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29/05/2024 | FRANCE | N°21/03628

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 29 mai 2024, 21/03628


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 29 MAI 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03628 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PA4L



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAG

E DE MONTPELLIER - N° RG F 17/00737







APPELANTE :



S.N.C. LIDL

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Caroline TREZEGUET de la SCP DORIA AVOCATS...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 29 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03628 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PA4L

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER - N° RG F 17/00737

APPELANTE :

S.N.C. LIDL

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Caroline TREZEGUET de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée sur l'audience par Me Lucie GILLARD, avocat au barreau de TOULOUSE substituant Me Sonia BRUNET- RICHOU de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE, substituée, avocat plaidant

INTIME :

Monsieur [F] [Z]

né le 10 Mai 1982 à [Localité 8] (34)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté sur l'audience par Me Frédéric MORA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 20 Novembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 27 mars 2024 à celle du 29 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [F] [Z] a été engagé, en qualité de responsable de magasin, par contrat de travail à durée indeterminée, à compter du 20 octobre 2008, par la SNC Lidl dont l'activité relève de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Il a été affecté successivement aux magasins de [Localité 6], [Localité 7], la Grande Motte puis a été promu au poste de responsable d'implantation, à la direction régionale de [Localité 6] à compter du 30 septembre 2013. Au dernier état de la relation contractuelle, il exerçait en qualité d'agent de maitrise, niveau 6.

Par courrier du 3 avril 2017, le salarié a informé le directeur régional de Lidl de son souhait de quitter son poste de responsable d'implantation, pour retourner travailler en magasin, en faisant part de ses conditions de travail difficiles.

Le lendemain, le 4 avril 2017, il a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement fixé au 14 avril suivant, puis licencié le 22 avril 2017 pour cause réelle et sérieuse.

Contestant son licenciement, il a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier le 12 mai 2017.

Par jugement du 4 mai 2021, le conseil, en sa formation de départage, a statué comme suit :

Dit que le licenciement s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SNC Lidl à lui payer les sommes suivantes :

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire,

Rappelle que de droit, l'intérêt à taux légal s'appliquera à la date de la saisine concernant les condamnations salariales, à la date de la décision concernant les créances indemnitaires,

Déboute les parties de toute autre demande, plus ample ou contraire,

Ordonne par application de l'article 1235-4 du code du travail le remboursement par la SNC Lidl des indemnités chômage versées au salarié, employé plus de deux ans et licencié sans cause réelle et sérieuse, du jour du licenciement au jour du jugement prononcé, dans les limites fixées par le législateur, soit six mois d'indemnités de chômage,

Condamne la SNC Lidl aux dépens.

Le 4 juin 2021, la SNC Lidl a relevé appel de cette décision par voie électronique.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 22 février 2022, la SNC Lidl demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

Débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes,

Le condamner au remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire,

Le condamner à verser à la société la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 1er décembre 2021, M. [Z] demande à la cour de :

Confirmer le jugement en son principe,

Rejeter tout appel incident,

A titre principal, juger qu'il a été licencié verbalement,

A titre subsidiaire, juger que les griefs opposés ne lui sont pas imputables et ne sont pas établis,

Juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

36 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société aux dépens.

Par ordonnance rendue le 20 novembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 9 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS :

La lettre de licenciement du 22 avril 2017, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

'Monsieur,

Nous faisons suite à l'entretien préalable du 14 avril 2017, pour lequel vous vous êtes présenté, accompagné de Mme [A] [I], représentant du personnel.

Le 4 avril 2017, nous avons été alerté par un de vos salariés sur des pratiques inquiétantes de gestion du temps de travail nécessitant des analyses approfondies de notre part.

Nos recherches nous ont conduit à vous reprocher les faits suivants :

- Non-respect des règles et dispositions relatives au temps de travail.

Nous avons constaté une gestion opaque du temps de travail de vos salariés. En effet, vous teniez un tableau de suivi des heures réellement réalisées chaque jour par votre équipe, qui vous permettait de remplir en fin de mois le contrôle de temps.

Nous avons constaté de nombreuses incohérences :

* Un lissage d'heures, en effet afin de respecter les règles légales de temps de travail et de dissimuler aux yeux de notre société la réalité des heures effectuées, vous ne reportiez pas l'intégralité des heures réalisées que vous compensiez par des journées de récupération. Vous avez volontairement limité à 9 h les journées de travail pour lesquelles vos salariés avaient effectué plus d'heures, reportant le surplus d'heures sur d'autres journées de travail, voire même sur des journées de repos ou de congés.

