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07/05/2024 | FRANCE | N°20/03756

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 07 mai 2024, 20/03756


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 07 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03756 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OVVX





Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 JUILLET 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PER

PIGNAN

N° RG 2019j00071





APPELANTE :



S.A.S. DECATHLON FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Hervé TANDONNET, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant







IN...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 07 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03756 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OVVX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 JUILLET 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2019j00071

APPELANTE :

S.A.S. DECATHLON FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Hervé TANDONNET, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A.R.L. L'AVENIR EN EUROPE - LOTISSEMENT

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Arnaud TRIBILLAC de la SCP TRIBILLAC - MAYNARD - BELLOT, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant

Ordonnance de clôture du 21 Août 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Emmanuel GARCIA, chargé du rapport, Conseiller et Mme Corinne STRUNK, Conseillère.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :

Le 19 juillet 1996, la SCI L'Avenir en Europe -Lotissement, aux droits de laquelle est venue la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement, a donné à bail à la SA Décathlon devenue la SAS Décathlon France, le lot n°1 du lotissement 'Les portes de l'Europe' situé au [Adresse 7] à [Localité 8], sur la parcelle cadastrée HP n° [Cadastre 2] d'une superficie de 20 123m², limitrophe de la parcelle n°[Cadastre 3] appartenant également à la SCI L'Avenir en Europe -Lotissement .

Le 3 juillet 2009, la bailleresse a cédé la parcelle n° [Cadastre 2] et le bail y afférent à la SCI RG Investissements, bail qui a été renouvelé le 1er avril 2013.

Le 19 avril 2018, Monsieur [N] [F], expert géomètre, a procédé à la demande de la SARL l'Avenir en Europe-Lotissement à un constat de rétablissement des limites entre la parcelle HP n°[Cadastre 2], dont la SCI RG Investissement est devenue propriétaire, et la parcelle HP n°[Cadastre 3] limitrophe dont la SARL L'Avenir en Europe-Lotissement est restée propriétaire .

Le 14 mai 2018, la SARL l'Avenir en Europe-Lotissement a adressé un courrier à la SAS Décathlon France pour l'aviser qu'un panneau publicitaire appartenant à cette dernière avait été implanté sur la parcelle HP n°[Cadastre 3], sans autorisation et qu'elle sollicitait réparation du préjudice subi.

Le 2 juillet 2018, la SARL L'Avenir en Europe -Lotissement a adressé une mise en demeure à la SAS Décathlon France de faire cesser ce trouble et le 14 février 2019, elle l'a assignée devant le tribunal de commerce de Perpignan afin de voir ordonner le retrait du panneau publicitaire litigieux sous astreinte de 500euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, et de voir la SAS Décathlon condamnée à lui payer la somme de 20 000euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la valeur locative pendant 5 années de l'emplacement litigieux et 4 000euros par an à compter de la décision jusqu'à parfait enlèvement, 30 000euros à titre de dommages et intérêts et 3 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 21 juillet 2020, le tribunal de commerce de Perpignan a constaté que la SAS Décathlon a installé, sans autorisation du propriétaire, un panneau publicitaire sur la parcelle n° [Cadastre 3], opération pour laquelle elle ne dispose d'aucune autorisation et l'a condamnée à payer à la société L'avenir en Europe -Lotissement la somme de 10 800euros à titre de dommages et intérêts et une somme annuelle de 2 700euros HT jusqu'à la dépose du dit panneau dont elle devra justifier et condamné la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement à verser à la SAS Décathlon France la somme de 9 430euros à compter du moment où elle justifiera par constat d'huissier à sa charge de la dépose effective du dit panneau, ordonné la compensation entre les deux sommes et a condamné la SAS Décathlon France au paiement d'une somme de 1 500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La juridiction a estimé que la qualité de propriétaire de la SARL L'Avenir en Europe -Lotissement de la parcelle n° HP [Cadastre 3] ne souffre pas de contestation et qu'elle est donc fondée à agir en indemnisation du préjudice subi par l'implantation sur sa parcelle d'un panneau publicitaire sans autorisation, que la SAS Décathlon est locataire de la parcelle n° [Cadastre 2], ainsi qu'en attestent les baux de 1996 et de 2003 et non de la parcelle n° HP [Cadastre 3], de sorte qu'elle a incontestablement installé un panneau publicitaire sur une parcelle dont elle n'est pas locataire, sans que sa bonne foi puisse être mise en doute en raison de l'imprécision des plans joints aux baux et de l'étroitesse de la bande séparant la parcelle louée de la route d'accès au magasin.

