La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2024 | FRANCE | N°21/02741

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 07 mai 2024, 21/02741


ARRÊT n°2024-



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 07 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02741 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O7GD





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 MARS 2021

TRIBUNAL JUDICIAI

RE DE MONTPELLIER

N° RG 11-20-000403





APPELANTS :



Monsieur [L] [C]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant



Madame [O] [P] épouse [C]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe CALAFELL, avoc...

ARRÊT n°2024-

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 07 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02741 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O7GD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 MARS 2021

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

N° RG 11-20-000403

APPELANTS :

Monsieur [L] [C]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Madame [O] [P] épouse [C]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMES :

Monsieur [K] [E]

né le 23 Juin 1976 à [Localité 7]

CCAS, [Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Fariza TOUMI, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/12717 du 11/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Madame [F] [D] épouse [E]

née le 22 Août 1981 à [Localité 6] Maroc

CCAS, [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Fariza TOUMI, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

CAF DE L'HERAULT CAF DE L'HERAULT, Organisme de régime général de la sécurité sociale, identifiée au SIRET sous le numéro 534 089 529, dont le siège social est [Adresse 2], agissant poursuites diligences de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Francette BENE de la SCP BENE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant non plaidant

Ordonnance de clôture du 21 Août 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Estelle DOUBEY

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Mme Estelle DOUBEY, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er mars 2017, M. [L] [C] a donné à bail à M. [K] [E] une chambre meublée d'une surface de 11 m², située à [Localité 3] (34), moyennant un loyer mensuel de 240 euros, outre une provision sur charges de 30 euros et un dépôt de garantie de 250 euros.

En mai 2019, M. [K] [E] a déclaré à la Caf avoir repris la vie commune avec son épouse et leurs quatre enfants, les dossiers étant regroupés sous le numéro allocataire de Mme [F] [E], son épouse.

Le 18 novembre 2019, suite à une visite du 8 novembre 2019, l'ARS a déclaré le logement par nature impropre à l'habitation et a mis en demeure les propriétaires de mettre fin à la disposition du local aux fins d'habitation.

Le 7 janvier 2020, M. [K] [E] a été sommé de quitter les lieux loués en raison de sa suroccupation par lui, sa femme et ses quatre enfants, ce que le locataire a contesté en arguant du fait que les bailleurs étaient informés de leur présence depuis mai 2019, puisqu'ils avaient encaissé les prestations sociales majorées, et qu'ils allaient quitter les lieux.

Le 15 janvier 2020, le préfet a mis en demeure les époux [C] de mettre fin à la disposition aux fins d'habitation des locaux litigieux du fait de leur nature et de leur configuration.

Le 12 février 2020, arguant du fait que le locataire suroccupait les lieux loués avec son épouse et leurs quatre enfants, et qu'ils auraient perdu le bénéfice de l'allocation versée par la Caf, les époux [C] ont assigné les époux [E] aux fins notamment de résiliation du bail, d'expulsion et de paiement de dommages-intérêts.

Parallèlement, la Caf est venue se prévaloir de l'arrêté d'insalubrité pour solliciter le remboursement des allocations déjà versées par le biais de deux notifications d'indus, des 16 janvier et 6 mars 2020, adressées aux époux [C].

Le 23 juin 2020, les époux [C] ont attrait la Caf devant le tribunal judiciaire de Montpellier, aux fins notamment de produire sous astreinte l'ensemble des pièces du dossier des demandes d'allocations versées par les époux [E] et la Caf au titre du logement litigieux.

