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29/05/2024 | FRANCE | N°21/03579

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 29 mai 2024, 21/03579


ARRÊT n°

































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE [Localité 9]



2e chambre sociale



ARRET DU 29 MAI 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03579 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PAZI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION P

ARITAIRE DE [Localité 9] - N° RG F 20/00455









APPELANTE :



Madame [K] [Z]

née le 03 Mai 1989 à [Localité 6] (14)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Régine ARDITI, avocat au barreau de [Localité 9]











INTIMEE :



S.A.R.L. INVESTISSEME...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE [Localité 9]

2e chambre sociale

ARRET DU 29 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03579 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PAZI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 MAI 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE [Localité 9] - N° RG F 20/00455

APPELANTE :

Madame [K] [Z]

née le 03 Mai 1989 à [Localité 6] (14)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Régine ARDITI, avocat au barreau de [Localité 9]

INTIMEE :

S.A.R.L. INVESTISSEMENT DEFISCALISATION IMMOBILIERE

représentée par son dirigeant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège social, sis

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sandy RAMAHANDRIARIVELO de la SCP RAMAHANDRIARIVELO - DUBOIS, avocat au barreau de [Localité 9]

Ordonnance de clôture du 19 décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 27 mars 2024 à celle du 29 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 1er juillet 2015, Mme [K] [Z] a été engagée à temps complet par la Sarl Investissement Défiscalisation Immobilière, sous l'enseigne « Immobilière [Localité 10] » (ci-après la Sarl ISJ), par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de négociateur immobilier moyennant une rémunération mensuelle de 1 457,52 euros brut outre des commissions sur les affaires traitées et conclues par ses soins ainsi qu'une prime 250 euros brut et un pourcentage sur les honoraires de locations.

Le 31 octobre 2017, les parties ont signé une convention de rupture prévoyant une indemnité spécifique de 3 700 euros brut.

Le 8 novembre 2017, l'employeur a envoyé à la salariée une lettre recommandée avec accusé de réception lui notifiant qu'il exerçait son droit de rétractation.

Le 16 novembre 2017, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (ci-après la Direccte) a reçu une demande d'homologation de la convention de rupture.

La Direccte a alors :

- le 20 novembre 2017, accepté l'homologation de la convention de rupture,

- le 30 novembre 2017, refusé l'homologation de celle-ci compte tenu de la rétractation de l'employeur notifiée à la salariée le 13 novembre 2017, soit avant la fin du délai légal de rétractation fixé au 15 novembre 2017,

- le 14 décembre 2017, retiré la décision de refus d'homologation et accepté l'homologation de la rupture conventionnelle conformément à la décision du 20 novembre 2017 qui retrouvait pleinement ses effets, au motif que seule la date de distribution de la lettre de rétractation devait être prise en compte et qu'après enquête auprès des services de la Poste, le délai de rétractation était dépassé de deux jours, la lettre ayant été présentée à la salariée le 17 novembre 2017.

Le 17 novembre 2017, la salariée a été placée en arrêt de travail jusqu'au 3 décembre suivant, avec prolongation jusqu'au 15 décembre 2017.

Plusieurs instances ont été conduites par les parties, devant les tribunaux de commerce et de grande instance de [Localité 9] ainsi que devant le conseil de prud'hommes de [Localité 9].

Notamment :

- Sur ordonnance sur requête du 10 décembre 2017, le président du tribunal de commerce de [Localité 9] a, à la demande de l'employeur - qui suspectait des malversations de la part de la salariée pour l'évincer de pourparlers sur la reprise d'une autre société, pour débaucher l'un de ses salariés et utiliser des données commerciales confidentielles - désigné un huissier de justice pour procéder à diverses constatations et saisies au sein de deux personnes morales dans laquelle la salariée avait des intérêts, les sociétés Bailimmo, My Immo ou By Immo, sises à [Localité 9].

Celui-ci a dressé un procès-verbal de constat du 12 janvier 2018.

- Par ordonnance de référé du 8 mars 2018, sur requête du 11 janvier 2018 de la salariée, confirmée par arrêt de la cour d'appel du 6 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de [Localité 9] a pour l'essentiel :

$gt; condamné l'employeur à titre provisionnel à payer à la salariée, par provision, les sommes suivantes :

* 12 000 euros net à titre de commissions (8 400 euros) et d'indemnité de rupture conventionnelle (3 700 euros),

* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices financier et moral,

* 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

$gt; enjoint à Mme [Z] de restituer à la Sarl IDI les codes d'accès à l'adresse électronique « [Courriel 11] » et de cesser d'utiliser ou consulter ladite adresse sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 15ème jour de la notification de la décision et jusqu'à la remise effective des codes d'accès.