Elle a retenu également que la valeur vénale de l'emplacement publicitaire doit être évaluée à la somme annuelle de 2700euros et que la SAS Décathlon doit indemniser la propriétaire de la parcelle pour les 4 années précédant l'assignation.

Le 9 septembre 2020, la SAS Décathlon France a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 3 octobre 2022, elle demande à la cour de:

Vu les dispositions des articles 9, 31, 32 et 122 et suivants, 695 et suivants et 700 du Code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 549, 555, 1315 (devenu 1353), 1382 (devenu 1240), 1719 et suivants, 2274 du Code civil,

Infirmer le jugement du 21 juillet 2020 en ce qu'il a :

'L'a condamnée à payer la somme de 10 800euros à la société l'avenir en Europe -lotissement à titre de dommages et intérêts et à verser une somme annuelle de 2 700euros ht à la SARL l'avenir en Europe -lotissement jusqu'à la dépose du dit panneau dont elle devra justifier et a condamné la SARL l'avenir en Europe -lotissement à verser à la SAS Décathlon France la somme de 9 430euros à compter du moment où elle justifiera par constat d'huissier à sa charge de la dépose effective du dit panneau, et a condamné la SAS Décathlon France au paiement d'une somme de 1 500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens'.

Et statuant à nouveau :

À titre principal:

Constater, dire et juger irrecevable la demande formée par la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement afin d' « ordonner le retrait du panneau publicitaire en question, et ce sous astreinte de 500,00euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir »,

La rejeter,

Constater, dire et juger que les baux des 19 juillet 1996 et 25 juin 2003 et leurs renouvellements portent notamment sur l'emplacement où est le panneau publicitaire litigieux, et que ces baux autorisent la SAS Décathlon France à mettre en place un tel panneau,

Débouter la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Autoriser la SAS Décathlon France à afficher au recto et au verso du panneau publicitaire 4mx3m situé sur la parcelle HP n° [Cadastre 3] à [Localité 8] toutes affiches de son choix relatives à l'exploitation du magasin à enseigne Décathlon,

Faire interdiction à la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement, sous peine d'astreinte de 5.000€ par jour d'infraction, de troubler l'affichage, par la SAS Décathlon France, au recto et au verso du panneau publicitaire 4mx3m situé sur la parcelle HP n° [Cadastre 3] à [Localité 8], de toutes affiches relatives à l'exploitation du magasin à enseigne Décathlon,

Condamner la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement à payer à la SAS Décathlon France la somme de 50.000 € à parfaire à titre de dommages et intérêts,

À titre subsidiaire :

Condamner la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement à payer à la SAS Décathlon France la somme de 11.501,54 € qui devra être réactualisée à la date du paiement en fonction de la variation de l'indice BT 01,

Constater, dire et juger que la SAS Décathlon France dispose d'un droit de rétention sur le panneau publicitaire en question jusqu'à parfait paiement de la somme susvisée de 11.501,54€ réactualisée à la date du paiement,

Débouter la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement à payer à la SAS Décathlon France la somme de 50.000 € à parfaire à titre de dommages et intérêts,

Condamner la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement à déposer le panneau publicitaire installé sur la parcelle HP n° [Cadastre 3] sous astreinte de 500 € par jour,

À titre infiniment subsidiaire :

Ramener à de plus justes proportions toutes sommes en paiement desquelles la SAS Décathlon France serait condamnée,

En tout état de cause

Débouter la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;

Condamner la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement à payer à la SAS Décathlon France la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel,

Condamner la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir qu'en cours de procédure d'appel, la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement a procédé à la dépose du panneau publicitaire litigieux, ce qui a été constaté par huissier le 28 juin 2021, que la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement n'ayant pas fait appel incident du chef la déboutant de ses autres demandes, l'appel ne porte donc pas sur sa demande tendant à 'ordonner le retrait du panneau publicitaire en question, et ce sous astreinte de 500,00euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir » dont elle a été déboutée, que la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement est donc irrecevable à formuler une telle demande de nouveau en appel.

Elle soutient que lors de la conclusion du bail en juillet 1996, la SARL L'Avenir en Europe-Lotissement était propriétaires des deux parcelles HP n°[Cadastre 2] et HP n° [Cadastre 3], que le bail ne contient pas le document d'arpentage établi par la bailleresse et contient au titre de la désignation du bien donné à bail une référence à la parcelle n°[Cadastre 2], mais également une référence aux plans annexés pour en délimiter l'étendue, que les plans annexés contiennent la parcelle HP n°[Cadastre 3], que les parkings de la SAS Décathlon sont construits sur la parcelle litigieuse et ont été pris en compte pour déterminer le prix du loyer du bail renouvelé, qu'il est établi que les parties ont voulu inclure la parcelle n° [Cadastre 3] dans l'objet du bail et que son omission résulte d'une erreur.

