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30/05/2024 | FRANCE | N°21/04483

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 30 mai 2024, 21/04483


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 30 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04483 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCQV





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15

JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN

N° RG F 19/00582





APPELANTE :



Madame [G] [Z]

née le 01 Décembre 1988 à [Localité 5] (ROUMANIE)

de nationalité Roumaine

Domiciliée [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, sub...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 30 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04483 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCQV

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN

N° RG F 19/00582

APPELANTE :

Madame [G] [Z]

née le 01 Décembre 1988 à [Localité 5] (ROUMANIE)

de nationalité Roumaine

Domiciliée [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Eve BEYNET, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. NETA

Domiciliée [Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie pierre VEDEL SALLES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 08 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement fixée au 04 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 18 avril 2017, Mme [G] [Z] a été engagée à temps partiel (120 heures) par la SARL Arc en Ciel en qualité d'agent d'entretien moyennant une rémunération mensuelle brut de 1 201,20 euros.

Après avoir été victime d'un accident du travail le 1er juin 2018 ayant entraîné un arrêt de travail jusqu'au 3 février 2019 et avoir été déclarée apte avec une restriction liée au port de charges lourdes, la salariée a repris son poste au service d'un nouvel employeur, la SAS Neta, par suite d'une perte de marché au profit de cette société et d'un transfert de son contrat de travail à compter du 4 février 2019, l'avenant du même jour instaurant une modulation du temps de travail et une rémunération lissée fixée à 1 214,40 euros brut par mois pour une durée de travail inchangée.

Le 6 mai 2019, l'employeur a notifié à la salariée un avertissement.

Le 7 juin 2019, après entretien préalable tenu le 4 juin 2019 et mise à pied à titre conservatoire à compter du 22 mai 2019, l'employeur a notifié à la salariée son licenciement pour faute grave.

Par requête enregistrée au greffe le 25 novembre 2019, estimant que l'employeur n'avait pas exécuté loyalement le contrat de travail et que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan aux fins de condamnation de dommages et intérêts et d'indemnités de rupture.

Par jugement du 15 juin 2021, le conseil de prud'hommes a dit le licenciement pour faute grave fondé, a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 12 juillet 2021, la salariée a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 1er septembre 2021, Mme [G] [Z] demande à la Cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et :

- de juger que l'employeur n'a pas exécuté de manière loyale le contrat de travail ;

- d'annuler l'avertissement notifié 6 mai 2019 ;

- de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- de condamner la partie adverse au paiement des sommes suivantes :

* 5 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté,

* 658,81 euros net à titre d'indemnité de licenciement,

* 2 428,80 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 242,88 euros brut au titre des congés payés y afférents,

* 647,68 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 64,76 euros brut au titre des congés payés y afférents,

* 7 300 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

* 4 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

- de condamner la société Neta à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 29 novembre 2021, la SAS Neta demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- à titre subsidiaire sur le bienfondé du licenciement, considérer que l'article L.1235-3 du code du travail est conforme aux stipulations de l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail et appliquer le barème en limitant l'indemnisation à 1 mois de salaire, soit la somme de 1 216 euros net ;

- en tout état de cause, condamner l'appelante à une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la cour ainsi qu'aux entiers dépens pour la procédure d'appel.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2024.

MOTIFS

Sur le manquement à l'obligation de loyauté.

L'article L. 1222-1 du Code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce, la salariée fait état de quatre manquements de la part de l'employeur.

Le retard dans le paiement du salaire.

L'article L. 3242-1 alinéa 3 du code du travail dispose que le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois.

Il résulte de ces dispositions légales que l'employeur est tenu de verser le salaire de manière périodique.

En l'espèce, l'employeur admet que le salaire de février 2019 n'a été payé que le 15 mars 2019 du fait de la gestion administrative et de la nouvelle organisation induite par la reprise des contrats de travail transférés en février.

