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16/05/2024 | FRANCE | N°21/02468

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 16 mai 2024, 21/02468


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 16 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02468 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6U6





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMME

S - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F18/00353





APPELANTE :



Madame [A] [X]

née le 10 Juin 1963 à [Localité 5]

de nationalité Française

Domiciliée [Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Marianne SARDENNE, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Elsa VIDAL, avocat...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 16 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02468 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6U6

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F18/00353

APPELANTE :

Madame [A] [X]

née le 10 Juin 1963 à [Localité 5]

de nationalité Française

Domiciliée [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marianne SARDENNE, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Elsa VIDAL, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

ASSOCIATION FEDERATION DES ENTREPRISES D'INSERTION LANGUEDOC ROUSSILLON MIDI PYRENEES

Domiciliée [Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Marc GENOYER de la SCP 91 DEGRES AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 19 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport et Madame Magali VENET, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Magali VENET, Conseiller

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [X] a été engagée à compter du 1er octobre 2008 à temps partiel (14 h/semaine) en qualité de Directrice de l'Union Régionale des Entreprises d'Insertion du Languedoc Roussillon, devenue ultérieurement la Fédération des Entreprises d'Insertion du Languedoc Roussillon Midi Pyrénées (ci-après l'association ou la Fédération des entreprises d'insertion).

Par suite d'avenants successifs, et au dernier état de la relation de travail, Mme [X] était employée à temps plein depuis le 23 décembre 2015, moyennant un salaire mensuel brut de 4 610,72 euros.

Du 26 septembre 2016 au 05 mai 2017, Mme [X] a bénéficié d'un congé individuel de formation pour l'acquisition d'une qualification de gestionnaire d'exploitation oléicole.

A l'issue des congés payés qu'elle a posés, du 08 mai au 24 août 2017, la salariée a repris son emploi de directrice de la fédération.

Mme [H] [Y], qui avait été engagée en contrat de travail à durée déterminée pour la remplacer, a été engagée en qualité de chef de projet en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2017.

Convoquée le 30 novembre 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 décembre suivant et, dans l'attente, mise à pied à titre conservatoire, Mme [X] a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 22 décembre 2017.

Arguant avoir subi un harcèlement moral et reprochant parallèlement à son employeur d'avoir manqué à son obligation de résultat, la salariée a saisi le 12 avril 2018 le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'entendre prononcer la nullité du licenciement et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 15 mars 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit que Mme [X] n'a pas subi d'agissements de harcèlement moral,

Dit que la Fédération des entreprises d'insertion n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité,

Dit que le licenciement pour faute grave est parfaitement fondé,

Déboute Mme [X] de l'intégralité de ses demandes et la Fédération des entreprises d'insertion de ses demandes reconventionnelles.

Laisse les dépens de l'instance à la charge des parties.

Suivant déclaration en date du 16 avril 2021, Mme [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

' suivant ses conclusions en date du 13 juillet 2021, l'appelante demande à la cour de réformer le jugement, et statuant à nouveau de :

Juger que la Fédération des Entreprises d'Insertion Occitanie Pyrénées Méditerranée a commis des actes de harcèlement moral répétés, voire prémédités à son égard, qui ont engendré une dégradation de ses conditions de travail, compromis son avenir professionnel et au final, dégradé son état de santé, et qu'elle a manqué à son obligation de sécurité envers elle,

Juger que le licenciement ne repose pas sur une faute grave et est nul, à titre principal, et dépourvu de cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,

En conséquence,

Condamner la Fédération des entreprises d'insertion à lui verser les sommes suivantes :

- 14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et

de prévention,

- 4 574,97 euros à titre de rappel de salaires correspondant à sa mise à pied conservatoire du 1er au 22 décembre 2017, outre 457,49 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 207,95 euros bruts à titre de rappel de salaires correspondant à sa journée du 30 novembre

2017, outre 20,79 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 13 990,35 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 399,03 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 22 093,08 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 55 961,40 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement suite au harcèlement moral subi ou subsidiairement 32 971 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 77,51 € bruts à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés.

- 157,70 € bruts à titre de rappel de salaires à titre de la RIS de décembre 2017, outre 15,77 € bruts au titre des congés payés afférents,

Assortir les condamnations de nature salariale et l'indemnité de licenciement des intérêts au taux légal, avec anatocisme, courants depuis la saisine du Conseil de prud'hommes et les condamnations indemnitaires des intérêts au taux légal, avec anatocisme, courants depuis le prononcé de l'arrêt à intervenir,

Condamner la Fédération des entreprises d'insertion à lui remettre des documents de fin de contrat rectifiés (certificat de travail, solde de tout compte, attestation pôle emploi) conformes, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, courant à compter de la notification du jugement à intervenir,

Condamner la Fédération des entreprises d'insertion Occitanie Pyrénées Méditerranée aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

La condamner à la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

' aux termes de ses conclusions remises au greffe le 4 octobre 2021, l'association intimée demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner Mme [X] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des articles 1240 du code civil et 559 du code de procédure civile, outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par décision en date du 19 février 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction du dossier et fixé l'affaire à l'audience du 19 mars suivant.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral :

