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21/05/2024 | FRANCE | N°21/05128

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 21 mai 2024, 21/05128


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 21 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05128 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PDYE





Décision déférée à la Cour : Jugement du 06

JUILLET 2021

Tribunal judiciaire de PERPIGNAN

N° RG 16/02880





APPELANTS :



Madame [C] [Y] épouse [H]

née le 15 Mai 1965 à [Localité 2]

Tennis Club du [5]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau ...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 21 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05128 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PDYE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 JUILLET 2021

Tribunal judiciaire de PERPIGNAN

N° RG 16/02880

APPELANTS :

Madame [C] [Y] épouse [H]

née le 15 Mai 1965 à [Localité 2]

Tennis Club du [5]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant

assistée de Me Bernard VIAL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

Monsieur [V] [Y]

né le 27 Décembre 1935 à [Localité 7]

Tennis Club du [5]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant

assisté de Me Bernard VIAL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

Monsieur [E] [Y]

né le 18 Mai 1967 à [Localité 2]

Tennis Club du [5],

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant

assisté de Me Bernard VIAL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A.R.L. IMMOBILIERE [Localité 2] TD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Fabienne FENART, avocat au barreau d'ESSONNE, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 04 Mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 2 avril 1998, Mme [C] [Y] épouse [H], M. [V] [Y] et Mme [L] [J], épouse [Y], ont consenti à la société Immobilière [Localité 2] TD un bail commercial d'une durée de 18 ans, à compter du 1er avril 1998, portant sur un terrain nu situé à [Localité 2] (66), lieu-dit [Adresse 4], moyennant un loyer annuel de 86 000 francs hors taxes, payable en quatre termes égaux de 21 500 francs chacun.

L'acte comportait une promesse unilatérale de vente au bénéfice du preneur, qui devait lever l'option dans les trois mois précédent le terme du bail, soit entre le 1er janvier et le 31 mars 2016.

Le prix avait été fixé à la somme d'un million de francs hors taxes, soit environ l50 000 euros, indexé sur le coût de la construction.

Par lettre recommandée du 23 décembre 2015, la société Immobilière [Localité 2] TD a fait valoir auprès des bailleurs et du notaire sa volonté d'acquérir le terrain, le prix indexé s'élevant alors à 228 139,33 euros. Elle a ensuite réitéré l'exercice de l'option, par courriers des 18 et 25 février 2016.

Par lettre de leur conseil du 23 mars 2016, les consorts [Y] ont signifié un refus de vendre, soulevant la nullité de la promesse, pour vice de consentement et absence de cause réelle et sérieuse.

Par acte d'huissier du 22 juin 2016, la société Immobilière [Localité 2] TD a fait assigner Mme [C] [Y] épouse [H], M. [V] [Y] et Mme [L] [J], épouse [Y], au visa de l'article 1184 § 2 du code civil, aux fins que la promesse unilatérale de vente du 2 avril 1998 soit déclarée régulière, de même que la levée d'option d'achat, au prix de 228 139,33 euros.

Par jugement rendu le 2 juillet 2019, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

Déclaré recevables les demandes formulées par la société Immobilière [Localité 2] TD à l'encontre des consorts [Y] ;

Au fond,

Débouté les consorts [Y] de leur demande en nullité du contrat de bail du 2 avril 1998 ;

Débouté les consorts [Y] de leur demande en résiliation du contrat de bail du 2 avril 1998 ;

Débouté les consorts [Y] de leur demande aux fins d'expertise ;

Déclaré valablement réitérée la promesse unilatérale de vente incluse dans le contrat de bail du 2 avril 1998 ;

Condamné les consorts [Y] au remboursement des loyers payés par la société Immobilière [Localité 2] TD à compter du 1er avril 2016, qui s'imputeront directement sur le prix de vente ;

Ordonné la signature de l'acte de vente dans un délai de trois mois suivant la signification du présent jugement et, à défaut, dit que les consorts [Y] seront redevables d'une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant un nouveau délai de trois mois ;

Fixé la date du transfert de propriété au 1er avril 2016 ;

Condamné les consorts [Y] au paiement des frais relatifs à la vente ;

Condamné les consorts [Y] aux dépens jusqu'ici engagés ;

Condamné les consorts [Y] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Avant dire droit,

Ordonné la production par la société Immobilière [Localité 2] TD, dans le mois de la signification du présent jugement, des contrats de sous-location conclus par elle depuis le 2 avril 1998 et relatifs au terrain sis à [Localité 2], lieu-dit [Adresse 4], sous astreinte de 50 euros par jour faute de déférer à cette injonction dans un délai de trois mois, et pendant un nouveau délai de trois mois ;

Sursis à statuer sur la demande en paiement des consorts [Y] au titre du différentiels de loyers allégués.