Elle soutient également qu'il résulte des baux que le bailleur a donné son accord pour l'implantation d'un panneau puisqu'il autorise le preneur à effectuer tous travaux d'aménagement nécessaires.

Elle sollicite de la cour la condamnation de la société L'Avenir En Europe à l'indemniser en raison de la dépose du panneau litigieux, indispensable pour indiquer l'entrée du parking en sortie de rond point.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de faire application des dispositions de l'article 555 du code civil qui énoncent que lorsque le constructeur est de bonne foi, le propriétaire ne peut pas solliciter la suppression des constructions et doit en conserver la propriété à charge pour lui de verser une indemnité d'accession au profit du constructeur, que la SAS Décathlon, qui a cru à l'existence d'un titre, est de bonne foi, que la dépose du panneau ne peut être réalisée qu'aux frais du propriétaire du terrain à qui il appartient d'indemniser le constructeur en lui versant une somme égale soit à celle dont le fonds a augmenté de valeur soit au coût des matériaux et la main d'oeuvre, que le constructeur de bonne foi n'a pas à restituer les Fruits, qu'aucune indemnité d'occupation n'est due.

Si la Cour retenait une indemnité d'occupation, elle soutient que le point de départ de l'indemnité d'occupation ne peut être antérieur au 14 mai 2018, la bailleresse soutenant ignorer l'existence de ce panneau antérieurement à cette date et que la valeur locative d'un tel panneau ne saurait excéder 2 000euros par an et que la bailleresse ne peut être indemnisée que d'une perte de chance de louer un tel panneau à hauteur de 50%.

Enfin, elle sollicite la condamnation de la SARL L'Avenir en Europe-Lotissement à l'indemniser pour la voie de fait commise en déposant le panneau litigieux sans son accord.

Par conclusions du 9 janvier 2023, la SARL Avenir en Europe -Lotissement demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 555 du Code civil,

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Perpignan du 21 juillet 2020 en ce qu'il a jugé que la SAS Décathlon avait construit sur le terrain de la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement un panneau publicitaire sans son autorisation,

Infirmer la même décision en ce qu'elle a condamné la SARL l'Avenir en Europe -Lotissement au paiement de la somme de 9 430 €,

Réformer la décision pour le surplus, et, rejetant toutes autres demandes de la SAS Décathlon Statuant à nouveau:

Condamner la SAS Décathlon au paiement de la somme de 20.000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamner la SAS Décathlon au paiement de la somme de 3.000,00euros à titre de dommages-intérêts pour recours abusif

Condamner la SAS Décathlon au paiement de la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient que le bail liant la société Décathlon France à la société RG Investissements ne vise pas la parcelle HP n°[Cadastre 3] que cette parcelle n'appartient pas au bailleur de la SAS Décathlon, que cette dernière prétend que les parkings réalisés et qui lui sont donnés à bail empiéteraient sur la parcelle HP n° [Cadastre 3], que toutefois cet empiétement n'est que d'une dizaine de centimètres en bout d'une dizaine de places de parking sur les 432 existants, que le plan joint aux baux est un plan de masse et nullement un plan sur lequel figure les parcelles cadastrales, que sur la demande d'implantation du panneau adressée à la mairie, ne figure ni le nom du propriétaire de la parcelle ni sa signature.

Elle soutient que la SAS Décathlon est un constructeur de mauvaise foi puisque son bail ne vise pas la parcelle n°[Cadastre 3], qu'elle ne bénéficie d'aucune autorisation de son bailleur, qu'elle ne l'a pas informé de l'implantation litigieuse puisqu'elle ne le mentionne pas dans la demande déposée en mairie.

Elle sollicite sur la base de l'article 555 du code civil, la dépose du panneau aux frais de la SAS Décathlon et un dédommagement pour l'occupation de son terrain pendant 5 années, la date de la découverte du panneau étant sans conséquence sur l'indemnisation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21Août 2023

Motifs

Sur l'irrecevabilité de la demande de dépose forcée du panneau :

Nonobstant la demande formulée dans l'assignation délivrée le 14 février 2019 par la SARL L'avenir en Europe -Lotissement afin d'obtenir la dépose du panneau publicitaire implanté par la SAS Décathlon France, le jugement de première instance n'a pas statué sur cette prétention.

La SAS Décathlon France conteste la recevabilité d'une telle demande en cause d'appel arguant du caractère définitif de cette prétention, faute d'appel incident. Toutefois il convient de relever que la SARL L'avenir en Europe -Lotissement ne réitère nullement cette demande dans ses conclusions récapitulatives du 9 janvier 2023, constatant en juin 2021 l'enlèvement du panneau litigieux.