La cour d'appel a notamment ajouté à cette décision la condamnation de l'employeur à payer à la salariée la somme de 3 404,39 euros au titre des congés payés.

- Par requête au fond du 21 février 2018, l'employeur a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 9] d'une demande de nullité de la rupture conventionnelle et a sollicité le remboursement d'un indu, le paiement de dommages et intérêts et la restitution sous astreinte de documents commerciaux, de mandats et de codes de messagerie.

- Par jugement du 12mai 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que la rupture conventionnelle était caduque et devait s'analyser en une démission,

- ordonné la restitution par Mme [Z] à la Sarl Investissement Défiscalisation Immobilière de la somme de 3 700 euros perçue à titre d'indemnité de rupture conventionnelle,

- débouté la Sarl Investissement Défiscalisation Immobilière et Mme [Z] de l'ensemble de leurs autres demandes,

- mis les éventuels dépens à la charge de Mme [Z].

Par déclaration enregistrée au RPVA le 3 juin 2021, la salariée a régulièrement interjeté appel de ce dernier jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 15 novembre 2023, Mme [K] [Z] demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- de constater que le premier juge n'est pas fondé à annuler une décision administrative motivée d'homologation d'une rupture conventionnelle de la Direccte ;

- de juger que la rupture conventionnelle régulièrement homologuée par la Direccte doit produire ses effets, faute de rétractation effectuée dans les délais légaux ;

Subsidiairement si la rupture conventionnelle était jugée caduque,

- d'ordonner qu'elle produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il n'y a pas lieu à restitution de l'indemnité conventionnelle et de condamner l'intimée à lui payer les sommes suivantes :

3 700 euros au titre de l'indemnité conventionnelle,

10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers et moral infligés sciemment,

Ces sommes étant assortie des intérêts moratoires de droit à compter de la convocation des parties devant le bureau de jugement du 5 juillet 2018 ;

- de débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes ;

A titre reconventionnel, de la condamner au paiement de la somme de 8 000 euros pour procédure manifestement dilatoire et abusive outre la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 15 décembre 2023, la Sarl Investissement Défiscalisation Immobilière demande à la Cour de :

- déclarer irrecevables les demandes nouvelles de Mme [Z] devant la cour tendant à ordonner que la rupture conventionnelle même caduque produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas lieu à restitution de l'indemnité conventionnelle et à ordonner que l'indemnité conventionnelle soit compensée par une créance de l'appelante non établie ainsi que celle tendant à la condamner au paiement d'une somme au titre de la procédure abusive ;

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation du préavis non exécuté ;

- annuler en toute hypothèse la rupture conventionnelle « pour défaut de remise d'un exemplaire original de la convention à l'employeur intervenues ; et pour vice du consentement » ;

- condamner Mme [Z] à lui payer les sommes suivantes :

* 2 960,60 euros au titre « de son préavis dû sur sa démission »,

* 3 700 euros sur la restitution d'indemnité de rupture conventionnelle sans aucune compensation possible ;

- dire que Mme [Z] doit lui restituer l'entière maîtrise de l'adresse électronique « [Courriel 11] » appartenant à l'employeur ainsi que tous documents qu'elle lui a subtilisés ;

- désigner M. [W] [I], expert inscrit près la cour d'appel de Montpellier comme consultant aux frais de Mme [Z], employés comme dépens, et

* « enjoindre sous astreinte de 1 000 euros par jour de non faire qui courra pendant un délai de 90 jours à compter de son prononcé à Mme [K] [Z] d'avoir à effectuer, concomitamment avec l'employeur, et sous le contrôle dudit consultant qui en dressera rapport, la passation de la totale maîtrise à la société Investissement Défiscalisation Immobilière de l'adresse [Courriel 11] en ôtant ses adresses électroniques et numéro de téléphone de récupération des codes et mots de passe pour y substituer ceux qui seront donnés à la ISJ ;

