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16/05/2024 | FRANCE | N°21/01831

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 16 mai 2024, 21/01831


ARRÊT n°

































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 16 MAI 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01831 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5PA





Décision déférée à la Cour

: Jugement du 15 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 18/00791









APPELANT :



Monsieur [E] [A]

né le 27 Septembre 1967 à [Localité 7] (93)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Marianne SARDENNE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 16 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01831 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5PA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 18/00791

APPELANT :

Monsieur [E] [A]

né le 27 Septembre 1967 à [Localité 7] (93)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Marianne SARDENNE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

INTIMEE :

S.A.S. URBASER ENVIRONNEMENT

prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social sis,

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentée par Me Nicolas PERROUX de la SCP JUDICIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 29 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 02 mai 2024 à celle du 16 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Engagé le 6 septembre 2010 en qualité de directeur de la division collecte et propreté par la société Urbaser Environnement, filiale du Groupe international Urbaser spécialisé dans l'activité de gestion des déchets, convoqué et mis à pied à titre conservatoire le 13 janvier 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, M. [A] a été licencié pour faute grave par lettre du 30 janvier 2017.

Contestant cette décision, M. [A] a saisi, le 2 août 2018 le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 15 février 2018, le conseil a statué comme suit :

Dit que le licenciement pour faute grave est justifié,

Dit que la rupture brutale et vexatoire du contrat de travail n'est pas établie,

Dit que M. [A] ne peut pas prétendre à une rémunération complémentaire variable pour l'année 2016,

Déboute en conséquence M. [A] de l'intégralité de ses demandes et les parties de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Suivant déclaration en date du 19 mars 2021, M. [A] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui a été notifiée par le greffe le 23 février précédent.

' suivant ses conclusions en date du 18 décembre 2023, M. [A] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

Dire et juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;

Constater que la rupture du contrat de travail est intervenue dans des conditions vexatoires et brutales ;

Condamner en conséquence la société Urbaser Environnement à lui verser les sommes suivantes :

- 94 712,64 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

- 31 570,88 euros à titre de dommages-intérêts en raison des conditions vexatoires et brutales de la rupture du contrat de travail sur le fondement de l'article 1240 du Code civil,

- 16 048,52 euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement sur le fondement de l'article 2.22 de la Convention Collective Nationale des activités de déchets,

- 20 640,06 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article 2.21 de la Convention Collective Nationale des activités de déchets, outre 2 064 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 3 695,69 euros à titre de rappel de mise à pied à titre conservatoire, outre 369,57 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 15 000 euros à titre de rappel de prime variable 2016, outre 1 500 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

Ordonner le report du point de départ des intérêts à la date de la saisine du conseil de prud'hommes sur le fondement de l'article 1231-7 du Code Civil ;

Ordonner la capitalisation judiciaire des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonner l'affichage de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard, l'affichage devant être assuré pendant un mois sur les panneaux réservés aux communications de la Direction ;

Condamner la société Urbaser Environnement à verser à M. [A] la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et débouter la société des demandes formées de ces chefs.

' aux termes de ses conclusions remises au greffe le 17 décembre 2021, la société Urbaser Environnement demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter en conséquence M. [A] de l'intégralité de ses demandes de condamnation pécuniaire à son encontre et de le condamner à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par décision en date du 29 janvier 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l'instance et fixé l'affaire au 28 février suivant.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées.

MOTIFS :

Sur la cause du licenciement :

La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige est ainsi libellée :

« En premier lieu, nous regrettons une grave défaillance de votre part à rechercher de nouveaux marchés de collecte et de nettoiement au profit de notre entreprise.

Pourtant, en votre qualité de directeur propreté, vous devez assurer le développement de cette activité primordiale à la réussite de l'entreprise.

Au cours de l'année 2015, nous avions constaté une absence de dynamisme en ce qui concerne la recherche de nouveaux contrats. Il est objectivement acquis que nous ne postulons pas suffisamment aux appels d'offres, rendant ainsi impossible le développement de notre chiffre d'affaires.

Pourtant, vous aviez parfaitement connaissance des difficultés économiques de l'entreprise, rendant ainsi encore plus cruciale l'acquisition de nouveaux marchés de collecte.

