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30/05/2024 | FRANCE | N°21/02076

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 30 mai 2024, 21/02076


ARRÊT n°

































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 30 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02076 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O55P





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 09 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORM

ATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F20/00671





APPELANT :



Monsieur [B] [T]

Né le 16 juillet 1983 à [Localité 5]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par Me Laurence marie FOURRIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Maître Thomas D...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 30 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02076 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O55P

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 09 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F20/00671

APPELANT :

Monsieur [B] [T]

Né le 16 juillet 1983 à [Localité 5]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Laurence marie FOURRIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Maître Thomas DES PREZ DE LA MORLAIS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. SA BONDON

Domiciliée [Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe ANAHORY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 20 Novembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Magali VENET, Conseiller

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier ;

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [B] [T] a été engagé à compter du 9 septembre 2013, par la société Bondon, en qualité d'électricien dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet.

A compter du 29 mai 2018, il a été placé en arrêt maladie, lequel a été prolongé jusqu'au 5 novembre 2018.

Le salarié n'ayant pas repris son poste à l'issue de son arrêt de travail, l'employeur l'a mis en demeure de justifier de ses absences à compter du 5 novembre 2018 par deux courriers des 20 novembre 2018 et 10 janvier 2019.

Par courrier du 28 octobre 2019, le salarié, tout en indiquant 'être absent depuis le 5 novembre 2018 et ne pas avoir envoyé de certificats médicaux depuis', a sollicité l'organisation d'une visite médicale de reprise.

A l'issue de la visite de reprise du 10 décembre 2019, il a été déclaré inapte en ces termes : 'Inapte au poste, apte à un autre. Pourrait occuper un poste comportant de très faibles contraintes physiques en matière de manipulation de charges et de posture penchée en avant. Peut suivre la formation le préparant à occuper un tel poste'.

Par courrier daté du 24 janvier 2020, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, volonté réitérée par courrier du 12 février 2020.

Le 27 janvier 2020, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier, au fond, aux fins d'entendre prononcer la requalification de sa prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le 24 février 2020, il a saisi le conseil de prud'hommes en sa formation de référé, lequel, par ordonnance du 10 septembre 2020, a ordonné à la société de lui verser son salaire du 10 au 23 janvier 2020, soit 762,87 euros bruts assortis des intérêts légaux, de lui remettre ses documents de fin de contrat stipulant sa démission, l'a débouté du surplus de ses demandes et a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Par arrêt du 31 mars 2021, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné à la société de lui verser le salaire du 10 au 23 janvier 2020 et l'a infirmé pour le surplus. Elle a ordonné à la société de remettre au salarié ses documents de fin de contrat dont une attestation Pôle-emploi stipulant sa prise d'acte, condamné la société à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires, condamné la société aux dépens de première instance et d'appel.

Par jugement du 9 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Montpellier a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes, débouté la société de sa demande de dommages et intérêts, débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné le salarié aux dépens.

Le 30 mars 2021, le salarié a relevé appel de cette décision par voie électronique.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 15 avril 2021, M. [B] [T] demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

Dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date de saisine du conseil de prud'hommes,

Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- un rappel de salaire au titre des salaires impayés, outre les congés payés afférents,

- une indemnité compensatrice égale à deux mois de salaire outre les congés payés afférents,

- 14 720 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros de dommages et intérêts pour retard dans la remise de l'attestation Pôle emploi,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

Condamner la société à lui remettre ses documents de fin de contrat, bulletins de salaires et l'état récapitulatif de l'épargne salariale, avec astreinte de 150 euros, par jour de retard à compter du 1er jour suivant la notification de la décision et pendant une année civile après quoi il sera autrement statué,

Réserver la compétence du conseil de prud'hommes de Montpellier pour la liquidation de l'astreinte,

Ordonner ou rappeler l'exécution provisoire pour l'ensemble, au-delà des prévisions légales.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 16 août 2021, la Société Bondon demande à la cour de confirmer le jugement et, y ajoutant, condamner le salarié à lui verser les sommes suivantes :

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, tous préjudices confondus,

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par ordonnance rendue le 20 novembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 18 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur la prise d'acte :

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Elle entraîne la rupture immédiate du contrat de travail.

Si les manquements reprochés à l'employeur sont caractérisés, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou le cas échéant, ouvre droit à une indemnité pour licenciement nul. Si les griefs invoqués par le salarié ne sont pas justifiés, sa prise d'acte produit les effets d'une démission.

En l'espèce, M. [B] [T] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier adressé à l'employeur le 24 janvier 2020 rédigé en ces termes :

Monsieur,

Face à votre silence et votre inaction, je ne peux que prendre acte de la rupture du contrat de travail qui nous lie à vos torts exclusifs.

En effet, vous m'avez embauché le 9 septembre 2013 dans votre entreprise en qualité d'ouvrier électricien. Suite à une absence ayant débuté le 5 novembre 2018 et en absence de toute nouvelle de votre part, je vous ai demandé de bien vouloir me faire reprendre le travail ou de me licencier.

