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16/05/2024 | FRANCE | N°21/01724

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 16 mai 2024, 21/01724


ARRÊT n°

































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 16 MAI 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01724 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5JG





Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - F

ORMATION PARITAIRE DE BEZIERS - N° RG F 18/00377







APPELANTE :



SA BUFFAL HERAULT

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Maître Eric NEGRE, substituant Me Marie Camille PEPRATX NEGRE ...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 16 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01724 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5JG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS - N° RG F 18/00377

APPELANTE :

SA BUFFAL HERAULT

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Maître Eric NEGRE, substituant Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Camille RUIZ-GARCIA, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

INTIMEE :

Madame [H] [O]

née le 08 Décembre 1980 à [Localité 4] (62)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Charles SALIES, substitué par Me Eve BEYNET, avocats au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 06 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 02 mai 2024 à celle du 16 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [O] a été engagée en qualité de serveuse, à compter du 02 février 2013 par la société anonyme Buffal Hérault, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet régi par la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurant.

Suivant avenant du 16 mars 2016 elle était promue assistance manager, niveau III, échelon 3, pour une durée de travail hebdomadaire forfaitaire effectif de 39 heures.

Par lettre du 04 décembre 2017, qui lui était remise le 05 décembre 2017, elle était convoquée à un entretien préalable à éventuel licenciement fixé au 12 décembre 2017.

Elle était licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre du 21 décembre 2017.

Le 01 octobre 2018 Mme [O] saisissait le conseil de prud'hommes de Béziers pour contester cette décision et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l'application de ses droits.

Par jugement du 18 février 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse sans caractère vexatoire,

- condamné la société Buffal Hérault à payer à Mme [O] :

- 8000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 16 mars 2021, la société Buffal Hérault a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 02 mars 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 28 septembre 2021, la société Buffal Hérault demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Béziers en ce qu'il a considéré le licenciement de Mme [O] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Infirmer le jugement de première instance rendu par le conseil de prud'hommes de Béziers en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 8000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Confirmer le jugement de première instance en ce qu'i1 a débouté Mme [O] du surplus de ses demandes ;

Par conséquent,

Juger que le licenciement de Mme [O] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Débouter Mme [O] de la demande en paiement de la somme de 16.628,20€ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Débouter Mme [O] de ses entières demandes et prétentions ;

A titre subsidiaire :

réduire le montant des dommages intérêts sollicités à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

condamner Mme [O] à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

débouter Mme [O] de sa demande en paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que de sa demande au titre des dépens ;

condamner Mme [O] aux dépens avec droit de recouvrement direct, en application de l'article 659 du code de procédure civile.

Suivant ses dernières conclusions remises au greffe le 05 juillet 2021, Mme [O] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de réformer le jugement s'agissant du montant des dommages et intérêts et en conséquence de condamner la société Buffal Hérault à lui payer la somme de 10.000 euros nets au titre de dommages intérêts pour licenciement abusif, de condamner la société Buffal Hérault à lui verser la somme complémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par décision en date du 06 février 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction du dossier et fixé l'affaire à l'audience du 06 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures qu'elles ont déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le licenciement :

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.

En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Convoquée le 05 décembre 2017 à un entretien préalable fixé au 12 décembre suivant, Mme [O] a été licenciée par lettre du 21 décembre 2017, énonçant les motifs suivants :

« (') A la suite de l'entretien qui s'est déroulé le 13 décembre 2017 auquel vous vous êtes présentée accompagnée d'un conseiller du salarié, nous vous noti'ons par la présente un projet de modification à titre disciplinaire de votre contrat de travail.

Nous vous rappelons ci-après les raisons pour lesquelles nous sommes contraints d'envisager une telle mesure.

Le 28 novembre 2017 alors j'étais en salle en train d'étudier les plannings pour les semaines à venir, vous m'avez demandé ce que j'étais en train de faire.

En l'occurrence, j'étais en train de vérifier la correspondance des plannings préparés par les managers, avec le respect des dispositions légales et conventionnelles et notamment les repos quotidiens et hebdomadaires,de sorte qu'en réponse, je vous l'ai indiqué.

Contre toute attente, vous vous m'avez alors violement pris à parti devant vos collègues et devant des clients, alors même que le service avait commencé et que cette discussion en apparté ne prêtait pas à ce type de réaction excessive.

En effet, je vous répondais simplement sur la vérification des plannings.