Au cours du premier semestre 2016, nous n'avons eu de cesse de vous alerter quant à la nécessité de répondre à des appels d'offres, en nombre et en qualité suffisants, pour développer notre chiffre d'affaires. Cet impératif a notamment été réitéré à votre attention et avec insistance lors des comités de direction.

Or, aujourd'hui, nous constatons la persistance et même l'aggravation de votre inertie à ce sujet.

En effet, au cours de l'année 2016, le Département dont vous avez la responsabilité a répondu à 16 offres de marché public pour un chiffre d'affaires total de 34 millions d'euros, soit une situation encore dégradée par rapport à 2015, que ce soit en nombre d'offres comme en termes de chiffre d'affaires.

Au 31 décembre 2016, et hormis le renouvellement du marché de collecte de [Localité 9], notre société n'a enregistré aucune réussite significative et a, au contraire, perdu le marché de collecte de [Localité 8].

Cette défaillance grave, continue et inhérente à votre fonction, obère de manière dramatique l'avenir de l'activité Collecte au cours des prochaines années.

En second lieu, nous constatons également que les résultats de l'activité Propreté au 31 décembre 2016 sont très dégradés par rapport au budget que vous aviez proposé et validé à la fin de l'année 2015.

Ainsi, les pertes d'exploitation effectives relatives à l'activité dont vous assumez la responsabilité ont été 2,35 fois plus élevées en 2016 que les pertes prévisionnelles budgétées.

Pourtant, vous avez été sensibilisé à maintes reprises par votre Direction quant à la nécessité d'agir pour mettre un terme aux dérives budgétaires.

Force est de constater que vous n'avez pas pris les mesures attendues.

En troisième lieu, nous regrettons votre attitude dans la gestion des relations sociales avec les salariés et leurs représentants qui ont eu pour effet d'attiser les conflits et saper les efforts du personnel encadrant.

Ainsi, et pour exemple, vous n'êtes pas sans savoir que les salariés de notre établissement de Vitry ont exercé un droit de retrait sous prétexte que trois camions benne présentaient un danger pour leur sécurité. Vous avez alors cru bon de diffuser aux équipes de Vitry (et ce compris l'atelier) un mail insultant les salariés : « c'est de la fumisterie ! Il ne faut pas céder face à ces abrutis ».

Le caractère insultant et véhément de votre message ne fait qu'attiser le conflit social et exposer juridiquement notre société.

En outre, il caractérise un management inacceptable vis-à-vis de nos salariés.

En quatrième lieu, nous regrettons une absence de loyauté de votre part vis-à-vis de l'entreprise entraînant la déstabilisation des équipes.

En effet, compte tenu de sa particulière longévité au poste de Directrice d'exploitation d'Ile-de-France, il avait été convenu avec Mme [I] [H] qu'elle occupe de nouvelles responsabilités dans l'entreprise. Vous aviez souscrit à cette décision en ma présence, et n'avez émis aucune réserve quant à la nomination de M. [V] [W] au poste anciennement occupé par Mme [H].

En revanche, vous avez cru devoir contester auprès de vos collaborateurs la nomination de M. [W], sapant ainsi sa crédibilité à occuper le poste avant même sa nomination.

En outre, et surtout, vous avez pris l'initiative de vous entretenir Mme [H] de ma décision en l'informant d'une part, qu'il s'agissait d'un désaveu professionnel à son égard, et d'autre part, que vous considériez cette mesure comme injuste. Vous vous êtes alors proposé de défendre Mme [H] en contestant une décision à laquelle vous aviez pourtant adhérer.

Ces intrigues ont déstabilisé une salariée dont l'implication et la droiture en toujours été appréciées au sein du Groupe.

Fragilisée par vos dires, elle a démissionné de son poste de travail.

Ainsi, non seulement nous perdons un cadre important dans la structure de notre entreprise, mais ce départ laisse à M. [W] la charge d'assurer la direction effective du Centre sans l'assistance de Mme [H] pendant le délai de 6 mois qui avait été initialement convenu avec elle.

Il va de soi que ce comportement est gravement préjudiciable à l'entreprise et dénote

une déloyauté certaine à l'égard de ses membres.

