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16/05/2024 | FRANCE | N°21/01759

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 16 mai 2024, 21/01759


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 16 MAI 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01759 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5LB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE N

ARBONNE - N° RG F20/00101





APPELANT :



Monsieur [F] [D]

né le 08 Juin 1972 à [Localité 8] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représenté par Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS, substitué sur l'audience par Me Eve ...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 16 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01759 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5LB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE - N° RG F20/00101

APPELANT :

Monsieur [F] [D]

né le 08 Juin 1972 à [Localité 8] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS, substitué sur l'audience par Me Eve BEYNET substituant Maître Laurent PORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/000677 du 10/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMES :

Monsieur [X] [W], ès qualités de commissaire au plan de la SARL CHEVILLE LANGUEDOCIENNE

[Adresse 4]

[Localité 2]

et

S.A.R.L. CHEVILLE LANGUEDOCIENNE

Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 3]

Tous deux représentés par représentée par Me Marianne MALBEC de la SELARL CLEMENT MALBEC CONQUET, avocat au barreau de NARBONNE

UNEDIC DELEGATION AGS - CGEA de [Localité 5]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Julien ASTRUC, substitué par Me Eléonore FONTAINE, de la SCP DORIA AVOCATS, avocats au barreau de MONTPELLIER,

Ordonnance de clôture du 06 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [D] a été engagé le 13 janvier 2020 par la SARL Cheville Languedocienne, en qualité de chauffeur, boucher, magasinier, niveau III échelon 2 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet régi par la convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces de gros de viandes, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1674 euros pour un travail hebdomadaire de 35 heures, soit 151,67 heures mensuelles.

Le contrat prévoyait une période d'essai de deux mois, expirant le 12 mars 2020, renouvelable une fois, à définir par avenant.

Le 04 mars 2020 la société Cheville Languedocienne notifiait par courrier remis en main propre à M. [D] le renouvellement de la période d'essai pour une nouvelle durée de deux mois pour la période du 13 mars 2020 au 12 mai 2020.

Le 04 avril 2020, la société Cheville Languedocienne notifiait à M. [D], par courrier remis en main propre, la fin de la seconde période d'essai, au motif qu'elle n'avait pas été concluante, la relation entre les parties prenant fin à l'expiration d'un délai de prévenance de deux semaines, soit le 18 avril 2020.

M. [D] indique avoir été victime d'un accident du travail le dernier jour de son activité pour le compte de la société Cheville Languedocienne, soit le samedi 18 avril 2020.

Il consultait un médecin le 20 avril 2020 qui lui prescrivait un arrêt de travail pour accident du travail qu'il transmettait à la société Cheville Languedocienne.

Cet arrêt de travail initial faisait l'objet de prolongations successives jusqu'au 30 octobre 2020.

La société Cheville Languedocienne adressait à M. [D] ses documents de fin de contrat, à savoir le certificat de travail, l'attestation pôle emploi et le solde de tout compte par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 avril 2020.

M. [D] adressait une mise en demeure, réceptionnée le 12 mai 2020 par la société Cheville Languedocienne.

Le 03 juin 2020, le tribunal de commerce de Narbonne arrêtait le plan de redressement de la société Cheville Languedocienne

M. [D] saisissait le conseil de prud'hommes de Narbonne le 08 juin 2020.

Le 14 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Narbonne a rendu sa décision par laquelle elle a :

- dit et jugé suspendue la garantie de l'AGS, un plan de continuation de la SARL Cheville Languedocienne ayant été homologué le 03 juin 2020 par le tribunal de commerce de Narbonne,

- débouté les parties de toutes leurs demandes , fins et conclusions,

- condamné M. [D] aux entiers dépens.

M. [D] a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 13 janvier 2021, qui lui a été accordée à hauteur de 55 pourcents par décision du 10 février 2021 à la suite de quoi une première décision complétive de désignation d'un huissier de justice est intervenue le 19 février 2021, de sorte que M. [D] a régulièrement interjeté appel du jugement par déclaration en date du 17 mars 2021 soit donc dans le délai d'un mois de la date à laquelle l'auxiliaire de justice a été désigné.

Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 11 juin 2021, M. [D] demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions et,

statuant à nouveau de :

Dire et juger que tenant les dispositions de la convention collective applicable à la relation de travail, le contrat de travail de Monsieur [D] ne pouvait prévoir un renouvellement de sa période d'essai.

Dire et juger que la période d'essai de Monsieur [F] [D] arrivait à son terme le 12 mars 2020.

Dire et juger que la rupture du contrat de travail intervenue le 4 avril 2020 doit s'analyser en un licenciement.