Vous m'avez indiqué que je n'avais pas le droit de faire ça en hurlant, en levant vos bras en direction de mon visage et alors même que je demeurais stupéfait face à votre emportement.

Vous avez eu des gestes violents à tel point que vos collègues de travail ont dû intervenir et vous ont accompagnée à l'extérieur.

Nous ne comprenons pas votre violence verbale ainsi que votre attitude particulièrement excessive.

Vous êtes employée en qualité de manager de sorte que, vous devez avoir une attitude correcte tant à l'encontre de vos collègues que de votre supérieur hiérarchique.

Votre attitude a choqué l'équipe de travail dont certains membres ont dû s'interposer afin de vous empêcher de vous en prendre à moi directement alors même qu'aucun mot ou aucune considération polémique n'avait été évoquée.

Vous avez eu cette attitude excessive alors même que le service du midi avait commencé et que des clients que vous aviez vous même placés quelques instants auparavant étaient déjà attablés.

Le préjudice d'image pour l'établissement est patent.

Au cours de l'entretien, vous n'avez fourni aucune explication nous permettant de modi'er notre appréciation des faits. Vous n'avez pas expliqué les raisons d'un tel emportement.

Enfin, vous n'avez donné aucune explication non plus s'agissant des menaces proférées par votre père.

Le jour même de l'altercation le 28 novembre 2017 comme vous le savez, votre père m'a appelé pour me menacer de procès prud'homal.

Certes, votre père est l'auteur des menaces et non vous, mais il n'en demeure pas moins que cela met en exergue votre refus de vous remettre en question, face à votre comportement.

Vous exercez en qualité de Manager. Par suite, vous êtes supposée donner des directives aux salariés placés dans votre équipe, élaborer les plannings et participer à la bonne tenue de la salle de restaurant.

Vous n'ignorez pas non plus qu'une forme d'exemplarité dans le travail est nécessaire pour être respecté par les collaborateurs.

Or, tant votre emportement hystérique du 28 novembre 2017, que les propos que vous avez tenu à mon encontre, sont constitutifs d'actes d'insubordination caractérisés.

Le fait que les salariés que vous devez normalement manager aient été contraints de vous emmener dehors alors que je demeurais stupéfait, bouché bée, devant le caractère irrationnel de votre réaction, est révélateur d'une difficulté manageuriale patente.

Plus grave non seulement vous ne comprenez pas 1'importance de ces faits au cours de l'entretien mais pire, vous vous montrez à nouveau agressive à telle enseigne que votre père me menace...

Lors de cet entretien vous n'avez eu de cesse de nier alors même que votre comportement a été enregistré par la vidéosurveillance de notre établissement.

Aussi, dès lors que vous n'avez fourni aucune explication nous permettant de modi'er notre appréciation des faits, nous sommes au regret de vous noti'er par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Vous n'êtes pas dispensé de votre préavis lequel doit être effectué. (...)».

Il en ressort donc que la société Buffal Hérault fait grief à Mme [O] d'avoir été à l'origine d'un grave acte d'insubordination le 28 novembre 2018, en présence de clients et de ses collègues de travail, occasionnant de surcroît un préjudice d'image auprès de la clientèle, alors que de part ses fonctions elle a pour mission d'encadrer des équipes de serveurs travaillant sous son autorité afin d'assurer la continuité et la fluidité du service en salle ce dont il résulte une nécessité d'exemplarité afin d'être respecté par les collaborateurs.

Selon l'appelante, cet acte ne pouvant rester sans réponse, Mme [O] a par conséquent été convoquée à un entretien préalable à une procédure de licenciement pendant lequel elle ne s'est pas remise en question ce qui a conduit son employeur, en raison de son emportement et de son manque de prise de conscience à la licencier pour cause réelle et sérieuse.

Mme [O] considère avoir été licenciée sans cause réelle et sérieuse, elle conteste l'intégralité des faits reprochés et qui sont énoncés dans la lettre de licenciement.

Elle considère que la vidéo de surveillance du 28 novembre 2017 ainsi que le procès verbal de constat d'huissier de justice du 22 décembre 2017 constituent des moyens de preuve illicites et sollicite que ces pièces soient écartées des débats.

Sur la recevabilité des moyens de preuve par vidéo-surveillance :

L'intimée considère que l'employeur ne pouvait mettre en place un système de vidéo-surveillance qu'à la condition d'avoir déclaré préalablement le système à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), et qu'en vertu de l'article L. 1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance. Elle conclut qu'il convient de déclarer irrecevable l'enregistrement et le procès verbal de constat établi par l'huissier de justice.