Le jugement rendu le 18 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier :

Prononce la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 1120-403 et 1120-867, sous le numéro unique 1120-403 ;

Se déclare incompétent concernant les demandes à l'encontre de la Caf sur le versement, la perception d'indus de prestations sociales au profit des époux [E] ;

Prononce la résiliation du bail à la date du 15 avril 2020 ;

Déclare M. [K] [E] occupant sans droit ni titre depuis cette date ;

Ordonne son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef avec l'assistance de la force publique si besoin est ;

Condamne solidairement les époux [C] à payer à M. [K] [E] les sommes de 7 680 euros au titre du préjudice de jouissance et 250 euros au titre du dépôt de garantie ;

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne les époux [C] in solidum aux dépens de la présente instance ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le premier juge a relevé que le bail devait être résilié au 15 avril 2020, la notification de l'arrêté préfectoral aux époux [E] n'étant pas contestée et M. [K] [E] ayant fait savoir aux bailleurs, dès le 14 janvier 2020, qu'il était relogé avec sa famille sous peu.

Le premier juge a retenu que les locataires devaient être exonérés du loyer à compter du 18 novembre 2019, date du rapport de l'ARS constatant l'insalubrité du bien donné en location et caractérisant un manquement, par les bailleurs, à leur obligation de délivrance d'un logement décent, ce qui ne leur permettait pas de solliciter des dommages-intérêts pour le préjudice subi par la suroccupation.

Le premier juge a relevé qu'il n'était pas possible de comprendre sur quel fondement juridique les bailleurs entendaient engager la responsabilité de la Caf dans un litige qui opposait les bailleurs aux preneurs, ni des raisons pour lesquelles ils entendaient voir lever le secret professionnel, indiquant que les difficultés relatives à des indus relevaient des juridictions administratives, d'ores et déjà saisies dans le cadre de ce litige.

Le premier juge a retenu que M. [K] [E] avait occupé du 1er mars 2017 à novembre 2019 un local non décent, impropre à l'habitation dès l'origine contre un loyer, qu'il a donc subi un préjudice et que l'état du logement lui permettait également de récupérer son dépôt de garantie.

Le premier juge a relevé que les défendeurs ne démontraient pas l'abus dans la procédure intentée par les bailleurs ni la preuve d'une faute des époux [C] dans l'exercice de leur droit d'ester en justice.

Les époux [C] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 27 avril 2021.

Dans leurs dernières conclusions du 10 août 2023, les époux [C] demandent à la cour de :

Confirmer le jugement qui prononce la résiliation du bail en raison de la suroccupation des lieux, et non plus sur l'interdiction de louer mise à néant pour donner suite au retrait de la décision prononcée le 15 janvier 2020 ;

Sur le surplus et les allocations, dommages-intérêts

Infirmer la décision déférée ;

Tenant à la fraude commise par les preneurs ;

Débouter les époux [E] de leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamner les époux [E] à payer aux concluants la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour fraude et la somme de 1 680 euros pour l'occupation de l'appartement de novembre 2020 à mai 2021 ;

Condamner la Caf à payer aux concluants la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Vu l'arrêté du 27 avril 2021

Déclarer irrecevables les demandes des époux [E] et de la Caf fondées sur l'arrêté de Monsieur le préfet en date du 15 janvier 2020, retiré le 27 avril 2021 ;

Déclarer que la Caf a accepté la modification du terme du bail sans l'accord des bailleurs ;

Vu l'article 1240 du code civil

Condamner la Caf à payer aux époux [C] 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Dire que la Caf ne pourra récupérer au titre du rappel les allocations logement, les sommes antérieurement dues à l'arrêté du 27 avril 2021 prononçant le retrait de l'arrêté du 15 janvier 2020 ;

Débouter les époux [E] de leurs demandes, fins et conclusions ;

Débouter la Caf de ses demandes, fins et conclusions ;

Sur le comportement des époux [E]

Condamner in solidum les époux [E] et la Caf à payer aux concluants la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner in solidum les intimés aux entiers dépens.

Les époux [C] soutiennent que les époux [E] doivent être déclarés irrecevables dans leur défense, en ce qu'ils refusent de transmettre leur nouvelle adresse de domicile pour faire échec aux mesures d'exécution qui pourraient être prises des suites de cette procédure.