* enjoindre sous astreinte de 1 000 euros par jour de non faire qui courra pendant un délai de 90 jours à compter de son prononcé à Mme [K] [Z] d'avoir à restituer sous le contrôle dudit consultant qui en dressera rapport les documents suivants à la société Investissement Défiscalisation Immobilière ; savoir l'intégralité des documents visés au constat d'huissier du 12/01/2018 appartenant à la société ISJ et dont le consultant dressera la liste exhaustive au regard dudit constat et particulièrement les documents suivants :

- « Vente : [N] » contenant l'original du mandat exclusif de vente appartenant à la concluante

- « T3 par des [Adresse 5] 72 m² »

- « Maison de [Localité 10] 1er étage »

- « Succession [R] vente appartement T5 110 m² contenant l'original du mandat de vente non exclusif appartenant à la société »

- « [Adresse 7] T4 305 000 € T4 279 000 € »

- « Vente : T2 + CGE [Localité 8] T2 53,45 m² garage » 

Subsidiairement sur ce point dans l'hypothèse où il serait établi qu'elle a procédé d'autorité à la destruction de ces documents, condamner Mme [Z] à lui payer:

* la somme de 10 000 euros au titre de l'inexécution dolosive et de mauvaise foi de son obligation et de son engagement contractuel de restitution des documents de son ancien employeur » ;

* la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens par application des articles 696 et 699 du même code dont les frais de consultant ;

et la débouter Mme [Z] « de l'intégralité de ses moyens, fins demandes prétentions et appel comme irrecevables et infondées ».

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 décembre 2023.

MOTIFS :

Sur la rupture conventionnelle.

L'article L.1237-11 du code du travail permet à l'employeur et au salarié de signer une convention de rupture du contrat de travail.

L'article L.1237-13 dernier alinéa impartit aux deux parties, à compter de la date de la signature de ladite convention, un délai de quinze jours calendaires pour exercer leur droit de rétractation, ce droit étant « exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie ».

Il s'ensuit qu'en cas d'exercice du droit de rétractation, la rupture conventionnelle devient caduque.

Enfin, il résulte de l'article L. 1237-14 dernier alinéa que si la validité de la convention est subordonnée à son homologation par l'autorité administrative, en revanche « l'homologation ne peut faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la convention » et « tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil de prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif », la seule exception à ce principe étant posée par l'article L.1237-15 du même code relatif aux salariés bénéficiant d'une protection mentionnée aux articles L.2411-1 et L.2411-2.

Il résulte de ces dernières dispositions légales que le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour accorder ou refuser l'homologation d'une telle convention, en lieu et place de l'autorité administrative, mais qu'il est seul compétent pour se prononcer sur sa validité.

En l'espèce, la salariée fait valoir d'une part, que le conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour statuer sur l'homologation de la convention de rupture, seule la juridiction administrative pouvant être saisie, et d'autre part, que c'est la date de réception de la lettre de rétractation qui doit être prise en compte pour constituer la rétractation de la partie concernée, ainsi que l'a retenu l'autorité administrative dans sa dernière décision du 14 décembre 2017.

En premier lieu, il n'est ni soutenu ni établi que la salariée aurait bénéficié d'une quelconque protection, de sorte qu'en application des dispositions susvisées, seul le conseil de prud'hommes est compétent pour statuer sur le litige concernant l'homologation de la convention de rupture et prononcer, ou non, sa nullité.

En second lieu, en vertu des textes susvisés, la fin du délai de rétractation s'apprécie à la date d'envoi de la lettre.

L'employeur justifie avoir envoyé sa lettre de rétractation à la salariée le 8 novembre 2017 alors que la signature de la rupture conventionnelle était intervenue le 31 octobre 2017, dans le délai légal imparti, et prouve de ce fait que sa rétractation était valable ; ce, en dépit du fait que la lettre n'ait été présentée par les services de la Poste à la salariée que le 17 novembre 2017, postérieurement au délai de quinze jours.

La demande de l'employeur au titre de la « caducité » de la convention de rupture homologuée s'analyse en une demande de nullité de ladite convention, celle-ci ayant été finalement homologuée par l'administration, ainsi qu'il le sollicitait d'ailleurs dans sa requête introductive d'instance.

Il résulte de ce qui précède que la nullité de cette dernière doit être prononcée.

En troisième lieu, il est constant qu'en application de l'article L.1234-19 du code du travail relatif à l'expiration du contrat de travail, l'employeur a délivré à la salariée un certificat de travail le 15 décembre 2017.

