La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2024 | FRANCE | N°22/00932

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 07 mai 2024, 22/00932


ARRÊT n°











































































Grosse + copie

délivrée le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 07 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00932 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKE3r>




Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 JANVIER 2022

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE BEZIERS

N° RG21/00003







APPELANT :



Monsieur [J] [U]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

assisté de Me Fanny LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELL...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 07 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00932 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKE3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 JANVIER 2022

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE BEZIERS

N° RG21/00003

APPELANT :

Monsieur [J] [U]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

assisté de Me Fanny LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Franck RIGAUD, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

INTIMEE :

Fondation COMTE ET COMTESSE [T] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités sis

[Adresse 2]

[Localité 7] - SUISSE

Représentant : Me Marie Pierre VEDEL SALLES, avocat au barreau de MONTPELLIER

assistée de Me Chantal CHABANON-CLAUZEL, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 MARS 2024,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport et Mme Corinne STRUNK, Conseillère.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 27 mai 2010, [W] [K] [S], veuve [T], a conclu un bail rural avec [J] [U].

Le 18 mai 2021, la fondation Comte et Comtesse [T], affirmant venir aux droits de [W] [K] [S], a fait assigner [J] [U] aux fins d'obtenir ses déclarations de récolte pour les années 2008 à 2020 et le paiement des loyers des cinq dernières années, sa condamnation à payer 6 000 euros à titre de dommages et intérêts et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise pour déterminer le montant des fermages et condamner [J] [U] à une provision de 15 000 euros. Elle a prétendu que le 8 juin 2010, la bailleresse avait été frappée d'une incapacité juridique totale.

[J] [U] a opposé l'absence de qualité et d'intérêt à agir de la requérante et, subsidiairement, de juger que la requérante n'était pas fondée à réclamer un quelconque loyer et la condamner au paiement de 400 700 euros HT au titre de travaux qu'il avait réalisés et dont la charge devrait être, selon lui, supportée par le bailleur au titre d'une lettre en date du 9 juin 2010. A titre infiniment subsidiaire, il a soutenu que les sommes réclamées ne pouvaient l'être qu'après le 23 juillet 2020 et a sollicité la compensation avec sa créance.

Le jugement rendu le 14 janvier 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Béziers :

Rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par [J] [U] ;

Condamne [J] [U] à remettre à la fondation Comte et Comtesse [T] les déclarations de récolte de l'ensemble de l'exploitation de 2008 à 2020, les tickets d'apport et les notes d'enregistrement internes à l'exploitation de 2008 à 2020, le casier viticole informatisé de 2008 à 2020, les documents administratifs et douaniers correspondant aux arrachages et plantations pour les années 2008 à 2020 et l'attestation d'assurance pour l'année 2021 ;

Dit que [J] [U] devra remettre les documents ci-dessus listés dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et que, passé ce délai, il sera soumis à une astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois passé lequel il conviendra de statuer de nouveau sur l'astreinte ;

Se réserve la liquidation de l'astreinte ;

Rejette le surplus des demandes des parties ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [J] [U] aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu à écarter le caractère exécutoire par provision de la présente décision.

Le jugement expose que l'attestation immobilière notariée du 23 juillet 2020 produite aux débats par la requérante démontre qu'elle est bien la légataire universelle de madame la Comtesse [T], depuis son décès le 23 août 2012, et qu'elle est propriétaire des biens objets du bail à ferme. Il précise qu'il prend acte que les parties ne jugent pas opportun d'ordonner une mesure d'expertise.

Le jugement relève que [J] [U] ne conteste plus sérieusement la demande principale de production de pièces de la fondation Comte et Comtesse [T] puisqu'il ne soutient plus bénéficier d'un viager sur les terres objet du bail et considère la lettre du 8 juin 2010 comme un avenant au bail rural, et rappelle que la question de l'incapacité juridique de la Comtesse [T] ne relève pas de sa compétence, par ailleurs, qu'il ne peut pas plus être fait droit à la demande au paiement de 15 000 euros, à valoir sur les loyers dus, faute de détermination du montant des loyers éventuellement dus et que rien ne s'oppose à ce que [J] [U] ne produise les documents réclamés à son bailleur.