Par exemple :

Concernant M. [S] [V], du 9 février 2017 au 14 février 2017 alors que le salarié est en congés, il est indiqué 7.35 heures de travail effectif sur son contrôle de temps sur la période.

Concernant Mme [P] [Y], au mois de février le 9, 10, 16 et 17 février, la salariée était en repos alors que des heures de travail effectives sont pointées.

Ceci afin de compenser les heures supplémentaires effectuées, notamment sur les

journées du 6, 7, 13 et 14 février où la salariée déclare avoir effectué 11h,11h,10h et 10.5h alors qu'elle est pointée 8h par jour.

De même dans la nuit du 10 au 11 Janvier 2017 alors que votre salariée était en difficulté lors de la fermeture du magasin de [Localité 9] vous lui avez expressément demandé de rester seule devant le magasin de 3h30 du matin jusqu'à l'arrivée des salariés, l'obligeant ainsi à effectuer 11h00 de travail. Sur son contrôle de temps vous avez pointé uniquement 7.35 heures.

Concernant M [L] [U], le 6 Mars 2017, il a effectué les horaires suivants : 17h30 - 5h00 soit 10.5 Heures de travail or sur son contrôle de temps (base de la paie) il est indiqué 9h00 de travail.

La même semaine le 7 Mars il effectué les horaires 19h30-3h45 soit 7,25 heures alors qu'il est indiqué 9h00 sur son contrôle de temps.

Le 10 Mars [L] [U] travaille de 15h00 à 18h00 et il est indiqué en Repos.

* Le non suivi du temps de travail de votre adjointe Consomag malgré plusieurs relances de la part de vos supérieurs hiérarchiques, par [O] [W] au mois de Septembre 2016 puis par [K] [M] le 8 février 2017.

En effet nous avons été alerté à plusieurs reprise par la réception de mail émis par votre salariée a des horaires extrêmement matinaux. Apres vérification votre salariée n'était pas pointée.

Vous n'êtes pas sans savoir que ce type de pratique correspond à du travail dissimulé.

Ce faisant non satisfait d'engager la responsabilité de l`entreprise par le non-respect des règles légales d'amplitude et de temps de travail, vous avez volontairement privé vos salariés d'une partie de leurs rémunération correspondant aux heures de travail majorées.

Nous vous rappelons que vous avez été formé à l'application du droit du travail le 31 janvier 2013.

* Non-respect du délai de prévenance de communication des plannings de travail de votre équipe.

En effet régulièrement vos salariés disposaient de leurs plannings du jour au lendemain avec des modifications de dernières minutes.

Pour exemple, le Dimanche 22 janvier vous avez communiqué par SMS à l'ensemble de votre équipe les horaires de travail ainsi que l'organisation du lundi 23 janvier.

Alors que vous avez rencontré l'ensemble de votre équipe le 23 janvier au matin vous n'avez pas transmis le planning de la semaine. En effet le 23 Janvier 2017 à 20h20 vous avez été sollicité par texto par l'un de vos salariés pour connaître les heures de travail du lendemain.

De la même manière le 30 janvier votre salariée ne connaissait pas ses horaires de travail du jour.

- Non-respect des principes et valeurs de l'entreprise

Lors de la réimplantation du magasin d'[Localité 5] en semaine 4 vous avez tenu des propos racistes envers une employée du magasin. En effet lors d'une consigne donnée à la chef de caisse vous avez dit : 'Dit à l'arabe de bouger son cul'. Lors de l'entretien vous avez reconnu les faits et vous nous avez indiqué vous être excusé auprès de la salariée.

De la même manière une de vos salariés vous a fait part à plusieurs reprises de propos diffamatoires et sexistes de la part de membres de votre équipe envers elle. Votre inaction et votre absence d'alerte de la hiérarchie ont conduit votre salariée a se mettre en arrêt de travail dès le 14 mars 2017.

Nous vous rappelons que les relations entre collègues doivent être empruntes de respect et de considération, d'autant plus de la part d'un responsable hiérarchique. En tant qu'encadrant vous êtes garant de l'application de ses principes et valeurs, et vous devez signaler tout manquement préjudiciable notamment à l'image de l'entreprise.

Vous avez commis des négligences dans rétablissement de vos missions. Par exemple la mise en place de panneaux 'la Dl et vous' en magasin n'est toujours pas achevée alors que le délai été fixé à fin décembre 2016.