La salariée verse toutefois aux débats sa lettre du 4 mai 2019 aux termes de laquelle elle demandait à l'employeur de lui préciser à quelle date son salaire serait versé entre le 30 et le 15 du mois suivant ; ce qui tend à établir que les retards de paiement du salaire ont perduré et étaient récurrents, d'autant que l'employeur indique dans la lettre de licenciement reproduite ci-dessous que la date de paiement des salaires dépend de nombreux éléments indépendants de sa volonté et qu'il s'était engagé à le verser entre le 30 du mois et le 6 du mois suivant.

Alors qu'il incombe à l'employeur d'établir qu'il a par la suite payé les salaires de manière périodique, il ne produit aucun élément bancaire aux débats. Les mentions figurant sur les bulletins de paie sont insuffisantes en ce que la fiche de paie de février 2019 précise que la date de versement du salaire de février est fixée au 28 février 2019 alors même qu'il résulte de ce qui précède que la salariée n'a perçu son salaire que le 15 mars 2019.

Ce manquement à l'exécution loyale du contrat de travail est établi.

L'absence de majoration des heures de travail de nuit.

L'employeur admet dans sa lettre du 2 avril 2019, en réponse à une demande de la salariée, qu'il a omis de payer les majorations des heures de travail de nuit et que celles réalisées au mois de février 2019 figureront sur le bulletin de paie de mars 2019.

Le manquement à l'exécution loyale du contrat de travail est également constitué.

L'avertissement notifié le 6 mai 2019.

L'article L 1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L'article L 1333-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, l'avertissement est rédigé dans les termes suivants :

« Le vendredi 3 mai 2019, au cours d'une réunion de service que nous avions organisé, vous avez tenu des propos diffamants et agressifs, à l'égard de Madame [J] [U], présidente, et devant l'ensemble des membres du personnel.

En effet, alors que nous vous avions fait savoir (comme à tous nos salariés), à plusieurs reprises, que la Direction se tenait à votre disposition pour toute demande éventuelle et/ou remarque quant au fonctionnement et à l'organisation de l'entreprise, vous n'aviez fait part d'aucune remarque particulière.

Soucieuse de la bonne intégration des nouveaux salariés arrivés il y a trois mois à l'occasion de la reprise d'un marché (dont vous faites partie), Madame [J] [U] avait ainsi questionné individuellement chacune d'entre vous, vous y compris.

Vous avez attendu cette réunion du 3 mai 2019, au cours de laquelle notre présidente avait notamment soumis l'idée d'organiser une après-midi détente (séance spa par exemple), pour favoriser la cohésion de toute l'équipe.

A la fin de cette réunion, au cours de laquelle vous avez passé votre temps sur votre téléphone portable, manifestant ainsi un total désintérêt et un manque de respect à l'égard de votre employeur, vous avez interpellé violemment Madame [J] [U], lui indiquant mot pour mot : « comment veux-tu nous payer une après-midi au spa alors que tu n'arrives pas à nous payer ' ».

Vous avez alors multiplié les attaques à l'égard de notre présidente et alors que celle-ci vous enjoignez de vous taire et de ne pas tenir de tels propos devant les membres du personnel.

Vous avez entre autre dit :

« Si tu n'assumes pas tes chantiers, il ne faut pas les prendre ! »

« Voilà pourquoi tes anciennes salariées sont parties chez JP, parce que tu ne les payais pas ! »

« Si je n'ai pas mon salaire, je me présente à Appart' City mais je ne monte pas dans les chambres, j'ai le droit, je me suis renseigné ! ».

Tous ces propos, mensongers et diffamants ont été tenus devant tout le personnel, de façon volontaire de votre part en vue de fragiliser l'autorité de votre employeur, et son image à l'égard des salariés, avec arrogance et irrespect.

Un tel comportement est totalement inacceptable.

