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02/05/2024 | FRANCE | N°21/01825

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 02 mai 2024, 21/01825


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01825 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5OT





Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 FEVRIER

2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00141







APPELANTE :



S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES

Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Marie BARDEAU FRAPPA...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01825 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5OT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00141

APPELANTE :

S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES

Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie BARDEAU FRAPPA de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Emilie ZIELESKIEWICZ de la SCP ZIELESKIEWICZ ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

INTIMEE :

Madame [B] [K]

née le 19 Avril 1975

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne Charlotte ALLEGRET substituée par Me Jean-Michel CHARBIT de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 29 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [B] [K] a été engagée à compter du 14 février 2011 par la société ENGIE Energie Services selon contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité de responsables achats de l'agence de [Localité 2] Languedoc-Roussillon, position cadre 1 B, coefficient 68 moyennant une rémunération annuelle brute de 35 000 euros, soit une rémunération mensuelle brute de base de 2845,53 euros complétée d'une prime de vacances fixée à 25 % de l'indemnité de congés payés acquis versée au mois de juin ainsi que d'une part variable de rémunération en fonction des objectifs individuels fixés.

Au 1er mars 2017, la salariée accédait à la position de cadre 2B, coefficient 80 et sa rémunération mensuelle brute de base était portée à 3211,95 euros à compter du 31 mars 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 août 2018, Madame [B] [K] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 31 août 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 septembre 2018 l'employeur notifiait à la salariée son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Contestant le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier par requête du 5 février 2019 aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 22 février 2021, le conseil de prud'hommes de Montpellier a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [B] [K] par la société ENGIE Energie Services et il a condamné l'employeur avec exécution provisoire à payer à la salariée une somme de 25 688 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Aux termes du même jugement le conseil de prud'hommes a ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage.

Le 19 mars 2021, la société ENGIE Energie Services a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 1er décembre 2021, la société ENGIE Energie Services conclut à l'infirmation du jugement entrepris, au débouté de la salariée de ses demandes ainsi qu'à sa condamnation à lui payer une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 14 septembre 2021, Madame [B] [K] conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf quant au montant des dommages-intérêts alloués au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'elle souhaite voir porté à la somme de 45 000 euros. Elle sollicite par ailleurs la condamnation de la société ENGIE Energie Services à lui payer une somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 janvier 2024.

SUR QUOI :

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties; si un doute subsiste il profite au salarié.

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La lettre de licenciement à laquelle il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs reproche en substance à la salariée d'avoir utilisé un véhicule de service à des fins personnelles en dehors du périmètre autorisé sans l'accord préalable de la hiérarchie tel que défini par la convention d'établissement, en infraction aux dispositions du règlement intérieur, à la charte éthique et à un principe général de loyauté, ces manquements résultants de l'utilisation du véhicule de service immatriculé EN 355 JR à des fins personnelles avec cette circonstance qu'était à son bord une enfant de moins de 12 ans en contravention avec les dispositions de la convention d'établissement, et en ayant dans ces circonstances causé un accident sur le territoire italien dont les frais de rapatriement n'étaient pris en charge ni par l'assurance, ni par le loueur, occasionnant ainsi un préjudice pour la société d'un montant estimé à 1500 euros.

À l'appui de sa prétention, la société ENGIE Energie Services fait valoir qu'aux termes du procès-verbal de livraison du véhicule Citroën C3 immatriculé EN 355 JR la salariée s'engageait à ne pas utiliser les services de la carte carburant à des usages personnels, que le manuel du conducteur précisait en page 24 que la société mettait à disposition à titre professionnel un véhicule d'entreprise, que le 9 août 2018, la salariée en congé en Italie avait été victime d'un accident de la circulation avec à bord du véhicule sa fille de dix ans, que les frais de remise en état pour un montant de 8161,98 euros TTC avaient été avancés par l'entreprise et n'étaient pas remboursés à ce jour, qu'en outre le rapatriement de la salariée avait occasionné des frais supplémentaires de 682,45 euros, que si Madame [K] n'était pas responsable de l'accident le contrat souscrit par la société ENGIE Energie Services conditionnait la prise en charge par l'assureur du véhicule de remplacement à la nationalité française du tiers et de son assureur, ce qui n'était pas le cas, si bien que ces frais étaient restés à la charge de l'entreprise.