Des factures importantes de déplacement de notre prestataire multiservice devaient vous conduire depuis plusieurs mois à référencer un prestataire supplémentaire. Aucune démarche n'a été entreprise à ce jour malgré des relances de vos supérieurs dont le 8 février 2017 lors d'un point fixe hebdomadaire.

Alors que vous aviez un rendez-vous hebdomadaire avec votre supérieurs afin de faire un point sur votre activité, vous n'avez jamais fait part de difficultés majeures dans l'organisation ou la réalisation de vos missions.

De ce fait vous avez volontairement mis en place une gestion opaque de l'organisation des heures de travail de vos salariés, engageant la responsabilité de l'entreprise, ceci en totale contradiction avec nos obligations légales et nos principes et valeurs de gestion.

En dissimulant ces faits et ces pratiques aux yeux de vos supérieurs, vous avez délibérément manqué à votre obligation de loyauté et transparence envers votre employeur et vos salariés.

Lors de l'entretien vous avez reconnu l'ensemble des manquements reprochés, tant

organisationnels que managériaux. Les éléments que vous nous avez apporté ne sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits.

En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse pour l'ensemble des faits énoncés ci-dessus.

Celui-ci prendra effet à l'issue de votre préavis de 2 mois, qui débutera à la date de la première présentation de ce courrier, et que nous vous dispensons d'effectuer, mais qui vous sera rémunéré'.

La société Lidl conteste l'existence d'un licenciement verbal et soutient rapporter la preuve des manquements reprochés au salarié.

En réplique, le salarié soutient avoir été licencié verbalement et sur la base de griefs qui ne lui sont ni imputables ni établis.

Sur le licenciement verbal :

En application de l'article L 1232-6 du code du travail, l'employeur qui décide de licencier un salarié doit notifier le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception.

Le licenciement verbal est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La rupture du contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture.

L'envoi de la lettre de licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ne constitue pas une formalité substantielle mais un mode de preuve du licenciement. La preuve de la notification du licenciement peut être apportée par tous moyens. Il appartient au salarié qui prétend avoir fait l'objet d'un congédiement verbal d'en apporter la preuve.

En l'espèce, la société expose avoir informé le salarié par téléphone de son licenciement, dans la matinée du 22 avril 2017 mais soutient que cet appel téléphonique ne peut s'apparenter à un licenciement verbal dès lors qu'il s'agissait d'un appel de courtoisie, à valeur informative, que le courrier recommandé précisant les motifs du licenciement a été envoyé au cours de la même matinée et que la procédure légale de licenciement avait été respectée et engagée depuis plus de 15 jours. Elle produit le justificatif d'envoi du courrier recommandé qui indique qu'il a été posté le 22 avril 2017, à 11 heures 48.

Le salarié oppose que l'accusé de réception indiquant la date d'envoi du courrier est illisible, et qu'en tout état de cause, son licenciement est verbal dès lors que l'appel téléphonique est antérieur à l'envoi du courrier de licenciement.

Il produit l'attestation de M. [H], qui déclare avoir été témoin de l'entretien téléphonique ayant eu lieu le samedi 22 avril 2017 à 9h35, et avoir entendu la conversation suivante, mise sous haut-parleur :'Bonjour, c'est Monsieur [M], je te téléphone simplement pour te prévenir que la décision de te licencier a été prise et que tu vas recevoir ton courrier de licenciement rapidement'. Il indique que l'annonce a été brutale, sans aucune diplomatie.

Ainsi, au vu de ces éléments, l'appel téléphonique du 22 avril 2017 au matin avait pour objet d'informer le salarié de ce qu'il allait recevoir rapidement la notification écrite de son licenciement, laquelle avait été postée le même jour dans la même matinée, alors que la procédure de licenciement avait été engagée plus de quinze jours avant, de sorte que l'appel téléphonique ne saurait s'apparenter à un licenciement verbal.

Il y a donc lieu de réformer le jugement sur ce point et d'analyser les griefs reprochés au salarié.

Sur la cause du licenciement :

En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, l'employeur reproche au salarié les trois griefs suivants :

- le non-respect de dispositions relatives au temps de travail,

- le non-respect des principes et valeurs de l'entreprise,

- des négligences dans l'établissement de ses missions.

S'agissant du non-respect des règles et dispositions relatives au temps de travail

La dissimulation des heures de ses collaborateurs :

La société reproche au salarié de ne pas avoir correctement rempli les documents de contrôle des temps des salariés placés sous sa subordination, en pratiquant un lissage des heures effectuées, dissimulant ainsi les heures réellement effectuées et privant ainsi les salariés d'une partie de leur rémunération correspondant aux heures de travail majorées.

