du 4 au 10 juillet 2019 :

La découverte ou la commission au cours du délai de prévenance précédant la rupture du contrat de travail, d'une faute grave peut justifier l'engagement d'une procédure disciplinaire, assortie le cas échéant de la mise en oeuvre d'une procédure de mise à pied conservatoire emportant suspension des droits afférents, sauf hypothèse où le salarié aurait été dispensé d'exécuter ses obligations jusqu'à cette date, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En l'espèce, il est constant que l'employeur, qui a rompu le contrat de travail par lettre du 15 juin pour le 10 juillet 2019, n'a pas dispensé le salarié de ses obligations professionnelles durant le délai de prévenance et n'a pas respecté le délai de prévenance, ouvrant droit pour le salarié à percevoir une indemnité différentielle de salaire sur la période du 11 au 15 juillet, ce qu'il ne conteste pas dans son principe, sous réserve de la rupture du contrat de travail pour faute grave qu'il oppose au salarié.

Sous réserve de justifier de la faute grave reprochée, la société était donc légitime à engager une procédure disciplinaire durant l'exécution de ce délai de prévenance, afin de le rompre par anticipation, la référence impropre figurant dans la convocation à l'entretien préalable et la lettre du 17 juillet 2019 à 'un licenciement' étant indifférente.

Le fait que l'employeur, tenu par les délais légaux, n'a pu se prononcer sur la procédure disciplinaire qu'il avait engagée avant le 10 juillet, terme du contrat, ne saurait entraîner 'la nullité' de la décision litigieuse notifiée le 17 juillet 2019 comme l'a jugé par des motifs erronés le conseil.

Sur la faute grave :

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié justifiant la rupture anticipée de la période de prévenance, la lettre de rupture, qui fixe les limites du litige étant libellée comme suit :

Suite à notre entretien qui s'est tenu le 12/07/2019, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants :

- oublis d'indiquer des défaillances pouvant mettre en danger la sécurité des passagers, (numéro de procès-verbal des véhicules : Peugeot 206 pv 19005923 et Espace pv 19005291), ces véhicules ayant été recontrôlés par moi-même, en la présence de M. [G] [Z], contrôleur technique itinérant (présence le 06/07/2019 uniquement pour le pv de la 206 pv 19005971).

- temps de contrôle inférieurs à vingt minutes dans le courant du mois de juin.

- ne pas avoir rempli de fiches de non conformité malgré mes demandes pour :

- la disparition de vignette de contrôles,

- avoir supprimé des contrôles en cours sur informatique,

- édité des rapports de contrôles sans les documents requis par 1'arrêté du 18 juin 1991 (déclarations de pertes de certificat d'immatriculation),

- avoir perçu de l'argent liquide de M [J] [L] pour passer des véhicules plus facilement(pneus usés sur le véhicule et pneu en bon état dans le coffre).

- ne pas avoir recontrôlé des véhicules conformément aux instructions techniques lors de contre-visites, générant ainsi des compteurs d'exception de niveau 3, obligeant l'entreprise à rappeler ces véhicules.

- avoir fumé dans l'établissement, mais surtout au-dessus des moteurs des véhicules, mettant ainsi en danger les clients mais aussi vous-même (témoignage écrit des clients).

- avoir agressé verbalement une collègue de travail, qui est aussi mon épouse, ce qui a eu pour conséquence une main courante à la gendarmerie de [Localité 5].

- avoir cassé un encadrement de porte après avoir violemment claqué celle ci alors que mon épouse se trouvait juste derrière.

- avoir fait acte d'insubordination, le 02/07/2017, tout d'abord à 11h30, refusant de contrôler le véhicule de Mme [D], cette perte de temps a eu pour conséquence de finir après 12h. Vous avez également refusé de me parler au téléphone en fin d'après-midi ce même jour. le même jour vous avez pris le véhicule 208 CK883LQ qui n'était pas prévu au planning au détriment des clients prévus, ce que vous a mis en retard pour l'après midi

- plusieurs clients du 2 et 3 juillet ont signalé par écrit le retard volontaire dans votre travail ainsi que votre attitude désagréable, pouvant être considéré comme une intention de nuire à l'entreprise.

-le 18/06/2019 vous avez effectué un contrôle (pv190o5771) sans mentionner le dé faut :o.4.1.c.2 état de présentation du véhicule modification nécessitant une mise en conformité par rapport aux données du document d'identification(ctte transformée en camping car), véhicule que j'ai dû remettre en contre visite avec cette défaillance, par ailleurs vous aviez mentionné la défaillance:7.1.5.b.2 airbag le système signale une défaillance via l'interface électronique du vehicule. ce véhicule ne disposant pas d'interface vous auriez du indiquer la défaillance :7.1.5.c.2 airbag coussin gonflable manifestement inopérant par ailleurs sur plusieurs procès verbaux vous signalez les rotules de direction défectueuses avec la défaillance 2.1.3.a.2 état de la timonerie de direction jeu entre des organes qui devraient être fixes alors que la défaillance correspondante est:2.1.3.b.2 état de la timonerie de direction : usure excessive des articulations .