Les époux [C] font valoir que ce sont les intimés qui sont à l'origine de leur propre préjudice. En ce sens, ils rappellent que le logement loué était constitué d'une seule pièce, qui a été louée à une personne seule, que M. [K] [E] a visité le logement avant de le louer et l'a occupé plusieurs années sans formuler aucune objection, et que Mme [F] [E] et leurs enfants l'ont ensuite rejoint.

Les époux [C] soutiennent qu'ils ont subi un dol, en ce que le locataire ne les a pas informés qu'il avait une épouse et quatre enfants dans les lieux et que ce dol ainsi que la suroccupation des lieux leur offre la possibilité de résilier le bail.

Les époux [C] ajoutent que les époux [E] n'ont pas restitué les clés alors même qu'ils avaient annoncé avoir déménagé. Selon les bailleurs, en avril 2021, ils continuaient à occuper les lieux, eux-mêmes ou par l'intermédiaire de leur fille, justifiant du paiement, de la part des locataires, de la somme de 1 680 euros correspondant au loyer qu'ils auraient dû régler.

Les bailleurs contestent l'octroi de dommages-intérêts au preneur. Ils font valoir que la chose louée a satisfait le preneur lorsqu'il était le seul occupant et qu'ils ne sont pas responsables de la suroccupation du bien. Les bailleurs contestent avoir commis une faute et avancent que le preneur n'a jamais sollicité aucune somme dans le délai de trois ans qui a suivi la prise de possession des lieux, qu'ainsi, l'action en paiement est prescrite. Ils ajoutent que M. [K] [E] ne peut se prévaloir d'aucun préjudice puisqu'il a été logé avec sa famille dans les lieux pour 250 euros par mois, sans en avoir informé le propriétaire que le lien de causalité n'est pas plus démontré.

Les époux [C] contestent les demandes de Mme [F] [E], qui n'est pas locataire et a pris possession des lieux en toute connaissance de cause.

Les bailleurs font valoir qu'ils ont effectué plusieurs propositions de relogement mais qu'ils ne disposent d'aucune information sur les facultés financières des preneurs. Ils avancent qu'il n'est pas possible de reloger six personnes en se fondant uniquement sur l'actuel loyer de 250 euros, payé par M. [K] [E], pour un logement seul, qu'en outre, l'arrêté du 15 janvier 2020 a été retiré, dispensant, selon eux, les bailleurs de proposer un relogement ou de se voir reprocher une faute.

Les appelants contestent l'existence d'un préjudice moral des époux [E]. Ils affirment que le locataire tente de commettre une fraude, accueillant cinq personnes dans un logement conçu pour une personne, avant de dénoncer à l'ARS ses conditions de vie afin de pouvoir obtenir d'être relogé en priorité par le biais d'une saisine de la commission DALO.

Les époux [C] soutiennent que la Caf a commis une faute, n'ayant pas informé le bailleur de l'arrivée de cinq personnes dans le logement. Ils précisent qu'il s'agit d'une action en responsabilité pour faute fondée sur l'article 1240 du code civil. Ils soulignent que la Caf payait l'intégralité des loyers et qu'en les condamnant à régler 10 000 euros à M. [K] [E], les bailleurs lui permettent de recevoir le montant des loyers qu'il n'a pas réglé.

Les époux [C] soulignent que la fraude corrompt tout et soutiennent que [K] [E] a conservé la jouissance des lieux postérieurement à l'audience.

Dans leurs dernières conclusions du 24 juillet 2021, les époux [E] demandent à la cour de :

Ecarter des débats la pièce n° 10 des époux [C] ;

Les débouter de toutes leurs demandes ;

Confirmer le jugement du 18 mars 2021, dans toute ses dispositions ;

Condamner in solidum les époux [C] à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à Maitre Toumi ;

Les condamner in solidum aux entiers dépens.

Les époux [E] s'opposent à la demande du sursis à statuer. Ils estiment que les appelants ne démontrent pas avoir saisi le juge administratif d'un recours en annulation ou d'un référé suspension. Sur ce point, la pièce n°10 des bailleurs doit être écartée car il s'agit d'une correspondance entre avocats, par nature confidentielle.

