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16/05/2024 | FRANCE | N°21/02508

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 16 mai 2024, 21/02508


ARRÊT n°

































Grosse + copie

délivrées le

à













COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 16 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02508 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6XQ





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE

DEPARTAGE DE BÉZIERS

N° RG F 18/00176





APPELANT :



Monsieur [K] [E]

né le 10 Septembre 1968 à [Localité 7]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Anaïs MEGNINT, avocat au barreau de BEZIERS





INTIMEES :



Me [F] [X] - Mandataire li...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 16 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02508 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6XQ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BÉZIERS

N° RG F 18/00176

APPELANT :

Monsieur [K] [E]

né le 10 Septembre 1968 à [Localité 7]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Anaïs MEGNINT, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMEES :

Me [F] [X] - Mandataire liquidateur de Société SAS NOUVELLE OVALIE

Domicilié [Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Marie camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Eric NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Association L'UNEDIC (DÉLÉGATION AGS, CGEA DE [Localité 8])

Domiciliée [Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES, substitué par Me Arthur CHIOTTI, avocat au barreau de NIMES

Ordonnance de clôture du 19 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport et Madame Magali VENET, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Magali VENET, Conseiller

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [E] a été engagé par la société Servi Route Eurofret, exerçant sous l'enseigne Ovalie Transport, par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, à compter du 10 juillet 2006, en qualité de chauffeur routier, coefficient 150M, conformément à la Convention Collective Nationale des Transports Routiers.

Le 1er juillet 2014, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société Ovalie Servi Route.

Le 19 janvier 2016, le tribunal de commerce de Toulouse a arrêté un plan de redressement.

Le 02 février 2017, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé la liquidation judiciaire de la société Ovalie Servi Route sur résolution de plan.

Le 09 mars 2017, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession au profit de la société Nouvelle Ovalie Transport, le contrat de travail de M. [E] y étant transféré.

A la date du transfert de son contrat de travail, M. [E] était en arrêt de travail depuis le 21 novembre 2016 après avoir fait l'objet d'un premier arrêt du 19 juillet au 20 août 2016 dont il soutient qu'il faisait suite à un accident du travail. Cet arrêt s'est prolongé jusqu'à l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail.

Déclaré inapte à son poste, apte à un poste de type administratif, à l'issue de la visite de reprise du 19 juin 2017, M. [E] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 25 juillet 2017.

Par jugement du 11 janvier 2018, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert la procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Nouvelle Ovalie Transport et désigné la SELAS EGIDE, prise en la personne de Maître [X], ès qualités de mandataire liquidateur.

M. [E] a contesté la validité de son licenciement et saisi le 17 avril 2018 le conseil de prud'hommes de Béziers, lequel par jugement de départage du 18 mars 2021, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, a dit n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [E] aux dépens.

Suivant déclaration en date du 19 avril 2021, M. [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

' suivant ses conclusions en date du 17 décembre 2023, M. [E] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes relatives à l'origine professionnelle de son inaptitude et à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, et, statuant à nouveau, de :

Dire et juger que son inaptitude est d'origine professionnelle et que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Nouvelle Ovalie les sommes suivantes :

- 33 397,08 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 057,34 euros à titre de solde sur l'indemnité spéciale de licenciement,

- 4 704,12 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 470,41 euros de

congés payés afférents,

Condamner la SELAS EGIDE, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nouvelle Ovalie à lui remettre un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation destinée à pôle emploi conformes à l'arrêt à intervenir.

Dire et juger que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter du jour de la réception par la société Nouvelle Ovalie de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes celle-ci valant sommation de payer et ce, en application des dispositions de l'article 1344-1 du Code civil.

Fixer au passif la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Déclarer l'arrêt opposable l'AGS.

' aux termes de ses conclusions remises au greffe le 13 octobre 2021, la SELAS EGIDE, ès qualités, demande à la cour de :

Juger que la société Nouvelle Ovalie a respecté son obligation de reclassement,

Juger que le licenciement de M. [E] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Juger qu'il ne justifie pas du caractère professionnel de son accident survenu le 19 juillet 2016 ayant entraîné son arrêt de travail du 20 juillet 2016 au 15 août 2016, et qu'il ne justifie pas du lien causal entre l'accident survenu le 19 juillet 2016 et son second arrêt de travail du 21 novembre 2016 au 26 juin 2017,

Confirmer en conséquence, dans toutes ses dispositions le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Béziers le 18 mars 2021,

Débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes,

Le condamner reconventionnellement à lui payer, ès qualités la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

' Selon ses conclusions remises au greffe le 15 février 2024, l' AGS demande à la cour de :

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Juger le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [E] bien fondé et son inaptitude d'origine non professionnelle.

