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02/05/2024 | FRANCE | N°21/02444

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 02 mai 2024, 21/02444


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02444 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6TN





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMME

S - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F19/00150





APPELANTE :



S.A.S. SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE

Domiciliée [Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Laure BENHAFESSA de la SELARL SELARL AVOCAT LAURE TIDJANI BENHAFESSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée pa...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02444 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6TN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F19/00150

APPELANTE :

S.A.S. SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE

Domiciliée [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Laure BENHAFESSA de la SELARL SELARL AVOCAT LAURE TIDJANI BENHAFESSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat plaidant

INTIMEE :

Madame [P] [U]

née le 12 Mai 1984 à [Localité 8]

de nationalité Française

Domiciliée [Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Julie DE RUDNICKI de la SELARL R & C AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 12 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport et Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [P] [U] a été initialement engagée par la société Areva à compter du 10 septembre 2007 en qualité d'administrateur contrats.

Son contrat de travail était par la suite transféré à la SAS Schneider Electric France au sein de laquelle elle occupait depuis le 1er janvier 2012 le poste de « costumer project portfolio administrator», qualification ingénieur/cadre, groupe II, indice 120 selon les dispositions de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, moyennant un salaire mensuel de base s'élevant en dernier lieu à 3449,61 euros pour 218 jours de travail par an.

Madame [P] [U] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 30 septembre 2017 au 27 janvier 2018 puis en congé de maternité du 28 janvier 2018 au 20 mai 2018 suivi d'une période de congés jusqu'au 31 juillet 2018.

Madame [P] [U] a repris le travail le 1er août 2018.

Le 2 août 2018, le médecin du travail émettait l'avis suivant : «contre-indication médicale temporaire à la reprise compte tenu des conditions de travail imposées hier 1er août 2018, avec absence d'accueil sérieux et sans perspective de tâches correspondant aux qualifications et aux compétences de Madame [U]-[R]. Adressée au médecin traitant pour prise en charge compte tenu des répercussions négatives sur l'état de santé ».

Le même jour, le Docteur [S] [M], précisait avoir examiné Madame [U], laquelle lui disait avoir des problèmes liés à son travail et il indiquait : « elle présente : un état de choc émotionnel, burnout, idées suicidaires, stress, pleurs, hypertension artérielle, état dépressif »

Le 2 août 2018, Madame [P] [U] était placée en arrêt de travail par le Docteur [M] pour ce motif.

Le 6 septembre 2018, le Docteur [M] établissait un certificat médical de prolongation d'accident du travail ou de maladie professionnelle dont la date était fixée au 1er août 2018 et la première constatation au 5 septembre 2018.

Le 16 octobre 2018, la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault rejetait la demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle d'un accident survenu le 1er août 2018. Cette décision était confirmée par la commission de recours amiable le 18 janvier 2019.

Par requête du 7 février 2019, Madame [P] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail et de condamnation de l'employeur à lui payer différentes sommes à titre de dommages intérêts pour discrimination, pour harcèlement moral et pour manquement à l'obligation de sécurité ainsi que pour nullité de la rupture du contrat de travail ou, à tout le moins, pour rupture abusive de la relation travail.

À l'occasion d'une visite de reprise du 26 juin 2019, le médecin du travail déclarait la salariée inapte à son poste en précisant que tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 juillet 2019, la société Schneider Electric France notifiait à la salariée son impossibilité à la reclasser.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 juillet 2019 l'employeur convoquait la salariée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 juillet 2019, la société Schneider Electric France notifiait à la salariée son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 22 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Montpellier a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [P] [U] aux torts exclusifs de la société Schneider Electric France, dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et il a condamné cette société à payer à la salariée, avec intérêts au taux légal, les sommes suivantes :

'27 600 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'10 348,83 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre 1034,88 euros bruts au titre des congés payés afférents,