La salariée qui se prévaut d'avoir en réalité bénéficié d'un véhicule de fonction justifie en défense que lors de la livraison d'un précédent véhicule le 12 février 2013 elle signait une attestation sur l'honneur aux termes de laquelle elle certifiait « avoir pris connaissance de la politique d'attribution et de mise à disposition d'un véhicule de fonction chez Cofely et en accepter les termes » et que la carte internationale d'assurance du 5 décembre 2013 était établie à son nom. Elle expose qu'en tout état de cause l'employeur avait toléré pendant la durée de la relation contractuelle un usage du véhicule conforme à celui prévu pour les véhicules de fonction. Elle indique que c'est seulement le 30 août 2018 par une note interne, que l'employeur restreignait à un rayon de 100 km l'utilisation des véhicules (personnels, de service ou de fonction). Elle justifie par ailleurs d'un avis de contravention consécutif à un stationnement gênant à [Localité 6] (34) le 19 août 2016 à 14h46 et du bulletin de paie d'août 2016 faisant état de sa position en congés payés du 1er août 2016 au 19 août 2016, d'un avis de contravention relatif à une infraction au code de la route le 7 mars 2015 à 11h04 à [Localité 2], d'un avis de contravention pour violation du code de la route italien le 11 août 2017 à 17h17 et du bulletin de paie d'août 2016 faisant état de sa position en congés payés du 1er août 2017 au 19 août 2017. Elle fait enfin valoir que l'employeur lui faisait parvenir les amendes afin qu'elle les règle et justifie d'un courriel de l'employeur se référant à un avis de contravention qu'il lui avait adressé par mail du 30 août 2016. Elle ajoute qu'elle avait fait installer un siège enfant dans le véhicule, ce que l'employeur ne pouvait ignorer.

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L'apparence du véhicule s'agissant d'un véhicule « de société » deux places aux logos de l'entreprise n'est pas par elle-même déterminante de sa nature et les stipulations contractuelles ne font aucune mention de la mise à disposition d'un véhicule. Si les différents documents de livraison de l'employeur se réfèrent à des véhicules de société, ils ne permettent pas pour autant à eux seuls de différencier les conditions d'utilisation de ces véhicules. L'employeur établit cependant au moyen de courriels contemporains de la période de recrutement qu'il était prévu que Madame [K] puisse utiliser un véhicule de service du parc auto de l'agence en cas de besoin. Elle était également destinataire pour information le 27 février 2017 d'un courriel portant sur les choix de véhicules de service, dont notamment le modèle C3 devant lui être affecté. La convention d'établissement précise par ailleurs que les véhicules de service sont des véhicules deux/trois places, ce qui était précisément le cas des véhicules mis à disposition de la salariée dont notamment la Citroën C3 immatriculée EN 355 JR. Ensuite, le règlement intérieur dont la salariée a accusé réception de la remise le 29 octobre 2012, indique en son article 2.5 qu'« il peut être mis à disposition du salarié un véhicule (de service ou de fonction) dans l'exercice de ses fonctions, que s'agissant des « véhicules de service spécifiquement : le véhicule de service et la carte essence fournie avec le véhicule sont à usage strictement professionnel, et qu'ainsi ils ne pourront pas être utilisés à des fins personnelles. Or, aux termes du procès-verbal de livraison du véhicule Citroën C3 deux places immatriculé EN 355 JR, la salariée s'engageait à ne pas utiliser les services de la carte carburant à des fins personnelles. Il est également constant que la structure de la rémunération de madame [K] ne comportait aucun avantage en nature, si bien que ces éléments pris dans leur ensemble constituent un faisceau d'indices suffisants pour écarter la qualification de véhicule de fonction nonobstant la référence isolée à un véhicule de fonction contenue dans un procès-verbal de livraison d'un précédent véhicule le 12 février 2013 et l'établissement au nom de madame [K] d'une carte d'assurance de ce véhicule.