La société Buffal Hérault réplique que les vidéos-surveillances qui n'auraient pas été déclarées à la CNIL sont admissibles comme moyens de preuve et que la production d'une preuve illicite au regard de la loi informatique et liberté ne doit pas être systématiquement rejetée par les juridictions.

Il appartient à la cour de céans de s'assurer si cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve qui peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié. Or en l'espèce la vidéosurveillance qui filme la salle de restaurant ne porte pas atteinte à la vie privée du salarié alors qu'il s'agit d'un moyen de preuve indispensable pour que l'employeur puisse bénéficier d'un procès équitable et afin que la cour puisse apprécier le comportement et la faute reprochée à la salariée qui nie les faits et dénigre les attestations communiquées.

Elle considère que les dispositions de l'article L. 1222-4 du code du travail, qui supposent que le dispositif de vidéo-surveillance soit installé pour contrôler l'activité du salarié dans l'exercice de ces fonctions ou découvrir une faute, ne sont pas remplies pour que ces dispositions s'appliquent.

L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il est de principe que si la preuve est libre elle doit être loyale, toutefois, l'illicéité d'un moyen de preuve n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, (Soc., 08 mars 2023 pourvoi n° 20-21.848). En présence d'une preuve illicite, le juge doit donc d'abord s'interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l'employeur et vérifier s'il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l'ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l'employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d'autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi. (Soc., 30 septembre 2020 pourvoi n°19-12.058)

S'agissant de la légitimité du dispositif, il apparaît qu'un système de vidéo-surveillance a été installé dans les locaux ouverts à la clientèle et où évoluent les salariés sans justifier qu'une information ait été portée à la connaissance des employés conformément aux dispositions de l'article 1222-4 du code du travail ni qu'elle ait été déclarée à la CNIL comme cela ressort des écritures de la société appelante.

La société Buffal Hérault soutient qu'afin de respecter le dispositif prévu à l'article L. 1222-4 du code du travail, cela suppose que ce dispositif soit installé pour contrôler l'activité du salarié dans l'exercice de ses fonctions (Soc. 26 juin 2013 pourvoi n° 12-16.564) de sorte que le dispositif de vidéo-surveillance qui n'avait ni pour objet ni pour effet de contrôler le personnel, elle n'avait pas à informer les salariés de la mise en place du dispositif.

Or, s'il a été jugé que l'information du comité d'entreprise n'est pas nécessaire lorsque le système de vidéo surveillance n'est pas destiné à contrôler l'activité professionnelle du salarié mais, par exemple, la sécurité d'un entrepôt (Soc 31 janvier 2001 pourvoi n° 98-44.290) ou à surveiller la porte d'accès d'un local dans lequel les salariés de l'entreprise ne devaient avoir aucune activité (19 avril 2005 pourvoi n° 02-46.295), elle a également jugé que si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d'un système de vidéo surveillance installé sur le site d'une société cliente permettant le contrôle de leur activité dès lors que ces derniers n'ont pas été préalablement informés de l'existence de ce dispositif (10 janvier 2012, pourvoi n° 10-23.482).

En l'espèce la société Buffal Hérault confirme n'avoir pas porté à la connaissance de ses salariés la mise en place d'un dispositif de vidéo-surveillance alors même que le dispositif qui a été installé dans des zones où circulent les salariés peut ainsi conduire à leur contrôle sans information préalable de ces derniers.

S'agissant des raisons concrètes qui auraient justifié du recours à la surveillance installée dans la partie ouverte à la clientèle et où évoluent les salariés de l'entreprise, la société Buffal Hérault ne s'explique nullement sur les raisons concrètes qui justifiaient selon elle du recours à la vidéo-surveillance, tout en affirmant que ce dispositif n'avait pas pour objet de procéder au contrôle des salariés mais en s'appuyant néanmoins sur ledit dispositif et les pièces contestées qui en résultent lesquelles ont pour finalité de rapporter les faits et gestes reprochés à Mme [O] ce dont il résulte de facto un contrôle de la salariée.