'20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

'20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

'1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de son jugement le conseil de prud'hommes a ordonné la remise par l'employeur à la salariée des documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément à sa décision sous astreinte de cinquante euros par jour à compter de la notification de la décision. Il a par ailleurs ordonné le remboursement par la société Schneider Electric France aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Le 15 avril 2021, la société Schneider Electric France a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 3 janvier 2022, la société Schneider Electric France conclut à la réformation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes de dommages intérêts pour discrimination, pour harcèlement moral ainsi que pour violation de l'obligation d'employabilité. Contestant toute forme de discrimination, d'exécution déloyale du contrat de travail ou de manquements à l'obligation de sécurité, elle sollicite le débouté de la salariée de l'ensemble de ses demandes ainsi que sa condamnation à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 4 octobre 2021, Madame [P] [U] conclut à la confirmation du jugement quant aux condamnations prononcées pour exécution déloyale du contrat de travail, pour manquement à l'obligation de sécurité ainsi qu'au titre de l'indemnité de préavis. Elle sollicite en revanche l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que la résiliation judiciaire produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a limité le montant des sommes allouées à ce titre ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Considérant qu'elle a été victime de discrimination, de harcèlement moral et que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité elle demande la condamnation de la société Schneider Electric France à lui payer les sommes suivantes :

'20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination,

'20 000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral et subsidiairement pour exécution déloyale du contrat de travail,

'20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

'5000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'employabilité,

'45 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et subsidiairement 36 220,90 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'10 348,83 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 1034,88 euros au titre des congés payés afférents,

'2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite par ailleurs la condamnation de l'employeur à lui remettre ses bulletins de paie et documents sociaux de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 12 février 2024.

SUR QUOI

$gt;Sur la discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de sa demande, Madame [P] [U] fait valoir qu'elle a rencontré des difficultés au retour de son premier congé de maternité, qu'au retour de son second congé de maternité elle ne retrouvait pas son précédent emploi mais que l'employeur lui proposait un emploi nettement moins qualifié et vidé de sa substance.

Elle ajoute que du fait de sa grossesse et de son congé de maternité, sa carrière et sa rémunération ont été gelées.

Pour étayer ses affirmations, Madame [P] [U] produit notamment :

-son entretien annuel d'évaluation 2016 aux termes duquel est envisagé son repositionnement en qualité de coordonnateur dans le cadre de la mise en place de la stratégie post projet de gestion des « Master data ».

-ses bulletins de paie 2017 et 2018,

-Un courriel du 6 avril 2018 aux termes duquel l'employeur l'informe que dans le cadre de la campagne 2018 de révision salariale, après prise en compte de l'environnement économique actuel, des données de marché externe ainsi que de son niveau de performance, son salaire demeurera inchangé.

-Un document d'information sur la signature d'un avenant à l'accord de groupe relatif à la gestion prévisionnelle des emplois en date du 2 juillet 2019 destiné à mettre en place de nouveaux outils pour accompagner les salariés volontaires occupant un poste dit « menacé » vers une situation stable, soit à l'intérieur du groupe, soit à l'extérieur.

-Un échange de courriels du 12 avril 2018 aux termes duquel la salariée demande à l'employeur le nom de son manager actuel, lequel lui répond que son manager n'est pas nommé à ce jour, seul son N+2 étant connu.

-La décision de la commission de recours amiable du 18 janvier 2019 rappelant les éléments contenus dans le rapport d'enquête administrative duquel il ressort que monsieur [B], responsable qualité avait indiqué que le 1er août 2018, s'agissant d'une période de congés, il n'y avait personne pour accueillir madame [U] et que madame [F], manager, soulignait l'état de détresse de la salariée précisant avoir vu madame [U] dans la matinée « quasiment en pleurs, dévastée, perdue, personne pour l'accueillir'Elle était seule dans un open space et avait eu du mal à se connecter à son poste de travail, n'ayant aucun code d'accès' »

-Un courriel par lequel l'employeur l'informe le 6 juin 2018 de la mission de «Plant Master Data Manager» qui pourrait lui être proposée à sa reprise.

-Un échange de courriels du 11 juin 2018 par lequel la salariée indique à l'employeur que cette mission lui «paraît bien en deçà de son expérience, de ses capacités et surtout de ses envies» et qu'elle aurait préféré un retour à un poste permanent plutôt qu'une mission de six mois. La réponse apportée le même jour par l'employeur à ce courriel lui indiquant qu'il ne lui semble pas réaliste de lui trouver « un job d'ici là » et l'invite à réaliser la mission proposée et à échanger avec elle afin de cibler ce qui l'intéresse davantage avec une échéance à moyen terme.