Mme [X] critique la décision entreprise en ce que le conseil a fait une appréciation erronée des dispositions légales et n'a examiné que '3 des éléments qu'elle invoque, à savoir l'élaboration d'une proposition d'organisation RH non retenue, la suppression du bureau individuel, les contraintes d'accès à la messagerie, sans prendre en considération l'ensemble du contexte avec la mise en place notamment d'un audit social RH pour décrédibiliser la concluante ou chercher des erreurs de gestion, le recrutement d'une personne en doublon, devenue bras droit du Président, sans rattachement hiérarchique à elle, nonobstant son statut de directrice, avec attribution d'une partie de ses fonctions, l'absence de dialogue avec le Président, pourtant son interlocuteur privilégié, des critiques injustifiées sur son travail, la mise à l'écart des projets et surtout l'impact de ces trois mois de conditions de travail particulièrement dégradées, sur son état de santé'.

La Fédération des entreprises d'insertion qui conteste tout agissement harcelant, fait valoir que l'analyse de la salariée est empreinte d'une grande subjectivité, que les 65 pages de ses conclusions n'emportent guère la conviction. Elle considère que 'ses doléances multiples sont diffuses dans un amas d'informations dépourvues de toute pertinence'. Elle demande donc à la cour de confirmer la décision entreprise de ce chef.

En application des articles L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon les dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait, précis et concordants, constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il convient de reprendre les différents éléments invoqués par la salariée au soutien du harcèlement moral qu'elle dénonce :

A - s'agissant des constats à la reprise du travail à la fin du mois d'août 2017, à l'issue de ses congés payés pris dans le prolongement de son congé formation :

1. La salariée justifie par des échanges de mails qu'à l'approche de la fin de son congé formation, elle a rencontré le président de la structure et qu'elle a élaboré, en liaison avec Mme [Y], recrutée en contrat de travail à durée déterminée pour la remplacer, une note sur l'organisation des ressources humaines dans la perspective du Conseil d'administration de la Fédération prévu le 1er juin 2017, aux termes de laquelle il convient de relever que l'appelante proposait d'engager définitivement Mme [Y] en qualité de chargée de missions.

2. Les propositions d'organisation qu'elle formulait dans cette note n'ont pas été retenues par le conseil d'administration,

3. Le 23 août 2017, le président a confié à un cabinet d'avocats une note sur les ressources humaines ; aucun élément ne permet d'étayer l'hypothèse formulée par la salariée selon laquelle cet audit était destiné à la décrédibiliser ou à rechercher des erreurs de gestion qui lui soient imputables,

4. S'il est constant que Mme [Y] a été engagée en contrat de travail à durée indéterminée et placée directement sous l'autorité du président, et non sous la sienne, il ne ressort d'aucun élément le 'climat tendu' qui aurait régné entre elles ; ses allégations en ce sens ne sont pas objectivées.

5. Il est également constant qu'une nouvelle assistante administrative a été recrutée durant l'été 2017, en la personne de Mme [M], et que M. [I], chargé de mission, dont Mme [X] affirme sans en justifier que ses relations n'étaient pas bonnes avec Mme [Y] , annoncera sa volonté de quitter l'association.

6. Mme [X] expose encore que la situation de trésorerie est tendue, ce dont elle précise que cela serait habituel en cette saison, et que les relations avec certains financeurs seraient détériorées (Conseils départementaux 11 et 09) en raison de dossiers non transmis dans les temps fin 2016 par Mme [Y] : la salariée qui ne vise aucune pièce dans ses conclusions susceptibles d'étayer ses allégations sur ce dernier point, n'établit pas la matérialité ces reproches.

B - Sur la dégradation de ses conditions de travail, dégradation des conditions matérielles, pressions morales et dégradation de sa santé :

1. Mme [X] établit qu'à son retour, elle ne dispose plus de bureau, lequel a été restitué à REALIS (Conseil régional) et qu'elle travaille dans un espace partagé à 4 employés de 20 m² (pièce n°28), Mme [X] précisant dans ses conclusions que 'le fait que le fait que la Région ait demandé la restitution du bureau en septembre 2016 n'enlève rien au fait que la Directrice remplaçante et le Président n'ont rien fait pour améliorer les conditions de travail qui étaient donc prévues pour 4 personnes dans le même bureau en septembre 2017".

2. Alors qu'il avait été décidé par le conseil d'administration du 29 mars 2016 d'attribuer un véhicule de fonction, cette décision a été annulée le 27 septembre 2016, ce qui l'a conduite à faire ses déplacements avec le véhicule de service partagé avec les autres salariés ; l'employeur expose que la décision d'attribution avait été simplement différée ;

3. Mme [X] affirme sans en justifier ne pas s'être vu mis à disposition un ordinateur par l'association et avoir dû travailler en septembre avec son ordinateur personnel ; les pièces 28 et 32 visées dans ses conclusions n'étayent pas ses allégations. Ce fait contesté par l'employeur n'est pas objectivé.