Le jugement constate que [J] [U] ne produit pas suffisamment de documents justifiant les sommes qu'il réclame au titre de remboursement de travaux puisqu'il verse uniquement une facture d'octobre 2019, dite de rappel, pour les années 2009 à 2019, sans aucune ventilation des travaux et sans produire les factures originelles.

Le jugement rejette la demande de dommages et intérêts formée par la fondation Comte et Comtesse [T], au motif d'une absence de caractérisation d'une faute imputable à [J] [U].

[J] [U] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 16 février 2022.

[J] [U] demande à la cour de, en ses seules prétentions :

Infirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux rendu le 14 janvier 2022, en toutes ses dispositions ;

Subsidiairement, juger que la fondation [T] est redevable de la somme de 400 700 euros HT envers [J] [U] et l'y condamner ;

Confirmer le jugement du 14 janvier 2022 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur une éventuelle incapacité juridique de Madame [T] et en ce qu'il a débouté la fondation [T] de ses demandes de dommages et intérêts et de paiement de la somme de 15 000 euros au titre des loyers des cinq dernières années ;

A titre infiniment subsidiaire, juger que les sommes réclamées par la fondation [T] ne peuvent être réclamées qu'après la date de la publication de l'attestation immobilière après décès et ordonner la compensation avec la créance que détient [J] [U] ;

Débouter la fondation [T] de toutes demandes antérieures au 19 mai 2016, tenant la prescription quinquennale applicable en l'espèce ;

Débouter la fondation Comte et Comtesse [T] de l'intégralité de ses demandes et la condamner à payer à [J] [U] la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

[J] [U] conteste la recevabilité des demandes de la fondation. Il fait valoir que l'attestation immobilière du 23 juillet 2020 dont se prévaut la fondation pour indiquer qu'elle est officiellement propriétaire des parcelles litigieuses était toujours en cours d'enregistrement au service de la publicité foncière à la date de sa requête. [J] [U] souligne que Madame [T] est décédée en Suisse et y résidait, que c'est dans ce pays qu'elle a établi son testament et qu'il n'est pas démontré qu'il a été régulièrement reçu par notaire et enregistré dans un délai de trois mois à compter de la date de son décès. L'appelant soutient donc que les formalités auxquelles sont soumis les testaments n'ont pas été respectées, ce qui est sanctionné par la nullité. Il en déduit que l'attestation immobilière après décès du 23 juillet 2020 lui est inopposable et que les demandes de la fondation intimée sont irrecevables. [J] [U] ajoute que l'opposabilité aux tiers d'un acte de propriété dépend du respect de la formalité de publicité foncière. Il avance que l'attestation immobilière de propriété doit être établie lorsque le décès opère transmission d'un immeuble par un notaire et que cette attestation doit respecter plusieurs mentions avant d'être publiée au service de la publicité foncière de la situation de l'immeuble. [J] [U] soutient que les formalités prescrites et les délais imposés par le décret 55-1350 du 14 octobre 1995 n'ont pas été respectés et que l'attestation immobilière n'a donc aucun effet à l'égard des tiers, au motif qu'elle date de presque huit ans après le décès de la bailleresse originelle.

Subsidiairement, [J] [U] fait valoir que M. [M], qui a pris attache avec lui en se prévalant d'un mandat de la fondation, n'a pas qualité à représenter la fondation, qu'en effet, l'ordonnance du 22 octobre 2018 dont se prévaut M. [M] pour démontrer sa qualité à agir le désigne en qualité de mandataire de la SCI [Adresse 6] concernant trois procédures en cours sur Paris, Dijon et Sens.

[J] [U] soutient que [W] [T] a confirmé l'existence d'un viager en sa faveur à la date du 8 juin 2010, dans une lettre où elle préciserait avoir perçu les récoltes 2008 et 2009 en intégralité. Cette lettre préciserait également que pour les travaux à effectuer sur l'exploitation, 80 % serait à la charge de la bailleresse et 20 % à sa charge. [J] [U] affirme que cette lettre est un avenant au bail.

[J] [U] fait valoir qu'il a pu chiffrer à 400 700 euros HT la part des travaux entre 2008 et 2019 restant à la charge des héritiers.

