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02/05/2024 | FRANCE | N°21/01521

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 02 mai 2024, 21/01521


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à













COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01521 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O45D





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - F

ORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER

N° RG F 16/01700





APPELANTE :



S.A.R.L. MECA TP

Domiciliée [Adresse 4]

[Adresse 7]

[Localité 2]



Représentée par Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Eve BEYNET, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIME :



...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01521 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O45D

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER

N° RG F 16/01700

APPELANTE :

S.A.R.L. MECA TP

Domiciliée [Adresse 4]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Eve BEYNET, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [V] [N]

né le 05 Septembre 1978 à [Localité 5]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Natacha YEHEZKIELY, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Letticia CAMUS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 12 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport et Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée, en date du 9 septembre 2013, M. [N] a été engagé par la société Meca TP, en qualité de manoeuvre, la relation de travail étant régie par la convention collective nationale des travaux publics pour une durée hebdomadaire de 35 heures moyennant un taux horaire de 9,43 euros.

Par avenant conclu en janvier 2014, le salarié s'est vu confier le poste de chauffeur poids-lourds et d'engins. Au dernier état de la relation contractuelle, il était rémunéré 2 073,85 euros pour 39 heures hebdomadaires.

Placé en arrêt maladie non professionnelle de novembre 2015 à mars 2016, M. [N] a été déclaré apte à la reprise de son poste par le médecin du travail, à l'issue de la visite de reprise organisée le 7 avril 2016, l'avis d'aptitude étant assorti de la réserve suivante : 'éviter les manutentions manuelles supérieures à 25 kg et la conduite d'engins de type Mecalac et Mini pelle pendant deux mois'.

Le salarié a de nouveau été placé en arrêt maladie non professionnelle du 11 au 24 juillet 2016. Il a pris ses congés payés du 1er au 24 août suivant.

Selon l'employeur, le salarié ne s'est pas présenté sur le lieu de travail du jeudi 25 au mardi 30 août 2016, absence pour laquelle il lui a demandé un justificatif par lettre du 1er septembre 2016. Le salarié a objecté qu'il était en congés jusqu'au 27 août inclus et que le lundi 29 septembre (lire août), l'employeur l'avait invité à rentrer à son domicile n'ayant pas de travail à lui confier après avoir vendu le camion, objections que l'employeur a réfuté par correspondance en réplique.

Invoquant un accident du travail qui serait survenu le 31 août 2016, alors qu'il était affairé à poncer le bateau personnel de son employeur à la demande de ce dernier, M. [N] a été placé continûment en arrêt de travail pour accident du travail, le caractère professionnel de cet arrêt ayant toutefois été rejeté par la caisse primaire d'assurance maladie par décision en date du 16 novembre 2016.

Par requête en date du 22 décembre 2016, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'entendre condamner l'employeur au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires.

A l'issue de la visite de reprise du 14 février 2017, M. [N] a été déclaré inapte à son poste de chauffeur poids lourds et chauffeur d'engins, le médecin du travail précisant que son 'état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l'entreprise'.

Après avoir interrogé le médecin du travail sur une proposition de reclassement, rejetée par le médecin du travail, la société Meca TP a notifié à M. [N] par lettre du 14 mars 2017 son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Suivant conclusions ampliatives, le salarié a contesté devant le conseil de prud'hommes le caractère réel et sérieux de son licenciement en imputant notamment son inaptitude à la faute de l'employeur.

Par jugement de départage, du 16 février 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit que la société Meca TP a commis des manquements à l'égard de M. [N] : non paiement de l'intégralité des heures supplémentaires effectuées et des indemnités pour contreparties obligatoires en repos, travail dissimulé, non paiement des indemnités de trajet et violation de l'obligation de sécurité,

Dit que le licenciement doit être analysé en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Meca TP à verser à M. [N] les sommes suivantes :

- 14 357,76 euros bruts au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires impayées, outre les congés payés afférents de 1 435,77 euros, en brut

- 1 974,19 euros bruts de rappels de salaire pour repos compensateur,

- 16 751 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 1 386 euros bruts d'indemnité de trajet,

- 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 1 000 euros au titre de de l'article 700 du code de procédure civile

[...]

Déboute les parties de toute autre demande, plus ample ou contraire,

Condamne la société Meca TP aux dépens.

Suivant déclaration en date du 12 février 2024, M. [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

' suivant ses conclusions en date du 22 mars 2021, la société appelante demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [N] des heures supplémentaires, les congés payés y afférents, des repos compensateurs et une indemnité pour travail dissimulé, et en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et l'a condamnée à payer des dommages-intérêts à M. [N] et, statuant à nouveau de débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

' aux termes de ses conclusions remises au greffe le 30 janvier 2024, M. [N] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en son entier sauf à augmenter les quanta et, statuant à nouveau, de :

Juger le licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société MECA TP au paiement des sommes suivantes, étant précisé que les sommes indemnitaires seront fixées nettes de CSG et de CRDS :

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 14 357,76 euros bruts au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires impayées, outre les congés payés afférents de 1 435,77 euros,

- 16 751 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 1 974,19 euros de rappels de salaire pour repos compensateur,

- 1 386 euros d'indemnités de trajet,

Condamner la société MECA TP à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La débouter de toute demande reconventionnelle comme injuste et mal fondée.ainsi qu'aux entiers dépens.