Les époux [E] soutiennent que le bail doit être résilié au tort du bailleur et non du preneur puisque le bailleur a manqué à son obligation contractuelle de mettre à disposition de son locataire un logement décent qui ne présente pas de danger pour sa santé et sa sécurité. Ils rappellent que lorsque le local loué a été qualifié par nature impropre à l'habitation, de sorte que l'obligation de régler les loyers cesse et le locataire peut agir en répétition des loyers indument versés. Les intimés soulignent qu'un locataire qui héberge des membres de sa famille ne commet pas de manquement à ses obligations contractuelles, qu'en outre, le bailleur ne démontre aucun élément permettant de dire que M. [K] [E] aurait commis une fraude ou usé de man'uvres dolosives.

Les époux [E] sollicitent l'indemnisation de leurs préjudices. Ils font valoir que le logement mis à disposition était constitué de combles non chauffés.

Dans ses dernières conclusions du 29 octobre 2021, la Caf demande à la cour de :

In limine litis

Se déclarer incompétente à connaitre du bienfondé des indus d'allocation logement à caractère familial au profit du tribunal administratif de Montpellier ;

Confirmer le jugement rendu le 18 mars 2021, en ce qu'il se déclare incompétent concernant les demandes à l'encontre de la Caf sur le versement/ la perception d'indus de prestations sociales au profit des époux [E] ;

Prononcer l'absence de responsabilité de la Caf ;

Débouter les époux [C] de leur demande de condamnation à l'égard de la Caf à leur payer 10 000 euros au titre de dommages-intérêts ;

Condamner les époux [C] à payer à la Caf la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A titre liminaire, la Caf fait valoir que seul le tribunal administratif est compétent pour connaitre du bienfondé de l'indu et des contestations de celui-ci par le bailleur.

La Caf conteste avoir commis une quelconque faute dans les relations entre le bailleur et le locataire. Elle affirme avoir été appelée par le bailleur en mai 2019, celui-ci lui signalant que le couple [E] résidait dans son logement mais que les enfants ne dormaient pas sur place, ce qui signifie qu'il avait connaissance de la présence de la famille dans le logement dès leur arrivée. En tout état de cause, la Caf fait valoir qu'elle n'a pas d'obligation d'informer le bailleur des modalités d'occupation du logement.

La Caf souligne que Mme [F] [E], en qualité d'épouse du locataire, bénéficie d'un droit au bail. Elle n'a donc pas l'obligation de vérifier les liens entre cette dernière et les bailleurs.

La Caf fait valoir que le préjudice allégué par les époux [C] est né du logement impropre à l'habitation et non pas de la prétendue faute qui lui est reprochée, que c'est bien la nature et la configuration du logement qui est à l'origine de l'indu.

La Caf conteste la demande de dommages-intérêts formulée par les bailleurs à son encontre puisqu'elle n'a commis aucune faute. En outre, elle avance que le montant demandé, fondé sur le remboursement des allocations logement sollicité, n'a pas lieu d'être dans cette instance puisque cette question est du ressort de la juridiction administrative. La Caf ajoute qu'elle n'a pas de lien avec la condamnation des bailleurs à verser l'intégralité des loyers à M. [K] [E] puisqu'il s'agit purement d'un conflit entre bailleur et preneur, qu'en outre, le montant demandé est démesuré.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 21 août 2023.

MOTIFS

1. Sur la recevabilité de la défense des époux [E], intimés

Dans leurs dernières conclusions du 10 août 2023 et suivant une « requête à madame le conseiller de la mise en état près la cour d'appel de Montpellier » du 4 mars 2024, soit après l'ordonnance de clôture, les époux [C] demandent à la cour de déclarer les époux [E] irrecevables dans leur défense au motif qu'ils n'ont pas communiqué leur adresse, comme le prévoient les dispositions de l'article 59 du code de procédure civile.

