La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2024 | FRANCE | N°21/02467

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 16 mai 2024, 21/02467


ARRÊT n°

































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 16 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02467 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6U4





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORM

ATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER

N° RG F 16/01717





APPELANTE :



S.A.R.L. CHEZ SAUVEUR

Domiciliée [Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Bénédicte SAUVEBOIS PICON de la SELARL CABINET D'AVOCATS SAUVEBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Caroline GUILLAUME, a...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 16 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02467 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6U4

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER

N° RG F 16/01717

APPELANTE :

S.A.R.L. CHEZ SAUVEUR

Domiciliée [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Bénédicte SAUVEBOIS PICON de la SELARL CABINET D'AVOCATS SAUVEBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Caroline GUILLAUME, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [P] [S]

né le 29 Octobre 1968 à [Localité 5]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Elsa VIDAL de la SELARL VIDAL AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 19 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport et Madame Magali VENET, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Magali VENET, Conseiller

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [P] [S] a été engagé en qualité de préparateur en poissonnerie par la société Chez Sauveur, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 1er mai au 31 octobre 2015 ; la relation salariale s'est poursuivie à compter du 1er novembre 2015 sans contrat écrit.

L'employeur et le salarié ont signé le 28 juin 2016 une 'convention de rupture du contrat'. Toutefois, le formulaire Cerfa de rupture conventionnelle du contrat de travail, transmis à l'administration pour homologation n'a pas été signé par le salarié, qui a déposé plainte pour faux et usage de faux.

Le 22 décembre 2016, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier de diverses demandes aux fins d'entendre prononcer la requalification du contrat de travail à durée déterminée, l'annulation de la rupture conventionnelle emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l'employeur au paiement d'heures supplémentaires, d'une indemnité pour travail dissimulé, d'une indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts.

Par jugement de départage du 16 mars 2021, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

Requalifie le contrat à durée déterminée conclu le 1er mai 2015 en contrat à durée indéterminée,

Dit que la société Chez Sauveur n'a pas payé toutes les heures supplémentaires effectuées par son salarié, a commis un travail dissimulé à l'égard de celui-ci et a exécuté de manière déloyale le contrat de travail,

Dit que la convention de rupture entre M. [S] et la société Chez Sauveur est nulle et de nul effet et que la rupture conventionnelle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamné la société Chez Sauveur à payer à M. [S] les sommes suivantes :

- 2 606 euros nets de CSG et CRDS d'indemnité de requalification,

- 15 623,87 euros de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et 1 562,39 euros de congés payés afférents, en brut,

- 15 623,87 euros nets de CSG et CRDS d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 5 000 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 606 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 260,60 euros de congés payés, en brut,

- 2 000 euros nets de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 1 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la remise par la société Chez Sauveur à M. [S] de son attestation Pôle Emploi conforme au jugement, sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document à compter du 30 jour suivant la notification de la décision,

Rappelle que les condamnations prononcées au profit de M. [S] bénéficient de l'exécution provisoire de droit aux conditions prévues aux articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail sur la base d'un salaire mensuel moyen de 2 606 euros bruts,

Ordonne l'exécution provisoire pour le surplus,

Rappelle que de droit, l'intérêt au taux légal s'appliquera à la date de la saisine concernant les condamnations salariales, à la date de la décision concernant les créances indemnitaires,

Déboute les parties de toutes autres demandes.

La société Chez Sauveur a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue le 16 avril 2021 au greffe de la cour.

' suivant ses conclusions en date du 11 avril 2022, la société appelante demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

Dire et juger qu'aucun rappel d'heures supplémentaires n'est dû à M. [S], que ce dernier a été rempli de l'ensemble de ses droits au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, qu'il était consentant à la rupture conventionnelle de son contrat de travail, que la rupture conventionnelle parfaitement régulière,

Débouter en conséquence M. [S] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire, condamner M. [S] à rembourser l'indemnité de rupture conventionnelle en cas de nullité de la procédure prononcée par la Cour d'appel,

Dans tous les cas, condamner M. [S] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

' aux termes de ses conclusions remises au greffe le 7 septembre 2022, M. [S] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de réformer le jugement sur les quanta des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et pour préjudice moral et absence d'information sur la mutuelle et la prévoyance, et en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre des frais kilométriques, et n'a ordonné la délivrance de son attestation pôle emploi que sous astreinte de 10 euros par jour, et statuant à nouveau de ces chefs, de :

Condamner la société Chez Sauveur à lui payer les sommes suivantes :

- 7 818 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et absence d'information

sur la mutuelle et la prévoyance,

- 1 340,48 euros au titre des indemnités kilométriques,

Ordonner la remise par la société Chez Sauveur de son attestation Pôle emploi conforme au jugement sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la notification à avocat de l'arrêt à intervenir,

Condamner la société Chez Sauveur à lui remettre l'attestation pôle emploi rectifiée sous astreinte de 100 € par jour de retard dans les 15 jours de la notification du jugement à intervenir.