La société Immobilière [Localité 2] TD a communiqué les pièces dans le délai imparti.

Mme [L] [J], épouse [Y], est décédée le 28 juillet 2020, laissant à sa survivance son époux, M. [V] [Y], et, pour lui succéder, ses deux enfants, Mme [C] [Y], épouse [H], et M. [E] [Y], lequel est intervenu volontairement à l'instance, en sa qualité d'ayant droit de sa mère.

Par jugement rendu le 6 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

Rabattu l'ordonnance de clôture et fixé la clôture des débats au 4 mai 2021 ;

Donné acte à M. [E] [Y] de son intervention volontaire à la cause en sa qualité d'ayant droit de Mme [T] [L] [F] [J], épouse [Y] ;

Débouté M. [V] [Y], Mme [C] [Y], épouse [H], et M. [E] [Y] de leur demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société Immobilière [Localité 2] TD ;

Condamné solidairement M. [V] [Y], Mme [C] [Y], épouse [H], et M. [E] [Y] à payer à la société Immobilière [Localité 2] TD la somme de 1 200 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné solidairement M. [V] [Y], Mme [C] [Y], épouse [H], et M. [E] [Y] aux dépens ;

Ordonné l'exécution provisoire.

Après avoir rappelé qu'ensuite du jugement du 2 juillet 2019, le tribunal n'était plus saisi que de la demande reconventionnelle des consorts [Y] aux fins de paiement de la somme de 280 071,58 euros au titre du complément de loyer perçu par le preneur, suite à la sous-location de leur terrain, le premier juge a relevé que cette demande, telle qu'elle figurait au dispositif de leurs dernières conclusions, était présentée au visa de l'article L. 145-31 § 3 du code de commerce et de l'article 1240 du code civil, que cependant, dans les motifs de leurs conclusions, les consorts [Y] indiquaient que leur demande n'était plus une demande en paiement de surloyers mais en paiement de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi en raison des fautes commises par le preneur qui les avait injustement empêchés de réclamer ces surloyer, mais qu'en dépit de l'ambiguïté de ce changement de fondement, dont il prenait acte, il devait être retenu que le tribunal était saisi d'une action en responsabilité qui ne pouvait être que de nature contractuelle, excluant de la sorte l'action délictuelle fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil.

Au visa de l'article L. 145-31 § 3 du code de commerce, le premier juge a relevé que les consorts [Y] faisaient valoir que la société Immobilière [Localité 2] TD avait perçu un surloyer à compter de 2006 et qu'ils n'avaient pas pu exercer leur action au motif qu'ils ignoraient l'existence d'une sous-location mais que, toutefois, dans son jugement en date du 2 juillet 2019, le tribunal les avait déboutés de leur demande de résiliation du bail du 2 avril 1998, qui était fondée sur des motifs identiques, en retenant qu'ils ne pouvaient ignorer l'existence de cette sous-location, qu'ainsi, la connaissance de l'existence d'une sous-location ayant été définitivement jugée, ils étaient donc en mesure d'exercer l'action prévue à l'article L. 145-31 § 3 du code de commerce, qu'ils ont toutefois attendu l'instance engagée par la société Immobilière [Localité 2] TD, que si cette dernière aurait dû les aviser de cette sous-location, cette carence ne leur avait toutefois occasionné aucun préjudice, de sorte qu'ils devaient être déboutés de leur demande de dommages-intérêts.

Les consorts [Y] ont relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe du 9 août 2021.