4. Mme [X] affirme avoir été contrainte de gérer en direct des aspects techniques informatiques, tâches qui étaient confiées à un prestataire informatique dont Mme [Y] avait résilié le contrat en raison de son coût. Elle établit que la demande de réactivation de son adresse professionnelle n'avait pas été faite avant son arrivée (pièce n°86) ; Mme [X] affirme que 'pendant quelques jours, elle n'a pas eu accès au drive partagé des dossiers de la fédération (du fait de l'absence de sa messagerie professionnelle), ni au dossier « administratif 2016 » qu'elle avait créé, avec un accès limité pour elle et le président, auquel elle affirme n'avoir pas eu accès jusqu'à ce que Mme [Y] consente à lui ouvrir les droits d'accès. Mme [X] concède que la pièce de l'employeur C4, mail circulaire qu'elle adresse le 28 août 2017, démontre qu'elle a récupéré à cette date sa messagerie. Enfin, sa pièce n°108 établit que Mme [X] a adressé à Mme [V] du 28 juillet au 7 septembre 2017 des mails pour qu'elle puisse accéder à l'ensemble de ses droits informatiques.

C - Sur le comportement du président de l'association à son égard :

1. Mme [X] indique avoir été reçue en entretien par M. [G] [P] en présence de Mme [Y] et de l'assistante administrative, à l'occasion duquel le président lui a annoncé qu'il avait décidé un audit juridique RH, confié au cabinet d'avocats Alle, et lui a donné pour consignes de se mettre à la disposition de ce dernier. Elle relève dans le rapport d'audit déposé le 26 septembre 2017, que l'auditeur souligne son « attitude parfaitement collaborative ».

La réalisation de cet audit et les remerciements exprimés par l'auditeur à l'endroit de la salariée sont établis.

2. Le président entérine l'embauche en contrat de travail à durée indéterminée de Mme [Y] selon des modalités qu'elle qualifie dans ses conclusions d'anormales (statut cadre, absence de fiche de poste, autorité hiérarchique directe par le président) sans concertation avec elle. Les conditions d'emploi de sa remplaçante, sus décrites, sont avérées.

3. Mme [X] allègue sans fournir aucun élément de nature à étayer ses dires que M. [G] [P] 'a discrédité son travail devant Mme [Y], l'assistante administrative et certains administrateurs et partenaires'.

4. Elle affirme avoir rencontré de vraies difficultés pour rencontrer le Président [G] [P] afin de faire un point régulier, alors que ce dernier voyait très régulièrement Mme [Y] , l'appelante affirmant qu' 'ils sont voisins et se connaissent depuis longtemps'.

L'employeur concède simplement avoir reporté un rendez-vous qu'il avait sollicité en novembre, proposition à laquelle la salariée a accédé en répondant 'ok'.

5. Mme [X] dénonce s'être heurtée 'à des dissimulations d'informations à son encontre : le président ainsi que la Trésorière ont poursuivi, depuis son retour, les relations professionnelles avec Mme [Y] en particulier pour le suivi financier de la structure'.

Aucun élément ne vient étayer ses allégations sur ce point hormis un message de Mme [Y] adressé le 16 octobre 2017 à la conseillère de la Caisse d'épargne par lequel elle demande le déblocage de la 'totalité de la ligne Dailly, soit 15 000 euros supplémentaires'.

6. L'appelante établit que le président de l'association a autorisé Mme [M] le 30 octobre 2017 à utiliser le véhicule de service le temps que son véhicule en panne soit réparé (pièce n°109), Mme [X] étant ce jour là en RTT, du 30 octobre au 2 novembre, ainsi qu'il ressort de ses bulletins de salaire.

7. La salariée dénonce encore des injonctions contradictoires ou très confuses de la part du président :

elle fait valoir à ce titre que :

- M. [G] [P] lui a demandé de suivre le dossier IRIO et de participer aux commissions de travail mais a finalement désigné un autre salarié, M. [J], pour représenter la fédération à IRIO. En réalité, il ressort du message communiqué sous pièce n°42, que Mme [X] communique aux membres du conseil d'administration de la fédération, une proposition consistant à désigner le 27 novembre 2017 M. [B] en tant qu'administrateur et M. [J] en tant que salarié pour siéger au conseil d'administration d'IRIO, lequel devait se tenir le 7 décembre suivant, la salariée indiquant à son président '[T], j'ai eu les statuts. Donc voici le texte de la délibération selon ta demande pour validation avant envoi. Pour le 7 décembre ni toi ni moi n'avons donc à y être, bonne soirée !'. Il n'en ressort pas un ordre/contre-ordre de M. [G] [P] ni davantage qu'elle ait été écartée de l'assistance à ce conseil d'administration.