En ce qui concerne l'incapacité de [W] [T] soulevée par l'intimée, [J] [U] avance que la seule pièce versée aux débats en ce sens est un jugement d'un juge de paix suisse du 3 juin 2010 ayant instauré une mesure de tutelle provisoire et ordonnant notamment une expertise médicale et qu'il n'est pas établi qu'une décision postérieure aurait été rendue et quels en seraient ses effets à l'égard des tiers, que faute de pièce supplémentaire, le jugement du 3 juin 2010 est donc inopposable aux tiers.

En tout état de cause, [J] [U] affirme enfin que le premier juge n'a pas tenu compte des dispositions de l'article 2224 du code civil, en prononçant des condamnations pour les années 2008 à 2020 au vu de la prescription quinquennale applicable.

La fondation Comte et Comtesse [T] demande à la cour :

Confirmer le jugement rendu le 14 janvier 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Béziers en ce qu'il a :

rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [J] [U],

condamné Monsieur [J] [U] à remettre à la Fondation Comte et Comtesse [T] les déclarations de récolte de l'ensemble de l'exploitation de 2008 à 2020, les tickets d'apport et les notes d'enregistrement internes à l'exploitation de 2008 à 2020, le casier viticole informatisé de 2008 à 2020, les documents administratifs et douaniers correspondant aux arrachages et plantations pour les années 2008 à 2020 et l'attestation d'assurance pour l'année 2021,

débouté Monsieur [J] [U] de ses demandes ;

L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Se déclarer incompétent pour statuer sur la demande de Monsieur [J] [U] tendant à la condamnation de la Fondation Comte et Comtesse [T] au paiement de la somme de 400 700 euros HT et renvoyer ce dernier à mieux se pourvoir devant les juridictions Suisses compétentes ;

A titre subsidiaire, déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de Monsieur [J] [U] en application du principe de l'estoppel ;

A titre infiniment subsidiaire, déclarer prescrite la demande de Monsieur [J] [U] tendant à la condamnation de la Fondation Comte et Comtesse à lui payer la somme de 400 700 euros HT ;

En tout état de cause, le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre principal,

Condamner Monsieur [J] [U] à payer à la Fondation Comte et Comtesse [T] une somme de 141 497 euros pour la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2023, avec intérêt au taux légal depuis le 5 juin 2020 ;

Condamner Monsieur [J] [U] à payer à la Fondation Comte et Comtesse [T] un fermage annuel d'un montant de 7 806,13 euros à compter du 1er octobre 2023, qui sera actualisé en fonction des indices applicables audit fermage ;

A titre subsidiaire,

Condamner à titre provisionnel Monsieur [J] [U] à payer à la Fondation Comte et Comtesse [T] une somme de 80 925,91 euros pour la période du ler janvier 2010 au 31 décembre 2023, avec intérêt au taux légal depuis le 5 juin 2020 ;

Condamner à titre provisionnel Monsieur [J] [U] à payer à la Fondation Comte et Comtesse [T] un fermage annuel d'un montant de 9 735,65 euros à compter du 1er janvier 2024, qui sera actualisé en fonction des indices applicables audit fermage ;

Condamner Monsieur [U] à produire les justificatifs permettant de valoriser les récoltes de 2010 à 2023 inclus, issues des terres viticoles objet du bail rural, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard qui courra à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

Condamner Monsieur [J] [U] à payer à la Fondation Comte et Comtesse [T] la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts, de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, d'instance et d'appel.

Pour l'essentiel, sur sa capacité à agir, la fondation Comte et Comtesse [T] avance que l'absence de respect de la publicité de l'attestation notariée constatant la transmission ou la constitution par décès de droits réels immobiliers ou du délai dans lequel elle est enfermée n'est pas sanctionnée, si ce n'est par l'impossibilité en raison de l'effet relatif de publier un acte postérieur, que toutefois et en l'espèce, l'attestation notariée établie le 23 juillet 2020 par maître [L], notaire à [Localité 3], en vue de constater la transmission par décès des droits réels immobiliers de [W] [K] [S], veuve [T] à la fondation, a été publiée le 24 juillet 2020 par les services de la publicité foncière de [Localité 4], de sorte qu'elle est opposable à Monsieur [U].