En cinquième lieu, nous avons découvert que vous organisiez des déplacements injustifiés afin de faire supporter à l'entreprise des frais qui relèvent de l'organisation de votre vie privée.

Plus particulièrement, vous avez engagé des prétendues missions à répétition en fin et début de semaine en région parisienne afin de vous permettre d'y passer le week-end au frais de l'entreprise. Vos déplacements n'avaient aucune justification particulière et n'ont donné lieu à des diligences quasi inexistantes de votre part.

Ces débordements m'ont contraint à refuser le dernier ordre de mission que vous m'aviez présenté dès lors qu'il s'agissait de la répétition de la mission que vous aviez effectuée la semaine précédente, laquelle n'avait déjà donné lieu à aucun compte rendu de votre part'

Compte tenu de l'importance de votre statut dans l'entreprise, il vous appartenait pourtant d'adopter un comportement exemplaire.

Nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité de rupture ».

M. [A] critique la décision entreprise en ce qu'elle a retenu que l'employeur établissait les griefs visés dans la lettre de licenciement en plaidant que ceux-ci sont dénués de fondement, insignifiants ou non démontrés.

La société intimée soutient rapporter la preuve des agissements qu'elle reproche au salarié, lequel, au demeurant, assume délibérément le refus d'exécuter les instructions données par le directeur général de développer les réponses aux appels d'offres.

En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.

En premier lieu, c'est à bon droit que le conseil a écarté le grief tiré de l'organisation de déplacements privés aux frais de l'entreprise. S'il est constant que M. [A] a effectué un déplacement sur [Localité 12] le week end du 06 janvier 2016 pour faire un point d'exploitation avec Mme [H], il n'est nullement démontré qu'il n'aurait passé que quelques minutes seulement dans l'établissement de Vitry et qu'aucun point d'exploitation n'aurait été réalisé par l'intéressé, le seul fait que le salarié n'a pas répondu aux observations du Président directeur général en ce sens à l'occasion du refus du second déplacement sollicité par M. [A] n'étant de nature à prouver les faits allégués par l'employeur sur ce point que le salarié conteste formellement.

En revanche, il ressort des pièces communiquées par l'employeur que nonobstant les instructions réitérées formulées par le directeur général de la société à l'occasion des réunions du Comité de direction de février à mai 2016 tendant au développement des réponses à apporter par les équipes de M. [A] aux appels d'offres, après une année 2015 qui avait vu une diminution des dites réponses par rapport aux années précédentes (17 réponses, soit le nombre le plus faible sur les 5 dernières années) pour un volume de chiffre d'affaires (concerné par ces AO) d'un montant équivalent à celui de 2011, le taux de réussite à ces AO, qui était de 28,6% en 2011 ayant chuté en 2015 à 17,6%, il n'a été finalement répondu qu'à 16 appels d'offres en 2016.

C'est ainsi qu'il résulte des compte-rendus des réunions du CODIR (pièces salarié n°6 à 10) que :

- le 15 février 2016 :

« [Z] [N]-[D] ( président directeur général, ci-après CSJ) demande à [F] [U] (directeur commercial, ci-après BH) et à M. [A] (ci-après SSI) de faire un ciblage sur le court terme pour la remise des offres, car à part la préparation des offres de renouvellement de [Localité 9] et de [Localité 8], le BE (bureau d'études) ne travaille actuellement sur aucune offre nouvelle ».

- le 07 mars 2016 :

« Il revient à BH et à SSI d'être plus agressifs commercialement et de proposer des cibles plus nombreuses (...) CSJ demande donc à BH et à SSI de reconsidérer leur démarche (prospection commerciale, identification de cibles et proposition de ces cibles au Codir) dans ce sens.