Vous ne m'avez jamais répondu malgré mes relances incessantes. J'ai donc bien pris l'initiative de solliciter le médecin du travail dans le but d'avoir une visite médicale de reprise afin de réintégrer mon poste car vous ne m'aviez toujours pas licencié, et je comptais reprendre le travail. Cette visite a eu lieu le 26 novembre 2019 et une seconde visite à la demande du médecin a eu lieu le 10 décembre 2019. Ces visites ont conclu à mon inaptitude en ces termes : 'inapte au poste, apte à un autre. Pourrait occuper un poste comportant de très faibles contraintes physiques en matière de manipulation de charge et de posture penché en avant. Peut suivre une formation le préparant à occuper un tel poste'. Ce faisant, je vous ai demandé à plusieurs reprises de bien vouloir me reclasser ou me licencier mais vous n'avez rien fait. Vous n'avez même pas daigné me répondre.

A ce jour, je prends acte de la rupture de notre contrat de travail à vos torts et vais saisir les juridictions compétentes afin que cet état de fait et de droit soit acté.

Vous trouverez ci-jointe la demande que j'ai faite auprès du conseil des prud'hommes de Montpellier.

En espérant une prompte régularisation de ce différend, je reste disponible pour toute information complémentaire.

Au soutien de sa prise d'acte, le salarié reproche à l'employeur de ne pas avoir repris le paiement de son salaire à compter 26 décembre 2019, d'avoir manqué à son obligation de reclassement et d'avoir exécuté de mauvaise foi le contrat de travail.

Sur la reprise du paiement du salaire et la créance de M. [T] à ce titre :

En application de l'article L. 1226-4 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

En l'espèce, s'il est établi que le salarié a été reçu par le médecin du travail le 26 novembre 2019, le seul avis d'inaptitude communiqué consiste en l'avis rendu le 10 décembre 2019 par le médecin du travail.

Conformément aux dispositions légales, l'employeur devait reprendre le paiement du salaire à compter du 10 janvier 2020.

Dans la mesure où le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail le 24 janvier 2020, M. [T] ne peut prétendre à un rappel de salaire que sur la période du 10 au 23 janvier 2020, réclamation qui a été accueillie par décision de référé, ayant condamné l'employeur, à titre provisionnel, au paiement de la somme de 762,87 euros, que l'employeur ne remet pas en cause.

Nonobstant l'arrêt de la cour d'appel en date du 31 mars 2021, statuant en référé, le salarié est recevable à demander au juge statuant au fond de condamner la société à lui payer la somme de 762,87 euros bruts et ce en deniers ou quittances, compte tenu de la décision de référé. Le jugement sera réformé sur ce point.

Compte tenu de la date d'exigibilité du salaire, fixée au 3 de chaque mois civil, le salaire n'était pas encore exigible au 24 janvier 2020, jour de la prise d'acte. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que la société ne pouvait être reconnue défaillante d'un défaut de paiement de salaire au jour de la prise d'acte.

Sur l'obligation de reclassement :

En application de l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

En l'espèce, le salarié qui concède ne plus s'être présenté sur le lieu de travail à compter du 5 novembre 2018, nonobstant les mises en demeure à lui notifiées par l'employeur, a manifesté à plusieurs reprises son souhait de quitter la société par courriers des 28 octobre, 19 novembre et 17 décembre 2019.

Si l'employeur est tenu de reprendre le salaire au terme du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude, l'employeur n'est pas légalement tenu de reclasser le salarié dans un quelconque délai.

Le fait que l'employeur n'avait pas proposé à M. [T] de solution de reclassement au 24 janvier 2020, ni n'avait engagé la procédure de licenciement avant cette date, ne caractérise pas un manquement rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle.

Par ailleurs, aucune exécution déloyale de l'employeur du contrat de travail n'est caractérisée par le salarié.

Faute pour M. [T] d'établir au jour de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail un manquement de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'une démission.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts :

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros, la société soutient que le salarié a fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution de son contrat de travail, en multipliant les absences injustifiées pour se consacrer à son activité professionnelle parallèle en qualité d'auto-entrepreneur, ce qui a eu pour effet de désorganiser le bon fonctionnement de la société.

En l'espèce, l'employeur n'a engagé aucune procédure de licenciement pour faute, a fortiori pour faute lourde, à l'encontre du salarié eu égard à son absence injustifiée et n'apporte aucun élément justifiant d'une désorganisation de la société liée à cette absence.

Partant, il y a lieu de le débouter de sa demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu de la solution apportée au litige, M. [B] [T], qui succombe partiellement, supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles, et il sera également condamné à payer à la Société Bondon qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié est recevable à solliciter la remise des documents de fin de contrat, ordonnée à titre provisionnel par la formation de référé.

Par ailleurs, il ne justifie d'aucun préjudice lié au retard de la transmission de son attestation Pôle emploi et sera également débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour et notamment en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en date du 24 janvier 2020 produisait les effets d'une démission et débouté M. [T] de ses demandes en paiement des indemnités de rupture et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

L'infirme en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande tendant à voir le juge du fond statuer sur le rappel de salaire et la remise des documents de fin de contrat,

Statuant de nouveau de ces chefs ainsi infirmés,

Condamne, en deniers ou quittances, la société Bondon à verser à M. [T] la somme de 762,87 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 10 au 23 janvier 2020.

Ordonne à la société Bondon de délivrer à M. [T] les documents de fin de contrat conformes à la présente décision,

Rejette la demande d'astreinte,

Y ajoutant,

Condamne M. [B] [T] à verser à la société Bondon la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et aux entiers dépens d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par, Madame Naïma Digini, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02076
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;21.02076 ?
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