Lors de notre entretien du vendredi douze juillet, vous avez été assisté par Mme [M], accréditée par l'Inspection du Travail. Pendant l'entretien, vous avez eu des propos désagréables, m'avez menacé et invectivé, je cite : " à force de te faire des ennemis, tu vas vraiment finir par en avoir." "de toutes façons, vous les patrons, vous ne pensez qu'à vous en mettre pleins les poches" et traité aussi de menteur. Lors de cet entretien vous avez reconnu avoir effectué des contrôles de complaisance depuis votre entrée dans l'entreprise argumentant que c'était sous la contrainte de moi même ainsi que de mon epouse, pourtant nous sommes dans un état de droit

et vous auriez pu vous manifester auprès des services concernés. Quoi qu'il en soit au vu de cet de cet entretien qui n'a pu être mené à son terme du fait de votre attitude désinvolte et de nombreuses fautes commises, ma décision de vous licencier pour faute grave a été prise. [...].

Finalement, alors que le salarié communique notamment le témoignage de M. [G], qui conteste avoir assisté le responsable de la société lors de la vérification d'un véhicule, l'intéressé précisant qu'il participait ce jour là à une compétition automobile, force est de relever que l'employeur ne retient plus, en cause d'appel, que les 5 griefs suivants :

- Avoir fumé dans l'établissement, mais surtout au-dessus des moteurs des véhicules, mettant ainsi en danger les clients mais aussi vous-même (témoignage écrit des clients),

- Avoir agressé verbalement une collègue de travail, ('), ce qui a eu pour conséquence une main courante à la Gendarmerie de [Localité 5],

- Avoir cassé un encadrement de porte après avoir violemment claqué celle-ci alors que mon épouse se trouvait juste derrière,

- Avoir fait acte d'insubordination le 02/07/2017 en refusant de contrôler le véhicule de Mme [D] ('), de me parler au téléphone en fin d'après-midi ('),

- Plusieurs clients du 2 et 3 juillet ont signalé par écrit le retard volontaire dans votre travail ainsi que votre attitude désagréable pouvant être considéré comme une intention de nuire à l'entreprise.

Aucun élément ne vient étayer les allégations selon lesquelles le salarié fumait dans le centre de contrôle au mépris des règles de sécurité.

M. [U] évoque le comportement virulent adopté par 'l'employé cité dans cette affaire', sans que l'identité du salarié puisse être objectivé, au cours d'une altercation ayant opposé un client avec un employé à une date raturée, qui serait finalement le lundi 21 juin.

Aux termes d'une attestation, M. [T] signale que le 13 juin, M. [V] lui a dit que son fourgon était foutu et lui a proposé de le racheter 300 euros, proposition perçue par ce client comme une tentative d'escroquerie, le témoin précisant que son garagiste a ultérieurement démenti l'appréciation portée par le salarié sur l'état du dit véhicule.

L'employeur cite par ailleurs dans ses conclusions, les témoignages suivants :

- M. [E] évoque le comportement irrespectueux du salarié, dénotant une certaine arrogance, vis-à-vis de Mme [I] et de lui même,

- Mme [B] fait état d'une durée de contrôle de son véhicule anormale, de près de 45 minutes, et un résultat de contrôle faisant apparaître des défauts alors même que le véhicule sortait de la concession, faits 'tendant à créer des défauts inexistants pour nuire manifestement à la clientèle de l'entreprise',

- un questionnaire clients.

La société verse également aux débats la main courante déposée par l'épouse du gérant le 2 juillet 2019 suite à une agression verbale.

L'imprécision des témoignages visés dans les conclusions, l'absence de force probante de la main courante de Mme [I] et le doute qui bénéficie au salarié, commandent de considérer que l'employeur est défaillant à rapporter la preuve d'une faute grave justifiant la rupture anticipée du délai de prévenance.

Par suite, la mise à pied conservatoire n'étant pas justifiée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Auto Contrôle du Midi à verser à M. [V] la somme de 417,84 euros à titre de rappel de salaire du 4 au 10 juillet 2019 outre 41,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaire.

Sur la rappel de salaire pour la période du 10 au 15 juillet 2019 :

Faute pour l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave reprochée à M. [V] , et conformément, aux dispositions de l'article L. 1221-25 dernier alinéa, le non-respect du délai de prévenance par l'employeur est sans effet sur la rupture de la période d'essai, acquise, mais l'oblige à indemniser le salarié qui peut prétendre à une indemnité compensatrice pour la période non couverte par le délai de prévenance.

La société Auto Contrôle du Midi sera donc condamnée à verser à M. [V] la somme de 459,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de salaire du 10 au 15 juillet 2019, outre 45,95 euros à titre de rappel de salaire sur l'indemnité compensatrice de salaire.

L'action engagée par M. [V], partiellement justifiée n'étant donc pas abusive, la société sera déboutée de sa demande reconventionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- d'une part, condamné la société à verser à M. [V] la somme de 417,84 euros bruts à titre de rappel de salaire du 4 au 10 juillet 2019 outre 41,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, outre celle de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- d'autre part, ordonné la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, sans astreinte,

- et, enfin, débouté M. [V] de sa demande en paiement de l'indemnité légale de travail dissimulé et de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations de loyauté et de sécurité, et la société Auto Contrôle du Midi de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute la société Auto Contrôle du Midi de la rupture anticipée du délai de prévenance pour faute grave,

Condamne la société Auto Contrôle du Midi à verser à M. [V] :

- 650 euros bruts au titre des heures supplémentaires outre 65 euros au titre des congés payés afférents,

- 459,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de salaire du 10 au 15 juillet 2019, outre 45,95 euros à titre de rappel de salaire sur l'indemnité compensatrice de salaire,

Ordonne la remise des documents de fin de contrat rectifiés dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Condamne la société à verser à M. [V] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et à supporter les dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04600
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;21.04600 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award