CSJ rappelle, comme il l'a fait pour le développement des projets 'Traitement' qu'il importe de répondre à un maximum d'appels d'offres pour espérer pouvoir accroître notre CA dans l'activité Propreté en 2016. Le renouvellement de nos acquis (certes indispensable) est une chose, la conquête de nouveaux marches en est une autre. »

- 04 avril 2016 :

« SSI confirme que chaque ingénieur devrait pouvoir s'occuper de 9 à 10 offres de taille moyenne par an, ratio qui convient à CSJ. Cependant, CSJ ne manque pas de rappeler que cela correspond, avec 4 ingénieurs ETP disponibles pour ces offres (sachant que le service offres compte à ce jour 6 ingénieurs susceptibles de réaliser des offres, y compris [K] [L] et [P] [B] et hors [J]. [X], d'ou un effectif d'environ 4 ingénieurs ETP) à une remise potentielle de 36 à 40 offres par an ! Or, en 2015, UE n'a présenté que 14 offres (en fait 17) que l'on peut considérer de taille moyenne (puisqu'incluant des offres importantes ([Localité 11], [Localité 5]) mais aussi des 'petites' offres), et que lors du premier trimestre 2016, UE n'a véritablement présente qu'une seule offre (celle de [Localité 9], qui, de surcroît, est un renouvellement), ce qui fera si le rythme de remise d'offres ne s'accélère pas, 4 offres remises en fin d'année 2016!

CSJ demande clairement à SSI de prendre en main ce problème, avec une impulsion forte et sans concession auprès de ses équipes, afin que le rythme de presque une offre par mois et par ingénieur ETP soit suivi a partir du mois d'avril.

=$gt; Action urgente et importante de SSi. »

- 18 avril 2016 :

« CSJ rappelle qu'en tout état de cause,

i) le rythme de remise des offres en début 2016 est insuffisant puisque qu'après 3 mois 1/2 , UE n'a remis que l'offre de renouvellement de [Localité 9], et s'apprête tout juste a préparer l'offre de Siredom ; à ce rythme, le chiffre de 17 offres dans l'année (nombre d'offres remises en 2015 qui est pourtant le plus bas depuis le début de l'activité Propreté chez UE) ne sera pas atteint, ni d'ailleurs le chiffre de 50M€/an de chiffre d'affaires remis dans le cadre des offres,

ii) il n'est pas opportun commercialement de ne cibler que des appels d'offres importants (en terme de CA) (...)

iii) il convient de présenter plus d'offres, puisque statistiquement et comme le démontre l'analyse remise par SSI à CSJ, en termes de nombres d'offres gagnées (mais non en termes de CA gagne), plus le nombre d'offres remises est élevé, plus le nombre d'offres gagnées est élevé. »

- le 23 mai 2016 :

« CSJ demande à BH et à SSI d'identifier les A0 qui devraient sortir en août et en septembre afin de définir les cibles dès que possible pour cette période ».

La société communique le témoignage circonstancié de M. [U] directeur commercial qui atteste de l'opposition dont faisait preuve le salarié sur ce sujet :

« Les raisons mises en avant par M. [A] quant à la non réponse à plusieurs appels d'offre sélectionnés en amont étaient la surcharge du bureau d'étude privilégiant le qualitatif au quantitatif ce qui allait à l'encontre de la stratégie définie. Malgré les demandes et les relances formulées à plusieurs reprises par M. [N]-[D], Président directeur général au cours des comités de direction auxquels je participais afin que le taux de réponse soit plus élevé, M. [A] n'a jamais modifie sa position. M. [A] et Mme [J] [X] partageait cette opposition manifeste à la position de M. [N]-[D] et aux décisions prises ».

De manière inopérante, M. [A], à qui il est reproché de ne pas avoir mis en oeuvre les instructions du président directeur général, objecte que l'on ne saurait lui reprocher son attitude dès lors qu'il n'a jamais eu d'objectifs en la matière.

Il fait valoir qu'il a toujours privilégié la qualité à la quantité de réponses aux AO, en accord avec le groupe, sans toutefois être en mesure de justifier par aucun élément probant ses allégations sur ce point. Il justifie sa position par l'intérêt que représenterait pour l'entreprise et le groupe, de privilégier un travail qualitatif du bureau d'études susceptible de majorer le taux de transformation en répondant précisément aux besoins des clients et en limitant le risque de pertes financières pour le Groupe induit par un chiffrage ne reposant pas sur une étude de terrain de nature à entraîner un risque pour Urbaser dans le dimensionnement des moyens.

