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29/05/2024 | FRANCE | N°21/02983

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 29 mai 2024, 21/02983


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 29 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02983 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O7US





Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 MARS 20

21

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00738







APPELANTE :



S.A.S. TEL AND COM

Prise en la personne de son Président Directeur Général, sis

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 3]



Représentée sur l'audience par Me Gautier DAT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat pos...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 29 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02983 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O7US

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00738

APPELANTE :

S.A.S. TEL AND COM

Prise en la personne de son Président Directeur Général, sis

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée sur l'audience par Me Gautier DAT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Pascal GASTEBOIS de l'AARPI HERTSLET WOLFER & HEINTZ, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame [S] [B]

née le 03 Juillet 1985 à [Localité 5] (13)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Nicolas CASTAGNOS de l'AARPI JURICAP, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 27 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER, assistée de Madame Elissa HEVIN, greffier stagiaire.

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCEDURE, ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Mme [S] [B] a été engagée le 20 mai 2013 par la société Tel and Com, entreprise commercialisant notamment des offres de différents opérateurs téléphoniques ainsi que des téléphones mobiles, en qualité de conseillère de vente dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet. A compter du 1er mars 2014, Mme [B] a exercé le poste de responsable de magasin.

Compte tenu de l'activité de la société Tel and Com, la relation de travail était soumise à la convention collective du commerce de détail en papeterie, fournitures de bureau.

Affirmant subir une remise en cause de son secteur d'activité depuis 2013 et avoir perdu plusieurs contrats de distribution avec les principaux opérateurs mobiles, la société Tel and Com a choisi de procéder à la fermeture de la totalité de ses magasins et a mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi homologué par la DIRECCTE du Nord-Pas-de-Calais le 18 mai 2015.

Le 16 juillet 2015, la société Tel and Com a proposé à Mme [B] un contrat de sécurisation professionnelle. Mme [B] y a adhéré et son contrat de travail a été rompu par une lettre du 7 août 2015.

Par un jugement du 14 octobre 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi. Par un arrêt du 11 février 2016, le jugement a été confirmé par la cour administrative d'appel de Douai.

Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier le 15 juillet 2016 pour obtenir la nullité de son licenciement, la réparation de ses préjudices ainsi que la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par un arrêt du 24 octobre 2018, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi formé par la société Tel and Com à l'encontre de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai.

Par jugement du 31 mars 2021, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

Constate l'annulation de la décision administrative d'homologation du PSE uniquement en raison de l'erreur de l'administration qui n'a pas procédé au contrôle des mesures du plan dans le bon périmètre du groupe de moyens,

Dit que le licenciement de Mme [B] est sans cause réelle et sérieuse suite à l'annulation de la décision administrative d'homologation du PSE due à l'erreur de l'administration,

Condamne la Tel and Com au paiement des sommes suivantes :

$gt; 13.290 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; 1.600 euros à titre de rappel de salaire pour la période de décembre 2014 à juillet 2015,

$gt; 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [B] du surplus de ses demandes,

Dit que les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail ne s'appliquent pas à la décision,

Rappelle que les condamnations prononcées au profit de Mme [B] bénéficient de l'exécution provisoire de droit prévues aux articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail et sur la base d'un salaire mensuel de 2.215 euros bruts,

Déboute la Tel and Com de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Tel and Com aux entiers dépens de l'instance'.

Les 6 mai 2021 puis 7 mai 2021, la société Tel and Com a successivement relevé appel de tous les chefs de ce jugement.

Par ordonnance du 2 juillet 2021, le conseiller de la mise en état a joint les instances.

' Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 12 février 2024, la société Tel and Com demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul sur le fondement des articles L.1235-10 alinéa 2 et L.1235-11 du code du travail,

Constater, dire et juger que les articles L.1235-10 al. 2 et L.1235-11 du code du travail ne trouvent pas application, le PSE n'ayant pas été annulé en raison d'une quelconque insuffisance de ses mesures au sens de l'article L.1235-10 alinéa 2 du Code du Travail,

En conséquence,

Confirmer le jugement du 31 mars 2021 du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il a :

Débouté Mme [B] de sa demande,

Débouté Mme [B] de sa demande de sa demande de remboursement du préavis et des congés payés afférents.

