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07/05/2024 | FRANCE | N°22/06190

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 07 mai 2024, 22/06190


ARRÊT n° 2024-145











































































Grosse + copie

délivrée le

à





COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 07 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06190 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PUM6<

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Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 NOVEMBRE 2022

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE MILLAU

N° RG21/00308



APPELANTE :



Madame [O] [W] épouse [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean-Vincent DELPONT de la SELARL LA CLE DES CHAMPS, avocat au barreau d'ALBI, avocat postulant

assistée de Me Yann GARRIGUE, avocat au b...

ARRÊT n° 2024-145

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 07 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06190 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PUM6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 NOVEMBRE 2022

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE MILLAU

N° RG21/00308

APPELANTE :

Madame [O] [W] épouse [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean-Vincent DELPONT de la SELARL LA CLE DES CHAMPS, avocat au barreau d'ALBI, avocat postulant

assistée de Me Yann GARRIGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Jean-Vincent DELPONT de la SELARL LA CLE DES CHAMPS, avocat plaidant

INTIME :

Monsieur [S] [K]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentant : Me Bastien AUZUECH de la SCP AOUST - AUZUECH, avocat au barreau d'AVEYRON, avocat postulant

assisté de Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Bastien AUZUECH de la SCP AOUST - AUZUECH, avocat plaidant

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 MARS 2024,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Estelle DOUBEY

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Mme Estelle DOUBEY, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 10 avril 2009, Mme [V] [W], mère de Mme [O] [E], a consenti au profit de M. [S] [K] et Mme [B] [H] un bail rural d'une durée de 9 années, avec effet au 1er septembre 2008, portant sur plusieurs parcelles situées sur la commune de [Localité 6] (12), moyennant un fermage annuel de 300 euros, cadastrées section ZD numéro [Cadastre 1], pour une contenance de 1 ha 25 a 77 ca, et section ZD numéro [Cadastre 1], pour une contenance de 2 ha 51 a 53 ca. Les deux preneurs ont créé l'EARL des Templiers, ayant pour activité l'élevage d'ovins et de caprins.

Le 24 décembre 2013, Mme [V] [W] est décédée, laissant pour lui succéder Mme [O] [E], selon acte de donation partage du 28 décembre 2012.

Mme [B] [H] a quitté l'EARL le 9 novembre 2016.

Le 14 octobre 2021, Mme [O] [E] a fait assigner M. [S] [K] aux fins d'obtenir la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-35 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime.

Le jugement rendu le 8 novembre 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Millau :

Déclare irrecevable comme prescrite la demande formée par Mme [O] [E] ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit ;

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens.

Le premier juge a relevé que la cessation d'exploitation par Mme [B] [H] constituait une infraction spontanée, de sorte que le point de départ de la prescription était la date à laquelle la bailleresse en avait eu connaissance, qu'en effet, seules constituaient des infractions continues la cession prohibée du bail ou la sous location, que la bailleresse avait eu connaissance du départ dès février 2016 puisque le 20 février 2016, elle avait adressé un mail à M. [S] [K] indiquant « au vu du désir de ne pas reconduire le bail de l'autre preneur ['], il me semble préférable que nous rompions ce bail par accord amiable. », que, dès lors, l'action introduite le 14 octobre 2021 était prescrite.

[O] [E] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 6 décembre 2022.

Mme [O] [E] demande à la cour de :

Réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Ordonner à M. [S] [K] ou tout occupant de son chef d'avoir à quitter les lieux, si besoin avec concours de la force publique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

Condamner M. [S] [K] à verser à Mme [O] [E] la somme de 3 500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Mme [O] [E] conteste la prescription de son action. Elle estime que l'infraction commise par M. [S] [K] est une infraction continue et non pas spontanée. Selon elle, les infractions à l'article L. 411-35 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime sont des cessions prohibées, peu importe qu'aucun autre exploitant ne soit venu se substituer au copreneur qui a cessé son activité. Elle estime que le transfert de l'ensemble des obligations et charges sur la tête d'un seul copreneur altère nécessairement ses garanties et que les cessions prohibées sont bien des infractions continues.

Mme [O] [E] soutient que la non-information du propriétaire ainsi que le fait que l'intuitu personae du bail a été rompu, doivent être sanctionnés.

En tout état de cause, [O] [E] soutient que l'action n'est pas prescrite quand bien même l'infraction serait instantanée. Elle verse aux débats l'intégralité du mail invoqué par le jugement où elle rappelle avoir deux preneurs et mentionne uniquement le désir de Mme [B] [H] de ne pas reconduire le bail, ce qui ne signifie pas que ce désir a été réalisé, qu'en outre, le retrait d'associé n'a été officiellement connu qu'au 9 novembre 2016, dans le cadre d'un acte enregistré le 30 novembre 2016, avec départ acté au 31 août 2016, qu'il est donc impossible que Mme [O] [E] ait été au courant de l'infraction en février 2016 alors qu'elle n'avait pas encore été commise.

Surabondamment, l'appelante fait valoir que ce n'est qu'à compter de l'enregistrement de l'acte que le délai de prescription commençait à courir à l'égard des tiers, soit le 30 novembre 2016.

L'appelante soutient que son action en résiliation du bail est justifiée, qu'en effet, le bail a été consenti à deux copreneurs, de sorte que M. [S] [K] devait donc, à compter du moment où Mme [B] [H] arrêtait d'exploiter les terres avec lui, demander par lettre recommandée avec accusé de réception que le bail se poursuive en son seul nom en sus des mentions obligatoires. Or, Mme [O] [E] avance qu'elle n'a été destinataire d'aucun courrier recommandé en ce sens, qu'ainsi, le preneur n'a donc pas respecté les dispositions d'ordre public.