La demande de la salariée tendant à voir dire que la rupture produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ne constitue pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, contrairement à ce que soutient l'employeur. En effet, il s'agit d'une demande tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge en application de l'article 565 du même code. L'exception d'irrecevabilité doit être rejetée.

Le moyen tiré de ce que la rupture s'analyserait en une démission au motif que la salariée avait manifesté sa volonté de mettre fin au contrat de travail en signant la convention de rupture, est inopérant en ce que la démission ne peut résulter que de la manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de mettre fin à sa seule initiative à la relation de travail ; ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Dès lors que le contrat de travail a été rompu en exécution d'une convention de rupture ensuite annulée, la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et emporte obligation à restitution des sommes perçues en exécution de cette convention.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que la convention de rupture était caduque et que la rupture du contrat de travail s'analysait en une démission mais il sera confirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande de paiement par la salariée d'un préavis et en ce qu'il a condamné la salariée à restituer à l'employeur la somme de 3 700 euros au titre de l'indemnité de rupture conventionnelle. En effet, l'indemnité de rupture conventionnelle étant privée de cause, la salariée n'est pas fondée à en revendiquer son paiement.

La salariée affirmant ne pas avoir perçu cette somme, il sera ajouté que cette dernière disposition interviendra sous réserve que l'indemnité de rupture conventionnelle ait été effectivement payée à la salariée par l'employeur, lequel devra en justifier dans le cadre de l'exécution de la présente décision.

Mme [Z] demande le paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjdices financiers et moral infligés sciemment. Elle travaillait au sein d'une entreprise de moins de 11 salariés et percevait une rémunération brute mensuelle de 1 480,30 euros bruts de base, la moyenne des douze derniers salaires s'établissant, selon les mentions portées sur l'acte de rupture conventionnelle à 3 700 euros.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d'un demi mois de salaire brut et un montant maximal de 3,5 mois de salaire brut.

Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge de la salariée au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant des dommages-intérêts pour perte injustifiée de l'emploi doit être évalué à la somme de 8 000 euros bruts.

Sur les demandes de restitution sous astreinte en présence d'un expert.

Pour justifier sa demande de restitution détaillée ci-dessous, l'employeur verse aux débats :

* le procès-verbal de constat d'huissier de justice du 12 janvier 2018 réalisé au sein des sociétés My Immo et Bailimmo, en présence de Mme [Z] et d'un ancien salarié de la Sarl ISJ, dont il résulte que :

- Mme [Z] est la gérante de cette agence depuis le 16 décembre 2017,

- dans son bureau, se trouvaient plusieurs dossiers en original appartenant à son ancien employeur, la Sarl ISJ, et portant sur des transactions immobilières,

- les investigations menées sur les boîtes électroniques de cette société ont révélé une adresse que l'intéressée a déclaré avoir supprimé sans plus de précisions mais qui s'est révélée être toujours active après expédition d'une confirmation sur le téléphone portable de Mme [Z].

* le procès-verbal de constat d'huissier de justice du 3 mai 2018 confirmant que l'adresse électronique « [Courriel 11] » est attachée au contact « [K] [Z] contenu dans le téléphone portable de l'employeur.

La restitution des codes d'accès à l'adresse électronique et à la cessation de l'utilisation de cette adresse.

Au vu de ce qui précède, par arrêt du 6 novembre 2018, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance de référé du 8 mars 2018 du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'elle avait dit que la salariée devait restituer à l'employeur ses codes d'accès à l'adresse électronique professionnelle et en ce qu'elle lui avait fait injonction de cesser de l'utiliser.

Il y a lieu de faire droit à la demande de restitution et d'assortir cette demande d'une astreinte de 50 euros par jour de retard dans les conditions précisées au dispositif.

En effet, le procès-verbal de constat d'huissier de justice du 12 janvier 2018 établit la découverte de l'adresse électronique litigieuse après investigations menées sur les boites électroniques du nouveau lieu de travail de Mme [Z].

Or, l'accès à l'adresse électronique de l'entreprise a était rendue possible par la mise à disposition d'un outil informatique par l'employeur au profit de la salariée. Dans la mesure où le contrat de travail est désormais rompu, la salariée doit procéder à la restitution à l'employeur de ses codes d'accès et ne doit plus utiliser cette adresse électronique ni y avoir accès.