-Des échanges de courriels ultérieurs du mois de juin 2018 et de juillet 2018 aux termes desquels aucun accord n'est en définitive trouvé entre les parties.

-Un courrier du 23 juillet 2018 par lequel la salariée informe l'employeur de la confirmation de son retour au 1er août 2018 et demande à retrouver le poste qu'elle occupait avant son congé de maternité ou un poste similaire.

Madame [U] ne produit pas d'élément relatif à son premier congé de maternité. Elle justifie en revanche de perspectives d'évolution de carrière actées aux termes de son évaluation de janvier 2016 et d'une absence de revalorisation salariale en avril 2018. Alors que préalablement à son second congé de maternité, elle occupait le poste de « costumer project portfolio administrator », elle ne retrouvait pas son poste et il lui était proposé, à sa reprise, une mission temporaire en qualité de «Plant Master Data Manager». Enfin elle produit différents documents établissant une absence d'anticipation et de préparation minimale de son retour après la suspension de son contrat de travail pour congé de maternité ainsi qu'une absence de gestion prévisionnelle des emplois relativement au poste qu'elle occupait afin de lui permettre de conserver un emploi stable en dépit de procédures existant au sein de l'entreprise et du groupe, préalablement à l'accord du 21 mai 2019. C'est pourquoi, si madame [U] ne produit pas d'élément permettant de laisser supposer l'existence d'une inégalité de traitement, la cour dispose en revanche d'éléments suffisants pour retenir qu'elle présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination à son encontre.

La société Schneider Electric France qui conteste toute discrimination fait valoir que fin 2014 était lancé un grand projet de réorganisation de l'entreprise s'étalant sur plusieurs années dont la deuxième phase était engagée début 2018. Elle indique que pour la première fois la salariée se plaignait de naviguer de mission en mission sans entrapercevoir de situation stable, et que le nouveau responsable des ressources humaines lui répondait que la mission proposée était la seule à permettre une flexibilité quant à la date de début d'activité afin de tenir compte de son retour initialement prévu en juin et finalement reporté à sa demande. Elle fait valoir que le responsable des ressources humaines a immédiatement tenté d'apaiser la situation en proposant de s'entretenir avec la salariée, ce qui fut fait le 29 juin 2018, en suite de quoi la salariée ne se manifestait pas jusqu'au 1er août 2018, date à laquelle elle avait pu reprendre sa place au même étage, dans le même open space et avait été accueillie par Madame [D] [E], manager, laquelle lui présentait le cadre de son activité. Elle ajoute que la salariée s'est en réalité portée volontaire sur le projet Bridge comme cela ressort de son entretien annuel d'évaluation pour l'année 2016, qu'en suite de son second congé de maternité la désignation de son N+1 a tardé en raison de la mise en 'uvre début 2018 de la phase 2 de la réorganisation du « business energy » passant par une réorganisation des lignes sans impact sur les effectifs et que si la salariée évoque l'accord de groupe conclu le 21 mai 2019, impliquant cette fois des transformations et/ou suppressions d'emploi cela n'avait rien à voir avec la réorganisation entamée en 2014 qui n'avait aucun impact sur les effectifs. Elle expose qu'en réalité la mission provisoire de six mois qui lui avait été proposée à la reprise de son second congé de maternité était liée à la réorganisation en cours et à l'incertitude sur la date de retour de la salariée si bien que la société Schneider Electric n'était pas en mesure de lui proposer une autre mission et de satisfaire immédiatement son envie d'évoluer vers d'autres fonctions. Elle indique par ailleurs que le fait que Madame [U] ait été informée en avril 2018 de l'absence d'augmentation salariale alors qu'elle était en congé de maternité ne saurait suffire à établir une discrimination et que l'entretien annuel 2017 n'avait pu avoir lieu car elle n'était alors pas en activité mais que le responsable des ressources humaines s'était toujours montré disponible pour privilégier les échanges.

Au soutien de sa prétention, la société Schneider Electric France produit les éléments suivants:

-Différents documents en langue anglaise sur le projet de réorganisation « Rebound 2 and creation of the Power system Organization » effectif à compter de janvier 2018.

-L'ordre du jour du comité d'établissement ordinaire du 23 mars 2018 mentionnant l'information du comité d'entreprise sur la réorganisation du « Business Energy ».