Dire et juger ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dire et juger que Monsieur [F] [D] a effectué au mois de mars 2020 des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées.

Dire et juger que la SARL CHEVILLE LANGUEDOCIENNE a exécuté de façon déloyale le contrat de travail.

En conséquence :

Condamner la SARL CHEVILLE LANGUEDOCIENNE, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur [F] [D] les sommes suivantes :

- 2 296,13 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 296,13 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 226,61 e à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- 135,19 € au titre de rappel de salaire concernant les heures supplémentaires effectuées au mois de mars 2020, outre la somme de 13,51 € de congés payés y afférents ;

- 3 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l'exécution déloyale du contrat de travail.

Condamner la SARL CHEVILLE LANGUEDOCIENNE, prise en la personne de son représentant légal, à remettre à Monsieur [F] [D] une attestation Pôle Emploi ainsi qu'un certificat de travail rectifiés et conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard qui commencera à courir passé un délai de 15 jours suivant la signification dudit arrêt.

Dire et juger que les sommes ayant une nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la convocation de la société CHEVILLE LANGUEDOCIENNE devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de NARBONNE, celle-ci valant sommation de payer et ce en application des dispositions de l'article 1344-1 du code civil.

Dire et juger l'arrêt à intervenir opposable à Maître [X] [W], es qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SARL CHEVILLE LANGUEDOCIENNE.

Dire et juger l'arrêt à intervenir opposable aux AGS CGEA.

Dire et juger que la garantie AGS est suspendue durant l'exécution du plan.

Condamner la SARL CHEVILLE LANGUEDOCIENNE à payer à Monsieur [F] [D] la somme de 1 500, 00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Suivant ses dernières conclusions la société Cheville Languedocienne et Maître [W], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Cheville Languedocienne, remises au greffe le 24 octobre 2023, il est demandé de;

Vu notamment l'article 564 du code de procédure civile ;

1. CONFIRMER le jugement du 14 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;

2. DIRE irrecevables les prétentions de M. [D] au titre du rappel d'heures supplémentaires et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ;

3. CONDAMNER Monsieur [D] à régler à la SARL CHEVILLE LANGUEDOCIENNE la somme de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et DIRE qu'il supportera les entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses conclusions remises au greffe le 09 septembre 2021, l'AGS demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle réclame la stricte application des textes légaux et réglementaires.

- De confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé suspendue la garantie de l'AGS, un plan de continuation de la SARL CHEVILLE LANGUEDOCIENNE ayant été homologué le 3 juin 2020 par le Tribunal de Commerce de Narbonne .

- De confirmer le jugement rendu le 14 décembre 2020 par le Conseil de prud'hommes de Narbonne, section Commerce (RG n°F20/00101) en ce qu'il a débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes.

- De rejeter l'appel de Monsieur [F] [D].

- De débouter Monsieur [F] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, tant au titre de l'exécution que de la rupture de son contrat.

- De le condamner à verser la somme de 500,00 € à l'AGS au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par décision en date du 06 février 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction du dossier et fixé l'affaire à l'audience du 06 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures qu'elles ont déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la rupture du contrat de travail :

M. [D] considère que la rupture du contrat de travail est intervenue à l'initiative de l'employeur en dehors de la période d'essai alors qu'il lui était impossible de prévoir contractuellement un renouvellement de la période d'essai initiale, en raison de l'accord de branche qui ne le prévoit pas.

Il ajoute ne pas avoir signé le courrier de renouvellement produit aux débats par l'employeur et qui constitue un faux grossier.

La société intimée considère que l'argument selon lequel la convention collective de la branche ne prévoit pas la possibilité de renouveler la période d'essai n'autorise pas pour autant l'appelant à réclamer un mois de dommages et intérêts soit le maximum pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors qu'il ne justifie d'aucun préjudice et que les relations entre les parties ont définitivement cessé le 18 avril 2020.

Elle ajoute que l'appelant ne peut raisonnablement pas prétendre que le document intitulé « accord sur le renouvellement de la période d'essai » du 04 mars 2020 est un faux alors que la formule « lu et approuvé » ainsi que sa signature se retrouvent, identiques en dernière page du contrat de travail.

Il ressort des dispositions des articles L. 1221-19 et L. 1221-21 du code du travail que  le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est pour les ouvriers et les employés, de deux mois.

La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.