A l'audience de plaidoiries du 11 mars 2024, leur conseil a toutefois admis que cette demande aurait dû être présentée devant le magistrat chargé de la mise en état, avant que ne soit rendue l'ordonnance de clôture et dans les délais prévus par le code de procédure civile, de sorte qu'il a indiqué à la cour qu'il abandonnait cette prétention.

2. Sur la demande visant à voir écarter la pièce n° 10, versée au débat par les époux [C]

Les époux [E] demandent à la cour d'écarter cette pièce au motif qu'elle consisterait en une correspondance entre avocats, par nature confidentielle.

Or, la cour constate que cette pièce ne consiste nullement en une correspondance entre avocats, de sorte qu'il n'y a lieu de l'écarter du débat.

3. Sur l'indemnisation du préjudice de jouissance des époux [E]

Le premier juge a retenu que M. [K] [E] justifiait de ce qu'il avait occupé, depuis le 1er mars 2017 et jusqu'au mois de novembre 2019, un logement non décent, impropre à l'habitation dès l'origine eu égard à sa superficie et à sa configuration, et qu'il avait ainsi subi un préjudice résultant de la nécessité de vivre quotidiennement dans ce logemnt impropre à l'habitation, en s'acquittant d'un loyer de 240 euros par mois hors charges, que, dès lors, M. [K] [E] justifiait, à ce titre, d'une créance dont le montant pouvait être évalué à 7 680 euros, soit le loyer mensuel de 240 euros multiplié par trente-deux mois, somme totale que les époux [C] ont été condamnés solidairement à lui payer en réparation de son préjudice de jouissance, excluant celui de son épouse, Mme [F] [E], au motif qu'il n'était pas établi.

En cause d'appel, les époux [C] poursuivent l'infirmation de cette condamnation au motif notamment que les époux [E] ne s'acquittaient directement d'aucun loyer, que celui-ci était en réalité payé par la caisse d'allocations familiales, au travers le versement de l'allocation logement, dont elle leur demanderait le remboursement au motif que le logement a été déclaré impropre à l'habitation, de sorte qu'une condamnation au paiement de dommages-intérêts conduirait, selon eux, à un enrichissement sans cause des époux [E].

En l'espèce, il est constant que le logement donné à bail à M. [K] [E] par les époux [C] était impropre à l'habitation, ce que ces derniers ne pouvaient ignorer compte tenu de ses caractéristiques, qui ne laissent aucune place à la discussion.

La cour relève en effet de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 15 janvier 2020, retiré au motif d'une erreur matérielle, et de l'arrêté du 27 avril 2021, faisant état des mêmes constatations, que la hauteur sous plafond était inférieure à 2,2 mètres sur 70 % du logement de 11 m2 donné à bail, laissant seulement un espace vital suffisant, au sens de la réglementation sanitaire, de 3 m2, que le cabinet d'aisance n'était séparé de l'espace de préparation des repas que par un rideau et que le logement ne disposait pas de moyen de chauffage.

Comme l'a justement retenu le premier juge, en donnant à bail à M. [K] [E] un logement impropre à l'habitation et contraire à la dignité humaine, les époux [C] ont manqué à leur obligation de délivrance d'un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation, peu importe ensuite que ce logement ait été suroccupé ou non, cet état de fait ne pouvant exonérer les bailleurs de délivrer au locataire initial un logement décent.

Pour déterminer le montant de l'indemnisation du préjudice de jouissance, le premier juge a retenu que M. [K] [E] avait subi un préjudice résultant de la nécessité de vivre quotidiennement dans un local impropre à l'habitation, en s'acquittant d'un loyer de 240 euros par mois hors charges, loyer qui a servi de base au calcul du montant total, puisqu'il a été multiplié ensuite par trente-deux mois d'occupation.