Débouter en conséquence, M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner M. [E] aux entiers dépens.

En tout état de cause, limiter les avances de créances de l'AGS au visa des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du Code du travail selon les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-17 et L 3253-19 et suivants du Code du travail, et l'obligation de l' AGS de procéder aux avances des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, à la présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et à la justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Par décision en date du 19 février 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction du dossier et fixé l'affaire à l'audience du 19 mars suivant.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées.

MOTIVATION

Sur le caractère professionnel de l'inaptitude :

M. [E] qui soutient que son inaptitude est en lien avec l'accident du travail dont il a été victime le 16 juillet 2016, sollicite le bénéfice des indemnités prévues par l'article L. 1226-14 du code du travail. Il fait valoir que l'employeur ne saurait lui opposer les dispositions de l'article L. 1226-6 du même code, lesquelles énoncent le principe d'une exclusion des règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle survenu ou contractée au service d'un autre employeur, dans la mesure où son contrat de travail a été transféré au profit de la société Nouvelle Ovalie Transport par application de l'article L. 1224-2 du code du travail. Il ajoute justifier que son inaptitude est bien en lien avec l'accident du travail dont il a été victime en juillet 2016 et que l'employeur n'ignorait pas ce lien au jour du licenciement.

La société Nouvelle Ovalie Transport, qui rappelle que selon le salarié il a repris le travail du 16 août au 21 novembre 2016 et qu'il n'a jamais travaillé pour son compte, objecte que l'appelant n'établit pas le caractère professionnel de l'accident du 19 juillet 2016, ni d'une prétendue rechute de cet accident du travail qui aurait justifié son dernier arrêt de travail, en affirmant que le salarié ne produit pas les certificats médicaux et arrêts de travail. Elle considère que les mentions " accidents du travail', qui apparaissent sur divers documents du dossier médical de M. [E] en particulier sur les courriers de l'inspecteur du travail, sont établis sur la foi de la simple déclaration du salarie, sans caractériser en quoi le premier accident serait de nature professionnelle, ni en quoi le deuxième arrêt de travail serait en rapport avec le premier accident.

L'AGS s'associe aux conclusions de l'employeur et soutient que M. [E] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un accident du travail en lien avec l'inaptitude constatée par le médecin du travail le 26 juin 2017.

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

L'article L 1226-14 du code du travail prévoit que le salarié licencié dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L 1226-12 (impossibilité de reclassement suite à une inaptitude professionnelle), a droit à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5 du code du travail ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement, qui sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9 du code du travail.

S'il résulte de l'article L. 1226-6 du code du travail que les dispositions protectrices des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle ne sont pas applicables, en principe, lorsque l'accident est survenu ou que la maladie a été contractée alors que le salarié était au service d'un autre employeur, il est de jurisprudence constante que le transfert du contrat de travail intervenu dans le cadre de l'article L. 1224-1 même code n'emporte pas la perte de ces garanties.

En l'espèce, le salarié communique :

- le certificat initial d'accident du travail dressé le 19 juillet 2016 par le centre hospitalier d' [Localité 5] pour 'contusions multiples, scalp épaule et omoplate gauches, limitation douloureuse épaule gauche', et les certificats de prolongation lesquels mentionnent à compter du 29 juillet également des 'contusions thoraciques par écrasement', (pièce salarié n°16),

- le certificat de rechute d'accident du travail du 21 novembre 2016 et les certificats de prolongation (pièce salarié n°28),

- ses bulletins de salaire d'août 2016 et de décembre 2016 à juin 2017 établis par l'employeur initial, d'une part, et par la société Nouvelle Ovalie Transport, d'autre part, mentionnant un arrêt pour accident du travail (pièces salarié n°27 et 29),

- la lettre du 8 février 2021, par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie atteste de ce que M. [E] a été victime d'un accident du travail en date du 19 juillet 2016 guéri par médecin traitant le 20 août 2016, et qu'une rechute au 21 novembre 2016 a été prise en charge au titre de cet accident du travail suite à l'avis du médecin conseil, rechute considérée comme guérie au 25 juin 2017, à laquelle est joint un bordereau du paiement des indemnités journalières pour accident du travail sur ces deux périodes, (pièce salarié n°7),

