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02/05/2024 | FRANCE | N°21/01255

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 02 mai 2024, 21/01255


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01255 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4M5





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 19 JANVIER 2021 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES

- FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER - N° RG F16/01403





APPELANTE :



S.A.R.L. MAYNADA SERVICES (APEF)

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEE :



Madame [J] [L] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par M...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01255 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4M5

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 19 JANVIER 2021 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER - N° RG F16/01403

APPELANTE :

S.A.R.L. MAYNADA SERVICES (APEF)

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [J] [L] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Ann-Florence FABRE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 15 Novembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

M. Jean-Jacques FRION, Conseiller

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

[J] [L] a été engagée à compter du 19 septembre 1994 par l'Association pour l'emploi familial (APEF) en qualité de secrétaire.

Au mois de janvier 2009, son contrat a été transféré à la SARL Manada Services. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable d'agence avec un salaire mensuel moyen brut de 2 193,04€.

Elle a été licenciée par lettre du 14 octobre 2011 pour les motifs suivants, qualifiés de faute grave : « ' nous vous avons demandé de vous expliquer sur les dysfonctionnements dans l'agence dont vous avez la responsabilité à savoir :

La non application et la non mise en 'uvre de la plus grande partie des actions correctives que vous deviez mener et ce depuis le 04 mai 2011 afin de permettre à votre agence de ne pas perdre la certification NF service ainsi que le retrait de l'agrément qualité.

La gravité des dysfonctionnements tels que :

Le non-respect du cahier des charges de l'agrément qualité, l'application pour des prestations identiques de tarifs différents dans les contrats clients, l'absence de suivi des temps de travail des salariés, la réalisation partielle des entretiens annuels des salariés, le non suivi des recrutements, l'absence d'encadrement de l'équipe administrative ; sont toujours d'actualités ou n'ont pas été corrigés.

Ces faits, que vous reconnaissez, constituent une faute grave' ».

Le 1er juillet 2013, estimant son licenciement injustifié, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier qui, par jugement de départage en date du 19 janvier 2021, a condamné la SARL Maynada Services à lui payer :

- la somme de 45 000€ net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la somme de 4 386€ brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- la somme de 438,60€ à titre de congés sur préavis,

- la somme de 9 562€ brut à titre d'indemnité légale de licenciement,

- la somme de 500€ net de CSG CRDS d'indemnité pour procédure irrégulière de licenciement,

- la somme de 1 000€ net de CSG CRDS au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a également :

- ordonné la remise par la SARL Maynada Services des documents de fin de contrats rectifiés conformes au jugement sous astreinte de 10€ par jour et par document à compter du trentième jour après notification du jugement,

- rappelé l'application du taux d'intérêt légal et de la capitalisation des intérêts,

- ordonné le remboursement par la SARL Maynada services des indemnités chômage versées à [J] [L] dans la limite de six mois.

Le 25 février 2021, la SARL Maynada Services a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions déposées au RPVA le 9 novembre 2021, elle conclut à l'annulation du jugement, au rejet des demandes et à l'octroi de la somme de 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle demande d'infirmer le jugement, de constater l'irrecevabilité des conclusions de [J] [L] et de la débouter de ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande de réduire le montant des sommes allouées à de plus justes proportions.

Dans ses conclusions notifiées par RPVA le 18 août 2021, [J] [L] demande à la cour de :

- dire n'y avoir lieu à prononcer la nullité du jugement dont appel,

- confirmer le jugement,

- débouter la SARL Maynada services de ses demandes,

- liquider l'astreinte ordonnée.

Dans l'hypothèse du prononcé de la nullité du jugement dont appel, elle demande de :

- condamner la SARL Maynada services à lui payer :

- la somme de 45 000€ net de CSG CRDS de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- les sommes de 4 386€ d'indemnité compensatrice de préavis et de 438,60€ de congés afférents, en brut,

- la somme de 9 562€ brut d'indemnité légale de licenciement,

- la somme de 500€ net de CSG CRDS d'indemnité pour procédure irrégulière de licenciement,

- la somme de 1 000€ net de CSG CRDS au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

- ordonner la remise par la SARL Maynada Services des documents de fin de contrat conformes sous astreinte de 10€ par jour de retard et par document à compter du trentième jour à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- rappeler que de droit, l'intérêt à taux légal s'appliquera à la date de la saisine concernant les condamnations salariales, à la date de la décision à intervenir concernant les créances indemnitaires et dire qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts par année entière,

- ordonner le remboursement par la SARL Maynada Services des indemnités chômage versées, du jour du licenciement au jour de l'arrêt à intervenir, dans les limites de six mois fixées par le législateur,

- la condamner à lui payer la somme de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'annulation du jugement :

Lors de son analyse du courrier daté du 6 octobre 2011, lequel est attribué à [J] [L], le conseil de prud'hommes a posé une question rhétorique « s'interrogeant » sur la date de celui-ci.

Toutefois, il a constaté la rédaction discordante de celle-ci au regard des tâches qui étaient demandées à la salariée et de la date de remise de la convocation à l'entretien préalable.