Dans leurs dernières conclusions du 26 février 2024, les consorts [Y] demandent à la cour de :

« Réformer et infirmer la décision rendue ;

Vu les dispositions de l'article 1355 du code civil,

Juger que du fait du jugement du 2 juillet 2019, les consorts [Y] bénéficient de l'autorité de la chose jugée au regard de la recevabilité de leur action ;

Vu les dispositions des articles 1231 et suivants du code civil et L. 145-31 alinéa 3 du code de commerce ;

Juger que la société Immobilière [Localité 2] TD a commis une faute en ne respectant pas les dispositions de l'article L.145-31 du code de commerce et en ne respectant pas les clauses et conditions du bail ;

Juger que cette faute a fait perdre aux consorts [Y] la chance de pouvoir mettre en 'uvre la procédure de l'article L. 145-31 alinéa 3 et, ainsi, de solliciter le paiement d'un surloyer dû résultant du prix de la sous-location ;

Juger que cette perte de chance est équivalente à la totalité des sommes que les consorts [Y] auraient pu recevoir en application de l'article L. 145-31 alinéa 3 du code de commerce ;

Condamner en conséquence la société Immobilière [Localité 2] TD à verser à titre de dommages et intérêts le complément de loyer résultant de la sous-location la somme de 280 071,58 euros, avec intérêts de droit à chacune des échéances annuelles, les intérêts étant capitalisés annuellement selon la règle de l'anatocisme ;

Condamner la société Immobilière [Localité 2] TD à verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Immobilière [Localité 2] TD aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Vial Pech de Laclause Escale Knoepffler Huot Piret Joubes, avocats soussignés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamner, toujours sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le requis à rembourser à la requérante toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge en application des dispositions du décret n° 2001-212 du 8 mars 2001, modifiant le décret 96-1080 du 12 décembre 1996, portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement mis à la charge des créanciers. »

Pour l'essentiel, sur l'autorité de la chose jugée et la recevabilité de leurs demandes, les consorts [Y] estiment que le premier juge a commis une double erreur d'appréciation en concluant au rejet de leurs prétentions indemnitaires au motif qu'ils avaient connaissance de la sous-location.

Ils font valoir, d'une part, que si la décision du 2 juillet 2019 était assortie de l'autorité de la chose jugée, c'était bien au bénéfice de leurs demandes, qu'elles sont ainsi recevables, sans quoi le premier juge n'aurait pas sollicité la communication des baux, d'autre part, que même s'ils ont pu suspecter l'existence d'une sous-location, ils n'en avaient pas la preuve et, surtout, ils n'avaient pas la connaissance du montant de cette sous-location.

Sur les fautes de la société Immobilière [Localité 2] TD, les consorts [Y] estiment qu'elle a contrevenu non seulement aux dispositions de l'article L. 145-31 § 3 du code de commerce mais aussi aux clauses et conditions du bail qui prévoyaient expressément que le bailleur devait être appelé à l'acte de sous-location par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et qu'il n'est pas discuté que la société Immobilière [Localité 2] TD ne les a jamais appelés à l'acte de sous-location et qu'elle ne lui a jamais dénoncé ou porté à connaissance le bail de de sous-location qu'elle avait conclu.

Les appelants soutiennent qu'en l'espèce, il s'agit indiscutablement d'un manquement contractuel, qui engage la responsabilité de la locataire, en application des dispositions de l'article 1231-1 du code civil et que si le premier juge a reconnu ce qu'il appelle une carence, il a toutefois considéré à tort que celle-ci ne lui avait occasionné aucun préjudice.

Les consorts [Y] avancent que si la société Immobilière [Localité 2] TD avait respecté ses obligations, ils auraient eu connaissance du prix du loyer de la sous-location et auraient pu ainsi constater l'existence d'un différentiel, que leur aurait permis de mettre en 'uvre la procédure prévue à l'article L. 145-31, alinéa 3, du code de commerce.

Ils en concluent que la faute ainsi commise est à l'origine d'une perte de chance d'obtenir le paiement du différentiel de loyer résultant du contrat de sous-location conclu.

Sur le préjudice, les consorts [Y] se fondent sur la jurisprudence produite par l'intimée et soutiennent que le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle le bailleur a eu connaissance de l'existence du prix de la sous-location.