Par décision en date du 12 février 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction du dossier et fixé l'affaire à l'audience du 11 mars suivant.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées.

MOTIVATION

Sur l'étendue de la saisine de la cour :

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n'est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et pas de celles qui n'auraient pas été reprises dans ce dispositif.

En l'espèce il ne sera pas statué sur les fins de non recevoir soulevées par la société appelante dans le corps de ses écritures portant sur la prescription partielle de la réclamation salariale de M. [N] et l'irrecevabilité des demandes portant sur la rupture du contrat de travail faute pour le salarié d'en avoir saisi le conseil par une requête distincte, ces fins de non recevoir n'étant pas reprises au dispositif des conclusions dont la cour est saisie.

Par ailleurs, il sera relevé que la société appelante n'a pas demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il a accordé au salarié un rappel d'indemnité de trajet, quand bien même solliciterait-elle in fine le débouté pur et simple de M. [N] de ses demandes.

Sur les heures supplémentaires :

A l'appui de sa demande en paiement de la somme brute de 14 357,76 euros au titre de la période travaillée depuis septembre 2013, M. [N], qui soutient avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires, se prévaut de l'analyse du nombre d'heures supplémentaires qu'il indique avoir accomplies d'avril à juin 2016 en se fondant notamment sur les disques chronotachygraphes. Il conclut que depuis son engagement en septembre 2013 et en décomptant un arrêt de travail de novembre 2015 à fin mars 2016 ainsi qu'un arrêt pour congés en juillet 2016, en décomptant également les congés payés annuels et autres arrêts maladie, 'c'est une période de 20 mois d'activité qui doit faire l'objet d'un rappel d'heures supplémentaires, soit  : 20 mois x 48 heures majorées à 25 % = 20 x 48 x 14,956 euros = 14 357,76 euros bruts, outre les congés payés afférents de 1 435,77 euros'.

La société Meca TP objecte que le salarié, qui n'a fourni un décompte que sur une période de 3 mois, lequel s'avère de surcroît erroné en ce qu'il ne déduit pas de cette période les jours de congés pris du 6 au 16 mai, raisonne ensuite par analogie, au mépris des règles probatoires en vigueur, et sans tenir compte du fait qu'il n'a pas toujours exercé les fonctions de chauffeur sur la période considérée. Elle qualifie son calcul de 'grossier', ne correspondant ni à la réalité de ses fonctions ni à celle de son temps de travail.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, L. 3171-3 et L. 3171-4 du même code, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, rappel fait que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant, la chambre sociale de la Cour de cassation précisant selon une jurisprudence constante que le juge prud'homal ne saurait faire peser la charge de la preuve que sur le seul salarié.

M. [N] verse aux débats les éléments suivants :

- sur la période du 4 avril au 7 juillet 2016, un décompte horaire journalier précis, comprenant une colonne récapitulant le nombre d'heures de travail à la journée et à la semaine ; ce décompte détaillé est fondé globalement sur une heure de prise de service fixée systématiquement à 7H, et une heure de fin de service déterminée par l'heure de fin d'activité figurant sur le disque chronotachygraphes, le salarié déduisant de cette amplitude de travail une heure de pause méridienne,

- les disques chronotachygraphes d'avril à juin 2016.

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En premier lieu, la société Meca TP souligne que nonobstant la prise de congés payés les 6 et 16 mai 2016, le tableau horaire détaillé et le décompte récapitulatif présentent ces journées comme étant travaillées et ayant donné lieu à l'accomplissement d'heures supplémentaires intégrées au décompte, sans aucune explication du salarié sur cette anomalie flagrante qui jette le discrédit sur le calcul puisque l'absence de M. [N] le 6 mai réduit le nombre d'heures supplémentaires qu'il déclare :

- la semaine du lundi 2 au vendredi 6 mai de 11 à 2,

- et la semaine du 16 au 20 mai de 16H45 à 7H45.

À l'examen des disques chronotachygraphes, communiqués par le salarié sans aucune analyse de leur contenu, la cour ne relève pas de disque concernant ces 2 journées.

Par ailleurs, l'employeur critique à juste titre le raisonnement par analogie auquel le salarié a procédé en reportant sur toute la période travaillée, alors même qu'il n'a exercé les fonctions de chauffeur poids-lourds qu'à compter de janvier 2014, un décompte horaire, dont on vient de relever qu'il s'avère partiellement erroné, en retenant une moyenne de 48 heures supplémentaires mensuelles.

En outre, à l'examen de ses bulletins de salaire, force est de relever que le salarié engagé à raison de 35 heures hebdomadaires était régulièrement rémunéré d'heures supplémentaires.

Pour autant, l'employeur ne fournit aucun élément de nature à déterminer précisément les heures effectivement travaillées par le salarié ne serait-ce que sur celle détaillée par M. [N] du 4 avril au 7 juillet 2016, telle que des fiches horaires hebdomadaires renseignées ou à tout le moins signées par le salarié.