L'appelante fait valoir que M. [S] [K] n'habite plus sur place et résiderait à plus de 80 kilomètres de l'exploitation, ce qui permet de douter de son respect de l'obligation d'exploitation personnelle des biens.

Mme [O] [E] conteste le fait que le renouvellement du bail rural a purgé le manquement du preneur, en ce qu'il s'agit d'une infraction continue. Elle conteste également la force majeure invoquée par l'intimé puisque sa séparation avec Mme [B] [H] n'était pas imprévisible, ni extérieure, et ne l'empêchait pas de remplir ses obligations.

Mme [O] [E] précise qu'elle sollicite la résiliation de l'intégralité du bail. Elle justifie la différence de surface du bail avec celle de sa requête par les travaux d'agrandissement de la route départementale, qui ont divisé les parcelles de façon différente, une partie ayant été incorporée par la route. Elle précise que lorsque le bail a été signé quelques années plus tard, elle n'a pas prêté attention à ce changement, qui ne concerne que 13 ares.

Dans ses dernières conclusions du 23 août 2023, M. [S] [K] demande à la cour de :

A titre principal,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable, comme prescrite, l'action introduite par Mme [O] [W], épouse [E] ;

Déclarer irrecevables l'ensemble des demandes formées par Mme [O] [W], épouse [E] ;

A titre subsidiaire,

Débouter Mme [O] [W], épouse [E], de ses entières demandes ;

En tout état de cause,

Condamner [O] [W], épouse [E], à verser à M. [S] [K] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [S] [K] soutient que l'action en demande de résiliation du bail est prescrite dès lors que Mme [O] [E] a eu parfaite connaissance de ce départ par un courrier du 20 février 2016. Le jeu de la prescription quinquennale a donc éteint l'action. En outre, l'intimé affirme que la cessation d'exploitation de Mme [B] [H] constitue bien une infraction instantanée et non un simple manquement à une obligation d'information.

M. [S] [K] fait valoir que Mme [O] [E] ne dispose pas de l'intérêt à agir, au motif que sa demande en résiliation porte sur une surface totale de 3 ha 64 a 30ca alors même que le bail litigieux porte sur une surface totale de 3 ha 77 a 30 ca, et qu'elle ne produit pas l'acte notarié devant prouver l'incorporation d'une parcelle à la route départementale. Il estime que, ne parvenant pas à démontrer sa qualité de bailleur sur la surface visée par le bail du 10 avril 2009, ses demandes sont irrecevables, qu'à défaut, Mme [O] [E] ne peut poursuivre la résiliation d'une partie du bail en raison de son caractère indivisible.

L'intimé soutient que Mme [O] [E], en acceptant de percevoir les fermages de la part de ce dernier après la cessation de Mme [B] [H], a accepté et ratifié cette situation qui s'est soldée en une novation suite au renouvellement tacite du bail le 1er septembre 2017. Le manquement invoqué sous l'ancien bail ne peut donc justifier, selon lui, la résiliation du nouveau.

M. [S] [K] ajoute qu'aucun reproche ne lui a été fait depuis le départ de sa copreneuse, précisant qu'il avait respecté toutes ses obligations contractuelles, n'ayant pas besoin d'être assisté dans l'entretien d'un terrain de moins de quatre hectares.

M. [S] [K] fait valoir que la demande tendant à la résiliation du bail rural vise à contourner la procédure de congé aux fins de reprise personnelle pour exploiter et ne repose sur aucun fondement tangible, la bailleresse ayant manifesté son désir de reprendre les terres et de devenir exploitante agricole avant de saisir le tribunal.

En outre, M. [S] [K] fait valoir que la cessation de Mme [B] [H] fait suite à leur séparation, à l'initiative de cette dernière, qu'ainsi, il peut se prévaloir de la force majeure dès lors que cette décision était imprévisible, irrésistible et extérieure.

MOTIFS

1. Sur la prescription de l'action de Mme [O] [E], fondée sur une violation du troisième alinéa de l'article L. 411-35 du code rural

Mme [O] [E] conteste la prescription de son action en avançant notamment, au visa de l'article L. 411-35 alinéa 3 du code rural, que l'infraction commise par M. [S] [K], constitutive du point de départ du délai de prescription, serait une infraction continue et non pas instantanée, comme l'a retenu le premier juge.

Or, outre le fait que la cessation d'exploitation de Mme [B] [H] ne consiste pas en un simple manquement à une obligation d'information mais constitue bien une infraction instantanée, que seules constituent des infractions continues la cession prohibée du bail ou la sous location, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, il doit être retenu que la bailleresse avait bien eu connaissance du départ de Mme [B] [H] dès février 2016 puisque le 20 février 2016, elle avait adressé un mail à M. [S] [K] indiquant « au vu du désir de ne pas reconduire le bail de l'autre preneur ['], il me semble préférable que nous rompions ce bail par accord amiable. », qu'ainsi, c'est à juste titre que le premier juge, sans dénaturer ce courriel, a retenu qu'il était constitutif du point de départ du délai de prescription et que, dès lors, l'action introduite par Mme [O] [E] le 14 octobre 2021 était prescrite.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande formée par Mme [O] [E].

2. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties conservera ses dépens de l'appel.

Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 8 novembre 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Millau, en toutes ses dispositions ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;

DIT que chacune des parties conservera ses dépens de l'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/06190
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;22.06190 ?
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