Malheureusement, ce n'est pas la première fois que de tels incidents se produisent car pour mémoire, le 9 mars 2019, vous aviez déjà tenu des propos insultants à l'égard de Madame [J] [U], déclarant à votre chef d'équipe « elle me gonfle, elle se démerde comme elle veut, je veux ma fiche de paie » ou encore « [P] (votre compagnon) va intervenir si elle ne fait rien ».

Ces propos menaçants m'ont été rapportés par votre chef d'équipe à qui vous avez demandé expressément de me les répéter.

Nous ne pouvons accepter que de tels propos soient tenus à l'égard de la direction, ni que des menaces à peine voilées soient formulées, à l'égard de quiconque dans notre entreprise.

Nous avions déjà eu l'occasion de vous faire part de notre mécontentement lors du premier incident du 9 mars dernier, mais vous n'avez visiblement pas tenu compte des observations verbales qui vous ont été déjà faites.

Ces nouveaux faits sont donc sanctionnés par un avertissement qui sera versé à votre dossier.

(') ».

Pour établir les propos agressifs reprochés à la salariée lors de la réunion du 3 mai 2019 dans le but de déstabiliser l'autorité de la direction, l'employeur ne verse aux débats que les attestations, régulières, rédigées par deux salariées, Mmes [D] et [T], lesquelles ne permettent pas de caractériser les faits reprochés.

En effet, il résulte de ce qui précède que le salaire n'était pas versé de manière périodique, ce qui pouvait placer l'appelante en difficultés financières, de sorte que ses réclamations successives au cours de cette réunion - même véhémentes et déconnectée des sujets de discussion proposés par la responsable - tendant à obtenir le paiement de son salaire, ne sont constitutives d'aucune faute sanctionnable ; ce, d'autant qu'aucun des deux témoins ne mentionne les propos précis de la salariée et se limitent à faire état, pour l'une de ce que la salariée s'est « levée brusquement de colère et (a) agressé verbalement (la) supérieure qui était assise par des propos qui n'étaient pas dans le contexte de la réunion », et pour l'autre de ce que le ton avait monté entre les deux femmes, la salariée s'était levée et s'était « rapprochée de Mme [U] en parlant de sujet qui n'avait pas lieu d'être au travail ».

Le fait qu'elle ait consulté son téléphone portable à plusieurs reprises au cours de la réunion n'est pas non plus constitutif d'une faute.

Il s'ensuit que l'avertissement notifié le 6 mai 2019 n'était pas fondé.

Il sera fait droit à la demande d'annulation de cette sanction disciplinaire.

Les propos dévalorisants.

Pour démontrer que l'employeur aurait tenu des propos dévalorisants à son égard (propos agressifs non détaillés outre des propos insultants « petite roumaine » et « conne »), la salariée se contente de produire ses lettres des 4 et 14 mai 2019 envoyées à l'employeur dans le cadre de la contestation de l'avertissement du 6 mai 2019. Toutefois, ces allégations, contestées par l'employeur, ne sont corroborées par aucune pièce du dossier ; ce, d'autant que les attestations susvisées de Mmes [D] et [T], présentes à la réunion du 3 mai 2019, ne mentionnent aucun propos dévalorisant de la part de la gérante.

Ce grief doit être écarté.

L'exécution déloyale du contrat de travail est démontrée, trois des manquements allégués étant constitués. Il convient de fixer à la somme de 1 000 euros les dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi consécutif à l'exécution déloyale du contrat de travail.

Sur le licenciement pour faute grave.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée comme suit :

« Madame,

(') nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant :

« Le vendredi 3 mai 2019, au cours d'une réunion de service que nous avions organisé, vous avez tenu des propos diffamants et agressifs, à l'égard de Madame [J] [U], présidente, et devant l'ensemble des membres du personnel.

En effet, alors que nous vous avions fait savoir (comme à tous nos salariés), à plusieurs reprises, que la Direction se tenait à votre disposition pour toute demande éventuelle et/ou remarque quant au fonctionnement et à l'organisation de l'entreprise, vous n'aviez fait part d'aucune remarque particulière.