- le Président de la Fédération lui a demandé de ne pas communiquer à IRIO le nombre de ses adhérents alors que la Fédération est membre d'IRIO. (Pièce 110 - Mail du 26/10/2017 sur mission diagnostic IRIO)

- Revenant sur la décision autorisant Mme [M] à utiliser le véhicule de service le temps de la réparation de son véhicule personnel et affirmant, sans aucune pièce justificative, que Mme [Y] était autorisée à utiliser ce véhicule pour ses déplacements domicile-lieu de travail, Mme [X] affirme que le président lui a demandé de ne pas l'utiliser pour ses déplacements professionnels.

- M. [G] [P] lui a demandé de l'inscrire au congrès de la fédération et aux commissions mais ne s'y est finalement pas rendu : aucune pièce n'est produite à ce titre ;

- le président lui a adressé un message le 1er novembre concernant la gestion des conventions, lui demandant de la « rencontrer rapidement afin de faire un point sur les dysfonctionnements qu'(il) a constaté » (mail du 1 er /11 à 11h05) alors qu'un RDV avait déjà été fixé pour le 10 novembre, ! puis il reporte ce RDV le 14 puis le15 novembre. Ce fait est établi (Pièce 88 - Mail du 1 er novembre 2017 de M. [G] [P] et échanges du 7 novembre 2017) ;

8. sous la qualification de 'réactions professionnelles inappropriées aux situations', Mme [X] reproche à M. [G] [P] de lui avoir adressé sa lettre de démission le 9/10, suite à la situation de crise en octobre 2017 pour l'élection des conseillers fédéraux, en lui demandant de n'en parler à personne (pièce n°13), confidence qu'il aurait partagée à Mme [Y] , ce qui n'est pas contesté par l'employeur.

Mme [X] indique de manière dubitative, qu'il 'semblerait que M. [G] [P] ait intentionnellement tenté de l'isoler dans sa fonction depuis son retour en septembre 2017, et que cet isolement était destiné à la mettre en difficulté et la pousser, soit à une faute dans la gestion administrative et financière de la structure en particulier, soit à la démission'.

Ces affirmations selon lesquelles le président 'préparait son isolement depuis plusieurs mois et qu'il a donné consigne à Mme [Y] de ne pas intervenir, même en appui relativement au remplacement pendant l'été 2017 de l'assistante administrative compétente et expérimentée par une personne en CAE sans formation ni expérience' et qu'il a encore 'négocié le départ en rupture conventionnelle en octobre du chargé de mission en poste à [Localité 6] (alors que celui-ci avait manifesté la volonté de partir bien avant)' ne sont étayées par aucun élément, hormis le contrat conclu par Mme [M] le 25 juillet 2017 avant même la reprise de Mme [X].

Mme [X] allègue encore sans produire aucun élément que depuis son retour à la fédération, en septembre 2017, le comportement de Mme [Y] est empreint d'énervement, d'agressivité verbale et d'attitude accusatrice, voire méprisante et lui a indiqué que le président lui avait dit qu'elle ne reviendrait pas après son CIF et qu'elle s'était donc projetée sur la poursuite de la mission direction de la structure en 2018. Elle affirme enfin que 'très régulièrement lors de ses rencontres de travail avec elle, mais aussi lors de rencontres avec le Président, et sans doute aussi lors des conseils d'administration et peut être aussi auprès des partenaires Mme [Y] a affirmé que Mme [X] est « trop payée », et que le coût de son poste met en péril financier la structure. Ce grief n'est pas avéré.

D - Sur l'altération de l'état de santé de la salariée :

Mme [X] communique son dossier médical personnel, qui fait état 'd'anxiété - stress au travail' en février 2016 à une période non visée par le harcèlement moral et à 'des crises d'angoisse à l'idée de reprise du travail le 29 mai 2017", alors que son stage de formation en oléiculture s'achevait, et le certificat d'arrêt de travail du 30 novembre 2017 coïncidant avec la décision de l'employeur de la convoquer à l' entretien préalable à un éventuel licenciement et de la mettre à pied à titre conservatoire.

Pris dans leur ensemble, les seuls faits ci-avant identifiés comme établis par la salariée, pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande de reconnaissance de harcèlement moral.

Sur l'obligation de sécurité de résultat :

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En vertu de ces textes, l'employeur est tenu à l'égard de son salarié d'une obligation de sécurité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Dès lors que le salarié invoque précisément un manquement professionnel en lien avec le préjudice qu'il invoque, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du respect de son obligation de sécurité à l'égard du salarié.

L'article R. 4121-1 prévoit que l'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3, et l'article R. 4121-2 précise que la mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée 1° au moins chaque année 2° lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail 3° lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie.

À ce titre, Mme [X] invoque la non actualisation du document unique d'évaluation des risques professionnels, l'absence d'entretien annuel, et l'absence de visite médicale de reprise à l'issue de son congé formation.

Toutefois, il ressort des propres éléments qu'elle verse aux débats le Document unique d'évaluation des risques professionnels, validé le 11 février 2016, a bien été actualisé par l'association en novembre 2017 et que Mme [X] a été reçue en entretien d'évaluation le 19 janvier 2016.