La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser quatre mois pour les ouvriers et employés;

Il ressort des dispositions de l'article L 1221-22 dans sa version applicable au litige que les durées des périodes d'essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-21 ont un caractère impératif, à l'exception :

- de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail ;

- de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 précitée ;

- de durées plus courtes fixées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

L'article 36 de la convention collective nationale des entreprises et de l'industrie de commerce en gros de viande du 20 février 1969, remise à jour par accord du 09 novembre 1988, est la version applicable au litige et non pas le nouveau texte de la convention collective qui résulte de l'avenant du 27 juin 2018, étendu par l'arrêté du 6 novembre 2020, paru au journal officiel du 21 novembre 2020, lequel est entré en vigueur au 1er jour du mois suivant son extension, soit donc postérieurement à la signature du contrat signé entre les parties le 13 janvier 2020.

Il ressort de l'article 36 précité que pour les ouvriers et les employés la période d'essai est fixée à un mois.

Il ressort donc tant des dispositions légales que de la convention collective, que l'employeur ne pouvait faire signer à M. [D] un avenant portant sur le renouvellement de la période d'essai faute de possibilité de renouvellement de celle-ci.

Le fait que M. [D] ait pu signer un avenant portant sur le renouvellement de la période d'essai, signature par ailleurs contestée, ne saurait valoir renonciation à des dispositions qui s'imposent aux parties et auxquelles elles ne peuvent déroger.

Dès lors, faute pour l'employeur d'avoir respecté les dispositions applicables, la rupture est intervenue après l'expiration de la période d'essai et le droit commun du licenciement doit recevoir application, la rupture après l'expiration de la période d'essai s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes liées à un licenciement abusif.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail  :

Au jour de la rupture, M. [D], âgé de 47 ans détenait une ancienneté de 3 mois et 15 jours et percevait un salaire mensuel brut de 1674 euros.

M. [D] indique être fondé à solliciter une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire portant sur la moyenne des deux derniers mois de salaire et demande l'allocation de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant ne saurait être inférieur à un mois de salaire.

La société Cheville Languedocienne considère que l'indemnité compensatrice de préavis réclamée à hauteur de 2296,13 euros est indue alors qu'au demeurant elle ne peut être égale qu'au salaire qu'il aurait perçu s'il avait travaillé, soit le montant contractualisé de 1674 euros.

Elle ajoute que l'argument selon lequel la convention collective de la branche d'activité ne prévoit pas la possibilité de renouveler la période d'essai, n'autorise pas pour autant l'appelant à demander un mois de dommages et intérêts, soit le maximum pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse alors qu'il ne justifie d'aucun préjudice.

L'AGS considère que le contrat de travail a régulièrement pris fin le 18 avril 2020, à la fin de la période d'essai et M. [D] doit être débouté de ses demandes en requalification en licenciement irrégulier et injustifié ainsi que de ses demandes en paiement qui en découlent.

S'agissant de la demande d'indemnité compensatrice de préavis :

En application de l'article 41 de la convention collective M. [D] est en droit de bénéficier d'un mois de préavis et il sollicite à ce titre de voir fixée sa créance à la somme de 2296,13 euros ainsi qu'à la somme de 229,61 euros au titre des congés payés afférents.

En l'espèce, il ressort du contrat signé entre les parties que M. [D] a été employé moyennant le paiement d'un salaire brut de 1674 euros.

Il convient en conséquence de condamner la société Cheville Languedocienne au paiement de la somme de 1674 euros brut et à celle de 167,40 euros brut au titre des congés payés y afférents par application des dispositions de l'article L. 1234-5 du code du travail.

S'agissant de la demande d'indemnisation du licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse :

M. [D] sollicite au titre de son indemnisation du licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse l'allocation de la somme de 2296,13 euros qui correspond à la moyenne des deux derniers mois de salaires perçus.

La société intimée réplique que l'indemnité ne pourrait être égale qu'au salaire qu'il aurait perçu s'il avait travaillé, soit 1674 euros brut en rappelant que les comptes ont été soldés au 18 avril 2020 ensuite de la cessation définitive des relations entre les parties pour cause de rupture de l'essai par lettre remise en main propre le 04 avril 2020.

L'article L. 1235-3 du code du travail dispose que si l'une ou l'autre des parties refuse la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est fixé, lorsque l'ancienneté du salarié dans l'entreprise est inférieure à une année et qu'il n'est pas justifié, comme tel est le cas en l'espèce, que l'effectif de l'entreprise serait inférieur à 11 salariés, à une indemnité maximale d'un mois de salaire brut.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande présentée par l'appelant et de condamner la société Cheville Languedocienne au paiement de la somme de 1674 euros brut.