-Le procès-verbal d'information du comité d'entreprise le 23 mars 2018 sur la réorganisation du « Business Energy » aux termes duquel il est acté que « pour la direction, il n'y a aucun impact sur le personnel de SEF [Localité 6]. Il n'y a pas de changement dans les missions' »

-L'avenant n°1 à l'accord relatif à la gestion provisionnelle des emplois et des compétences au sein du groupe Schneider Electric du 28 juin 2018.

-Le profil Linkedin de Madame [U] duquel il ressort que de janvier 2012 à la suspension de son contrat de travail au 30 septembre 2017 elle avait occupé le même poste de « costumer project portfolio administrator ».

-un échange de courriels du 23 juillet 2018 entre monsieur [B], responsable qualité, et monsieur [T], indiquant qu'il serait intéressant pour Madame [U] de prendre la mission PMDM dont la date de début n'est pas confirmée, monsieur [T] précisant qu'il pense rencontrer Madame [U] début septembre, et pour lequel il serait nécessaire d'avoir confirmation de l'intérêt de Madame [U] pour ce projet, qui en termes de localisation serait pour un 1/3 au centre de disjoncteur de [Localité 8], pour 1/3 au centre Ecofit de [Localité 7], et pour 1/3 à [Localité 5].

-Un échange de courriels du 1er juin 2018 entre Madame [D] [E] et Monsieur [O] [N] duquel il ressort que Madame [U] devrait revenir « en principe fin juillet (date précise à confirmer) ».

Les éléments ainsi produits par la société Schneider Electric France sur le projet de réorganisation de l'entreprise intervenue en 2018 ne permettent pas d'apporter d'élément objectif sur les raisons pour lesquelles Madame [U] ne retrouvait pas le poste de « costumer project portfolio administrator » qu'elle occupait depuis janvier 2012, alors qu'aucun élément ne vient démontrer que celui-ci ait été supprimé tandis que l'employeur n'apporte aucune indication à ce sujet et que le procès-verbal d'information du comité d'entreprise du 23 mars 2018 sur la réorganisation du « Business Energy » mentionne que « pour la direction, il n'y a aucun impact sur le personnel de SEF [Localité 6]. Il n'y a pas de changement dans les missions' ». Ensuite, contrairement à ce qu'affirme la société Schneider Electric France aucun élément ne démontre que la salariée ait adhéré au changement de poste tel qu'en définitive envisagé selon les caractéristiques décrites par ses supérieurs hiérarchiques dans leur échange de courriels du 23 juillet 2018. Par ailleurs, il ressort de ce même échange de courriels que le poste proposé était toujours en cours de définition à la date de la reprise de la salariée au 1er août 2018 puisque la date de début de mission n'était pas confirmée et que le supérieur hiérarchique envisageait de rencontrer Madame [U] en septembre 2018 à ce sujet. De plus, si la société Schneider Electric France affirme qu'au 1er août 2018 la salariée avait été accueillie par madame [E] pour lui présenter son activité, elle ne justifie d'aucun élément susceptible d'établir ce qu'elle affirme et de remettre en cause les éléments recueillis par l'enquête administrative de la caisse primaire d'assurance-maladie établissant le contraire à cet égard alors même qu'en dépit de procédures de gestion prévisionnelle des emplois, l'employeur n'établit pas avoir anticipé le retour de madame [U] et avoir été à même de lui proposer une affectation dans son précédent emploi ou dans un emploi similaire. Ensuite, tandis qu'une évolution de carrière de la salariée était envisagée dès 2016, l'employeur qui se prévaut de la suspension de son contrat de travail pour justifier également son absence d'évolution salariale, ne produit pas d'élément susceptible d'expliquer les raisons pour lesquelles il n'avait pas pris en compte en 2017 l'activité de cette salariée présente pendant les trois quarts de l'année 2017 au seul motif qu'elle n'avait pu être évaluée puisque absente en fin d'année.

 

 

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour ne dispose par conséquent pas de suffisamment d'éléments pour retenir que la société Schneider Electric France démontre que les faits matériellement établis par madame [U] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La discrimination est donc établie.