Il est constant que l'employeur a accepté la demande de la salariée de bénéficier de son congé de formation en production oléicole. Il ne résulte d'aucune obligation légale que l'employeur soit tenu d'organiser une visite médicale du salarié au terme de son congé de formation.

Non seulement, la salariée ne soutient pas avoir attiré l'attention de l'association sur une quelconque difficulté médicale ou relative à ses conditions de travail, de sorte qu'aucune alerte à ce titre n'a été portée à la connaissance de l'employeur, mais le 3 octobre 2017 Mme [X] indiquait à M. [G] [P] qui l'interrogeait sur ses conditions de reprise :

« Echanges sains. Pas de tabous. On arrive à se dire les choses. On évolue chacune pas à pas. On est sur de la construction. Je n'ai pas d'inquiétude sur la réorganisation mais je reste vigilante sur les postures ou décisions du CA ou de certains administrateurs vis-à-vis de moi sur la remise en cause du contrat salaire etc. qui me mettrait en posture défensive et non plus constructive. Pour l'heure tout va bien. Je te fais rapidement un relevé de décisions de la commission d'hier » (Pièce salariée 63)

Il en ressort que la Fédération des entreprises d'insertion rapporte la preuve du respect de son obligation de sécurité vis-à-vis de Mme [X]. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef.

Sur la cause du licenciement :

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

« [...] je vous ai exposé les griefs à l'appui desquels j'envisageais de procéder à votre licenciement. En réponse, vous vous êtes contentée de répondre que vous réfutiez tout, sans apporter la moindre explication, ni apporter le moindre développement.

Après réflexion et délibération du conseil d'administration le 15/12/2017, il a été décidé de prononcer votre licenciement. Les motifs sont les suivants :

- accumulation de négligences graves dans la gestion de la trésorerie et des finances de la fédération, ayant conduit à une situation de crise qui aurait pu aboutir à l'état de cessation de paiements en novembre 2017.

- remboursement, avec plus d'un mois de retard, des frais de déplacement du président du mois de septembre 2017 occasionnant pour lui des difficultés de trésorerie personnelle,

- refus ou défaut d'exécution et violation de consignes exprès données par le président ou la trésorière. Pour exemple :

. aucune exécution des consignes du président du 12/09/2017 relative à la promotion de l'activité des entreprises d'insertion avec des élus, du 26/10/2017 relative au projet mission diagnostique IRIO ;

. violation de la consigne du président du 8/10/2017 sur les modalités d'envoi aux administrateurs des informations relatives à la désignation des conseillers fédéraux,

. absence de transmission au président de la demande de congés payés de Mme [Y] en date du 23/10/2017,

- refus de restitution des biens appartenant à la fédération au moment de la notification de votre mise à pied conservatoire le 30/11/2017 et réitération de ce refus malgré mise en demeure,

- accumulation de négligences administratives et juridiques. Pour exemple :

. Vous n'avez pas procédé aux vérifications ou accompli les actions exigées à la suite du rapport d'audit juridique relatif à la gestion du personnel validé par la commission RH, du conseil d'administration le 2/10/2017,

. Vous n'avez pas transmis à l'assureur le constat amiable dressé au moment de l'accrochage que vous avez eu le 11/09/2017 avec le véhicule de service de la fédération.

- établissement et transmission de dossiers de demandes de subvention pour l'année 2018 renfermant des données volontairement erronées sur votre rémunération auprès du Conseil départemental de l' Hérault, de la région Occitanie, et de la Direccte Occitanie, et inexactes pour le conseil départemental de l' Aude,

- défaut de transmission d'une consigne de soutien du projet d'un membre de la fédération auprès du CIAE de l'Hérault de décembre 2017,

- propos anxiogènes et démotivants à l'endroit de Mme [M], salariée de la fédération tenus le 7/11/2017,

- pendant votre mise à pied conservatoire et malgré l'interdiction clairement énoncée dans la lettre du 30/11/2017, vous avez modifié le mot de passe du compte administrateur du service G Suite de la fédération (nom de domaine, adresses de messagerie, stockage, agenda, etc...) Puis avez modifié l'adresse mail de secours permettant de récupérer ce mot de passe en substituant l'adresse [Courriel 7]... à l'adresse [Courriel 8]. Or, la fédération n'a aucun accès à cette adresse. Il est devenu impossible depuis le 7/12/2017 d'administrer notre solution G Suite.

Cette accumulation de fautes pénalise très gravement la fédération anéantit totalement la confiance que nous avions placé en vous, et paralyse le système de gouvernance de la fédération. Elle empêche donc la poursuite de votre contrat de travail et constitue une faute grave privative de tout préavis [...] »

Mme [X] critique la décision entreprise en ce qu'elle a considéré que l'employeur rapporte la preuve d'une faute grave à son encontre. Elle fait valoir que dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'il est établi un manquement constitutif d'une cause réelle et sérieuse la requalification du licenciement emporterait son caractère injustifié dès lors que la convention collective applicable exige que le licenciement pour cause réelle et sérieuse soit précédé de deux sanctions pour être valable.