Elle produit aux débats :

- des tableaux manuscrits hebdomadaires de déclarations d'heures partiellement remplis, concernant cinq salariés et non datés,

- des pages extraites d'un logiciel temps de saisie des présences, éditées en mars 2017,

- des tableaux récapitulant le nombre d'heures mensuelles effectuées par chaque salarié, pour le mois de mars 2017, portant la signature du salarié et du responsable, étant précisé que seul le tableau des heures de M. [Z] n'est pas signé par un responsable,

- les bulletins de salaire de Mme [Y] et de M. [S] pour le mois de juillet 2017 qui font mention d'heures supplémentaires contractualisées et rémunérées,

- la lettre de licenciement de M. [U], datée du 15 mai 2017 reprochant à ce dernier, notamment, la dissimulation de la réalité des heures réalisées,

- une attestation de suivi d'une formation par M. [Z] sur le droit du travail et la paye au mois de janvier 2013,

- l'entretien annuel de M. [Z] du 22 février 2017, pour l'année 2016 établi par son manager, M. [O] [W].

Le salarié reconnaît qu'il transmettait au directeur régional de la société les documents de contrôle du temps de travail de ses collaborateurs. Il soutient en revanche qu'aucune faute ne peut lui être imputée en matière de suivi du temps de travail de ses collaborateurs dès lors qu'il n'était pas décisionnaire en matière de lissage des temps, qu'il s'agissait d'une pratique courante au sein de la société et qu'il se bornait à faire remonter ces données, en dehors de toute attribution contractuelle relative à la gestion des ressources humaines.

Il ressort des pièces versées aux débats que le salarié occupait le poste de responsable d'implantation, à la direction régionale de [Localité 6], en qualité d'agent de maîtrise. Aux termes de sa fiche de poste, il était chargé de faire le lien entre le service vente, le service technique, l'entrepôt et le siège, et notamment de réaliser les plans d'implantation, planifier les besoins en matériel, gérer le stock, organiser les réimplantations en lien avec le prestataire multi-services. En sus de ses fonctions techniques, il encadrait l'équipe du service implantation (notamment deux préparateurs de commande et un implanteur).

Certes, il est constant que le salarié transmettait les plannings à ses collaborateurs et remontait en fin de mois à sa hiérarchie les documents de contrôle du temps de travail de ceux-ci. Mais il ne ressort pas des pièces versées aux débats que le salarié se serait rendu coupable de dissimulation à son égard des heures de travail de ses collaborateurs.

Il doit en effet être souligné que M. [L] [U], salarié placé sous la subordination de M. [Z], a été licencié en mai 2017 pour sa 'gestion opaque du temps de travail' et pour 'dissimuler aux yeux de la société la réalité des heures réalisées'. et qu'il lui était reproché d'avoir reporté sur le document de contrôle de temps mensuel des heures ne correspondant pas aux heures effectivement réalisées. L'employeur impute donc le même grief de dissimulation d'heures à l'encadrant et à son subordonné, sans établir les responsabilités de chacun dans le report des heures, étant précisé que M. [Z] effectuait un travail de bureau au sein de la direction régionale de [Localité 6], n'était pas sur place en magasin pour contrôler effectivement la réalité des heures effectuées par ses collaborateurs, et que ces missions d'encadrement étaient réalisées en sus de ses fonctions techniques, en dehors de toute prévision contractuelle.

Au surplus, il n'est pas démontré que les salariés ont été privés du paiement de leurs heures supplémentaires. En effet, MM. [U] et [S] attestent que l'ensemble des heures effectuées étaient ou payées ou modulées et les bulletins de paie de Mme [Y] et de M. [S] pour le mois de juillet 2017, font mention d'heures supplémentaires contractualisées et payées.

Ce grief n'est donc pas établi.

Le non respect du délai de prévenance en matière de communication des plannings :

La société, qui reproche au salarié ne pas avoir respecté le délai de prévenance de communication des plannings de travail, produit des échanges de SMS relatifs aux horaires de l'équipe implantation encadrée par M. [Z].

Celui-ci conteste tant la matérialité des faits que leur imputabilité et fait valoir d'une part que la provenance des SMS n'est pas établie, qu'ils concernent des rappels de plannings et non leurs dates de transmission. Il produit des attestations de deux salariés placés sous sa subordination, MM. [S] et [B], qui déclarent respectivement avoir reçu leurs plannings, au minimum avec trois semaines à l'avance, et avec deux à quatre semaines d'avance.