Il demande pour le surplus de confirmer le jugement et de condamner, en tout état de cause, la société Chez Sauveur au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par décision en date du 19 février 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l'instance et fixé l'affaire au 11 mars suivant.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée :

La société critique la décision entreprise en ce qu'elle a accueilli la réclamation de ce chef alors même que la mention du caractère saisonnier du CDD, dans l'intitulé du contrat de travail, relève d'une simple erreur matérielle, le seul motif de recours consistant en celui stipulé au contrat, à savoir l'existence d'un surcroît temporaire d'activité qu'elle indique justifier.

Selon l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L. 1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1 ), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2 ) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3 ).

Aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

Selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6, L. 1242-7, L. 1242-8-1, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13-1, L. 1244-3-1 et L. 1244-4-1, et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus en application des articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.

En application de ces textes, le contrat de travail à durée déterminée ne peut comporter qu'un seul motif.

En l'espèce, le contrat litigieux, intitulé 'contrat de travail à durée déterminée saisonnier', stipule en son article 3 qu'il intervient 'pour pallier un accroissement temporaire d'activité'. Cette présentation qui renvoie à deux des motifs légaux de recours aux contrats précaires, rend le motif que l'employeur invoque imprécis et justifie, à ce seul titre, la requalification pour manquement de l'employeur aux dispositions de l'article L. 1242-2 du code du travail.

Peu important que le contrat se soit poursuivi par une relation contractuelle à durée indéterminée, le salarié est fondé à solliciter la requalification du contrat et le paiement de l'indemnité de requalification que le conseil a justement fixé à la somme de 2 606 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires :

Au soutien de sa demande en paiement de la somme brute de 15 623,87 euros, l'intimé expose avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées. Il indique produire ses horaires sur la période travaillée et considère que l'employeur ne peut prétendre ne pas en avoir été informé, dès lors qu'il travaillait dans le magasin.

La société Chez Sauveur objecte que le salarié ne communique pas d'éléments sérieux de nature à étayer sa réclamation, et qu'il est donc défaillant dans l'administration de la preuve qui pèse sur lui. Elle ajoute que le salarié souhaitait travailler uniquement le matin et organiser son temps de travail sans contrôle compte tenu de sa rémunération importante.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, L. 3171-3 et L. 3171-4 du même code, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, rappel fait que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [S] verse aux débats un tableau détaillé présentant les horaires journaliers qu'il indique avoir accompli précisant les heures de prise et de fin de service ainsi que, le cas échéant, les pauses méridiennes (de 13 ou 14H à 16H) lorsqu'il travaillait également en soirée, ainsi qu'un document les récapitulant à la semaine.

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société objecte que M. [S] ne pouvait débuter à 6H30, alors même que le magasin n'était ouvert aux salariés qu'à compter de 7H30, heure à laquelle le gérant arrivait de la criée de Grau du Roi, avec les poissons. Elle fait valoir qu'à partir d'un moment le salarié a décidé de faire les courses à Métro sur le chemin de son domicile au lieu de travail, et que les horaires des tickets de caisse qu'elle produit ne correspondent pas avec l'heure de prise de service prétendue par le salarié. Elle indique également que le chiffre d'affaires de l'activité traiteur était bien moins importante que celle réalisée par son successeur, M. [R]. Elle relève encore dans le décompte ce qu'elle qualifie d' 'incohérences', le salarié réclamant des heures supplémentaires des jours où le magasin était fermé (29 mars et 17 mai 2016) ou qu'il prétend avoir travaillé, alors qu'il était absent (29 janvier 2016), ou en arrêt maladie (18 juin 2016).

S'agissant de la mention portée sur l'acte de rupture signé par les parties aux termes duquel le salarié reconnaît que les 'heures supplémentaires lui ont été payées', l'employeur soutient qu'il a simplement souhaité faire valoir que les heures supplémentaires effectuées étaient récupérées.

L'employeur verse aux débats diverses attestations de collaborateurs ou anciens salariés de l'entreprise aux termes desquelles, Mme [Z] indique que M. [S] était présent les matins mais jamais les après-midi sauf le vendredi soir pour la dégustation, M. [M] déclare que M. [S] travaillait principalement les matins du mardi au samedi et qu'il gérait lui même ses horaires de travail, Mme [I] qui confirme les propos de Mme [Z] selon lesquels M. [S] ne notait jamais ses horaires sur le cahier réservé contrairement aux autres salariés, et qu'elle même récupérait ses heures supplémentaires.