Afin de conférer son efficacité à cette mesure de restitution, il y aura lieu d'ordonner, sous astreinte, à la salariée d'effectuer concomitamment avec l'employeur la passation de la maîtrise totale à la société de l'adresse électronique précisée au dispositif, en ôtant ses adresses électroniques et numéros de téléphone de récupération des codes et mots de passe pour y substituer ceux qui seront donnés à la société ISJ.

La restitution des documents listés sous astreinte.

L'employeur démontre par la production du même constat d'huissier de justice que la salariée a conservé sans y avoir été autorisée des dossiers en original concernant des transactions immobilières confiées à la Sarl ISJ.

Elle sera condamnée à les lui restituer sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans les conditions fixées au dispositif.

La désignation d'un expert en qualité de consultant.

Il n'y a pas lieu de procéder à la désignation d'un expert pour surveiller les opérations de restitution, l'employeur étant libre d'organiser les restitutions comme il l'entend.

Sur la demande reconventionnelle pour procédure dilatoire et abusive.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, le fait que la demande au titre de la procédure dilatoire et abusive n'ait été présentée qu'en cause d'appel ne la rend pas nécessairement irrecevable au motif que la demande serait nouvelle, cette demande pouvant être liée à la procédure d'appel.

En revanche, la salariée ne démontre pas en quoi l'employeur aurait abusé de son droit d'interjeter appel de la décision de première instance, d'autant qu'il sera fait droit à plusieurs chefs de demandes présentées par celui-ci.

La demande doit être rejetée.

Sur les demandes accessoires.

Les dépens seront supportés par la société, à l'exception de ceux liés aux frais de constat d'huissier de justice désigné par la juridiction prud'homale statuant en matière de référé.

Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement du 12 mai 2021 du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il a condamné Mme [K] [Z] à restituer à la Sarl Investissement Défiscalisation Immobilière la somme de 3 700 euros au titre de l'indemnité de rupture conventionnelle, sauf à préciser que cette condamnation est prononcée sous réserve que l'indemnité de rupture conventionnelle ait été effectivement payée à la salariée par l'employeur, lequel devra en justifier dans le cadre de l'exécution de la présente décision ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

CONSTATE que la demande au titre de la caducité de la convention de rupture présentée par la Sarl Investissement Défiscalisation Immobilière s'analyse en une demande de nullité de ladite convention ;

PRONONCE la nullité de la convention de rupture du 31 octobre 2017 signée entre la Sarl Investissement Défiscalisation Immobilière et Mme [K] [Z] ;

REJETTE l'exception d'irrecevabilité des demandes relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la compensation et à la procédure dilatoire et abusive ;

DEBOUTE la Sarl Investissement Défiscalisation Immobilière de sa demande tendant à faire juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission de la part de Mme [K] [Z] ;

DIT que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la Sarl Investissement Défiscalisation Immobilière à verser à Mme [K] [Z] la somme de 8 000 euros bruts à titre de dommages-intérêts,

ORDONNE à Mme [K] [Z], sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un délai de 90 jours à compter du prononcé du présent arrêt, de restituer à la Sarl Investissement Défiscalisation Immobilière :

- l'entière maîtrise de l'adresse électronique « [Courriel 11] » appartenant à cette dernière, en effectuant concomitamment avec l'employeur, et la passation de la totale maîtrise à la société Investissement Défiscalisation Immobilière de l'adresse « [Courriel 11] » en ôtant ses adresses électroniques et numéro de téléphone de récupération des codes et mots de passe pour y substituer ceux qui seront donnés à la Sarl Investissement Défiscalisation Immobilière,

- les documents suivants :

* « Vente : [N] » contenant l'original du mandat exclusif de vente appartenant à la société

* « T3 par des [Adresse 5] 72 m² »

* « Maison de [Localité 10] 1er étage »

* « Succession [R] vente appartement T5 110 m² contenant l'original du mandat de vente non exclusif appartenant à la société

* « [Adresse 7] T4 305 000 € T4 279 000 € »

* « Vente : T2 + CGE [Localité 8] T2 53,45 m² garage » ;

Y ajoutant,

DEBOUTE Mme [K] [Z] de ses demandes au titre de la procédure dilatoire et abusive ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sarl Investissement Défiscalisation Immobilière aux dépens de l'instance, à l'exception du coût du constat d'huissier de justice du 12 janvier 2018 qui sera à la charge de Mme [K] [Z] ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/03579
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.03579 ?
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