La Fédération des entreprises d'insertion soutient rapporter la preuve de la faute grave par l'accumulation de manquements à ses obligations professionnelles depuis la reprise du travail.

En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.

Sur la prescription de certains griefs :

L'article L. 1332-4 du même code prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Mme [X] n'est pas fondée à invoquer la prescription des griefs visant sa carence dans l'exécution des consignes du président du 12/09/2017 relative à la promotion de l'activité des entreprises d'insertion avec des élus, du 26/10/2017 relative au projet mission diagnostique IRIO, dès lors qu'il s'agit, ainsi que le plaide à juste titre l'employeur de manquements continus qui lui sont reprochés et se seraient prolongés jusqu'à la date de l'engagement de la procédure de licenciement .

Sur le fond :

' il est reproché à la salariée de ne pas avoir transmis au président la demande de congés payés présentée par Mme [Y], laquelle était placée sous l'autorité hiérarchique de ce dernier, demande validée le 23 octobre par Mme [X] à qui la salariée la lui avait transmise. Alors qu'il n'est pas allégué ni a fortiori justifié que les missions confiées à cette salariée avait donné lieu fiche de postes ni qu'un organigramme avait été établi par le président pour déterminer précisément les responsabilités de chacun, ce reproche n'est ni caractérisé ni sérieux.

' Sur la carence dans les suites à donner au rapport d'audit : Il est constant que le rapport d'audit, remis au président le 26 septembre 2017 a été présenté par l'auditeur à la commission RH, organisée le 2 octobre suivant à laquelle Mme [X] a assisté.

Alors qu'il ressort du message adressé le 18 octobre par la salariée au président (pièce salariée n°91) qu'elle visait dans l'ordre du jour de leur prochain rendez-vous cette question et des suites à donner à cet audit, il n'est pas allégué par l'employeur qu'il lui ait donné une quelconque instruction ou orientation à laquelle la salariée n'aurait pas donné suite.

À l'inverse, Mme [X] expose, sans être contredite par l'employeur, les démarches qu'elle a entreprises relativement aux 3 sujets retenus par la commission RH, à savoir 'proposer aux administrateurs de transformer la commission en groupes de travail d'élus pour approfondir les orientations stratégiques et préciser les priorités', 'prévoir l'intervention d'un avocat pour la mise en oeuvre des préconisations de l'audit' et 'faire l'état des lieux et vérifier les contrats cotisations cadres et notice d'info salariés'.

Ce grief n'est pas établi.

' Mme [X] concède que les données portées sur les dossiers de demandes de subvention 2018 auprès du conseil départemental de l'Hérault, de la région Occitanie et de la Direccte reposaient sur des hypothèses, non encore définitivement arrêtées, mais souligne que ces éléments ont été transmis par le président.

S'agissant des demandes de subventions pour l'année à venir, adressées aux principaux financeurs de l'association, cette dernière ne saurait sérieusement prétendre que M. [G] [P] n'y aurait pas prêté attention.

Alors que Mme [X] fournit des éléments de nature à étayer les hypothèses sur lesquelles elle a travaillées pour chiffrer le budget de l'association, l'employeur est à jeun de fournir le moindre élément de nature à caractériser une quelconque volonté de la salariée de présenter des chiffres erronés.

Ce grief n'est pas établi.

S'agissant de données erronées figurant dans le dossier de demande de subvention adressée au conseil départemental de l'Aude, Mme [X] concède que l'annexe du tableau récapitulatif du personnel comporte des erreurs sur l'ensemble des salaires puisque les montants indiqués dans la colonne des salaires mensuels bruts correspondent au montant total du coût du poste. Elle plaide utilement qu'il s'agit d'une erreur grossière, (dans une annexe et non dans le budget !), qui n'entache pas pour autant la cohérence du budget prévisionnel. Cette simple erreur matérielle ne constitue pas un grief sérieux susceptible de justifier un licenciement.

' sur les propos anxiogènes vis-à-vis de Mme [M].

L'employeur ne vise aucune pièce dans ses conclusions. La salariée s'inscrit en faux. L'association à qui incombe la charge de la preuve ne démontre pas ce grief.

' sur l'inexécution de consignes du président du 12 septembre 2017 relative à la promotion de l'activité des entreprises d'insertion avec des élus et du 26 octobre 2017 relative au projet mission diagnostique IRIO, l'employeur se borne à communiquer ces deux messages aux termes desquels M. [G] [P], en premier lieu, 'propose' à la directrice d'inviter un conseiller régional à lui proposer une visite des locaux et une rencontre avec un député sans date limite, et lui demande si elle pourrait se renseigner si les autres têtes de réseaux ont donné le nombre de leurs adhérents, là aussi sans autre précision que de le tenir informé. Aucune relance ne lui a été adressée à ce titre.

Les reproches qui lui sont fait à ces titres ne sont pas sérieux.