Alors que deux de ces témoins précisent que M. [S] utilisait son véhicule personnel sur le chemin domicile/lieu de travail pour faire les courses à Métro, force est de relever que l'heure des tickets de caisse produits par l'employeur ne correspond effectivementpas avec les allégations du salarié selon lesquelles il débutait chaque matin à 6H30 ou 7H.

S'agissant des incohérences de date, les éléments invoqués par l'employeur sont peu probants.

La convention de rupture signée par les deux parties, mentionne que le salarié reconnaît que les heures supplémentaires accomplies ont été, non pas 'récupérées' comme le prétend l'employeur mais 'payées' et ce alors même que les bulletins de salaire ne font état d'aucun paiement d'heures supplémentaires.

Le contexte singulier allégué par l'employeur dans lequel les parties ont conclu un CDD, dans l'attente de la constitution d'une société pour développer l'activité de traiteur, projet qui n'a pas été mené à son terme, ne pouvait exonérer l'employeur de son obligation d'assurer le contrôle des horaires de son salarié et de fournir des éléments précis sur les heures effectivement réalisées par M. [S]. Or, alors qu'un cahier était renseigné par les salariés, la société ne fournit pas de fiches horaires le concernant renseignées ou à tout le moins contresignées par l'intéressé, l'argumentation selon laquelle ce dernier 'souhaitait gérer son temps de travail à sa propre guise' étant inopérante.

S'il invoque la récupération des heures supplémentaires accomplies par M. [S], l'employeur ne fournit aucun élément de nature à étayer ses allégations sur ce point.

Au vu de l'ensemble des éléments produits par l'une et l'autre partie, il apparaît que M. [S] a bien exécuté des heures supplémentaires, mais dans une proportion moindre que celle qu'il indique. La créance en résultant sera fixée à la somme de 7 500 euros bruts, outre 750 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Selon l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L8221-5 dispose notamment que, 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur [...] de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales'.

L'incohérence de la mention figurant sur la convention de rupture signée par les parties relativement au fait que le salarié reconnaissait avoir été payé de ses heures supplémentaires et l'absence de toute mention figurant sur les bulletins de salaire relative au paiement d'heures supplémentaires, établit le caractère insincère de ces documents sur les heures effectivement travaillées par le salarié et justifie la condamnation de l'employeur au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, la société appelante ne démontrant pas que cette mention aurait été erronée.

Sur la nullité de la rupture conventionnelle :

Les dispositions relatives à la rupture conventionnelle sont régies par l'article L. 1237-11 du code du travail, qui dispose que l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

L'existence d'un délai de rétractation de quinze jours et l'homologation par l'autorité administrative font partie des garanties de liberté du consentement des parties à la convention de rupture posées par les partenaires sociaux et le législateur. La conclusion d'un accord de rupture, sans respect des dispositions des articles L. 1237-11 et L. 1237-13 du code du travail emporte la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail.

L'article L.1237-13 fait bénéficier aux parties d'un droit de rétractation, à exercer dans un délai de quinze jours calendaires à compter de la date de signature par les deux parties. Par suite, la validité de la convention est soumise à son homologation par l'autorité administrative, l'article L.1237-14 disposant qu'à l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Aussi, seule la possession d'un exemplaire de la convention par le salarié, sur laquelle figurent, outre ses engagements, les modalités d'exercice de son droit de rétractation ainsi que la date d'expiration du délai dont il dispose pour changer d'avis, peut garantir la possibilité réelle pour lui d'exercer son droit de rétractation en connaissance de cause.

Or, en l'espèce, certes l'employeur souligne à juste titre que le salarié a déclaré aux gendarmes, auprès de qui il a déposé plainte pour faux et usage relativement à la signature figurant sur le document Cerfa, que la décision de rompre le contrat de travail avait été 'décidé d'un commun accord'. Il justifie ainsi que les parties se sont rapprochés et se sont accordés sur le principe d'une rupture conventionnelle du contrat de travail laquelle, néanmoins, n'a pas été formalisée conformément aux dispositions légales.

En effet, il est constant en l'espèce que le document Cerfa adressé pour homologation à la DIRRECTE n'a pas été signé par M. [S], mais apparemment par un salarié du cabinet comptable de ce dernier au motif qu'il ne parvenait pas à joindre l'employeur et le salarié. Il s'ensuit que M. [S] n'a pas bénéficié des garanties prévues par la loi lui offrant la possibilité, le cas échéant de se rétracter.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la rupture conventionnelle. La remise des documents de rupture le 2 août 2016, sans remise d'une lettre de licenciement motivée caractérise le licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. [S].