Ils estiment que sa conclusion, en 1998, le terrain a été donné en sous-location par la société Immobilière [Localité 2] TD à la société Soredis, qui est locataire de l'immeuble contigu lui appartenant, que 13 janvier 2006, la société Immobilière [Localité 2] TD a loué à la société Jouetland, qui est venue aux droits de la société Soredis, la partie d'immeuble qui lui appartenait et sous-loué la partie qui appartenait aux consorts [Y], faisant l'objet de travaux, moyennant un loyer fixé d'abord à la somme de 190 396,30 euros hors taxes, puis à la somme de 295 174,01 euros hors taxes après finalisation de l'extension, qu'ainsi, après la réalisation des travaux de construction sur la partie d'immeuble leur appartenant, le loyer, qui était initialement, en 2005, de 129 301,90 euros, est passé à la somme de 295 174,01 euros, soit une augmentation de 125 495,01euros.

En considération du rapport d'un expert mandaté par eux et des éléments produits par la preneuse à bail, les consorts [Y] estiment que le surloyer annuel est de 31 119,06 euros, soit depuis janvier 2006 et sans tenir compte de l'indexation jusqu'au 1er janvier 2015, un surloyer de 280 071,58 euros, représentant, selon eux, leur préjudice.

En réplique à l'argument de la société Immobilière [Localité 2] TD, qui soutient qu'il ne s'agirait pas d'un bail commercial puisqu'il était question de la location d'un terrain nu, les consorts [Y] renvoient à l'acte pour constater que c'est la société preneuse qui a qualifié elle-même le bail de bail commercial, que sur ce terrain a été construit un immeuble, de sorte qu'il est bien soumis, de ce fait, aux statuts des baux commerciaux, qu'en outre et quelque soit la définition de ce bail, cela ne l'exonère pas de la faute contractuelle commise et qui résulte du non-respect des clauses et conditions du bail.

Dans ses dernières conclusions du 25 janvier 2024, la société Immobilière [Localité 2] TD demande à la cour de :

« Déclarer la société Immobilière [Localité 2] TD recevable et bien fondée en ses conclusions d'intimée ;

Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Perpignan du 6 juillet 2021, en ce qu'il déboute Mme [C] [Y], M. [V] [Y] et M. [E] [Y] de l'intégralité de leurs demandes et les condamne solidairement à payer à la société Immobilière [Localité 2] TD une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner une nouvelle fois solidairement les appelants à payer à la société Immobilière [Localité 2] TD une somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »

Pour l'essentiel, la société Immobilière [Localité 2] TD estime que dans sa décision du 2 juillet 2019, le tribunal a jugé que « l'absence de concours des bailleurs à l'acte de sous-location ne peut en l'espèce entraîner ni la nullité ni la résiliation du bail », qu'ainsi, elle ne constitue pas une faute. Elle avance que dès lors que cette position n'a pas été contestée par les consorts [Y], elle est devenue définitive et ils ne sont donc plus fondés à invoquer une telle faute et ses conséquences, ni à reprendre le fondement de l'article L. 145-31 al. 3 du code de commerce.

La société Immobilière [Localité 2] TD avance au surplus qu'à la date à laquelle les consorts [Y] ont engagé leur action, ils n'étaient plus propriétaires du terrain en litige et avaient donc perdu toute légitimité à agir.

Elle avance enfin, comme étant constant, que l'action issue des dispositions de l'article L. 145-31 al. 3 du code de commerce, dont elle estime qu'elle doit être engagée devant le juge des loyers commerciaux, n'est ouverte au bailleur que si le locataire est soumis lui-même au statut des baux commerciaux, qu'en l'espèce, l'objet de la location issu de l'acte de 1998 est un terrain nu non constructible, qui n'est donc pas éligible au statut.

Sur le fond, la société Immobilière [Localité 2] TD entend démontrer que le loyer de sous-location n'a jamais été supérieur au loyer principal, et ce en proportion, compte tenu du caractère partiel de la sous-location, exposant que le contrat de bail conclu avec la société Soredis le 1er janvier 1995 portait sur un local commercial d'une superficie de 1 150 m2, édifié sur le terrain lui appartenant, contigu au terrain des consorts [Y], d'une superficie de 3 050 m2, qu'il s'agissait du magasin d'origine avant l'extension, réalisée pour partie sur le terrain des consort [Y].