S'agissant de la possibilité pour l'employeur d'atteindre un résultat identique en utilisant d'autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié, il apparaît que l'employeur qui reproche des fautes à sa salariée en présence de tiers est à même de produire, comme il ne manque pas de le faire, des attestations portant sur les faits reprochés de sorte qu'il a la possibilité d'atteindre un résultat identique, sous réserve de l'examen des attestations produites et de l'ensemble des autres éléments du dossier, sans recours à la vidéo-surveillance.

S'agissant du caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi, il ne peut qu'être rappelé que la société appelante ne s'explique nullement sur le but poursuivi par l'installation du dispositif alors même que ses salariés et sa clientèle sont sous la surveillance constante d'un dispositif sans information préalable ce dont il résulte une atteinte disproportionnée à la vie personnelle des salariés sans connaissance du but poursuivi.

Enfin, la société Buffal Hérault indique dans ses écritures que les faits ont été révélés non pas par la vidéosurveillance alors que Mme [O] a « (') agressé l'employeur en présence d'une partie du personnel(...) » et qu'il y a lieu de « (') prendre en compte dans le cadre de l'appréciation de la faute reprochée tant la vidéosurveillance que les attestations produites (...) ».

Il en ressort donc que la société Buffal Hérault ne démontre pas le caractère indispensable de la vidéo-surveillance qui ne constitue pas le seul élément dont elle peut disposer pour garantir l'exercice de ses droits alors que pour envisager qu'une preuve illicite puisse être déclarée recevable il faut qu'elle soit indispensable et non pas seulement nécessaire, c'est-à-dire qu'elle doit être le seul moyen d'établir la réalité du fait allégué ou encore qu'aucun autre moyen de preuve moins attentatoire au respect de la vie privée ou tout autre droit fondamental ne puisse être offert. (Soc., 1 juin 2022 pourvoi n° 21-15.991).

Tel n'est pas le cas en l'espèce, les fait reprochés s'étant produits devant plusieurs témoins qu'il s'agisse d'autres employés ou de clients.

Il convient en conséquence de déclarer irrecevable les pièces 3 et 4 du bordereau de l'appelant intitulées dans le bordereau procès verbal de constat et vidéo procès verbal de constat.

Sur le bien fondé du licenciement :

La société Buffal Hérault considère que le licenciement de Mme [O] repose sur une cause réelle et sérieuse, à savoir son comportement du 28 novembre 2017 qui est à l'origine de son licenciement.

L'employeur produit plusieurs attestations pour établir le bien fondé du licenciement :

- pièce 5, Mme [L] [W] indique que : « (..) le comportemet de mlle Mme [O] [H] est inacceptable envers notre patron, M. [V], car celle-ci s'est mise à l'insulter, à le menacer et a failli en arrivé au coup, il aura fallu plusieurs membres du personnel pour la retenir et la faire sortir (') ».

-pièce 11 M. [E] qui indique notamment : « (...) en date du 28 novembre 2017 aux alentours de 11 h 30, Mme [O] [H] a tenue des propos d'insultes envers son directeur M. [V] [C], pour une raison que j'ignore Mme [O] [H] a commencé à s'énerver en hurlant très fort et de façon hystérique envers son directeur M. [V] [C] en le menaçant en l'injuriant. Ses collègues ont dû la retenir pour qu'elle en arrive aux mains ».

- pièce 13, Mme [L] [W] indique dans cette nouvelle attestation notamment : « (') je vois qu'elle fait témoigné son enfant [N] qui atteste avoir été présent alors que c'est faux il n'était pas présent sur les lieux(...) ».

Pour sa part , Mme [O] produit les attestations suivantes :

- pièce 7 attestation du 05 décembre 2017 de Mme [L] [W] qui indique « (') je certifie avoir travaillé avec [H] [O] au Buffal'hérault et le 28 novembre 2017 certifie avoir assisté à la discussion entre [H] et M. [V]. [H] n'a jamais manqué de respect à M. [V] elle s'est seulement défendu du fait qu'elle n'avait rien à voir avec les histoires de [R](...) ».

Dans son attestation du 08 novembre 2018 produite par la société Buffal Hérault (pièce 5), Mme [L] expose également avoir reçu un soir un sms de la part de Mme [O] et par laquelle cette dernière indiquait qu'elle allait mettre fin à ses jours, de sorte qu'elle s'est rendue au domicile de Mme [O] et avoir fait cette attestation parce qu'elle considérait que cette attestation n'a aucune valeur et pour rassurer Mme [O].