' Il est constant que la salariée n'a pas transmis à la compagnie d'assurance le constat amiable d'un accident matériel survenu le 11 septembre 2017 alors qu'elle utilisait le véhicule de service ; la salariée explique qu'elle attendait, comme il en avait été convenu avec la personne impliquée, que celle-ci la contacte pour lui fournir les références de sa propre assurance et compléter ainsi le constat.

La matérialité de ce grief est établie.

' la Fédération des entreprises d'insertion démontre que malgré des consignes claires et dépourvues d'ambiguïté du 8 octobre 2017 relatives à la consultation des administrateurs sur la désignation des conseillers fédéraux par vote électronique, lui demandant d'adresser aux administrateurs en 'copie cachée' afin d'éviter 'les réponses à tous' (pièce employeur n° D.13.1), la salariée a adressé ce message par un courrier électronique groupé, ce qui a conduit à ce que certains destinataires ont voté en cliquant 'répondre à tous' suscitant ainsi le mécontentement d'un administrateur (pièce employeur n° D.13.6).

Ce grief est démontré.

' alors qu'elle avait été alertée sur l'attention à porter à la trésorerie, par un message de Mme [Y] en date du 20 septembre 2017 (pièce employeur n° D.9.1), et qu'elle concède expressément dans ses conclusions que la période est 'd'ordinaire tendue' sur ce plan, l'association justifie que la directrice n'a pas anticipé le renouvellement de la ligne Dailly dont bénéficiait l'association de 30 000 euros, qui venait à échéance le 31 octobre, renouvellement qui était indispensable à couvrir les besoins en trésorerie de l'association ;

elle établit en outre que destinataire du message de la banque en date du 13 novembre, l'informant du renouvellement de la ligne Dailly, Mme [X] a tardé à s'en préoccuper et a interrogé le 22 novembre Mme [Y] si elle avait suivi la question (pièce employeur n° D.8.1).

Toutefois, la salariée objecte utilement que Mme [Y] intervenait également sur la trésorerie à telle enseigne qu'elle faisait débloquer par message du 16 octobre 2017 de 15 000 euros supplémentaires. (pièce salariée n°51). Compte tenu de cette compétence partagée avec la chargée de mission qui était placée directement sous l'autorité du président, qu'aucune répartition des fonctions entre la chargée de mission et la directrice n'est objectivée par l'association, le renouvellement différé de la convention Dailly ne saurait lui être exclusivement reproché.

À juste titre, la salariée souligne en outre qu'aucun élément probant n'est fourni par l'employeur de nature à étayer le risque prétendument encouru par la fédération d'une cessation des paiements.

Au vu des explications détaillées fournies par la salariée et au bénéfice du doute qui lui profite, il n'est pas démontré par l'association que la salariée aurait par ailleurs négligé de solliciter des versements de subventions.

' la trésorerie ne le permettant pas, les frais exposés par le président pour un montant de l'ordre de 500 euros ont été remboursés avec un mois de retard. Il n'est nullement justifié d'une quelconque difficulté préjudiciable pour M. [G] [P]. Sous cette réserve, ce grief est matériellement avéré.

Il suit de ce qui précède qu'au jour de la mise à pied conservatoire, l'employeur ne rapporte la preuve que de manquements formels de la salariée à ses obligations.

Par ailleurs, il est constant que mise à pied à titre conservatoire, la salariée a refusé de laisser l'ordinateur mis sa à disposition dans les locaux et ce afin, explique-t-elle d'y récupérer des données personnelles qu'elle y avait stockées, plus vraisemblablement, afin de pouvoir préparer sa défense dans le cadre du litige prud'homal qui se profilait.

Outre ce refus de laisser dans les locaux cet ordinateur, et malgré le rappel qui y était porté de 'ne pas accomplir le moindre acte que ce soit pour le compte de la fédération d'utiliser un quelconque des moyens mis à sa disposition pour l'accomplissement de sa mission', l'employeur rapporte la preuve que la salariée a modifié le 07 décembre 2017 le mot de passe du service administrateur du service G Suite de la fédération (Google Suite : nom de domaine, adresses de messagerie, stockage, agenda etc'), puis l'adresse mail de secours permettant de récupérer ce mot de passe en y substituant l'adresse [Courriel 7], dont il est constant qu'il s'agit de son adresse personnelle, à l'adresse professionnelle [Courriel 8]. (Pièces D. 21.1 et D. 21.2.)

Dans l'ignorance de sa mise à pied conservatoire, l'informaticien, informé le même jour par mail automatique de gmail sur la boîte '[Courriel 9]' dont il est administrateur, réacheminera immédiatement ce mail pour info à Mme [X] qui n'allègue pas avoir réagi au message ainsi libellé : votre compte [Courriel 7] est indiqué comme adresse e-mail de récupération pour [Courriel 8]....L'adresse e-mail de récupération de votre compte n'est plus la même. Si vous ne l'avez pas modifiée, nous vous conseillons de vérifier ce qui s'est passé'.

