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02/05/2024 | FRANCE | N°21/02358

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 02 mai 2024, 21/02358


ARRÊT n°

































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02358 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6OE





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 19 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORM

ATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F 19/00001





APPELANT :



Monsieur [R] [I]

né le 02 Novembre 1991 à [Localité 4]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 5]



Représenté par Me Yannick MAMODABASSE, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



Madame [H] [L]...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02358 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6OE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 19 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F 19/00001

APPELANT :

Monsieur [R] [I]

né le 02 Novembre 1991 à [Localité 4]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Yannick MAMODABASSE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [H] [L]

née le 09 Avril 1993 à [Localité 5]

de nationalité Française

Domiciliée [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Bernard VIDAL de la SCP TRIAS, VERINE, VIDAL, GARDIER LEONIL, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/006917 du 07/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Ordonnance de clôture du 12 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport et Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [R] [I] exerce une activité de conseil de gestion spécialisée dans le marketing et l'aide au développement de la visibilité sur la toile d'entreprises notamment via le réseau social Facebook depuis le 1er septembre 2015.

Le 16 novembre 2017, Madame [H] [L] adressait un courriel à Monsieur [R] [I] aux termes duquel elle lui indiquait avoir appris par sa s'ur qu'il recherchait une étudiante susceptible d'occuper un poste de «community management». Aux termes de ce courriel, elle se disait intéressée par ce domaine d'activité, et communiquait en pièce jointe au document, un curriculum vitae faisant état de ses expériences professionnelles antérieures.

Le 5 janvier 2018, Madame [H] [L] interrogeait Monsieur [R] [I] afin de savoir sur quel site elle devait s'immatriculer. Plusieurs échanges de courriels intervenaient sur ce sujet entre Madame [H] [L] et Monsieur [R] [I] courant février et mars 2018.

Les 5 mars 2018, 5 avril 2018, 5 mai 2018, 3 juin 2018, 9 juillet 2018 et 31 juillet 2018, Madame [H] [L] adressait à Monsieur [R] [I] six factures correspondant à des prestations de gestion de pages de profils, de commentaires ou de boîte de réception ainsi que de visuels des entreprises Home Burger, Street Burger Factory, Toscaline, Entrepôt sur différents réseaux sociaux et réalisées en mars 2018, avril 2018, mai 2018, juin 2018 et juillet 2018 pour des montants respectifs de 825 euros, 915 euros, 850 euros, 450 euros, 505 euros, et 450 euros.

Par requête du 2 janvier 2019, Madame [H] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de voir la relation entre les parties qualifiée de contrat de travail et de condamnation de Monsieur [R] [I] à lui payer différentes sommes à titre de rappel de salaire de novembre 2017 à août 2018, outre une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et des indemnités pour rupture abusive de la relation de travail.

Par jugement du 19 mars 2021, le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent et, sur le fond, il a condamné Monsieur [R] [I] à payer à Madame [H] [L] les sommes suivantes:

'14 980 euros à titre de rappel de salaire de novembre 2017 à août 2018, outre 1190 euros au titre des congés payés afférents,

'8994 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

'3000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1499 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 150 euros au titre des congés payés afférents,

'374,75 euros à titre d'indemnité de licenciement,

'1499 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement,

'960 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 12 avril 2021, Monsieur [R] [R] [I] a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes dans l'ensemble de ses dispositions.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 20 mai 2022, Monsieur [R] [I] sollicite in limine litis l'incompétence de la cour au profit du tribunal de commerce de Montpellier en l'absence de lien de subordination et revendique en tout état de cause le débouté de Madame [H] [L] de ses prétentions ainsi que sa condamnation à lui payer une somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 28 mai 2021, Madame [H] [L] conclut à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a reconnu l'existence d'un lien de subordination et elle sollicite la condamnation de Monsieur [R] [I] à lui payer les sommes suivantes:

'11 900 euros à titre de rappel de salaire de novembre 2017 à août 2018, outre 1190 euros au titre des congés payés afférents,

'8994 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

'750 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'750 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 75 euros au titre des congés payés afférents,

'374,75 euros à titre d'indemnité de licenciement,

'1499 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement,

'960 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite par ailleurs la condamnation de Monsieur [R] [I] à lui remettre sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir les bulletins de salaire pour les mois de novembre 2017 à août 2018, un certificat de travail, une attestation à destination de pôle -emploi ainsi que les justificatifs de règlement de l'ensemble des charges auprès des organismes sociaux.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 12 février 2024.

SUR QUOI

Monsieur [R] [I] demande à la cour de se déclarer incompétente au profit du tribunal de commerce de Montpellier.

Aux termes de l'article 90 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable aux décisions rendues à compter du 1er septembre 2017, lorsque le juge s'est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d'appel dans l'ensemble de ses dispositions. Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.

La cour d'appel de Montpellier étant juridiction d'appel tant du conseil de prud'hommes de Montpellier que du tribunal de commerce de Montpellier qui, selon Monsieur [R] [I], eût été compétent, la demande de celui-ci tendant au renvoi de l'affaire devant le tribunal de commerce de Montpellier, doit en tout état de cause être rejetée.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes possède une compétence d'attribution exclusive pour la connaissance de tout litige qui s'élève à l'occasion d'un contrat de travail et il a seul compétence pour statuer sur la réalité d'un contrat de travail.

Dans ces conditions, lorsque saisi de la demande de reconnaissance d'un contrat de travail unissant les parties en litige, le conseil examine l'existence de ce contrat pour déterminer sa propre compétence d'attribution, spécialement sur une exception d'incompétence, la solution apportée qui nécessite de trancher la question de l'existence d'un contrat de travail se confond avec l'exercice de sa pleine compétence légale d'attribution.