Faute pour l'employeur de produire le moindre élément probant sur ce point, le jugement sera confirmé en ce qu'il a accueilli, dans son principe, la réclamation salariale de M. [N] . Pour autant, tenant compte du caractère erroné de son calcul et de l'application forfaitaire que M. [N] en a faite sur la période précédente, le conseil de prud'hommes ne pouvait accueillir intégralement la réclamation du salarié.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la réclamation du salarié est partiellement justifiée à hauteur de 9 500 euros au titre des heures supplémentaires, outre 950 euros au titre des congés payés afférents.

L'indemnisation de la contrepartie obligatoire en repos pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires sera réformée dans son montant et porté à la somme de 1 150 euros.

Même si l'employeur ne justifie pas des heures effectivement réalisées, la preuve de son intention de se soustraire à ses obligations n'est pas suffisamment rapportée. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail :

A juste titre, l'employeur critique la décision entreprise en ce qu'elle a notamment retenu le prétendu caractère irrégulier de l'avis d'inaptitude émis le 14 février 2017 par le médecin du travail au motif qu'il ne serait pas justifié la réalisation par ce dernier d'une étude de poste préalable, alors même que nulle partie ne l'a contesté, de sorte que cet avis s'impose à elles, la cour relevant de surcroît que le salarié s'en est expressément prévalu dans sa correspondance du 28 février 2017 pour refuser la proposition de reclassement formulée par l'employeur (pièce employeur n°8).

S'agissant d'un manquement de l'employeur à l'origine de l'inaptitude, le salarié fait valoir que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, d'une part, en ne respectant pas les restrictions émises par le médecin du travail le 6 avril 2016 et, d'autre part, en lui confiant une tâche ne relevant pas de ses fonctions le 31 août 2014 à l'origine de son accident du travail.

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En vertu de ces textes, l'employeur est tenu à l'égard de son salarié d'une obligation de sécurité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Dès lors que le salarié invoque précisément un manquement professionnel en lien avec le préjudice qu'il invoque, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du respect de son obligation de sécurité à l'égard du salarié.

La société conteste tout manquement à son obligation de sécurité en faisant valoir à juste titre, d'une part, qu'il ne s'agissait pas d'une interdiction 'des manutentions manuelles supérieures à 25 kg et à la conduite des engins type Mecalac et Mini-pelle', mais d'une simple recommandation tendant à 'éviter ces tâches', et ce pendant deux mois, de sorte que cette recommandation temporaire s'est achevée au 7 juin, et d'autre part, et ainsi que le salarié s'en prévaut lui-même, au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, il a exercé sur cette période ses fonctions de chauffeur poids-lourds, au titre desquelles aucune réserve n'avait été émise par le médecin du travail.

Par ailleurs, la société Meca TP rapporte la preuve du caractère mensonger des allégations du salarié selon lesquelles l'employeur lui aurait demandé de poncer son bateau, entreposé sur le parking de l'entreprise sur béquille et que c'est à l'occasion de ce 'travail' qu'il aurait été victime d'un lumbago. La société communique en effet les images de la vidéo surveillance desquelles il ressort, d'une part, un individu, dont M. [N] concède qu'il s'agit bien de lui, le 31 août à 8h41, faire les cent pas sur le parking le téléphone portable à l'oreille, puis en passant devant le bateau donner un coup de pied sur la béquille, provoquant ainsi la chute du bateau, avant de s'éloigner des lieux, et, d'autre part, un véhicule quitter dans la minute qui suit cet incident le parking, dont M. [N] ne conteste pas qu'il s'agit de celui qu'il utilisait ce jour là, de sorte que l'arrêt de travail prescrit le même jour par son médecin traitant pour 'lumbago aigu sur effort de soulèvement - raideur... lombalgies basses' est sans lien avéré avec l'activité professionnelle et un quelconque accident du travail ou une quelconque activité extra contractuelle que lui aurait confiée son employeur.

Sans qu'il soit nécessaire d'apprécier le rapport d'enquête établi par M. [X], agent de recherches privé, duquel il ressort notamment que le vendredi 18 novembre 2016, M. [N] a activement participé à un 'abrivado' en montant un cheval lancé au galop dans les rues de la commune de [Localité 6], l'employeur établit avoir respecté son obligation de sécurité à l'égard de M. [N].

Faute pour le salarié de justifier un quelconque manquement de l'employeur ayant provoqué l'inaptitude, le jugement sera infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et alloué au salarié une indemnité de 20 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Meca TP à verser à M. [N] un rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur, la somme de 1 386 euros au titre d'indemnité de trajet, ainsi que celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme sur le montant des créances d'heures supplémentaires et de repos compensateur, en ce qu'il a alloué l'indemnité de travail dissimulé et sur les dispositions relatives à la rupture,

Condamne la société Meca TP à verser à M. [N] les sommes suivantes :

- 9 500 euros bruts au titre des heures supplémentaires,

- 950 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 150 euros au titre du repos compensateur,

Déboute M. [N] de sa demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé,

Juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [N] de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne la société Meca TP aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Naïma Digini, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01521
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.01521 ?
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