Soucieuse de la bonne intégration des nouveaux salariés arrivés il y a trois mois à l'occasion de la reprise d'un marché (dont vous faites partie), Madame [J] [U] avait ainsi questionné individuellement chacune d'entre vous, vous y compris.

Vous avez attendu cette réunion du 3 mai 2019, au cours de laquelle notre présidente avait notamment soumis l'idée d'organiser une après-midi détente (séance spa par exemple), pour favoriser la cohésion de toute l'équipe.

A la fin de cette réunion, au cours de laquelle vous avez passé votre temps sur votre téléphone portable, manifestant ainsi un total désintérêt et un manque de respect à l'égard de votre employeur, vous avez interpellé violemment Madame [J] [U], lui indiquant mot pour mot : « comment veux-tu nous payer une après-midi au spa alors que tu n'arrives pas à nous payer ' ».

Vous avez alors multiplié les attaques à l'égard de notre présidente et alors que celle-ci vous enjoignez de vous taire et de ne pas tenir de tels propos devant les membres du personnel.

Vous avez entre autre dit :

« Si tu n'assumes pas tes chantiers, il ne faut pas les prendre ! »

« Voilà pourquoi tes anciennes salariées sont parties chez JP, parce que tu ne les payais pas ! »

« Si je n'ai pas mon salaire, je me présente à Appart' City mais je ne monte pas dans les chambres, j'ai le droit, je me suis renseigné ! ».

Tous ces propos, mensongers et diffamants ont été tenus devant tout le personnel, de façon volontaire de votre part en vue de fragiliser l'autorité de votre employeur, et son image à l'égard des salariés, avec arrogance et irrespect.

Un tel comportement est totalement inacceptable, d'autant que ce n'était pas la première fois que de tels incidents se produisaient ; en effet, pour mémoire, le 9 mars 2019, vous aviez déjà tenu des propos insultants à l'égard de Madame [J] [U], déclarant à votre chef d'équipe « elle me gonfle, elle se démerde comme elle veut, je veux ma fiche de paie » ou encore « [P] (votre compagnon) va intervenir si elle ne fait rien ».

Votre attitude ne s'est pas arrêtée là et vous avez réagi en nous envoyant un courrier daté du lendemain et posté le 6 mai 2019, tout à fait inapproprié et rempli de propos mensongers et fantaisistes :

Vous avez livré une version très personnelle de cet entretien que vous savez pertinemment être contraire à la réalité :

D'une part, vous avez souhaité revenir sur votre question récurrente de la date exacte de versement de votre salaire.

Nous vous avons répondu longuement lors de la réunion bien que ce ne soit pas à l'ordre du jour, puisqu'il s'agissait d'une réunion relative au bilan de reprise du chantier de l'Hôtel Appart'City.

Nous vous avons expliqué qu'il nous était impossible de vous communiquer une date exacte, compte tenu d'éléments indépendants de notre volonté tenant au hasard du calendrier, et des délais de traitement bancaire, mais aussi des relevés d'heures de l'ensemble du personnel, nous engageant en revanche à verser votre salaire entre le 30 du mois et le 6 du mois suivant.

Vous n'êtes pas sans ignorer l'importance que nous portons au bien être de notre personnel puisque depuis le 4 février 2019, date de reprise du chantier par notre société, nous nous sommes attelés à 'uvrer pour une amélioration des conditions de travail, notamment par un renouvellement du matériel coûteux que nous avons voulu ergonomique, et par la mise en place d'une nouvelle organisation dans le travail en vue de diminuer la pénibilité des tâches.

Dans cet esprit, l'ensemble de vos demandes de congés payés ont été acceptées et ce, en dépit du fait que ces périodes correspondent à des périodes de forte activité pour notre Société.