Cependant, M. [A] ne justifie par aucun élément probant que son approche ait été validée par le Groupe au moment même où le PDG de la société, inquiet du faible nombre d'AO auxquelles la société avait répondu en 2015 et au 1er trimestre 2016, nonobstant le renforcement du bureau d'étude, lui demandait de modifier la méthode de travail qu'il avait jusqu'alors mis en oeuvre, et de faire du quantitatif.

L'attestation de Mme [X], responsable du bureau d'études placée directement sous son autorité et qui a elle aussi rejoint, comme M. [A] les effectifs de la société concurrente Paprec, n'étaye pas les allégations de M. [A] en ce sens.

L'argumentation critique longuement développée par M. [A] dans ses écritures relativement à l'approche quantitative décidée par le PDG est dénuée de pertinence. En effet, il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la politique commerciale décidée par l'entreprise, dans le cadre de l'exercice légitime de son pouvoir de direction.

Il appartenait à M. [A], placée sous l'autorité du PDG et qui n'a émis, à la lecture des compte-rendus des réunions du CODIR aucune réserve ou critique sur la nouvelle orientation décidée par la société sur le traitement des appels d'offres, de mettre en oeuvre cette politique, ce qu'il s'est abstenu de faire, malgré des rappels réitérés de la direction.

Alors même que l'effectif du bureau d'études permettait d'accroître le taux de réponse aux appels d'offres et que le directeur commercial atteste que M. [A] n'a pas donné suite à des appels d'offres sélectionnés en amont, la société Urbaser Environnement rapporte la preuve que le salarié n'a pas mis en oeuvre les instructions de la direction de l'entreprise. Si l'employeur ne saurait sérieusement reprocher à M. [A] l'échec de l' AO de renouvellement de [Localité 8] et celle de [Localité 10], le fait de ne pas avoir donné suite à l'orientation décidée par la direction de l'entreprise à sa politique commerciale, a pu en revanche contribuer aux résultats négatifs enregistrés par la société en 2016, en l'état du faible nombre d'AO traités par les équipes de M. [A], cette situation lui étant en revanche directement imputable.

De ce seul chef, le manquement de M. [A] à ses obligations professionnelles caractérise la faute grave reprochée.

Si la preuve des agissements de déstabilisation de Mme [H], responsable de la région Ile de France, n'est pas suffisamment démontrée par les messages de cette collaboratrice dénonçant à plusieurs reprises auprès de la directrice des ressources humaines le fait que son supérieur la plaçait en porte-à-faux vis-à-vis des représentants du personnel (cf. Messages d'avril 2015 et mai 2016) et qui dans un message du 1er décembre 2016 s'inquiétait des propos de M. [A] l'avisant que le projet de la décharger de certaines responsabilités sur la région IDF au profit de M. [W], constituait un désaveu professionnel, n'est pas parfaitement caractérisée et que la démission de cette collaboratrice puisse lui être imputée, observation faite que M. [A] objecte avoir émis des réserves sur la nomination de M. [W] pour la remplacer et qu'il réfute avoir critiqué vis-à-vis de ses collaborateurs les choix opérés sur ce point par le PDG, sur lesquels la société ne fournit pas de pièce probante. M. [A] affirme par ailleurs avoir simplement indiqué à Mme [H] ne pas avoir été associé à la décision que M. [N] [D] aurait prise de la placer dorénavant sous l'autorité de M. [W] ce qui caractérisait une rétrogradation.

Rappel fait que le doute bénéficie au salarié licencié, il sera jugé que la preuve des 'intrigues' que le salarié aurait entreprises afin de déstabiliser Mme [H] lesquelles seraient à l'origine de sa démission ne sont pas caractérisées.

En revanche, dans le contexte objectivé d'un climat social difficile en région Ile de France, qui avait été évoqué en CODIR, le message injurieux (« C'est de la fumisterie ! il ne faut pas céder à ces abrutis. Si les BOM ne sortent pas ce soir, c'est que nous acceptons leurs arguments au risque de ne plus pouvoir les faire sortir puisque nous aurons crée un précédent. Je pense qu'il faut au contraire les maintenir et forcer les BOM à sortir, quitte à créer une situation de blocage. Appelez moi ») adressé par M. [A] à l'ensemble des destinataires du message circulaire que Mme [H] lui avait fait parvenir en copie, par lequel elle informait les collaborateurs concernés ([Courriel 4]...) parmi lesquels figuraient un délégué du personnel, M. [M], ainsi qu'un représentant du personnel en la personne de M. [T] ([Courriel 6]...), de sa décision de réunir en urgence le CHSCT, ensuite de l'exercice par plusieurs salariés de leur droit de retrait en raison de dysfonctionnements affectant 3 camions, est fautif.