Si en application de l'article, L8221-6-1 du code du travail est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d'ordre, encore convient-il que l'activité ait donné lieu à inscription ou à immatriculation.

Or en l'espèce, si les échanges de courriels entre les parties démontrent qu'une telle inscription était envisagée, il n'est pas justifié de sa réalisation à l'origine de la relation bien qu'il s'évince de leurs écritures respectives qu' elle soit intervenue avant l'édition de la facture de mars 2018.

Les seuls défauts d'inscription ou d'immatriculation, ne peuvent cependant suffire à caractériser l'existence d'un contrat de travail qui dépend seul de l'existence d'un lien de subordination juridique permanente entre Madame [H] [L] et Monsieur [R] [I].

Le 16 novembre 2017, Madame [H] [L] adressait un courriel à Monsieur [R] [I] aux termes duquel elle lui indiquait avoir appris par sa s'ur qu'il recherchait une étudiante susceptible d'occuper un poste de «community management». Aux termes de ce courriel, elle se disait intéressée par ce domaine d'activité, et communiquait en pièce jointe au document, un curriculum vitae faisant état de ses expériences professionnelles antérieures.

Madame [L] fait valoir qu'en novembre 2017 Monsieur [I] lui avait demandé de trouver une dizaine de comptes de filles ou de garçons âgés de seize à vingt-cinq ans et ayant entre 600 et 2000 followers. Il lui avait aussi été demandé de travailler pour une deuxième entreprise dénommée l'Entrepôt, puis pour une société dénommée Toscaline, et enfin pour une société dénommée Street Burger Factory. Elle ajoute qu'en décembre 2017 il lui avait été demandé de mettre en place un concours et différentes publicités et que Monsieur [I] communiquait avec elle via le réseau social Facebook dans un premier temps mais également par SMS et par l'application Slack en un second temps.

Elle expose qu'il ressort de l'attestation de Monsieur [D] que Monsieur [I] lui imposait le choix du statut d'auto entrepreneur. Elle soutient qu'elle ne pouvait établir librement la manière dont elle souhaitait exécuter son travail, qu'elle n'avait pas la possibilité de développer une clientèle extérieure et se réfère pour cela à la page 49 de la pièce 4 de l'appelant. Elle expose qu'elle avait ainsi rencontré le directeur du cinéma de [Localité 6] mais que les réponses qu'elle devait fournir étaient déterminées par Monsieur [I] et se réfère pour cela à la page 50 de la pièce 4 de l'appelant. Elle indique qu'il choisissait même la taille de la police qu'elle devait utiliser dans ses écrits, se référant pour cela à la page 34 de la pièce 4 de l'appelant, qu'il parlait du travail qu'elle réalisait à la première personne du pluriel et qu'il organisait son emploi du temps.

Si les attestations produites confirment l'existence d'indications données à Madame [H] [L] aux fins d'immatriculation en qualité d'auto-entrepreneur, et si les échanges de messages entre les parties démontrent que Monsieur [I] orientait Madame [L] sur les clients ayant donné lieu à facturation à son profit, qu'il lui donnait des indications précises sur les prestations attendues et qu'il pouvait également procéder à une sélection des pages retenues, aucun élément utile, au-delà de la seule rhétorique collaborative dont Madame [L] se prévaut, ne permet d'établir qu'elle ait pu être intégrée à un service organisé au sein duquel l'employeur déterminait unilatéralement les conditions de travail de celle-ci, alors même que les pièces qu'elle cite sont insuffisantes à remettre en cause la large autonomie dont elle disposait dans l'organisation de son activité, s'agissant notamment de son rythme et de ses horaires, sans qu'à aucun moment Monsieur [I] ne lui ait fixé un lieu de travail ou n'ait mis à sa disposition du matériel.

La teneur des messages échangés ne permet pas davantage de fonder le critère lié à l'autorité et au contrôle hiérarchique allégués, les suggestions ou indications données par Monsieur [I] à Madame [L] étant insuffisantes à caractériser le pouvoir de donner des ordres et a fortiori celui de sanctionner les éventuels manquements.

Enfin si Madame [L] prétend qu'elle n'avait pas la possibilité de développer une clientèle extérieure, les échanges entre les parties démontrent qu'à aucun moment n'était envisagée une activité exclusive envers une clientèle imposée, les seules prestations rémunérées correspondant aux factures émises par madame [L] pour des montants différents chaque mois.

Ainsi, n'exécute pas une prestation sous un lien de subordination le particulier qui accepte d'exécuter des missions dès lors qu'il est libre d'abandonner en cours d'exécution les missions proposées, ce qui fut précisément le cas, que le cocontractant ne dispose pas, pendant l'exécution de la mission du pouvoir de contrôler l'exécution de ses directives et d'en sanctionner les manquements, quand bien même la correcte exécution des missions est l'objet d'une vérification.

Les éléments débattus conduisent par conséquent à écarter l'existence d'un contrat de travail.

Aussi, convient-il de débouter madame [L] tant de ses demandes de rappel de salaire que de rupture abusive d'une relation travail.

Alors que le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié suppose que soit établie l'existence d'un lien de subordination, le jugement sera également infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé formée par madame [L].

Nonobstant la solution apportée au litige, le seul exercice d'une voie de droit par madame [H] [L] ne caractérise pas un abus du droit d'agir en justice. C'est pourquoi, il convient de débouter Monsieur [R] [I] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Compte tenu de la solution apportée au litige, madame [L] supportera la charge des dépens.

En considération de l'équité, il convient de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Se déclarer compétente,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 19 mars 2021;

Et statuant à nouveau,

Déboute madame [H] [L] de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute Monsieur [R] [I] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne madame [H] [L] aux dépens;

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02358
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.02358 ?
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