De même, nous avons accepté votre demande de changement de date de congés payés en raison d'une annulation de billets d'avion que vous nous avez fait connaître moins d'un mois avant votre départ initial.

Comprenant votre situation et l'importance que cela avait pour vous, nous avons fait droit à votre demande et ce, même si ce nouveau changement n'a pas été sans conséquence pour l'organisation et a impliqué la nécessité de réorganiser une nouvelle fois le planning.

D'autre part, vous reprochez le fait que lors de cette même réunion en date du 3 mai 2019, la présidente aurait adopté une attitude agressive et vous lui prêtez des propos que vous savez totalement faux et extrêmement graves :

Selon vous, cette dernière vous aurait traité de « petite roumaine » ou encore vous aurez dit que vous étiez « conne ».

Vous savez pertinemment que Madame [J] [U] n'a jamais prononcé ces mots et nous ne pouvons accepter votre tentative de déstabilisation et de provocation frôlant l'indécence.

Nous avons réceptionné ce courrier le 11 mai 2019 et entre temps, ne pouvant accepter que de tels propos soient tenus à l'égard de la direction, ni que des menaces à peine voilées soient formulées, nous vous avons sanctionné par un avertissement qui vous a été notifié le 6 mai 2019.

Dans ce courrier du 6 mai 2019, outre les faits reprochés, nous vous avons indiqué notamment :

« Si de tels incidents se renouvelaient, nous pourrons être amenés à prendre une sanction disciplinaire plus grave à votre encontre.

Nous souhaitons donc vivement que vous fassiez le nécessaire, pour un redressement rapide et durable ».

Pourtant, le 14 mai 2019, vous nous avez adressé à nouveau un courrier recommandé, dans lequel vous nous livrez de nouveaux propos diffamants et mensongers ; en effet, dans votre nouvelle version des faits, Madame [J] [U] nous seulement aurait été agressive envers vous, mais que Monsieur [R] [H] aurait été contraint de s'interposer entre vous « pour éviter tout débordement ».

Vous savez pertinemment que cette nouvelle version est totalement fausse et que jamais la présidente ne vous agressé, menacé, insulté ou discriminé.

Il s'agit d'une tentative vaine de discréditation et de provocation malsaine, et ce d'autant qu'à l'inverse, vous vous permettez de proférer des menaces en indiquant, même si vous n'en avez absolument pas le pouvoir, que vous considériez votre avertissement comme « non avenu et caduc » et menaçant de poursuite à l'encontre de notre présidente, pour comportement agressif et pour discrimination.

Nous vous avions pourtant laissé une nouvelle chance d'améliorer votre attitude, mais vous avez persisté dans votre attitude et vos propos.

Ces nouveaux faits nous ont donc conduits à envisager votre licenciement.

(')

Au cours de votre entretien, vous avez maintenu votre version des faits qui est pourtant totalement contredite par tous les témoignages des salariés et du chef d'équipe présents le jour des faits, ainsi que par le compte-rendu de la réunion établi conjointement par Monsieur [R] [H] et Madame [J] [U].

Vous avez maintenu votre position, déformant la réalité des faits et nous menaçant à nouveau, à l'image de votre comportement habituel, provocateur et agressif.

(')

Votre comportement est intolérable et nuit gravement au bon fonctionnement de l'entreprise.

Les nouveaux faits qui vous sont aujourd'hui reprochés sont constitutifs d'une faute grave.

Ils prouvent en effet que vous n'avez tenu aucun compte des remarques répétées qui vous ont été faites, ni même de l'avertissement qui vous a été adressé.

Ils rendent impossible votre maintien au sein de l'entreprise.

(') ».

L'employeur reproche à la salariée de lui avoir envoyé une lettre du 14 mai 2019 par laquelle elle relatait le déroulement de la réunion du 3 mai 2019, ajoutant par rapport à ses précédents écrits, que le chef d'équipe s'était interposé entre la direction et elle-même « pour éviter tout débordement » ; ce qui, selon lui constituent des propos diffamants et menaçants.