En concluant que la pièce était douteuse, il entendait seulement dire qu'elle était dénuée de force probante, ce qui répond aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

S'agissant de l'exécution provisoire, en application de l'article 515 du code de procédure civile, le juge est autorisé à prononcer l'exécution provisoire pour tout ou partie de la condamnation. Si la considération du délai important devant la présente chambre sociale et la référence à la jurisprudence européenne n'apparaissent pas pertinentes pour décider de l'exécution provisoire totale de la décision prononcée par la juridiction prud'homale, la référence à la nature de l'affaire et à l'ancienneté des faits constitue une motivation précise au sens de l'article 455 sus-évoqué.

Dès lors, la demande en nullité du jugement sera rejetée.

Sur l'irrecevabilité des conclusions :

L'employeur, qui invoque l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée dans le dispositif de ses conclusions, ne soulève aucun moyen à l'appui de sa demande, en sorte qu'il sera débouté de cette demande.

Sur le licenciement pour faute grave :

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même limitée du préavis.

C'est à l'employeur et à lui seul d'apporter la preuve de la faute grave invoquée par lui pour justifier le licenciement.

A ce titre, l'employeur se prévaut de l'entretien annuel d'évaluation et de formation daté du 11 janvier 2011, du rapport d'audit réalisé le 15 mars 2011, de l'attestation de Mme [O], de divers messages électroniques adressés à [J] [L] entre le 4 et le 20 mai 2011, d'un tableau intitulé « plan d'actions » daté du 2 mai 2011 ainsi que d'un courrier daté du 6 octobre 2011 par lequel celle-ci avouerait sa culpabilité.

Le conseil de prud'hommes a à juste titre relevé :

- qu'outre les incohérences de dates mentionnées sur le courrier du 6 octobre 2011, que la cour constate également, le courrier est rédigé en des termes généraux et ne fait référence à aucun fait précis ;

- que Mme [O], seule salariée à attester en faveur de l'employeur, a succédé à [J] [L] en qualité de directrice de la structure,

- que l'audit du mois de mars 2011 a été réalisé par M. [C] qui vivait avec Mme [O] ainsi que le démontre la photographie de la boîte aux lettres sur laquelle figurent les deux noms.

- que le document d'audit comporte des appréciations subjectives telles que « il est consternant de devoir faire ce type de remarque », ce qui fait douter de son objectivité ;

- que le plan d'action daté du 2 mai 2011 ne présente pas les moyens fournis pour sa mise en oeuvre et, alors que l'échéance de réalisation était immédiate ou à un mois, l'employeur a attendu plus de cinq mois après celui-ci pour licencier la salariée,

- que la salariée exerçait depuis dix-sept ans au sein de la société et six ans en qualité de directrice et qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire ni même d'une quelconque remarque,

L'ensemble de ces éléments remettent en cause la sincérité des éléments produits par l'employeur. En tout état de cause, la preuve n'est pas rapportée qu'en dépit de la rédaction du plan d'action, la salariée aurait continué à avoir des carences dans la gestion de l'agence dès lors qu'il est constaté :

- que le 4 mai 2011, l'employeur lui a demandé de lui « retourner [le tableau] complété » avant une certaine échéance et produit, dans le cadre de la présente instance, un plan d'action comportant les mentions « fait » ou « en cours » sur les éléments à corriger, ce qui ne permet pas de rapporter la preuve de l'inaction persistante de la salariée ;

- que l'employeur, qui a pourtant échangé régulièrement avec [J] [L] jusqu'au 26 septembre 2011, ne l'a jamais relancée sur ce sujet ou sur les dysfonctionnements constatés après le mois de mai 2011, en dépit de l'urgence alléguée de la situation,

- que la salariée produit des attestations de clients et d'anciens salariés vantant la qualité de son travail,

- que le chiffre d'affaires de l'agence a progressé sous sa direction,

- qu'elle a perçu de manière continue des primes pour objectif durant toute la relation de travail et jusqu'au licenciement.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que ni la faute grave ni la cause réelle et sérieuse de licenciement ne peuvent être retenues. La rupture du contrat de travail est donc dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Le conseil de prud'hommes a justement évalué le montant qui est à la salariée dû au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ainsi que de l'indemnité légale de licenciement.

Au regard de l'ancienneté de [J] [L], de son salaire au moment du licenciement, du fait qu'elle justifie avoir été bénéficiaire de l'allocation de retour pour l'emploi jusqu'au mois d'août 2013 et que la société comptait plus de onze salariés, il y a lieu de lui allouer la somme de 30 700 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

N'étant justifié d'aucun autre préjudice résultant de l'irrégularité de la procédure, distinct de celui réparé par les dispositions qui précèdent, la demande à ce titre sera rejetée.

Sur la liquidation de l'astreinte et la remise des documents rectifiés :

Le prononcé d'une astreinte par le conseil de prud'hommes n'étaient pas nécessaire.

Il n'y a donc lieu ni à liquidation de l'astreinte prononcée ni à en prononcer une autre.

Sur les autres demandes :

Conformément à l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement des indemnités de chômage payées au salarié licencié doit être ordonné dans la limite maximum prévue par la loi.

Les sommes à caractère salarial étant confirmées, elles produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les sommes alloués à hauteur d'appel à titre de dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile produiront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les limites de l'article 1343-2 du code civil.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Rejette les demandes de nullité du jugement et d'irrecevabilité des conclusions ;

Infirmant le jugement de départage et statuant à nouveau :

Condamne la SARL Maynada services à verser à [J] [L] la somme de 30 700€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

Dit que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile produiront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, avec capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Maynada services à payer à [J] [L] la somme de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la SARL Maynada services aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01255
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.01255 ?
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