Dés lors, cette demande d'irrecevabilité est devenue sans objet.

Sur le droit de jouissance de la parcelle HP n°[Cadastre 3]:

La SAS Décathlon France ne nie pas en cause d'appel, la qualité de propriétaire de l'intimée de la parcelle HP n°[Cadastre 3], pas plus que la qualité de propriétaire de la parcelle HP n° [Cadastre 2] au profit de la SCI RG Investissement, sa bailleresse, les attestations notariées datées du 5 janvier 2021 produites aux débats interdisant toute contestation utile.

Le bail commercial conclu entre la SAS Décathlon France et la SARL L'avenir en Europe -Lotissement le 19 juillet 1996 mentionne au titre de la désignation du bien loué ' une parcelle de terrain à bâtir sis sur le territoire de la commune de [Localité 8] [Adresse 7] d'une superficie de 20 123m² cadastrée HP n° [Cadastre 2]". Ce document ne mentionne nullement la parcelle n°[Cadastre 3] et le fait que la bailleresse soit également propriétaire à cette date de la parcelle n°[Cadastre 3] est sans incidence sur le contrat de bail, puisqu'elle pouvait valablement n'offrir en location qu'une partie de son bien.

Le bail souscrit le 25 juin 2003 reprend une désignation similaire avec identification de la parcelle n°[Cadastre 2] comme étant donnée en location. Ces deux documents sont dépourvus de toute ambiguïté, de sorte que la locataire ne peut prétendre ignorer que la parcelle n°[Cadastre 3] était exclue du champ contractuel et ce depuis l'origine de la relation contractuelle.

La SA Décathlon France soutient que l'annexion aux baux de plans portant sur les deux parcelles démontre la volonté des parties d'inclure dans l'objet du bail la totalité des surfaces dont la SARL était propriétaire, l'absence de mention de la parcelle n°[Cadastre 3] dans la partie littérale du bail résulte d'une erreur matérielle. L'équivoque résultant de l'annexion des plans a pu pour le moins créer une certaine confusion.

Toutefois les plans de masse produits aux débats, dépourvus de toute indication sur la position des limites séparatrices des différentes parcelles, ne peuvent être retenus comme valant la preuve d'un accord contractuel sur la jouissance de la parcelle n° [Cadastre 3] alors qu'ils sont démentis par la description des lieux dans le corps du document contractuel.

L'entretien par la SA Décathlon France d'un espace vert existant en bordure du parking et implanté sur la parcelle n°[Cadastre 3] est à l'évidence insuffisant pour démontrer que la propriétaire du terrain aurait accorder un droit de jouissance sur cette parcelle.

Enfin la clause du bail autorisant le preneur a procéder aux aménagements nécessaires et utiles à son commerce dans les lieux loués ne s'analyser comme l'octroi d'une autorisation d'implanter un panneau publicitaire sur une parcelle mitoyen non comprise dans le bail ainsi que le soutient à tort l'appelante.

La décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a retenu que la SAS Décathlon France a implanté sans autorisation un panneau sur une parcelle appartenant à la SARL L'Avenir en Europe Lotissement.

Sur l'application des dispositions de l'article 555 du code civil :

La dépose du panneau publicitaire litigieux résulte du constat dressé le 28 juin 2021 par Maître [C], huissier de justice et n'est pas utilement contesté par les parties.

L'article 555 du code civil énonce que 'Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever. Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds. Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimé à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages. Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression des dits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent.'

En application de ces dispositions, lorsque le constructeur est de bonne foi, il ne peut pas être condamné à la démolition. Le terme de bonne foi employé par le texte sus visé s'entend par référence à l'article 550 du code civil, c'est à dire celui qui possède comme propriétaire en vertu d'un titre dont il ignore les vices. A compter de la demande du tiers, propriétaire du terrain, le constructeur ne peut plus invoquer la bonne foi.

En l'espèce, eu égard à la rédaction des baux dénués de toute incertitude quant à la parcelle donnée à bail, la bonne foi de la société Décathlon France ne peut être retenue et ce d'autant que depuis le 14 mai 2018, elle est avisée par le propriétaire de la parcelle n°[Cadastre 3] de la difficulté sans que pour autant, elle n'agisse pour régulariser sa situation, démontrant sa parfaite connaissance du vice affectant son implantation. Commerçante aguerrie, elle ne peut arguer de sa croyance légitime en l'existence d'un titre lui donnant autorisation d'implantation sur une parcelle mitoyenne malgré la réitération des contrats de location désignant précisément la parcelle donnée en location.