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat :

M. [D] considère que l'exécution déloyale du contrat de travail lui a causé un préjudice qui doit être réparé par l'allocation de la somme de 3000 euros. Il ajoute qu'il justifie pleinement de son préjudice dans la mesure où il a été placé en arrêt de travail et indemnisé depuis le 20 avril 2020. Son arrêt de travail a été reconnu en affection de longue durée et il s'est vu attribuer une allocation d'adulte handicapé pour la période du 1er décembre 2020 au 30 novembre 2022.

La Société Cheville Languedocienne considère qu'il s'agit d'une demande nouvelle, présentée pour la première fois devant la cour de céans et qui doit être déclarée irrecevable en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile. Elle considère encore que l'indemnisation de M. [D] au titre de la maladie à compter du 20 avril 2020 et l'allocation d'adulte handicapé perçue à compter du mois de décembre 2020 sont sans rapport avec l'exécution du contrat de travail et avec les circonstances de la cessation des relations de travail.

L'AGS estime que l'appelant ne caractérise aucun manquement de l'employeur alors que le prétendu accident du travail déclaré serait survenu après la fin de la période d'essai et que tous les justificatifs communiqués par M. [D] sont postérieurs à la fin du contrat, ce qui doit avoir pour conséquence de le débouter de sa demande indemnitaire au titre de l'exécution du contrat infondée et injustifiée.

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Selon l'article 565 du même code les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent et l'article 566 précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Les prétentions nouvelles devant la cour d'appel sont à examiner au regard de la demande qui a été formée en première instance et sur laquelle le premier juge a statué. D'une manière générale, est considérée comme nouvelle la prétention dont l'objet est de substituer en appel un droit différent de celui dont on s'est prévalu en première instance.

En l'espèce M. [D] a pareillement sollicité devant le conseil de prud'hommes la condamnation de la société intimée au paiement de la somme de 3000 euros pour non respect du contrat de travail ce dont il s'évince qu'il poursuit la même demande, devant la cour d'appel, portant sur l'exécution du contrat, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à l'exception d'irrecevabilité présentée par la société intimée.

M. [D] explique que bien qu'ayant été indemnisé par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) en raison de son arrêt de travail, cette indemnisation a été faite avec retard soit le 21 juillet 2020 comme il en justifie par la production de son relevé de compte en date du 02 août 2020 et portant mention d'un virement SEPA de la CPAM pour un montant de 2288,06 euros, ce qui lui a occasionné des difficultés financières le contraignant à puiser dans son compte épargne pour faire face à ses besoins dans l'attente de la perception des indemnités adressées par la CPAM.

Il explique que ce paiement est intervenu tardivement parce que la société Cheville Languedocienne s'abstenait de transmettre à la CPAM l'attestation de salaire.

Il justifie également de ce que virement de la CPAM correspond à la période du 20 avril 2020 au 26 juin 2020 par la production du décompte de la CPAM, pièce 7 de son bordereau, qui l'avise de ce que ce versement sera effectué sur son compte à la date du 20 juillet 2020.

Il justifie également avoir sollicité par courriel le mandataire judiciaire de la société intimée le 22 avril 2020 afin que lui soit notamment adressée l'attestation d'accident du travail, or par le biais de son conseil, la société intimée lui indiquait, suivant courrier du 14 mai 2020, qu'à la date du 20 avril 2020, elle n'était plus son employeur et ne pas avoir à « (') en connaître de même qu'elle n'a pas à vouloir ou ne pas vouloir que vous soyez en accident du travail ».

Il justifie avoir fait des virements internes de 1000 euros le 25 mai 2020 et de 540 euros le 10 juin 2020 sur son compte courant ainsi que d'avoir remis un chèque de 1000 euros sur le même compte le 23 juin 2020 en précisant qu'il s'agit d'un chèque de ses parents.

S'il ne peut être reproché à la société intimée l'intervalle entre le 26 juin 2020 et le 20 juillet 2020, date de virement effectif par la CPAM des indemnités journalières annoncées dans son décompte du 26 juin 2020, il convient toutefois de noter que la société la Cheville Languedocienne lui faisait part par courrier du 14 mai 2020 ne pas avoir à connaître de la procédure d'accident du travail du fait, selon elle, de la fin du lien contractuel à la date du 18 avril 2020, ce dont il ressort que le paiement tardif des indemnités journalières est en partie dû au comportement de l'employeur.

Le contrat de travail mentionnait dans son article 12, intitulé « avantages sociaux » que M. [D] bénéficiera des contrats de prévoyance souscrits par la Société SARL Cheville Languedocienne et éventuellement frais de santé (Harmonie Mutuelle).