Ainsi que le plaide justement l'employeur, le fait que M. [A] a ajouté à la liste des destinataires du message initial de Mme [H], parmi lesquels figuraient donc, outre les salariés concernés par l'exercice du droit de retrait un représentant du personnel, d'autres destinataires, à savoir MM. [S], [Y], [G] et [R], démontre que le salarié avait nécessairement pris soin avant de renseigner les adresses des personnes à qui il souhaitait adresser sa réponse, les destinataires du message initial et que ce n'est pas par une simple inadvertance qu'il a fait parvenir ses propos injurieux directement aux salariés concernés et aux représentants du personnel.

En l'état des griefs établis, c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que le licenciement reposait sur une faute grave et ont

débouté M. [A] de ses demandes en paiement des indemnités de rupture et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le licenciement vexatoire :

Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi. Il en est ainsi alors même que le licenciement lui-même serait fondé, dès lors que le salarié justifie d'une faute et d'un préjudice spécifique résultant de cette faute.

En effet, indépendamment du caractère justifié ou non d'un licenciement, même par une faute grave, un salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, à condition de caractériser un comportement fautif de l'employeur.

À l'appui de sa demande indemnitaire, M. [A] se borne à plaider que les conditions dans lesquelles il a été licencié, pour des motifs d'évidence fallacieux, mérite l'octroi de dommages intérêts, sur le fondement de l'article 1240 du Code Civil.

Faute pour M. [A] de démontrer l'existence d'une faute dans l'engagement de la procédure de licenciement, M. [A] a été justement débouté de ce chef de réclamation. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel de rémunération variable :

En application de son contrat travail, M. [A] bénéficiait d'une prime variable d'un montant annuel pouvant atteindre 15 000 euros bruts, 'évaluée en fonction de l'atteinte d'objectifs liés à sa fonction de directeur collecte et propreté. Cette rémunération complémentaire variable dépendra des 3 éléments suivants :

- La performance individuelle générale de M. [A], appréciée notamment sur la réalisation des objectifs qui lui seront fixés annuellement,

- Les résultats d'exploitation des centres dont M. [A] avait la charge,

- Les succès commerciaux (nouveaux contrats et renouvellements) évalués à 3 minimum par an.

A l'appui de sa demande en paiement à ce titre, M. [A] expose que l'employeur ne lui aura assigné aucun objectif pour l'année 2016.

La société Urbaser Environnement objecte que le salarié ne peut justifier avoir répondu à l'un quelconque de ces critères.

Il suit de ce qui précède que M. [A] n'a pas appliqué les instructions de la direction générale relativement à la nouvelle politique commerciale et qu'une seule réussite commerciale a été enregistrée au titre du renouvellement du contrat de [Localité 9]. De même, il n'est pas discuté que les résultats d'exploitation des centres dont le salarié avait la responsabilité se sont avérés déficitaires.

Pour autant, faute pour l'employeur d'avoir fixé au salarié ses objectifs annuels pour 2016, nécessaire à l'appréciation de sa performance individuelle au sens de l'article 5 de son contrat de travail, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande et la société condamnée au paiement de la somme de 5 000 euros bruts outre 500 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation est de droit lorsqu'elle est demandée en justice.

Il sera ordonné à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat régularisés, mais sans astreinte laquelle n'est pas nécessaire à assurer l'exécution de cette injonction.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a débouté M. [A] de sa demande de rappel de rémunération variable,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Urbaser Environnement à verser à M. [A] la somme de 5 000 euros bruts au titre de la rémunération variable 2016, outre 500 euros au titre des congés payés afférents,

y ajoutant,

Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date,

Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01831
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;21.01831 ?
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