La société Buffal Hérault considère que cette attestation établie sur papier libre par Mme [L] n'est pas recevable or elle est établie manuscritement et signée par Mme [L] alors que les dispositions de l'article 202 ne sont pas prescrites à peine de nullité et que Mme [L] reconnaît l'établissement par ses soins de ce témoignage dans l'attestation qu'elle a rédigée dans l'intérêt de la société Buffal Hérault de sorte qu'il n'y a pas lieu à la déclarer irrecevable.

- Les pièces 8, 9 et 18 du bordereau de Mme [O] qui concernent les attestations de M. [T] et Mme [S] (pièces 9 et 18) ne portent pas sur les faits du 28 novembre 2017 à l'origine du licenciement de sorte qu'elles n'ont pas un caractère probant sur les faits reprochés.

- M. [J], indique dans son attestation, (pièce 10) qu'il était présent le 28 novembre 2017 lorsqu'une dispute a éclaté entre l'employeur et l'employée , que Mme [O] n'a été ni violente ni malhonnête et qu'en contrepartie M. [V] « (...)a poussé à bout l'intimée par rapport à [R] (...) », c'est à dire le concubin de Mme [O] également employé par la société.

- La pièce 11 concerne l'attestation établie par M. [Y] [R], qui relate avoir entendu une dispute éclater entre M. [V] et sa compagne sans autre précision sur les faits.

-L'attestation établie par M. [O] [G], fils de l'intimée (pièce 17) ne porte pas sur les faits ayant donné lieu au licenciement de Mme [O].

Il ressort de l'ensemble de ces attestations que Mme [L] a rédigé des attestations en sens contraire, communiquées par les deux parties et qui ne peuvent dès lors établir les faits reprochés à Mme [O].

S'agissant de l'attestation de M. [E] qui fait état des insultes et des menaces de Mme [O] elle est contre-balancée par l'attestation de M. [J] qui confirme qu'une dispute a eu lieu dans laquelle les deux protagonistes sont impliqués, sans toutefois relever de violences verbales ou autres de la part de Mme [O] et en ne manquant pas de préciser qu'elle a été poussée à bout par son employeur.

Mme [O] considère que l'attestation de M. [E] est une attestation de complaisance car il s'agit de son beau-père et la société Buffal Hérault estime qu'un doute pèse sur l'attestation faite par M. [J] qui a lui-même fait l'objet d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse qu'il n'a pas contesté.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'ils sont soit contradictoires, soit non probants et que la société Buffal Hérault ne démontre pas, alors même qu'il apparaît qu'une conversation houleuse entre les deux protagonistes peut être retenue, que les faits qui se sont produits étaient de nature à justifier le licenciement de Mme [O].

Par ailleurs la société ne se prévaut pas du grief visant les menaces que le père de la salariée aurait proférées à l'encontre du dirigeant,

dont la salariée ne saurait, en toute hypothèse, répondre et pour lesquelles aucun élément n'est communiqué de nature à les étayer.

Il s'ensuit que la décision rendue par le conseil de prud'hommes sera confirmée en ce que le conseil de prud'hommes a jugé le licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement :

Mme [O] sollicite l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 10.000 euros.

La société Buffal Hérault sollicite à titre subsidiaire que le montant des dommages et intérêts soit réduit à de plus justes proportions.

À la date de la rupture du contrat de travail, la salariée alors âgée de 36 ans avait une ancienneté de quatre années dans la société dont il n'est pas allégué que l'effectif était inférieur à onze salariés.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 5 mois de salaire brut.

Mme [O] percevait un salaire mensuel de 1663,82, euros bruts.

Elle n'avait pas fait jusqu'à la date de son licenciement l'objet d'une sanction disciplinaire et elle est mère d'un enfant né en 2000.

Elle indique n'avoir pas retrouvé un emploi mais elle ne justifie ni de ses recherches en ce sens ni de ses ressources actuelles.

Compte tenu de son ancienneté au sein de l'entreprise, il convient de confirmer la condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes de Béziers qui a condamné la société Buffal Hérault au paiement de la somme de 8000 euros, en précisant qu'il s'agit d'un montant brut, à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes :

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société Buffal Hérault qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme [O] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Béziers le 18 février 2021 sauf à préciser que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est allouée en brut,

y ajoutant,

Condamne la société Buffal Hérault aux dépens d'appel ;

Condamne la société Buffal Hérault à payer à Mme [O] la somme de 1.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01724
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;21.01724 ?
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