La fondation demande en conséquence à la cour de rejeter sa fin de non-recevoir et de retenir qu'elle a bien qualité et a fortiori intérêt à agir pour exercer ses droits en tant que propriétaire du domaine en litige.

S'agissant de la demande en paiement de la somme de 400 700 euros HT au titre de travaux que [J] [U] affirme avoir exécutés de 2008 à 2019, la fondation Comte et Comtesse [T] avance que la lettre de [W] [K] [S] en date du 8 juin 2010 constitue de toute vraisemblance un faux, de sorte qu'elle ne saurait, par ces termes, caractériser un avenant au bail, d'autant qu'il ne justifie pas d'un acte opposable à la fondation à défaut d'avoir été reçu en la forme authentique et publié, que, de plus, à cette date et depuis le 3 juin 2010, [W] [K] [S] avait déjà fait l'objet d'un jugement de mise sous tutelle, de sorte qu'à la date du 8 juin 2010, elle n'avait pas la capacité de disposer et d'administrer ses biens.

La fondation demande en conséquence à la cour de dire qu'elle n'a pas compétence pour la condamner au paiement de la somme de 400 700 euros HT, sur la base de cette lettre et, au surplus, sur la base de la facture unilatéralement établie par [J] [U] au soutien de sa demande.

S'agissant de ses demandes, la fondation Comte et Comtesse [T] demande à la cour de constater que [J] [U] ne conteste pas qu'il occupe et perçoit depuis au moins 2010 les fruits du domaine de Saint-Upéry, et qu'il ne justifie pas d'un seul paiement du fermage, ce qui constitue pourtant l'une des obligations essentielles du fermier, de sorte qu'il doit par conséquent le paiement des fermages depuis cette date.

S'agissant de la prescription opposée par [J] [U] au visa de l'article 2224 du code civil, pour toutes les demandes antérieures au 19 mai 2016, la fondation avance notamment que sa reconnaissance du droit au paiement du fermage a interrompu la prescription, conformément à l'article 2240 du code civil.

Sur la base du rapport de M. [X] [G], établi le 5 septembre 2023, et de sa visite sur les lieux litigieux le 2 février 2024 afin de procéder à un chiffrage réel et précis du loyer du bail à ferme pour les vignes, les terres nues et le bâtiments d'exploitation, pour la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2023, la fondation demande à titre principal que [J] [U] soit condamné à lui payer la somme totale de 141 497 euros et un fermage annuel d'un montant de 7 806,13 euros à compter du 1er octobre 2023, qui sera actualisé en fonction des indices applicables audit fermage.

Enfin, la fondation Comte et Comtesse [T] avance que [J] [U] a fait usage de pièces qui, de toute vraisemblance, constituent des faux pour mieux la tromper depuis des années, ainsi que les juridictions, ce qui justifie qu'il soit condamné à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

MOTIFS

1. Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité et d'intérêt à agir de la fondation Comte et Comtesse [T]

Outre le fait qu'il n'est pas apporté de critique utile aux motifs des premiers juges, qui ont justement retenu qu'il résultait de l'attestation immobilière notariée du 23 juillet 2020, produite aux débats, que la fondation Comte et Comtesse [T] était le légataire universel de Mme [W] [K] [S], veuve [T], instituée en cette qualité en vertu des dispositions testamentaires de l'intéressée du 10 juillet 1996, propriétaire désormais des biens objet du bail à ferme du 27 mai 2010 et donc parfaitement habile à ester en justice, la cour relève de la pièce n° 20 produite par l'intimée que cette attestation immobilière, enregistrée et publiée au service de la publicité foncière le 24 juillet 2020, qui n'a fait l'objet d'aucun rejet, est opposable aux tiers, dont M. [J] [U], de sorte que le jugement dont il a relevé appel sera confirmé en ce qu'il a dit qu'aucune exception d'irrecevabilité ne pouvait être opposée à la fondation requérante.