La rupture conventionnelle du contrat de travail étant privée de cause, la demande reconventionnelle de la société Chez Sauveur sera accueillie et M. [S] condamné à rembourser à son ancien employeur la somme de 653 euros versée à titre d'indemnité de rupture conventionnelle. Le jugement sera complété sur ce point.

Sur l'indemnisation de la rupture :

Au jour de la rupture, M. [S] âgé de 48 ans bénéficiait d'une ancienneté de 14 mois au jour de la rupture dans une entreprise employant moins de 11 salariés. Il percevait un salaire mensuel brut de 2 600 euros.

La société ne conteste pas les montants des sommes allouées au salarié conformément à l'article L. 1234-5 du code du travail au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents. Le jugement sera confirmé de ces chefs.

M. [S] justifie s'être inscrit à Pôle-emploi et d'avoir bénéficié de l'allocation de retour à l'emploi du 3 octobre 2016 au 5 septembre 2017 pour un montant global de 16 104 euros.

Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge du salarié au moment de la rupture du contrat et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 3 000 euros.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

A l'appui de sa réclamation de ce chef, M. [S] expose qu'outre la perte de son emploi, il s'est retrouvé à devoir porter plainte contre l'entreprise pour une falsification de documents et fausse signature, ce qui caractériserait l'exécution déloyale du contrat de travail. La société objecte qu'elle n'est pas responsable des agissements d'un salarié de son expert-comptable.

Le salarié invoque également le fait qu'il n'a jamais reçu aucune information relative à la mutuelle

d'entreprise et la prévoyance, ce qui l'aurait conduit, affirme-t-il à continuer à payer la mutuelle qu'il avait déjà soit 142,37 euros par mois, pour un montant total de 2 135,55 euros.

Toutefois, M. [S] communique le justificatif de l'adhésion de Mme [G] [E] à la mutuelle Harmonie Fonction publique, qui ne caractérise pas le préjudice allégué.

Sur les frais :

Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans pouvoir être imputés sur la rémunération qui lui est due.

Il est constant que le salarié a effectué, avec l'accord à tout le moins implicite de l'employeur des courses à Métro, pour des produits nécessaires à son activité de cuisine au volant de son véhicule, au mépris selon l'employeur de ses instructions, sans qu'il ne justifie toutefois d'un quelconque rappel à l'ordre de l'intéressé sur ce point.

Il n'est fourni par le salarié aucun justificatif ni note de frais ni tout autre élément permettant d'évaluer les frais exposés à ce titre,

Peu important que ces frais aient été exposés sur le chemin domicile-lieu de travail, ainsi qu'en attestent deux de ses collègues, en l'absence de toute note de frais détaillée, au vu du nombre de factures et tickets de caisse Métro communiqués par l'employeur, les frais exposés par le salarié seront retenus pour un montant de 500 euros. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef.

La décision ordonnance à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat régularisés et ce sous astreinte, sera confirmée sauf à en limiter la durée à 90 jours.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :

- d'une part, condamné la société Chez Sauveur à verser à M. [S] les sommes de 15 623,87 euros de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et 1 562,39 euros de congés payés afférents, en brut, 5 000 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000 euros nets de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- d'autre part, débouté le salarié de sa demande de remboursement de frais,

- de troisième part, assorti l'injonction faite à l'employeur de délivrer à M. [S] de son attestation Pôle Emploi conforme au jugement, d'une astreinte sans limitation de durée,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société Chez Sauveur à verser à M. [S] les sommes suivantes :

- 7 500 euros bruts à titre d'heures supplémentaires outre 750 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 500 euros de remboursement de frais,

Déboute M. [S] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et absence d'information sur la mutuelle/prévoyance,

Dit que la durée de l'astreinte provisoire de 10 euros par jours de retard passé le délai de 30 jours suivant la notification de la décision, dont est assortie l'injonction faite à la société Chez Sauveur de délivrer à M. [S] l'attestation Pôle-emploi rectifiée, est fixée à 90 jours.

y ajoutant,

Condamne M. [S] à rembourser à la société Chez Sauveur la somme de 653 euros au titre de l'indemnité de rupture conventionnelle privée de cause,

Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire ;

Condamne la société Chez Sauveur à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne la société Chez Sauveur aux dépens d'appel.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Naïma Digini, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02467
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;21.02467 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award