 

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus, que si la discrimination subie a eu des conséquences dommageables pour la salariée, sa durée est limitée aux derniers mois de la relation contractuelle. Partant, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande à ce titre, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 5000 euros le montant des dommages-intérêts réparant le préjudice subi du fait de la discrimination.

$gt;Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, madame [U] invoque sa mise à l'écart à son retour dans l'entreprise le 1er août 2018 l'indifférence de l'employeur sur les conditions de son retour, l'absence d'évolution de sa rémunération, la diminution de ses responsabilités, l'absence d'entretien professionnel et une absence de fourniture de travail atteignant sa dignité et débouchant sur une dégradation de son état de santé.

Pour étayer ses affirmations, madame [U] produit notamment :

-son entretien annuel d'évaluation 2016 aux termes duquel est envisagé son repositionnement en qualité de coordonnateur dans le cadre de la mise en place de la stratégie post projet de gestion des « Master data ».

-ses bulletins de paie 2017 et 2018,

-Un courriel du 6 avril 2018 aux termes duquel l'employeur l'informe que dans le cadre de la campagne 2018 de révision salariale, après prise en compte de l'environnement économique actuel, des données de marché externe ainsi que de son niveau de performance, son salaire demeurera inchangé.

-Un document d'information sur la signature d'un avenant à l'accord de groupe relatif à la gestion prévisionnelle des emplois en date du 2 juillet 2019 destiné à mettre en place de nouveaux outils pour accompagner les salariés volontaires occupant un poste dit « menacé » vers une situation stable, soit à l'intérieur du groupe, soit à l'extérieur.

-Un échange de courriels du 12 avril 2018 aux termes duquel la salariée demande à l'employeur le nom de son manager actuel, lequel lui répond que son manager n'est pas nommé à ce jour, seul son N+2 étant connu.

-La décision de la commission de recours amiable du 18 janvier 2019 rappelant les éléments contenus dans le rapport d'enquête administrative duquel il ressort que monsieur [B], responsable qualité avait indiqué que le 1er août 2018, s'agissant d'une période de congés, il n'y avait personne pour accueillir madame [U] et que madame [F] manager soulignait l'état de détresse de la salariée précisant avoir vu madame [U] dans la matinée « quasiment en pleurs, dévastée, perdue, personne pour l'accueillir'Elle était seule dans un open space et avait eu du mal à se connecter à son poste de travail, n'ayant aucun code d'accès' »

-Un courriel par lequel l'employeur l'informe le 6 juin 2018 de la mission de «Plant Master Data Manager» qui pourrait lui être proposée à sa reprise.

-Un échange de courriels du 11 juin 2018 par lequel la salariée indique à l'employeur que cette mission lui «paraît bien en deçà de son expérience, de ses capacités et surtout de ses envies» et qu'elle aurait préféré un retour à un poste permanent plutôt qu'une mission de six mois. La réponse apportée le même jour par l'employeur à ce courriel lui indiquant qu'il ne lui semble pas réaliste de lui trouver « un job d'ici là » et l'invite à réaliser la mission proposée et à échanger avec elle afin de cibler ce qui l'intéresse davantage avec une échéance à moyen terme.

-Des échanges de courriels ultérieurs du mois de juin 2018 et de juillet 2018 aux termes desquels aucun accord n'est en définitive trouvé entre les parties.

-Un courrier du 23 juillet 2018 par lequel la salariée informe l'employeur de la confirmation de son retour au 1er août 2018 et demande à retrouver le poste qu'elle occupait avant son congé maternité ou un poste similaire.

-L'avis suivant émis par le médecin du travail le 2 août 2018 : « contre-indication médicale temporaire à la reprise compte tenu des conditions de travail imposées hier 1er août 2018, avec absence d'accueil sérieux et sans perspective de tâches correspondant aux qualifications et aux compétences de Madame [U]-[R]. Adressée au médecin traitant pour prise en charge compte tenu des répercussions négatives sur l'état de santé ».