2. Sur la demande de condamnation de la fondation Comte et Comtesse [T] au paiement de la somme de 400 700 euros HT au titre des travaux réalisés par M. [J] [U]

Pour fonder sa demande, comme en première instance, M. [J] [U] produit une « lettre » de Mme [W] [K] [S], veuve [T], du 8 juin 2010, ainsi qu'une facture du 1er octobre 2019, dite de « rappel » des factures pour les années 2009 à 2019, et en pièce n° 10, neuf factures qu'il aurait retrouvées.

La cour constate toutefois, comme les premiers juges, que ces seules pièces sont totalement insuffisantes pour justifier de la réalité de la créance invoquée, tant dans son principe que dans son montant, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande en paiement.

3. Sur la demande formée par la fondation Comte et Comtesse [T] en paiement des fermages depuis 2010

M. [J] [U], en considération de ce que la fondation Comte et Comtesse [T] l'a assigné le 18 mai 2021, demande à la cour de la débouter de ses demandes en paiement antérieures au 19 mai 2016, tenant la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil.

La fondation Comte et Comtesse [T] lui oppose toutefois les dispositions de l'article 2240 du code civil, qui prévoient que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

En l'espèce, la cour constate que par son courrier produit en pièce n° 4, consistant en le rappel des factures de travaux de 2008 à 2019, M. [J] [U] reconnaît le droit de la bailleresse au paiement du fermage, de sorte qu'il ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 2224 du code civil, qu'ainsi, la demande en paiement des fermages formée par la fondation Comte et Comtesse [T] sera examinée depuis 2010.

A ce titre, il est constant que M. [J] [U] ne s'est acquitté d'aucun fermage depuis cette date.

Au soutien de sa demande, la fondation Comte et Comtesse [T] verse au débat plusieurs pièces dont un rapport établi le 5 septembre 2023 par un expert foncier et agricole, M. [X] [G].

En considération des pièces versées et de ce rapport, conforme aux termes du bail rural en litige, qui propose, pour chaque année, un chiffrage précis du loyer du bail à ferme pour les vignes, les terres nues et les bâtiments d'exploitation, sur la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2023, et qui n'est pas critiqué, M. [J] [U] sera condamné à payer à la fondation Comte et Comtesse [T] la somme totale de 141 497 euros au titre de l'arriéré sur cette période, avec intérêt au taux légal depuis le 5 juin 2020, et à payer un fermage annuel d'un montant de 7 806,13 euros à compter du 1er octobre 2023, qui sera actualisé en fonction des indices applicables audit fermage.

4. Sur la demande de condamnation de M. [J] [U] au paiement de dommages-intérêts

Si comme l'avance justement la fondation Comte et Comtesse [T], il est d'ordre public que les conventions doivent être exécutées de bonne foi et qu'au cas d'espèce, M. [J] [U] n'a pas rempli l'obligation essentielle qui lui incombait, de paiement du fermage et qu'il n'a pas communiqué à la bailleresse les pièces prévues au bail pour en déterminer le montant, conduisant le tribunal paritaire des baux ruraux à lui imposer condamnation sous astreinte à cette fin, il n'est pas rapporté un préjudice au-delà de la perception différée des fermages sur la période de 2010 à 2023, réparée au cas présent par l'application de l'intérêt au taux légal, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté ses prétentions indemnitaires.

En conséquence de ce qui précède, le jugement rendu le 14 janvier 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Béziers sera confirmé en toutes ses dispositions.

5. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [J] [U] sera condamné aux dépens de l'appel.

M. [J] [U], qui échoue en son appel, sera en outre condamné à payer à la fondation Comte et Comtesse [T] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 14 janvier 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Béziers, en toutes ses dispositions ;

Statuant pour le surplus,

CONDAMNE M. [J] [U] à payer à la fondation Comte et Comtesse [T] la somme totale de 141 497 euros au titre des fermages dus pour la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2023, avec intérêt au taux légal depuis le 5 juin 2020 ;

CONDAMNE M. [J] [U] à payer à la fondation Comte et Comtesse [T] un fermage annuel de 7 806,13 euros à compter du 1er octobre 2023, qui sera actualisé en fonction des indices applicables audit fermage ;

CONDAMNE M. [J] [U] à payer à la fondation Comte et Comtesse [T] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;

CONDAMNE M. [J] [U] aux dépens de l'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00932
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;22.00932 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award