Sur la demande subsidiaire de nullité du licenciement ou de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-16 du code du travail

Juger que l'article L.1235-16 du Code du Travail est inconventionnel « in abstracto »,

Juger que l'article L.1235-16 du Code du Travail est inconventionnel « in concreto »,

En conséquence,

Infirmer le jugement du 31 mars 2021 du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il a condamné la société Tel and Com à indemniser Mme [B] sur ce fondement,

Statuant à nouveau :

Débouter Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

Débouter Mme [B] de sa demande de remboursement du préavis et des congés payés afférents.

A titre très subsidiaire et, si par extraordinaire la Cour de céans prononce la nullité du licenciement ou l'absence de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-16

Juger que Mme [B] ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle invoque,

Constater, Dire et juger que l'article L.1235-4 du code du travail ne prévoit pas le remboursement des indemnités chômage à Pôle Emploi en cas d'application des dispositions de l'article L.1235-16 du code du travail,

En conséquence,

Limiter la condamnation à l'équivalent de six mois de salaire,

Sur la demande de rappel de salaire du 7 août 2015 et le jour de l'audience et les congés payés afférents,

Constater, Dire et juger que la demande de rappel de salaire de Mme [B] ne peut être fondée ni sur les articles L.1235-10 et L.1235-11 du code du travail, ni sur l'article L.1235-16 du code du travail,

En conséquence,

Confirmer le jugement du 31 mars 2021 du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il a débouté Mme [B] de ses demandes,

Sur la demande de rappel de salaire de décembre 2014 à juillet 2015,

Sur la demande de rappel de salaire de décembre 2014 à juillet 2015

Juger que la demande de rappel de salaire de Mme [B] est mal fondée,

En conséquence,

Infirmer le jugement du 31 mars 2021 du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il a condamné la Tel and Com à verser à Mme [B] la somme de 1.600 euros à titre de rappel de salaire pour la période de décembre 2014 à juillet 2015,

Débouter Mme [B] de sa demande de rappel de salaire et d'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

Condamner Mme [B] à rembourser à la Tel and Com la somme de 1244,02 euros réglée en exécution du jugement,

Sur la demande d'indemnité légale de licenciement,

Constater, dire et juger que Mme [B] a été remplie de ses droits au titre de l'indemnité de licenciement,

En conséquence,

Confirmer le jugement du 31 mars 2021 du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande d'indemnité légale de licenciement,

Débouter Mme [B] de sa demande d'indemnité légale de licenciement,

Sur les autres demandes,

Débouter Mme [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouter Mme [B] de toutes ses autres demandes,

Condamner Mme [B] à verser à la Tel and Com la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [B] aux entiers dépens.

' Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 27 février 2024, Mme [B] demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de nullité du licenciement et sa demande d'indemnisation spécifique fondée sur les dispositions des articles L.1235-10 et L.1235-11 du code du travail, rejeté ses demandes de nullité du contrat de sécurisation professionnelle, nullité de la rupture de son contrat de travail et de prononcé d'une rupture aux torts exclusifs de l'employeur, et de ses autres demandes. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :

Constater l'annulation par le tribunal administratif de Lille, puis par la cour administrative d'appel de Douai, et enfin par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 24 octobre 2018, de la décision en date du 18 mai 2015 par laquelle la DIRECCTE a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi relatif au projet de licenciement économique mis en oeuvre par la société Tel and Com.

En conséquence :

Prononcer la nullité du licenciement et de la procédure de licenciement qui ont été mis en oeuvre à l'endroit de Mme [B] et dire en toute hypothèse la procédure de licenciement irrégulière et dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Prononcer la nullité du contrat de sécurisation professionnelle auquel a adhéré Mme [B].

Prononcer la nullité de la rupture du contrat de travail de Mme [B].

Dire et juger que le contrat de travail a été rompu aux torts exclusifs de la société Tel and Com.

Quoi faisant :

Condamner la société Tel and Com au paiement des sommes suivantes :

$gt; A titre principal, 26.580,00 euros nets, soit 12 mois de salaire au titre de l'indemnité spécifique prévue par l'article L. 1235-11 du code du travail en cas de licenciement économique nul ;

$gt; A titre subsidiaire, si la cour d'appel devait considérer que l'annulation de la décision d'homologation du PSE se fonde sur un motif autre que l'insuffisance des mesures de reclassement qu'il contient : 13.290,00 euros nets, soit 6 mois de salaire au titre de l'indemnité spécifique prévue par l'article L. 1235-16 du code du travail en cas de licenciement économique nul et en toute hypothèse sans cause réelle et sérieuse suite à une annulation de l'autorisation administrative ayant homologué le PSE.