Toutefois cette mutuelle par courrier du 07 mai 2020 signalait à M. [D] avoir reçu une demande de radiation le concernant, transmise par l'entreprise, à compter du 1er mai 2020 et qu'à compter de cette date il ne pourrait plus bénéficier du tiers payant sauf à souscrire une complémentaire santé à titre individuel.

Un nouveau courrier lui était adressé par la mutuelle le 25 août 2020 par lequel elle lui faisait part qu'elle ne pouvait faire droit à sa demande de remboursement pour des soins médicaux le concernant du 12 juin 2020.

Il justifie également avoir été destinataire d'un courrier de 2ème relance avant contentieux, adressé le 13 juillet 2020 pour un reste à régler d'un montant de 86,32 euros concernant un examen du 22 avril 2020 par un centre d'imagerie médicale, or dès lors qu'il n'y aurait pas eu cessation à son bénéfice du contrat de la mutuelle souscrit par l'entreprise, il n'aurait pas eu un reste à charge lui occasionnant des lettres de relance et de menace de contentieux.

L'ensemble de ces éléments qui sont la conséquence de la rupture fautive du contrat de travail, établit que M. [D] a subi un préjudice distinct et il convient de faire droit à sa demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 1500 euros.

Sur les heures supplémentaires :

M. [D] soutient avoir effectué au mois de mars 2020 un certain nombre d'heures supplémentaires lesquelles ne lui ont pas toutes été réglées pour un montant restant dû de 135,19 euros outre 13,51 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

La société intimée demande que soit également déclarée irrecevable la demande portant sur le paiement d'heures supplémentaires s'agissant d'une demande nouvelle.

L'AGS considère que la demande présentée par M. [D] à ce titre est étayée par un extrait d'un calendrier qu'il a lui-même rédigé, et clairement modifié et qu'il n'a pu qu'être rédigé postérieurement aux périodes visées pour les besoins de la cause, lequel n'apporte donc pas la preuve de la réalisation d'heures supplémentaires. Elle considère donc que M. [D] doit être débouté de cette demande présentée de surcroît pour la première fois en appel.

Au visa des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile précédemment énoncés, la cour de cassation a jugé qu'est irrecevable en appel la demande au titre du paiement des heures supplémentaires dès lors que cette demande n'est pas l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire des demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail formées par le salarié devant les premiers juges. (Soc 25 septembre 2022 pourvoi n° 21-11.478).

En l'espèce force est de constater que la demande présentée par M. [D] poursuit un objectif autre que les demandes présentées devant le conseil de prud'hommes et partant constitue une demande nouvelle qui sera déclarée irrecevable.

Sur les autres demandes :

La société Cheville Languedocienne qui succombe sera condamnée à remettre à M. [D] une attestation France travail ainsi qu'un certificat de travail rectifiés et conformes à la présente décision sans qu'il y lieu à faire droit au prononcé d'une astreinte.

Il est rappelé que les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la demande, soit à compter de la date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation, pour les créances échues à cette date, ainsi qu'à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date et pour les créances à caractère indemnitaire à compter de la présente décision.

La décision sera déclarée opposable aux AGS, dans les limites de sa garantie laquelle est suspendue pendant l'exécution du plan.

La décision sera déclarée opposable à M. [W], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société Cheville Languedocienne.

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Cheville Languedocienne qui succombe, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [D] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et en cause d'appel.

L'AGS sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. [D].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Narbonne le 14 décembre 2020 ;

Statuant à nouveau,

- Rejette l'exception d'irrecevabilité portant sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ;

- Déclare irrecevable la demande de paiement d'heures supplémentaires présentée par M. [D] ;

- Dit et juge que la rupture du contrat de travail intervenue le 18 avril 2020 constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Cheville Languedocienne à payer à M. [D] les sommes suivantes :

- 1674 euros brut au titre d'indemnité légale de préavis et 167,40 euros au titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- 1674 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuses ;

- 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;

Dit que la société Cheville Languedocienne devra transmettre à M. [D] dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision une attestation France travail, ainsi qu'un certificat de travail, rectifiés et conformes à la présente décision ;

Dit que le présent arrêt est opposable à M. [W] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société Cheville Languedocienne ;

Dit que le présent arrêt est opposable à l'AGS en application des articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, dans les limites fixées par l'article D. 3253-5 du code du travail ;

Dit que la garantie de l'AGS est suspendue pendant l'exécution du plan de continuation de la société Cheville Languedocienne ;

Condamne la société Cheville Languedocienne aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société Cheville Languedocienne à payer à M. [D] la somme de 1500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Déboute l'AGS de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01759
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;21.01759 ?
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