-Le certificat d'arrêt travail établi par le Docteur [S] [M] le 2 août 2018 pour «  état de choc émotionnel, burnout, idées suicidaires, stress, pleurs, hypertension artérielle, état dépressif »

-L'avis d'inaptitude au poste établi par le médecin du travail le 26 juin 2019 précisant que tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

La salariée établit avoir pris contact avec l'entreprise dès le mois d'avril 2018, ne pas avoir retrouvé son précédent poste à sa reprise et s'être vue proposer une mission temporaire en qualité de «Plant Master Data Manager». Tandis qu'elle se présentait à son poste le 1er août 2018, elle justifie d'une impréparation de son retour et d'une absence de fourniture par l'employeur des moyens d'exercer son activité alors que parallèlement lui avait été notifiée dès 2016 une perspective d'évolution de carrière mais que dans le même temps elle ne bénéficiait d'aucune revalorisation salariale, si bien que dans ce contexte, sa détresse constatée par une salariée présente dans l'entreprise le 1er août 2018 était objectivée à la fois par l'avis du médecin du travail et le constat par le médecin traitant le 2 août 2018, notamment d'un état de choc émotionnel et d'un burnout avec idées suicidaires. Madame [U] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

En défense, la société Schneider Electric France fait valoir qu'elle n'a été informée que tardivement de la date de reprise de Madame [U] par son courrier du 23 juillet 2018, que si madame [U] prétend qu'elle n'a pu se connecter, elle indique cependant avoir pris connaissance le 1er août 2018 du courriel du mois d'avril lui indiquant qu'elle ne serait pas augmentée alors qu'en réalité Madame [E] était présente pour l'accueillir et lui présenter le cadre de son activité, si bien qu'elle n'était pas restée seule toute la journée et que ces man'uvres tendant à voir reconnaître un accident du travail n'ont pas abouti alors même qu'elle n'avait imaginé pouvoir l'invoquer que le 5 septembre 2018.

A l'appui de ses moyens, la société Schneider Electric France produit:

-Un échange de courriels du 1er juin 2018 entre Madame [D] [E] et Monsieur [O] [N] duquel il ressort que Madame [U] devrait revenir « en principe fin juillet (date précise à confirmer) ».

- La déclaration d'accident du travail du 6 septembre 2018, la décision de la caisse primaire d'assurance-maladie caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault rejetant le 16 octobre 2018 la demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle d'un accident survenu le 1er août 2018 et sa confirmation par la commission de recours amiable le 18 janvier 2019.

S'il ressort des pièces produites que la salariée a déclaré au cours de l'enquête administrative avoir pu accéder le 1er août 2018 au courriel du 6 avril 2018 lui notifiant une absence de revalorisation salariale, Madame [U] faisait également état au cours du même entretien de ses difficultés d'accès informatique, ce qui n'est pas incompatible avec la situation décrite par monsieur [B], responsable qualité, et madame [F],manager, faisant état d'une absence d'accueil de la salariée ce jour-là, et soulignant pour la seconde nommée, l'état de détresse de madame [U], « quasiment en pleurs, dévastée, perdue, personne pour l'accueillir'Elle était seule dans un open space et avait eu du mal à se connecter à son poste de travail, n'ayant aucun code d'accès' ». Ensuite, si la salariée n'a informé l'employeur de la confirmation de son retour au 1er août 2018 que par courrier du 23 juillet 2018 aux termes duquel elle demandait à retrouver le poste qu'elle occupait avant son congé maternité ou un poste similaire, l'échange de courriels du 1er juin 2018 produit par l'employeur démontre qu'à cette date son retour était prévu à la fin du mois de juillet 2018, si bien qu'il ne justifie pas des raisons pour lesquelles il n'était pas en mesure d'organiser son retour à son poste ou à un poste similaire au 1er août 2018, alors même qu'il a été vu précédemment que le procès-verbal d'information du comité d'entreprise du 23 mars 2018 sur la réorganisation du « Business Energy » mentionnait que « pour la direction, il n'y a aucun impact sur le personnel de SEF [Localité 6]. Il n'y a pas de changement dans les missions' ». Or, dans ce contexte, l'employeur qui ne justifie ni de la disparition du poste, ni des raisons pour lesquelles il devait le cas échéant maintenir à ce poste le salarié qui avait remplacé Madame [U] pendant son congé de maternité, ne produit pas non plus d'élément permettant d'expliquer les raisons pour lesquelles au 1er août 2018 était envisagée l'affectation de madame [U] sur une mission temporaire qui, comme il a été vu précédemment, ne devait débuter qu'en septembre 2018. Par suite, alors même qu'une évolution de carrière était envisagée pour madame [U] en 2016, que la salariée a travaillé les trois quarts de l'année 2017 sans être évaluée et qu'aucune revalorisation salariale n'était envisagée par la suite, l'employeur ne produit pas d'élément autre que l'affirmation de principe selon laquelle il n'est pas de droit acquis à une revalorisation salariale, pour justifier son choix.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient par conséquent que la société Schneider Electric France échoue à démontrer que les faits matériellement établis par madame [U] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement; le harcèlement moral est donc établi.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Madame [U] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Compte tenu des circonstances telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies et notamment de la dégradation médicalement constatée de son état de santé, le préjudice en résultant pour madame [U] sera fixé à la somme de 5000 euros.