Le règlement intérieur stipule également que « le véhicule de service ne pourra pas être utilisé en dehors des heures de travail, pendant les week-ends et jours fériés excepté lors des astreintes demandées par la hiérarchie (sauf dispositions spécifiques) ». La convention d'établissement rappelle que les véhicules de service sont mis à disposition des salariés dans le cadre de leur activité et exclusivement dans ce cadre, que cette utilisation s'effectue durant les horaires de travail habituels des salariés concernés pour les déplacements justifiés pour les besoins de service mais également en dehors des horaires habituels pour les mêmes motifs. Ensuite la convention d'établissement prévoit une autorisation d'utilisation des véhicules de service à titre personnel pour les salariés attributaires sur les trajets aller et retour domicile-lieu de travail et en dehors des horaires de travail dans un rayon de 10 km à partir du domicile du salarié pour les nécessités de la vie courante. Enfin, la convention d'établissement prévoit que les véhicules de service puissent être utilisés notamment durant les congés payés sous réserve d'un accord de la hiérarchie mais exclut en toute hypothèse le transport d'enfants de moins de douze ans dans ces véhicules et également l'installation de systèmes « sièges enfants ».

Or il est constant, que lorsque l'accident est survenu sur le territoire italien le 9 août 2018 pendant les congés de la salariée avec le véhicule de service à bord duquel se trouvait sa fille de dix ans, la salariée n'avait sollicité aucune autorisation de l'employeur. Si madame [K] soutient que l'employeur avait toléré l'utilisation du véhicule mis à sa disposition à des fins personnelles, les pièces qu'elle produit, s'agissant d'une photographie des locaux de l'entreprise, d'un courrier de contestation de licenciement qu'elle adressait à l'employeur et de ses propres déclarations à l'occasion de l'entretien préalable, ne suffisent cependant pas à établir que l'employeur ait effectivement eu connaissance de l'installation d'un siège enfant dans le véhicule. Ensuite, il n'est démontré par aucun élément que l'utilisation du véhicule de service par la salariée ayant donné lieu à l'avis de contravention du 7 mars 2015 à 11h04 à [Localité 2] ait contrevenu aux règles applicables à l'utilisation des véhicules de service dans l'entreprise. Par ailleurs l'analyse des pièces produites démontre que l'avis de contravention relatif à une infraction du 11 août 2017 sur le territoire italien n'a été émis par la police municipale de [Localité 4] que le 17 décembre 2018, soit postérieurement au licenciement de la salariée, si bien qu'aucun élément ne permet d'établir que l'employeur ait pu avoir connaissance de ces faits antérieurement au licenciement. Enfin, l'absence de sanction par l'employeur d'une utilisation du véhicule de service le 19 août 2016 à [Localité 6] (34), au dernier jour de la période de congés de la salariée dans un périmètre très voisin de celui admis par les dispositions applicables dans l'entreprise, ne suffit pas à caractériser une tolérance susceptible d'exonérer la salariée des manquements fautifs à ses obligations le 9 août 2018.

L'utilisation par la salariée dans ces conditions de son véhicule de service occasionnant à l'entreprise un préjudice dont elle justifie constituait par conséquent un manquement suffisamment grave de la salariée à ses obligations pour caractériser la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Aussi convient-il d'infirmer le jugement entrepris, et de débouter la salariée de ses demandes relatives à une rupture abusive de la relation travail.

Compte tenu de la solution apportée au litige, Madame [B] [K] supportera la charge des dépens.

En considération de l'équité, il convient de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 22 février 2021,

Et statuant à nouveau,

Déboute Madame [B] [K] de ses demandes pour rupture abusive de la relation travail ;

Dit n'y avoir lieu à remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [B] [K] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01825
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.01825 ?
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