Dès lors, la SARL L'Avenir en Europe-Lotissement peut valablement exiger la suppression du panneau litigieux et la SA Décathlon France doit être déboutée de sa demande d'utiliser à des fins publicitaires le recto du panneau implanté par la SARL L'Avenir en Europe-Lotissement sur la parcelle n°[Cadastre 3].

La destruction doit intervenir au frais du tiers constructeur, sans indemnité pour lui à ce titre.

Si malgré la mauvaise foi, le constructeur sur le fonds d'autrui a droit à une indemnité compensatrice, ce n'est qu'à la condition que le propriétaire conserve la construction effectuée sur son terrain sans en exiger la suppression. Tel n'est pas le cas en l'espèce, la SARL L'Avenir en Europe Lotissement ayant opté pour une suppression de la construction. Ainsi les demandes de la société SA Décathlon France relatives au remboursement de ses impenses ne peuvent prospérer, la SARL L'Avenir en Europe Lotissement n'ayant bénéficié d'aucun enrichissement sans cause.

Il convient d'infirmer le jugement de première instance à ce titre et de débouter la SA Décathlon France de sa demande de condamnation de la SARL L'Avenir en Europe Lotissement à lui payer la somme de 9 430euros actualisée à 11 501,54euros.

La SARL l'Avenir en Europe France sollicite également l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'occupation sans son accord de son terrain par un tiers.

L'intimée retient le prix de 2 700euros HT par an correspondant au loyer payé par la locataire d'un second panneau publicitaire dont elle est également propriétaire situé à quelques centaines de mètres du panneau litigieux.

Toutefois en retenant la disposition plus favorable du panneau de comparaison, ainsi que cela résulte des photographies produites au débat par la société Décathlon France et en l'absence de preuve contraire produite par la SARL L'Avenir en Europe Lotissement, il convient de retenir une valeur locative de 2 000euros par an, qui ne sera pas soumise à TVA s'agissant d'une indemnisation et non d'un loyer.

Le préjudice ne constitue pas une perte de chance de pouvoir louer par ailleurs le bien mais un dommage certain causé par l'occupation sans droit ni titre d'un terrain appartenant à autrui.

La SA Décathlon France doit être condamnée à payer à la SARL L'Avenir en Europe Lotissement la somme de 8 000eurs à ce titre pour avoir joui sans titre d'une partie de son terrain.

Sur les demandes d'indemnisation présentées par la SA Décathlon France :

La SA Décathlon France sollicite la condamnation de la SARL L'Avenir en Europe -lotissement à lui payer la somme de 50 000euros au motif qu'elle aurait implanté, au lieu et place du panneau litigieux supprimé par ses soins, un nouveau panneau sur lequel elle afficherait des encarts publicitaires vantant les mérites d'un magasin concurrent.

L'appelante justifie, par la production de deux constats d'huissier établis le 22 décembre 2021 et 19 mai 2022, de la présence d'un panneau publicitaire installé à environ 6mètres des anciens points de scellement du panneau litigieux, qui porte un encart concernant un magasin spécialisé dans la vente de skate board et de trottinette situé Mas de Guéridon.

Il n'est nullement établi que la pose d'un tel panneau gêne l'entrée du magasin Décathlon France ainsi que le soutient l'appelante ni que cette publicité pour un magasin spécialisé engendrerait une baisse de fréquentation du magasin Décathlon France. Faute de justifier d'un préjudice direct et certain, la SA Décathlon France doit être déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les dommages et intérêts :

Le droit d'agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui. En l'espèce, l'appréciation inexacte de ses droits par la SAS Décathlon France n'est pas constitutive d'une faute et la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.

Sur les dépens et les frais non remboursables :

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA Décathlon France sera condamnée à payer à la SARL L'Avenir en Europe Lotissement la somme de 1 500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA Décathlon France sera condamnée aux entiers dépens de l'appel.

Par ces motifs, la cour statuant par arrêt contradictoire :

Rejette la demande d'irrecevabilité soulevée par la SA Décathlon France,

Confirme le jugement en ce qu'il a constaté que la SAS Décathlon France a implanté sans autorisation un panneau publicitaire sur une parcelle propriété d'un tiers et l'a condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la première instance,

Infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau :

Condamne la SAS Décathlon France à verser à la SARL L'Avenir en Europe France la somme de 8 000euros en indemnisation du préjudice subi,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SA Décathlon France à payer à la SARL L'Avenir en Europe Lotissement la somme de 1 500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Décathlon France aux entiers dépens.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/03756
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;20.03756 ?
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