$gt;Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Le manquement à l'obligation de sécurité dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise est invoqué par la salariée.

L'employeur qui se défend d'avoir été informé à un quelconque moment du mal-être de madame [U] au jour de sa reprise, ne justifie cependant pas avoir mis en 'uvre en temps utile des mesures destinées à lui permettre de retrouver son poste ou un poste similaire. Or, dès le 1er juin 2018, il était informé du retour de madame [U] dans l'entreprise à la fin du mois de juillet 2018. C'est pourquoi, tandis qu'en dépit d'une impréparation objectivée par les éléments qu'il verse aux débats sur la date prévisible de début de mission de Madame [U], l'employeur, qui informé dès le 11 juin 2018 des réticences exprimées par celle-ci à occuper un poste dont elle estimait qu'il était bien en deçà de son expérience et de ses capacités, n'a pris aucune mesure préventive ou organisationnelle afin de faciliter son retour au 1er août 2018, ne démontre pas s'être acquitté de son obligation d'éviter les risques et de veiller à la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés pour tenir compte du changement de circonstances qu'il imposait à la salariée.

Le manquement à l'obligation de sécurité est donc établi. Au vu des éléments produits aux débats, la cour dispose par conséquent d'éléments suffisants pour fixer à 2500 euros le montant de la réparation du préjudice subi par la salariée en raison de ce manquement à l'obligation de sécurité.

$gt;Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Aux termes des stipulations de son contrat de travail, la salariée était engagée pour exercer ses fonctions à [Localité 6] (34). Il ressort des pièces produites que depuis le 1er janvier 2012 et jusqu'à la suspension de son contrat de travail au 30 septembre 2017, elle avait occupé le poste de « costumer project portfolio administrator », qualification ingénieur/cadre, groupe II, indice 120 selon les dispositions de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Elle verse aux débats le descriptif de la mission temporaire de Plant Master Data Manager envisagée par l'employeur pour son retour dans l'entreprise. Or, tandis qu'elle demandait à retrouver son poste précédent à l'issue de son congé maternité, et tandis qu'il ne ressort pas des éléments débattus, que ce poste ait été supprimé ou qu'il ait été rendu nécessaire d'y maintenir un autre salarié, l'employeur qui prétend qu'à son retour n'existait pas d'autre poste disponible correspondant à la qualification de madame [U] n'en rapporte pas la preuve et ne justifie pas des raisons pour lesquelles ils l'affectait à une mission temporaire impliquant une localisation du poste pour 1/3 temps au centre de disjoncteur de [Localité 8], pour un autre 1/3 temps au centre Ecofit de [Localité 7], et pour le dernier1/3 temps à [Localité 5] alors que celle-ci réclamait un emploi stable.

Ce faisant, madame [U] établit que la société Schneider Electric France a exécuté déloyalement le contrat de travail à son égard. Le jugement du conseil de prud'hommes sera par conséquent confirmé en son principe, et le montant de la réparation du préjudice résultant pour la salariée du manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail par l'employeur sera fixé, au vu des pièces produites, à la somme de 2500 euros.

$gt;Sur la violation de l'obligation d'employabilité

Tandis que la salariée soutient que l'employeur ne lui a pas proposé à l'issue de son congé de maternité l'entretien professionnel obligatoire consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, donnant lieu à la rédaction d'un document dont copie est remise au salarié, l'employeur, nonobstant un entretien informel le 29 juin 2018, ne justifie à aucun moment avoir mis en 'uvre cette disposition. Ensuite, si la société Schneider Electric France se prévaut de l'entretien d'évaluation 2016 de la salariée pour indiquer qu'elle n'a pas demandé de formation, elle ne justifie à aucun moment de la relation contractuelle lui en avoir proposé une alors que le document d'évaluation produits aux débats n'est destiné qu'à mesurer la performance.