Il fait valoir qu'il dépendait de sa hiérarchie, qui établissait les plannings, pour pouvoir ensuite les transmettre, et qu'en tout état de cause, la transmission de ces plannings ne relevaient pas de ses attributions contractuelles.

Outre que ces échanges de SMS ne permettent pas d'établir avec certitude l'identité des interlocuteurs, ils ne démontrent pas non plus qu'ils portaient sur la transmission des plannings et apparaîssent plutôt concerner des rappels relatifs à l'emploi du temps de l'équipe.

Ce grief n'est pas établi.

S'agissant du non-respect des principes et valeurs de l'entreprise.

La société fait grief au salarié :

- d'avoir tenu des propos racistes envers une employée du magasin, lors d'une consigne donnée à la chef de caisse, avoir dit : 'Dis à l'arabe de bouger son cul',

- de ne pas avoir réagi alors qu'il avait été destinataire d'une alerte de Mme [Y] à propos de propos diffamatoires et sexistes proférées à son encontre par des membres de son équipe, ayant conduit cette dernière à bénéficier d'un arrêt de travail dès le 14 mars 2017.

La société produit une unique attestation de Mme [D], non régulière en la forme, qui rapporte des faits datant des années 2013 et 2014, sans rapport avec les faits reprochés, étant précisé que ceux-ci ne sont ni datés ni circonstanciés.

En l'absence de tout élément probant susceptible de corroborer les affirmations de l'employeur, le grief n'est pas établi.

S'agissant des négligences dans l'exercice de ses fonctions.

La société reproche au salarié :

- l'absence de mise en place de panneaux 'La Dl et vous' en magasin alors que le délai était fixé à fin décembre 2016,

- des factures importantes de déplacements du prestataire multi-services générées par ses carences,

- l'absence de référencement d'un prestataire supplémentaire, malgré des relances, notamment le 8 février 2017.

Elle produit des factures établies par la société Instal Mag, spécialisée dans l'agencement de lieux de vente, correspondant notamment à des commandes de fournitures par la société Lidl, sur la période de décembre 2016 à février 2017.

Mais elle n'apporte aucun élément démontrant l'absence de mise en place des panneaux susvisés et d'une échéance fixée à fin décembre 2016 alors que le salarié soutient, sans être utilement contredit, avoir effectué une mise en place a minima des panneaux susvisés sur demande de la direction qui souhaitait réaliser des économies.

S'il ressort de la fiche de poste du salarié qu'il était chargé d'organiser les réimplantations, en coordination avec le prestataire multi-services, il n'est pas établit qu'il aurait été chargé de la conclusion des contrats ni que l'employeur aurait relancé le salarié le 8 février 2017 s'agissant d'une demande de référencement d'un prestataire supplémentaire.

Au surplus, le compte rendu d'entretien annuel d'évaluation, qui s'est tenu le 22 février 2017, postérieurement aux faits reprochés, ne fait état d'aucune négligence du salarié dans l'accomplissement de ses missions.

Ce grief n'est pas établi.

Les griefs reprochés au salarié tenant à des carences managériales et organisationnelles ne sont donc ni établis, ni imputables au salarié.

La décision sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation du licenciement injustifié :

M. [Z] comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au jour de son licenciement et celle-ci employant habituellement au moins dix salariés, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance nº2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Suite à la rupture du contrat de travail, il a bénéficié des allocations chômage, à hauteur de 1621,50 euros au titre du mois de juin 2022. Au sein des dernières conclusions datées du 19 décembre 2023, il déclarait être toujours à la recherche d'un emploi.

Lors du licenciement, M. [Z] était âgé de 34 ans. Il disposait d'une ancienneté de 8 ans et 6 mois, dans une entreprise de plus de 11 salariés et son salaire mensuel brut s'élevait à 2 573 euros par mois.

Il résulte du jugement du conseil de prud'hommes qu'il a retrouvé un emploi en contrat à durée indéterminée 14 mois après la rupture de son contrat de travail, rémunéré à hauteur de 2 800 euros brut par mois.

Au regard de ces éléments, le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse sera plus justement réevalué à la somme de 20 584 euros correspondant à 8 mois de salaire brut.

Compte tenu de l'ancienneté et de l'effectif de la société, c'est à bon droit que les premiers juges ont fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier du 4 mai 2021 uniquement sur le quantum des dommages et intérêts alloués à M. [F] [Z] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la SNC Lidl à payer à M. [F] [Z] la somme de 20 584 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

Confirme le jugement pour le surplus et y ajoutant,

Condamne la SNC Lidl à verser à M. [F] [Z] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/03628
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.03628 ?
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