En toutes hypothèses :

Condamner la société Tel and Com au paiement des sommes suivantes :

$gt; 4.430,00 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis (soit deux mois de salaire), avec intérêts au taux légal depuis la date de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 15 juillet 2016 ;

$gt; 443,00 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférente à l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal depuis la date de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 15 juillet 2016 ;

$gt; 1.600 euros bruts au titre du rappel de salaire résultant de la rémunération moindre qu'elle a perçue du mois de décembre 2014 au mois de juillet 2015 en comparaison avec l'autre salariée responsable du même magasin ;

$gt; A parfaire : L'indemnité légale de licenciement tenant compte des rappels de salaire à intervenir ;

$gt; 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

$gt; Aux entiers dépens.

Condamner la société Tel and Com à remettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir, les documents sociaux de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, bulletin de salaire, valant solde de tout compte) rectifiés au regard des condamnations qui seront prononcées.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 27 février 2024.

SUR QUOI :

$gt;Sur la demande principale

Soutenant que l'annulation de la décision d'homologation du document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi aux termes de l'arrêt rendu le 24 octobre 2018 par le conseil d'État résultait d'une insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, Madame [B] revendique l'application des dispositions de l'article L 1235-11 du code du travail et sollicite une indemnité pour licenciement nul correspondant à douze mois de salaire.

L'intimée conclut au rejet de la demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L 1235-11 du code du travail aux motifs d'une part que le conseil d'État dans sa décision ne s'est pas fondé sur une insuffisance des mesures du PSE, d'autre part que la supposée insuffisance des mesures du PSE ne peut en tout état de cause être valablement soutenue devant la juridiction prud'homale.

$gt;

L'article L1235-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose : Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul.

En cas d'annulation d'une décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi mentionné à l'article L. 1233-61, la procédure de licenciement est nulle.

Les deux premiers alinéas ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires.

L'article L1235-11 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose : Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

$gt;

En l'espèce, confirmant la décision du tribunal administratif de Lille du 14 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Douai, dans un arrêt du 11 février 2016, a annulé la décision d'homologation du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Nord-Pas de Calais du 18 mai 2015, estimant que les mesures de reclassement contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi élaboré unilatéralement par la société Tel and Com étaient insuffisantes. Par un arrêt du 7 février 2018, le conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 11 février 2016 et réouvert les débats sur la question de la prise en compte des moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe. Par un arrêt du 24 octobre 2018, le conseil d'État a ainsi définitivement statué :

« '2. Considérant que, tant dans leur demande de première instance qu'en défense devant le Conseil d'Etat, Mme [X]...et autres soutiennent que, outre le motif retenu par le tribunal administratif, la décision d'homologation litigieuse est également entachée d'illégalité en raison, d'une part, de ce que les mesures de reclassement prévues par le plan ne sont pas suffisantes au regard des moyens de l'UES Tel and Com et du groupe auquel elle appartient et, d'autre part, de ce que l'administration ne pouvait légalement omettre, dans son appréciation des moyens du groupe auquel appartient l'UES Tel and Com, les moyens financiers dont disposait la société Sarto Finances ;

3. Considérant qu'il incombe notamment à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document fixant, de manière unilatérale, un plan de sauvegarde de l'emploi en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, d'apprécier, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-57-3 du même code " (...) le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe (...) " ; que, pour l'application de ces dispositions, les moyens du groupe s'entendent des moyens, notamment financiers, dont dispose l'ensemble des entreprises placées, ainsi qu'il est dit au I de l'article L. 2331-1 du code du travail, sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, ainsi que de ceux dont dispose cette entreprise dominante, quel que soit le lieu d'implantation du siège de ces entreprises ;