C'est pourquoi, même si la société Schneider Electric France se prévaut de l'adaptabilité de la salariée à entreprendre spontanément des actions comme cela ressort de l'entretien d'évaluation 2016, ce seul élément ne suffit pas à rapporter la preuve que l'employeur ait pris des mesures destinées à maintenir l'employabilité de la salariée à moyen terme.

Le manquement est par conséquent établi, et le préjudice en résultant pour la salariée, sera réparé par l'allocation à celle-ci d'une somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts.

$gt;Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Alors que les pièces produites ont établi une impréparation à la fois humaine et matérielle du retour de la salariée dans l'entreprise au 1er août 2018 s'accompagnant d'une affectation future à une mission temporaire synonyme d'éviction de son précédent poste et d'une absence d'évolution de carrière, ou à tout le moins incompatible avec une perspective de retour dans un emploi stable similaire, concomitante à une absence de revalorisation salariale en dépit d'éléments annoncés en 2016, constituaient autant d'éléments constitutifs d'un harcèlement moral se traduisant par une intense détresse constatée le 1er août 2016 par la manager de la salariée dans son ancien poste. Ces éléments étant objectivés, tant par les préconisations émises par le médecin du travail le 2 août 2018, que par le constat par le médecin traitant le même jour d'un état de choc émotionnel et d'un burnout avec idées suicidaires, débouchant sur un arrêt de travail ininterrompu jusqu'à la déclaration d'inaptitude. Ce qui suffit à établir que l'inaptitude définitive de la salariée à son poste de travail avait pour seule origine son état dépressif réactionnel aux agissements de harcèlement moral dont elle avait fait l'objet.

Partant, il y a lieu de faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul formée par Madame [U].

À la date de la rupture du contrat de travail, la salariée avait une ancienneté de onze années révolues dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés et elle était âgée de trente-cinq ans. Elle bénéficiait d'un salaire mensuel brut moyen de 3449,61 euros. Si elle établit avoir connu une période de chômage elle ne justifie pas de sa situation postérieure au 1er septembre 2020. Partant, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 20 697,66 euros bruts, correspondant aux salaires des six derniers mois, le montant des dommages-intérêts qu'il y a lieu d'allouer à la salariée en réparation du préjudice subi du fait d'un licenciement nul.

Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité compensatrice de préavis formée par la salariée pour un montant de 10 348,83 euros, outre 1034,88 euros au titre des congés payés afférents, sur la base des dispositions conventionnelles fixant un préavis de trois mois.

$gt;Sur les demandes accessoires

La société Schneider Electric France qui succombe supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer à la salariée qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La remise d'un bulletin de paie et des documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt étant de droit, il convient de l'ordonner sans pour autant qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte.

L'obligation pour l'employeur de rembourser les indemnités de chômage perçues par la salariée dans la limite de six mois d'indemnités de chômage concerne également les cas de nullité du licenciement mentionnés à l'article L 1235-4 du code du travail. Aussi le jugement sera-t-il confirmé à cet égard.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 22 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Montpellier sauf en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes de dommages intérêts pour discrimination, pour harcèlement moral, et pour violation de l'obligation d'employabilité ainsi qu'en ce qu'il a dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et quant aux montants alloués à titre de dommages-intérêts réparant la perte injustifiée de l'emploi, le manquement à l'obligation de sécurité, le manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail;

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [P] [U] par la société Schneider Electric France produit les effets d'un licenciement nul ;

Condamne la société Schneider électrique France à payer à Madame [P] [U] les sommes suivantes :

'5000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination,

'5000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

'2500 euros à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

'2500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

'1000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'employabilité,

'20 697,66 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice subi en raison d'une rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul,

Ordonne la remise par l'employeur à la salariée d'un bulletin de paie et des éléments sociaux de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

Condamne la société Schneider Electric France à payer à Madame [P] [U] une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Schneider Electric France aux dépens ;

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02444
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.02444 ?
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