- le certificat de guérison rédigé par son médecin traitant au visa des articles L. 441-6, L. 461-5 et L. 433-15 du code de la sécurité sociale attestant des constatations médicales suivantes 'contusion thorax G par écrasement - contusions multiples [...] épaule et omoplate gauches' du 12 mai 2017,

- copie de la correspondance adressée par M. [E] à la société Nouvelle Ovalie Transport aux termes de laquelle il signale notamment une erreur sur son bulletin de paie qui mentionne son 'absence totale pour accident du travail du 1er au 31 mai 2017", alors même que la prolongation de son arrêt pour accident du travail allait jusqu'au 14 mai 2017 et qu'ils avaient convenu qu'il prendrait ses congés payés dans la mesure où il ne pouvait réintégrer son poste sans visite médicale de reprise (pièce salarié n°10),

- l'attestation de suivi du 17 mai 2021 annonçant une 'inaptitude à prévoir - étude de poste à revoir en visite de reprise',

- l'avis d'inaptitude du 26 juin 2017 précisant la nature de l'examen : 'reprise après accident du travail',

- le certificat du 26 juin 2017 par lequel le médecin du travail atteste que l'avis d'inaptitude de M. [E] est susceptible d'être en lien avec l'accident du travail en date du 21 juillet 2016, permettant au salarié de pouvoir solliciter le bénéfice de l'indemnité temporaire d'inaptitude,

- la lettre adressée le 15 juillet 2017 par laquelle le salarié souligne une nouvelle fois le caractère professionnel de son inaptitude,

- la réponse de l'employeur à la demande du salarié de bénéficier des indemnités prévues par l'article L. 1226-14 du code du travail, aux termes de laquelle l'employeur concède expressément que le salarié était au jour du transfert de son contrat de travail 'en arrêt pour accident du travail' sans que cette situation ne lui soit imputable soulignant qu'il est indispensable de considérer que la société Ovalie - Servi Route, qui a cessé d'exister le 8 mars 2017, et la société Nouvelle Ovalie sont 2 entités juridiques totalement distinctes, et que ' [...] vos visites suivantes auprès du médecin du travail qui ont conduit celui-ci à faire une étude de poste et à prononcer votre inaptitude définitive sont bien consécutives à votre accident du travail constaté chez votre précédent employeur'.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [E] non seulement établit que son inaptitude est bien en lien au moins partiellement avec l'accident du travail dont il a été victime le 19 juillet 2016, ce dont son employeur avait parfaitement connaissance au jour de son licenciement, mais que ce dernier lui opposait alors les dispositions de l'article L. 1226-6 du code du travail, ce qu'il ne fait plus devant la cour d'appel, ni davantage l' AGS.

La preuve étant rapportée par M. [E] que son inaptitude est au moins partiellement en lien avec l'accident du travail dont il a été effectivement victime le 16 juillet 2016, et que l'employeur avait parfaitement connaissance de ce lien au jour du licenciement, l'appelant est bien fondé à solliciter le bénéfice des dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail et sa demande chiffrée n'étant pas discutée, sera accueillie ; la créance de M. [E] sera fixée au passif de la société Nouvelle Ovalie Transport comme suit :

- 5 057,34 euros à titre de solde sur l'indemnité spéciale de licenciement,

- 4 704,12 euros bruts à titre d'indemnité d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis,

En revanche, cette indemnité n'ayant pas une nature salariale, mais indemnitaire, elle n'ouvre pas droit à congés payés ; la demande en paiement de la somme de 470,41 euros au titre des congés payés afférents, sera rejetée.

Sur la cause du licenciement :

M. [E] conteste la validité de son licenciement en soutenant que l'employeur a manqué à son obligation de consulter régulièrement les représentants du personnel, lesquels auraient dû être au nombre de deux, eu égard à l'effectif de l'entreprise, et à son obligation de rechercher une solution de reclassement.

Le mandataire liquidateur conteste toute précipitation de l'employeur dans l'engagement de la procédure de reclassement, soutient avoir régulièrement consulté le médecin du travail et les délégués du personnel et indique verser aux débats le registre du personnel duquel il ressort qu'aucun poste n'était disponible.