4. Considérant que, pour l'application de cette règle, les sociétés requérantes soutiennent qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2331-4 du code du travail que les sociétés dont l'objet unique est la prise de participation dans d'autres entreprises, sans immixtion dans leur gestion, n'ont pas le caractère de " sociétés dominantes ", au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, et ne font, par suite, pas partie du groupe à prendre en considération au titre de l'article L. 1233-57-3 du même code ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-dessus que le groupe de sociétés auquel fait référence ce dernier article n'est pas nécessairement identique à celui pour lequel l'article L. 2331-1 prévoit la constitution d'un comité de groupe ; que les dispositions de l'article L. 2331-4 ne sauraient, dès lors, être utilement invoquées pour la détermination du périmètre du groupe à prendre en compte dans l'évaluation du caractère suffisant d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 233-1 du code de commerce : " Lorsqu'une société possède plus de la moitié du capital d'une autre société, la seconde est considérée (...) comme filiale de la première " ; qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que la société Squadra, qui fait partie de l'UES Tel and Com et qui contrôle les sociétés Tel and Com et L'enfant d'aujourd'hui, était, ainsi que le soutiennent les défendeurs, détenue à 100 % par la société Sarto Finances à la date de la décision litigieuse ; que les sociétés Squadra et Sarto Finances étaient d'ailleurs dirigées par la même personne ; que, par suite, les moyens financiers dont disposait la société Sarto Finances devaient, sans qu'y fassent obstacle ni, ainsi qu'il a été dit au point 4, les dispositions de l'article L. 2331-4 du code du travail, ni le régime fiscal auquel cette société était soumise, être pris en compte par l'administration pour apprécier, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, la suffisance des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi de l'UES Tel and Com ;

6. Considérant qu'il est constant que l'administration n'a pas tenu compte des moyens financiers dont disposait cette société Sarto Finances ; qu'une telle omission a, par suite, entaché d'illégalité la décision d'homologation litigieuse du 18 mai 2015 ;

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans une telle circonstance, de se prononcer sur le bien-fondé du moyen tiré du caractère insuffisant des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Tel and Com et autres ne sont pas fondées à se plaindre de ce que le tribunal administratif a annulé la décision d'homologation litigieuse ;' »

$gt;

Il résulte de ce dernier arrêt que la règle de l'examen prioritaire du moyen tiré de l'absence ou de l'insuffisance du PSE est inapplicable lorsqu'est soulevé et qu'est fondé le moyen tiré de l'absence de prise en compte des moyens du groupe.

Or, c'est précisément le sens de l'arrêt rendu par le conseil d'État le 24 octobre 2018.

Il en résulte que la salariée ne peut utilement soutenir qu'il se déduit des motifs de cet arrêt que le contenu du PSE a été nécessairement jugé insuffisant.

Ensuite, il n'appartient pas à la cour d'apprécier l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi alors que le contrôle du contenu de ce plan relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative.

Partant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté l'application de l'article L 1235-11 du code du travail.

$gt;Sur la demande subsidiaire

L'article L1235-16 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose : L'annulation de la décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 pour un motif autre que celui mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 1235-10  donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

A défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.

$gt;

La société Tel and Com qui s'oppose à l'application de ces dispositions fait d'abord valoir qu'elles sont inconventionnelles en ce qu'elles prévoient la condamnation automatique de l'employeur à verser des dommages-intérêts au salarié, sans conditionner cette condamnation à une quelconque responsabilité de sa part dans l'illégalité du licenciement.

Elle soutient ensuite qu'elle viole l'article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 et l'article 10 de la Convention numéro 158 de l'OIT.

Elle ajoute enfin qu'elle porte une atteinte disproportionnée aux intérêts de l'entreprise en instituant une responsabilité de plein droit et en lui imposant une charge portant une atteinte disproportionnée au regard de ses conséquences sur la situation économique de la société condamnée.

$gt;

Sont tout d'abord inopérants les moyens tirés de la violation de l'article 24 de la Charte Sociale Européenne dès lors que celle-ci n'a pas d'effet direct dans les litiges entre particuliers, sa mise en 'uvre en droit interne nécessitant que soient pris des actes complémentaires d'application. Son invocation ne peut donc conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L.1235-16 du code du travail.

Il ressort par ailleurs des termes de l'article L.1235-16 du code du travail que cette disposition a pour objet d'assurer aux salariés une indemnisation minimale de la perte injustifiée de leur emploi en cas de licenciement non suivi de réintégration.

En effet, en son premier alinéa, cette disposition prévoit que l'annulation de la décision d'homologation donne d'abord lieu, « sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ». Ce n'est qu'à défaut d'une telle réintégration par l'employeur que le salarié a droit à un indemnisation minimale de six mois de salaire.

Cette indemnisation constitue en réalité en vertu de la protection du droit de chaque salarié à obtenir un emploi, une compensation minimale de l'impossibilité pour le salarié de pouvoir poursuivre la relation de travail dans le cadre d'une réintégration et bénéficier des droits qu'il avait acquis.

Elle ne constitue ainsi nullement une sanction de l'employeur et procède d'une conciliation équilibrée entre la protection du droit de chaque salarié à obtenir un emploi et le principe de responsabilité, de sorte que sont inopérants les moyens tirés du caractère punitif de cette indemnisation, de l'absence de faute de l'employeur dans l'annulation de l'homologation du PSE et de l'absence de préjudice du salarié.