Les éléments exposés dans la lettre de licenciement pages 1 à 3 relatifs à la réunion du 3 mai 2019 ne sauraient fonder le licenciement en ce qu'ils ont déjà été sanctionnés dans le cadre de l'avertissement analysé ci-dessus, lequel a été jugé abusif.

Le grief présenté comme nouveau par l'employeur au soutien du bien-fondé du licenciement concerne la lettre du 14 mai 2019 envoyée par la salariée à ce dernier à la suite de la notification de l'avertissement.

Cette missive est rédigée comme suit :

« Madame, suite à votre courrier du 6 mai je vous confirme que vous avez été agressive à mon égard devant le personnel présent et le chef d'équipe, Mr [R], qui s'est interposé pour éviter tout débordement, suite à votre comportement. C'est pourquoi je refuse cet avertissement et je considère votre courrier non avenu et caduc. J'attend votre réponse avant d'entreprendre les services juridiques qui sont en ma possession pour juger votre comportement sur ma personne, que ce soit au niveau agressivité et au niveau du tribunal d'instance pour discrimination.

Je me tiens à votre disposition, et vous prie de croire, Madame, à mon profond respect ».

Cette lettre, qui ne contient aucun propos menaçant et qui se limite à contester l'avertissement, que la cour a jugé non fondé, en livrant sa version du déroulement de la réunion, ne saurait constituer un fait fautif susceptible d'entraîner le licenciement de la salariée et a fortiori son licenciement pour faute grave. En effet, ce courrier n'est ni injurieux, ni diffamatoire, ni excessif, et en conséquence, aucun abus de sa liberté d'expression de la part de la salariée n'est caractérisé.

Dès lors, il y aura lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé et en ce qu'il a débouté la salariée de l'intégralité de ses demandes au titre de la rupture abusive du contrat de travail et du rappel de salaire au titre de la retenue pendant la mise à pied à titre conservatoire.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

L'article L. 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er avril 2018, prévoit que l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un salarié totalisant 2 années complètes d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, doit être comprise entre 0,5 et 3,5 mois de salaire brut.

Compte tenu de l'âge de la salariée (née le 1er décembre 1988), de son ancienneté à la date du licenciement (2 ans et 14 jours), du nombre de salariés habituellement employés (moins de 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut (1 214,40 euros) et de l'absence de justificatifs relatifs à sa situation actuelle (il résulte du dossier de l'employeur qu'elle a immatriculé une activité indépendante), il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :

- 1 214,40 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 428,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

- 242,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 658,81 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 647,68 euros au titre du rappel de salaire correspondant à la mise à pied à titre conservatoire, outre 64,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

La salariée sollicite l'indemnisation du préjudice résultant du licenciement vexatoire et brutal sans pour autant expliciter le préjudice distinct qu'elle entend voir réparer et l'étayer par des pièces probantes.

Sa demande sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires.

L'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable de le condamner à payer à la salariée la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement du 15 juin 2021 du conseil de prud'hommes de Perpignan en ce qu'il a débouté Mme [G] [Z] de sa demande au titre du licenciement brutal et vexatoire ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

ANNULE l'avertissement notifié le 6 mai 2019 à Mme [G] [Z] ;

DIT que la SAS Neta a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail ;

DIT que le licenciement pour faute grave de Mme [G] [Z] et la mise à pied à titre conservatoire sont injustifiés ;

CONDAMNE la SAS Neta à payer à Mme [G] [Z] les sommes suivantes :

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 1 214,40 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 428,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 242,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 658,81 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 647,68 euros au titre du rappel de salaire correspondant à la mise à pied à titre conservatoire,

- 64,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Neta à payer à Mme [G] [Z] la somme de 1 500 euros le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel ;

CONDAMNE la SAS Neta aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04483
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;21.04483 ?
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