Elle précise que pour le financement de ce bien, elle était titulaire d'un contrat de crédit-bail et que pendant toute la durée de ce bail et jusqu'au 31 décembre 2005, le sous-locataire a reçu deux factures, une correspondant au loyer du bail visé et une correspondant à la seule refacturation au même montant du loyer des consorts [Y] pour le terrain non encore exploité, en attente de permis de construire, de sorte que pour la période de 1998 à 2005, la demande des consorts [Y] est sans objet.

S'agissant du bail de sous-location conclu avec la société Jouetland, venue aux droits de la société Soredis et établi la 13 janvier 2006, la société Immobilière [Localité 2] TD entend préciser que le terme de sous-location est employé que du fait de l'existence du contrat de crédit-bail immobilier et qu'il ne s'agit que d'un acte de sous-location partielle.

Elle avance que la location s'est poursuivie sur une base de loyer partiellement indexé jusqu'à son terme, au 31 décembre 2014, sans la moindre modification du loyer du terrain des consorts [Y].

La société Immobilière [Localité 2] TD avance qu'ainsi, en pareille situation et dans le cas où le locataire a été autorisé à construire sur le terrain loué, sans accession projetée au profit du bailleur des constructions, on se trouve en présence, d'une part, d'un bail portant sur un terrain et, d'autre part, d'un bail portant sur un immeuble. Elle soutient, visant la jurisprudence en la matière, que les baux n'ayant pas le même objet, il en résulte que le second ne saurait être considéré comme un sous-bail du premier.

Au final, elle estime que le terrain des consorts [Y], classé initialement terrain agricole, lors de sa location en 1998, n'a jamais fait l'objet d'une sous-location à un montant de sous loyer supérieur au leur.

Sur le résultat de l'expertise produite par les consorts [Y], la société Immobilière [Localité 2] TD avance que l'expert n'a pas tenu compte des précédents développements, de sorte qu'elle doit être écartée.

Au final, quel que soit le fondement, la société Immobilière [Localité 2] TD estime que la demande de dommage et intérêts des consorts [Y] n'a aucune justification juridique, en fait et en droit, de sorte que le jugement du tribunal judiciaire de Perpignan du 6 juillet 2021 doit être confirmé dans tout son dispositif.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 4 mars 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 25 mars 2024 pour y être plaidée.

MOTIFS

1. Sur l'autorité de la chose jugée et la recevabilité des demandes des consorts [Y]

La cour relève que l'action engagée par les consorts [Y] est fondée sur le manquement commis par la société Immobilière [Localité 2] TD, avancé comme consistant, au cas d'espèce, en le fait de ne pas avoir porté à leur connaissance l'existence d'une sous-location, même s'ils la suspectaient, surtout, de ne pas les avoir informés du montant de cette sous-location.

A ce titre, si le premier juge a bien relevé que dans les motifs de leurs conclusions, les consorts [Y] indiquaient que leur demande n'était plus une demande en paiement d'un surloyer mais en paiement de dommages- intérêts, en réparation du préjudice subi en raison des fautes commises par la société Immobilière [Localité 2] TD, qui les avait injustement empêchés de réclamer ce surloyer, et a relevé par ailleurs, à juste titre, que dans son jugement du 2 juillet 2019, le tribunal les avait déboutés de leur demande de résiliation du bail du 2 avril 1998, fondée notamment sur les dispositions de l'article L. 145-31 § 3 du code de commerce, au motif qu'ils ne pouvaient ignorer l'existence de la sous-location, ce qui est définitivement jugé et qui a autorité, de sorte que les consorts [Y] ne seraient plus en possibilité de poursuivre une action en résiliation de bail, il n'en demeure pas moins qu'ils sont fondés à considérer qu'ils ont pu subir préjudice du fait de ne pas avoir été placés en capacité de demander le paiement d'un surloyer et, surtout, considérer que ce droit leur a déjà été reconnu par le jugement précité puisque qu'il a, avant dire droit, ordonné à la SARL Immobilière [Localité 2] TD la production des contrats de sous-location conclus par elle depuis le 2 avril 1998 et sursis à statuer sur la demande en paiement des consorts [Y] au titre du différentiel de loyers.