La fixation par le législateur d'un plancher d'indemnisation de six mois n'apparaît pas non plus contraire à l'exigence d'une indemnisation adéquate posée par l'article 10 de la convention nº158 de l'OIT, dès lors qu'il s'agit non pas d'une réparation ne tenant pas compte du préjudice réel du salarié, mais d'une protection minimale garantie au salarié en raison du préjudice que la perte injustifiée de son emploi, à défaut de réintégration, lui a causé, à travers la perte de salaire et le temps, fût-il court, nécessaire pour retrouver un nouvel emploi, et ce quelle que soit son ancienneté, le juge conservant en revanche toute latitude pour fixer ou pas une indemnité supérieure en fonction des éléments présentés par le salarié pour établir l'ampleur de son préjudice et des moyens de contestation de l'employeur.

Les dispositions de l'article L.1235-16 du code du travail qui garantit uniquement une protection minimale au salarié, étant ainsi compatibles avec la finalité d'une indemnisation adéquate posée par l'article 10 de la convention nº158 de l'OIT, le moyen fondé sur son inconventionnalité par rapport à cette norme internationale ne peut prospérer.

Sont dès lors également inopérants les moyens tirés de l'inconventionnalité de son application au regard de l'article 10 de la convention de l'OIT, ce contrôle in concreto n'ayant pas lieu d'être puisque l'exigence d'une indemnisation adéquate est respectée, K"javascript:Redirection('LE0000000001-Vigente.HTML#I112720')"\o"Codedutravail"l'article L.1235-16 du code du travail devant donc s'appliquer à tous dans les mêmes termes.

Au regard du droit pour l'employeur de discuter la demande indemnitaire du salarié devant le juge qui conserve un large pouvoir d'appréciation, et du recours parallèle ouvert à l'employeur pour engager la responsabilité de l'État devant les juridictions administratives du fait de l'illégalité de la décision d'homologation, il existe également une conciliation équilibrée entre la protection, à travers cette indemnisation minimale, du droit pour le salarié d'obtenir un emploi et du droit de l'employeur d'accéder à un juge, avec les garanties d'un procès équitable pour défendre ses intérêts.

Sont inopérants à ce titre les moyens tirés de l'absence de l'État au procès prud'homal et des conditions jugées restrictives par la société pour mettre en cause la responsabilité de l'État. En effet, l'objet du litige dont est saisie la cour sur le fondement de l'article L.1235-16 ne porte pas sur la question de la responsabilité de l'Etat dans l'annulation de l'homologation du PSE mais sur l'indemnisation du préjudice du salarié qui est résulté de la perte injustifiée de son emploi à défaut de réintégration par l'employeur, à la suite de cette annulation.

La société Tel and Com ne peut en outre dénoncer une atteinte au principe de sécurité juridique et à l'accès effectif au juge au seul motif que l'employeur n'a jamais la certitude que son recours parallèle contre l'État prospérera alors que les conditions de mise en 'uvre de la responsabilité de l'État sont clairement définies par la loi et de ce fait prévisibles.

La cour n'a au surplus pas le pouvoir d'examiner la conventionnalité, au regard du droit d'accès au juge, de la procédure de mise en jeu de la responsabilité de l'État dès lors que celle-ci relève du juge administratif.

Par ailleurs, il existe concrètement dans l'affaire en cause un juste équilibre entre le droit de propriété de la société Tel and Com au sens du protocole additionnel nº1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la protection du droit pour le salarié d'obtenir un emploi.

En effet, l'indemnisation plancher équivalant à six mois de salaire prévue par l'article L.1235-16 du code du travail ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la société Tel and Com au regard du but poursuivi, compte tenu du préjudice qui est nécessairement résulté pour le salarié de la perte injustifiée de son emploi à travers la perte de salaire et le temps, fût-il court, nécessaire pour retrouver un emploi à défaut de réintégration, sachant qu'est inopérant le moyen tiré de l'existence des autres litiges opposant la société à des salariés, la conventionnalité de l'application de la règle et ce faisant, l'éventuelle disproportion de l'atteinte portée au droit de propriété de la société Tel and Com ne pouvant s'apprécier qu'au regard de l'affaire en cause.

La société Tel and Com prétend que la disproportion résulte de sa situation financière nécessairement dégradée et fragilisée, rappelant qu'elle a définitivement cessé son activité de distribution en raison d'une modification de la structure du marché sur lequel elle évoluait.