Selon l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L'article L. 1226-12 dispose en outre que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

En l'espèce, à l'issue de la visite de reprise du 26 juin 2017, le médecin du travail a déclaré M. [E] inapte à son poste en précisant que 'Les restrictions sur la manutention entraînent une inaptitude au poste actuel. La recherche de poste de reclassement doit s'orienter sur un poste sans contrainte physique telle que port manuel de charges ou effort de tiré-poussé. "

Le 29 juin 2017, la société Nouvelle Ovalie a interrogé le médecin du travail pour avoir des précisions sur les fonctions que M. [E] serait susceptible d'occuper, ainsi que les contraintes éventuelles en terme de conditions de travail et d'aménagement de poste. ( pièce n° 16) L'employeur rappelait l'ensemble des postes disponibles au sein de l'entreprise de manière à permettre au médecin du travail de procéder à une étude et à une proposition d'aménagement de poste. Il demandait au médecin du travail de se positionner sur l'aptitude de M. [E] à pouvoir bénéficier d'une formation lui permettant de tenir un poste adapté, afin de faciliter sa reconversion au sein de l'entreprise. (pièce n° 16)

Alors que le registre du personnel, que la société intimée verse aux débats, contrairement à ce que plaide le salarié, établit l'absence de poste disponible, hormis ceux de chauffeur routier pour lequel M. [E] était inapte définitivement, l'employeur a sollicité des sociétés de transports par courriers des 30 juin 2017 sur une éventuelle possibilité de reclassement de M. [E]. Ces demandes de reclassement rappellent par ailleurs expressément les restrictions et préconisations du médecin du travail. Deux réponses négatives ont été réceptionnées par l'employeur (pièces employeur n°12 et 13).

La société Nouvelle Ovalie Transport justifie de la consultation de M. [R], délégué du personnel le 7 juillet 2017. Le salarié critique cette consultation dès lors qu'il n'est pas justifié de la consultation de deux délégués du personnel titulaires et de 2 délégués suppléants, dont il soutient que la société Nouvelle Ovalie Transport aurait dû être dotée compte tenu de son effectif. En l'état de la consultation de M. [R], délégué du personnel titulaire, qui a notamment relevé que les postes administratrifs sont pourvus, et l'impossibilité d'un reclassement, il sera jugé que l'employeur a satisfait à son obligation sur ce point.

L'employeur n'a pas attendu la réponse du médecin du travail pour engager la procédure de licenciement. Pour autant, et alors que le médecin du travail a mis 3 semaines pour adresser sa réponse à l'employeur aux termes de laquelle il précisera que 'concernant les postes de reclassement adaptés, il ne pourrait s'agir que de postes de types administratifs donc hors roulants et atelier', ce fait ne caractérise pas une précipitation dans l'engagement de la procédure ni le caractère déloyal de la recherche de reclassement.

Certes, à juste titre, le salarié objecte que l'employeur ne pouvait se prévaloir des réserves qu'il avait émises en mai 2017 sur le fait d'être à l'avenir basé en région toulousaine, en soulignant qu'il avait toujours travaillé sur [Localité 6], celles-ci étant été exprimées avant que le médecin du travail ne le déclare inapte et en dehors de toute procédure de licenciement. Pour autant, et en toute hypothèse il résulte du registre du personnel, que l'employeur ne disposait d'aucun poste vacant, conforme aux capacités restantes du salarié, susceptible de lui être proposé, hormis des postes de chauffeurs poids-lourds pour lesquels il était déclaré inapte.

Par suite le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande tendant à juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande tendant à voir juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il sera ordonné au représentant de la société liquidée de délivrer au salarié une attestation pôle emploi conforme mais pas de bulletin de paie à défaut pour la cour d'accorder au salarié une demande salariale.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour en ce qu'il a débouté M. [E] de ses demandes en paiement des indemnités prévues par l'article L. 1226-14 du code du travail,

et statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés,

Fixe ainsi que suit la créance de M. [E] au passif de la société Nouvelle Ovalie Transport :

- 5 057,34 euros à titre de solde sur l'indemnité spéciale de licenciement,

- 4 704,12 euros bruts à titre d'indemnité d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [E] de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés sur l'indemnité d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis,

Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,

Donne acte à l'AGS de son intervention et de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en 'uvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L. 3253-8 , L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail et du fait qu'elle n'est pas tenue à garantir la somme allouée au titre des frais irrépétibles,

Ordonne la remise par la SELAS EGIDE, ès qualités de remettre à M. [E] une attestation Pôle-emploi conforme à la présente décision.

Confirme le jugement pour le surplus,

Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Naïma Digini, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02508
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;21.02508 ?
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