A ce titre, la cour rappelle que l'évaluation de l'existence et de l'importance du préjudice de jouissance, de même que de son indemnisation, relève de l'appréciation souveraine du juge, qui se fonde sur les pièces qui lui sont remises.

En l'espèce, notamment en lecture du rapport de l'agence régionale de santé et de l'arrêté du préfet de l'Hérault, non utilement contestés, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que l'indemnisation du préjudice de jouissance subi par M. [K] [E] pouvait être fixé à la somme mensuelle de 240 euros, le fait que tout ou partie du loyer soit réglé par la caisse d'allocations familiales est sans incidence sur cette évaluation dans la mesure où le fait de retenir comme base de calcul pour déterminer le préjudice de jouissance le loyer mensuel n'est qu'une manière de calculer le montant d'une indemnité, ce qui se différencie d'un remboursement de loyer.

Il s'ensuit que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné les époux [C] à payer M. [K] [E] la somme de 7 680 euros au titre du préjudice de jouissance.

4. Sur les demandes formalisées à l'encontre de la caisse d'allocations familiales (CAF)

Le premier juge a dit qu'en l'espèce, il ne lui était pas possible de comprendre à la lecture des conclusions des époux [C] sur quel fondement juridique ils entendaient engager la responsabilité de la CAF dans le présent litige, qui opposait les seuls bailleurs aux preneurs, ni les raisons pour lesquelles ils entendaient voir lever le secret professionnel, retenant, d'une part, que les difficultés relevant d'indus payées/reçues par la CAF relevaient de la compétence des juridictions administratives et, d'autre part, que la juridiction administrative était déjà saisie de ces difficultés, pour se déclarer incompétent au profit du tribunal administratif de Montpellier.

En cause d'appel, les époux [C] n'apportent aucune critique à ce motif pris par le premier juge, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

5. Sur les prétentions indemnitaires des époux [C]

En cause d'appel, les époux [C] sollicitent toujours la condamnation des époux [E] à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, pour fraude, et la somme de 1 680 euros, pour l'occupation du logement de novembre 2020 à mai 2021.

En l'espèce, outre le fait que si les époux [C] avancent une fraude dont auraient usé les époux [E], laquelle consisterait en le fait que M. [K] [E] aurait caché qu'il avait une famille, ils n'en justifient toutefois nullement autrement que par des allégations, ils reconnaissent par ailleurs que les époux [E] ont quitté le logement en novembre 2020 et se limitent, pour obtenir paiement des loyers de novembre 2020 à mai 2021, à avancer que leurs filles se seraient maintenues dans les lieux, présence qu'ils auraient pu constater « lors d'un passage à proximité des locaux », ce qui est insuffisant à entrer en voie de condamnation au paiement de ces loyers et ce alors que le bail a été résilié par le tribunal au 15 avril 2020, suivant en cela une prétention poursuivie par eux, et qu'il a été ordonné l'expulsion à compter de cette date, si besoin avec le concours de la force publique.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les époux [C] de leurs prétentions indemnitaires.

Il suit de ce qui précède que le jugement rendu le 18 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier sera confirmé en toutes ses dispositions.

6. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [C] seront condamnés in solidum aux dépens de l'appel.

Les époux [C], qui échouent en leur appel, en toutes leurs prétentions, seront en outre condamnés in solidum à payer à la caisse d'allocations familiales la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à maître Fariza Toumi, conseil des époux [E], la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONSTATE que les époux [C] ont abandonné leur prétention visant à voir déclarer irrecevable la défense des époux [E], intimés ;

DIT n'y avoir lieu d'écarter du débat la pièce n° 10 versée par les époux [C] ;

CONFIRME le jugement rendu le 18 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier, en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE in solidum les époux [C] à payer à la caisse d'allocations familiales de l'Hérault la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;

CONDAMNE in solidum les époux [C] à payer à maître Fariza Toumi, conseil des époux [E], la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, étant rappelé que si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, s'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat ;

CONDAMNE in solidum les époux [C] aux dépens de l'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02741
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;21.02741 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award