Toutefois, sachant que la société existe toujours, aucun élément n'étant donné sur l'évolution de ses activités depuis l'arrêt de son activité de distribution de téléphonie mobile, la société Tel and Com ne précise pas explicitement les données financières qui établiraient que l'octroi d'une indemnité minimale de six mois de salaire porterait une atteinte disproportionnée à son patrimoine.

Comme il a été dit plus haut, cette indemnisation plancher ne fait en outre pas obstacle, sur le recours de l'employeur, à la condamnation de l'État à réparer le préjudice résultant de l'illégalité éventuelle de la décision d'homologation. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucun moyen avancé par la société Tel and Com pour dénoncer le caractère disproportionné ou l'inconventionnalité in abstracto et in concreto de l'article L.1235-16 du code du travail ne peut prospérer.

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À la date de la rupture du contrat de travail, la salariée avait une ancienneté de deux ans et deux mois dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés. Elle ne justifie d'aucun élément sur sa situation postérieure à la rupture du contrat de travail. Partant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité formée par la salariée sur le fondement de l'article L 1235-16 du code du travail à concurrence d'un montant de 13 290 euros.

La salariée ayant accepté le congé de reclassement a bénéficié d'un préavis perçu pendant sa durée correspondant au montant de sa rémunération. Il en résulte que si l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement entraîne la nullité du congé, le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité de préavis et de l'indemnité de congés payés s'y rapportant que sous déduction des sommes reçues à ce titre pendant la durée du congé. Or, tandis que l'employeur justifie de sa participation financière au contrat de sécurisation professionnelle pour un montant de préavis de 5573,20 euros, la salariée ne justifie par aucun élément que le montant des sommes perçues par elle à ce titre soit inférieur à celui auquel elle aurait pu prétendre. Partant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande à ce titre.

$gt;Sur la demande de rappel de salaire et sur la demande d'indemnité de licenciement

Estimant avoir été victime d'une inégalité salariale par rapport à madame [Z], également responsable de magasin qui avait perçu une rémunération supérieure à la sienne, Mme [B] sollicite par ailleurs un rappel de salaire de 1600 euros pour la période de décembre 2014 à juillet 2015.

Or, si Mme [B] prétend qu'elle exerçait des fonctions similaires à celles exercées par Mme [Z], il ressort des pièces produites aux débats qu'outre une ancienneté supérieure à celle de Mme [B], madame [Z] était responsable de magasin au sein du centre commercial Carrefour de [Localité 8] dont l'importance de l'activité justifiait qu'elle ait été engagée au coefficient 260 N6 tandis que Madame [B] qui exerçait son activité au sein du centre commercial géant Casino du [Adresse 4] à [Localité 6] avait était engagée au coefficient 240X5 si bien qu'il existait, outre l'existence d'une ancienneté supérieure, une justification objective de la différence de rémunération entre les deux salariées qui n'étaient ainsi pas dans une situation identique. Aussi, le jugement sera-t-il infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaire formée par Madame [B] à ce titre.

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Ensuite, compte tenu de ce qui précède, et tandis qu'à l'occasion de la rupture du contrat de travail la salariée a perçu une indemnité légale de licenciement de 891,01 euros, elle ne justifie, par aucun élément permettant de faire droit à sa demande d'un complément d'indemnité licenciement.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande à ce titre.

$gt;Sur les demandes accessoires

La remise des documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt étant de droit, il convient de l'ordonner, sans pour autant au prononcé d'une astreinte à ce titre.

Le remboursement des indemnités de chômage ne pouvant être ordonné que dans les cas de nullité du licenciement visés à l'article L 1235-4 du code du travail, lequel ne mentionne pas l'article L 1235-16 du code du travail, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a écarté l'application des dispositions résultant de ce texte au présent litige.

Compte tenu de la solution apportée au litige, la société Tel and Com supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles, et elle sera également condamnée à payer à la salariée qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de Montpellier le 31 mars 2021, sauf en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaire formée par Madame [B] pour la période de décembre 2014 à juillet 2015 ;

Et statuant à nouveau du seul chef infirmé,

Déboute Madame [B] de sa demande de rappel de salaire pour la période de décembre 2014 à juillet 2015 ;

Ordonne la remise par l'employeur à la salariée de ses documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

Condamne la société Tel and Com à payer à Madame [B] une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Tel and Com aux dépens ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02983
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.02983 ?
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