Il s'ensuit que le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a débouté les consorts [Y] de leur demande de dommages-intérêts et il sera statué sur leurs prétentions indemnitaires.

2. Sur les prétentions indemnitaires des consorts [Y]

Il est constant que le bail en litige prévoyait que « Conformément à l'article 21 alinéas 2 et 4 du Décret du 30.09.1953, le bailleur sera appelé à l'acte de sous-location par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (') » et il n'est pas discuté que la SARL Immobilière [Localité 2] TD n'a jamais appelé les consorts [Y] à l'acte de sous-location, ni ne leur a jamais dénoncé ou porté à connaissance le bail de sous-location qu'elle avait conclu, ce qui constitue un manquement contractuel qui engage la responsabilité de la SARL Immobilière [Localité 2] TD.

Ainsi, à défaut de pouvoir connaître, non pas l'existence de la sous-location mais son prix, les consorts [Y] ont été privés de la possibilité de réclamer un réajustement du loyer, subissant ainsi préjudice dont ils demandent réparation.

Ce manquement ainsi commis par la SARL Immobilière [Localité 2] TD doit donc être retenu comme une perte de chance pour les consorts [Y] d'obtenir le paiement du différentiel de loyer résultant du contrat de sous-location conclu.

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts et s'agissant du point de départ du délai de prescription, il s'agit de la date à laquelle le bailleur a eu connaissance de l'existence du prix de la sous-location, de sorte que la demande des consorts [Y] n'est nullement prescrite puisqu'ils ont eu connaissance de ce prix après que la SARL Immobilière [Localité 2] TD a communiqué les contrats de sous-location, faisant suite au jugement avant dire droit rendu le 2 juillet 2019.

Sur l'évaluation du préjudice, il est rappelé que le préjudice de perte de chance ne se répare pas intégralement mais se limite à une certaine somme, correspondant à la seule chance perdue, et dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond.

Suivant ce principe et au cas d'espèce, en considération du rapport Tarbouriech, qui détermine bien la quote-part du sous-loyer afférente au seul terrain donné à bail, prenant ainsi en compte que la construction restait la propriété de la SARL Immobilière [Localité 2] TD sur toute la durée du bail, et qui conclut à un surloyer de 31 119,06 euros par an, des observations faites par cette dernière tant sur ce rapport que sur la nature du bail en litige, qui doit être retenu comme étant bien un bail commercial puisqu'elle a consenti que le terrain qu'elle a pris à bail et sur lequel devait être édifiée une construction soit soumis à ce statut, mais aussi en considération des pièces versées au débat et de l'antériorité du bail en litige, la cour évalue le préjudice en résultant à la somme de 100 000 euros, qu'elle limite toutefois à 95 %, soit une indemnisation de la perte de chance pour les consorts [Y] d'obtenir le paiement du différentiel de loyer résultant du contrat de sous-location à retenir pour la somme de 95 000 euros, que la SARL Immobilière [Localité 2] TD sera condamnée à leur payer à ce titre, sans qu'il n'y ait lieu à capitalisation des intérêts.

3. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Immobilière [Localité 2] TD sera condamnée aux dépens de l'appel, avec droit de recouvrement direct au bénéfice des avocats qui peuvent y prétendre.

La SARL Immobilière [Localité 2] TD, qui échoue en cause d'appel, sera en outre condamnée à payer aux consorts [Y] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Perpignan, sauf en ce qu'il a débouté M. [V] [Y], Mme [C] [Y], épouse [H], et M. [E] [Y] de leur demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société Immobilière [Localité 2] TD ;

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la société Immobilière [Localité 2] TD à payer à M. [V] [Y], Mme [C] [Y], épouse [H], et M. [E] [Y], la somme de 95 000 euros en indemnisation de leur perte de chance d'avoir pu obtenir le paiement du différentiel de loyer résultant du contrat de sous-location ;

CONDAMNE la société Immobilière [Localité 2] TD à payer à M. [V] [Y], Mme [C] [Y], épouse [H], et M. [E] [Y], la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;

CONDAMNE la société Immobilière [Localité 2] TD aux dépens de l'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/05128
Date de la décision : 21/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-21;21.05128 ?
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