En revanche, il n'est pas établi que cette intervention réalisée par la salariée au mépris de l'interdiction formelle qui lui avait été faite, aurait privé la fédération de toute possibilité d'administrer l'ensemble des services G Suite ni que cette intervention aurait paralysé l'association. Aucun élément probant n'est fourni en ce sens.

La salariée ne conteste pas ce manquement mais indique qu'elle ignorait que son adresse de messagerie était la seule à pouvoir administrer le compte de la fédération et ajoute que nul ne l'a contacté pour lui signaler la difficulté jusqu'au contact avec l'informaticien.

Il en ressort que, ainsi qu'il est reproché par l'employeur dans la lettre de licenciement , Mme [X] a manqué à ses obligations contractuelles et ce de manière réitérée.

Pour autant, alors qu'elle bénéficiait d'une ancienneté de l'ordre de 9 années et que les faits ont été commis dans un contexte spécifique de reprise de son activité après une suspension pendant une année, pris dans leur ensemble les manquements ainsi établis ne caractérisent pas la faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, mais une simple faute constituant une cause réelle et sérieuse.

Par suite le jugement sera réformé de ce chef, et il sera dit que le licenciement reposait, non pas sur une faute grave privative de l'indemnité de préavis et de licenciement, mais sur une cause réelle et sérieuse.

La convention collective appliquée volontairement par l'association énonçant toutefois en son article 5.3 que , sauf faute grave, il ne peut y avoir de licenciement pour faute qu'à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions (avertissement ou mise à pied) ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'absence de sanction préalable emporte en application de cette garantie de fond le caractère injustifié de la rupture et de la mise à pied conservatoire.

Au vu du bulletin de paie de décembre 2017, la demande en paiement de la somme de 4 574,97 euros bruts à titre de rappel de salaires correspondant à sa mise à pied conservatoire du 1er au 22 décembre 2017, outre la somme de 457,49 euros bruts au titre des congés payés afférents sera accueillie.

Les éléments de la cause démontrant que la salariée a bien travaillé le 30 novembre 2017 et qu'elle n'a été mise à pied qu'en fin de cette journée, sa demande de rappel de salaire pour cette journée sera accueillie à hauteur de la somme de 207,95 euros outre, 20,79 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnisation du licenciement :

Au jour de la rupture, Mme [X] âgée de 54 ans bénéficiait d'une ancienneté de 9 ans et 2 mois au sein de la Fédération des entreprises d'insertion qui employait moins de onze salariés. Elle percevait un salaire mensuel brut de 4 663,45 euros, rémunération individuelle supplémentaire (RIS) de 157,70 euros incluse.

Mme [X] ayant le statut de cadre, l'indemnité de préavis, calculée sur la base du salaire mensuel, s'établit à 13.990,35 euros bruts outre 1 399,03 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Calculée sur la base d'une ancienneté au terme du préavis auquel elle avait droit, de 9 ans et 5 mois du salaire de référence, l'indemnité conventionnelle de licenciement sera allouée conformément à la demande chiffrée figurant dans ses conclusions, selon des modalités non discutées par l'employeur, soit 22 093,08 euros : (4.663,45 / 2 x 9) + (4663,45/2 x 5,70/12) = 20.985,52 + 1.107,56 = 22 093,08 euros.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de 2,5 mois de salaire brut et un montant maximal de 9 mois de salaire brut.

Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge de la salariée au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 15 000 euros bruts.

L'employeur justifiant s'être libéré en cours d'instance de l'indemnité compensatrice de congés payés, Mme [X] sera déboutée de sa demande en paiement d'un reliquat de 77,51 euros bruts injustifié.

Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation est de droit lorsqu'elle est demandée en justice.

Il sera ordonné à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat régularisés, mais sans astreinte laquelle n'est pas nécessaire à assurer l'exécution de cette injonction.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral, en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de nullité du licenciement,

L'infirme pour le surplus,

et statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés,

Vu l'article 5.3 de la convention collective applicable, dit que le licenciement qui ne repose pas sur une faute grave est injustifié,

Condamne la Fédération des entreprises d'insertion à payer à Mme [X] les sommes suivantes :

- 4 574,97 euros brut à titre de rappel de salaires correspondant à sa mise à pied conservatoire du 1er au 22 décembre 2017, outre 457,49 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 207,95 euros bruts à titre de rappel de salaires correspondant à sa journée du 30 novembre 2017, outre 20,79 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 13 990,35 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 399,03 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 22 093,08 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 15 000 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié,

Déboute Mme [X] de ses demandes en paiement de la somme de 77,51 euros bruts à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés et de 157,70 euros bruts à titre de rappel de salaires à titre de la RIS de décembre 2017, outre 15,77 euros bruts au titre des congés payés afférents,

Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière,

Ordonne la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.

Rejette la demande d'astreinte.

Condamne la Fédération des entreprises d'insertion à verser à Mme [X] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Naïma Digini, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02468
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;21.02468 ?
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