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02/05/2024 | FRANCE | N°19/03484

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 02 mai 2024, 19/03484


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/03484 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OFFD



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 DECEMBRE 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANC

E DE RODEZ

N° RG 16/00748





APPELANTS :



Monsieur [OX] [GI]

né le 11 Mai 1937 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 10]



et



Madame [I] [D] [X] épouse [GI]

née le 02 Juillet 1945 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 10]



Repr...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/03484 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OFFD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 DECEMBRE 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ

N° RG 16/00748

APPELANTS :

Monsieur [OX] [GI]

né le 11 Mai 1937 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 10]

et

Madame [I] [D] [X] épouse [GI]

née le 02 Juillet 1945 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentés par Me Yann GARRIGUE substituant Me Fanny LAPORTE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Monsieur [C] [V]

né le 08 Février 1971 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 19]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Célia VILANOVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

et par Me Christophe BRINGER, avocat au barreau d'AVEYRON, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 19 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte authentique de vente du 5 août 1999, Madame [I] [X] épouse [GI] et Monsieur [OX] [GI] ont acquis de la part des époux [GJ] une parcelle sis au Bourg de la commune de [Localité 19] (Aveyron).

Par acte authentique de vente du 14 novembre 1996, Monsieur [C] [V] a quant à lui acquis de la part des époux [T] un fond contigu à celui des époux [GI].

Par acte d'huissier du 24 février 2011, les époux [GI] ont fait assigner Monsieur [C] [V] en référé devant le président du tribunal de grande instance de Rodez en sollicitant que ce dernier :

- enlève un cadenas bloquant la vanne permettant le contrôle du débit d'eau d'un béal et supprime la terrasse qu'il a construite en limite sud-est de leur propriété qui crée abusivement une vue droite sur leur fonds sans respect des limites légales.

Selon ordonnance du 19 janvier 2012, le juge des référés a considéré qu'il existait une contestation sérieuse sur la propriété du béal et que, sur la demande de suppression de la terrasse, une mesure d'expertise s'imposait.

Une expertise a été ordonnée confiée à Monsieur [O] [F]-[L] qui a déposé son rapport le 7 juin 2014.

Par acte du 23 décembre 2014, les époux [GI] ont fait assigner Monsieur [V] devant le tribunal de grande instance de Rodez pour solliciter la reconnaissance de l'existence illégale des vues pratiquées par Monsieur [V] sur leur fonds ainsi que leur suppression et la revendication de la propriété du béal du fait de leur juste titre et de leur possession.

Par jugement contradictoire rendu en date du 14 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Rodez a :

- dit que Monsieur [V] est propriétaire pour l'avoir acquis de ses auteurs Monsieur et Madame [T], qui l'avaient eux-mêmes acquis selon acte du 24 décembre 1954, de la parcelle actuellement cadastrée section AC n°[Cadastre 5] sur la commune de [Localité 19] (12) [Adresse 14] pour une contenance de 47 m² ;

- ordonné la publication de la présente décision au service de la publicité foncière territorialement compétent ;

- dit que Monsieur [V] a créé des vues illicites sur les fonds des époux [GI] du fait de l'édification d'une terrasse ;

- condamné Monsieur [V] à réaliser les travaux préconisés par l'expert en page 3 de son rapport et ce, sous astreinte de 40 euros par jour de retard, qui courra deux mois après la signification de la présente décision à savoir :

* remplacer les pans de bois ajourés existants par un remplissage opaque (maçonnerie, panneaux de bois jointifs, vitrage opaque ou tout autre matériaux) au-dessus des murets existants, interdisant la vue droite sur le fonds des époux [GI] ;

* réaliser un remplissage opaque (maçonnerie, panneaux de bois jointifs, vitrage opaque ou tout autre matériaux) de part et d'autre de l'ouverture existant dans le mur de clôture au-dessus du canal et de 60 cm de large ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné Monsieur [V] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire de monsieur [F] ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe en date du 20 mai 2019, les époux [GI] ont régulièrement interjeté appel du jugement rendu en date du 14 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Rodez.

Monsieur [V] a quant à lui formé un appel incident dudit jugement.

Par requête du 25 février 2022, une demande d'incident a été formulée par les époux [GI] aux fins de communication de pièces sous astreinte.

Les époux [GI] ayant par la suite reçu les pièces sollicitées, ils ont procédé au retrait de l'incident.

Vu les dernières conclusions de Monsieur [OX] [GI] et de Madame [I] [X] épouse [GI] remises au greffe le 4 février 2020 ;

Vu les dernières conclusions de Monsieur [C] [V] remises au greffe le 15 février 2024 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 19 février 2024.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur les titres :

En l'espèce, le litige porte sur la propriété d'un béal (canal de dérivation) assis sur une parcelle cadastrée AC [Cadastre 5], d'une surface de 47 m², situé sur la commune de [Localité 19].

Il convient tout d'abord de reprendre l'historique des titres de propriété versés aux débats.

Par acte du 31 mai 1902, Monsieur [P] [E] a acquis :

'Des immeubles et immeubles par destination ci-après désignés à savoir :

1) une usine en pleine exploitation, mue par l'eau, située à [Localité 19], au [Adresse 16], comprenant trois corps de bâtiment attenant, couverts de tuiles formant scierie, carderie, teinturerie, et filature, habitation et écurie, ensemble la propriété de la chaussée et de la prise d'eau conduisant l'eau à l'usine.

2) deux jardins, situés l'un au nord, l'autre au midi des bâtiments ci-dessus, y compris la petite écurie élevée sur ce dernier jardin.

3) et tout le matériel de quelconque nature qu'ils soient existant actuellement dans les bâtiments ou leurs dépendances et servant à l'exploitation des scieries, carderie, teinture et filature.

Les bâtiments et les jardins sont attenants et le tout fait partie du n° [Cadastre 9] section G du plan cadastral de la commune de [Localité 19] pour une superficie de sol d'environ 12 ares environ'.

Par acte du 24 décembre 1954, Monsieur [CD] [T] et son épouse Madame [W] [YK] ont acquis auprès des époux [N] [Z] et [H] [E], cette dernière ayant recueilli la propriété des immeubles dans les successions de ses parents, les époux [P] [E] et [S] [G], les biens suivants :

'Une maison d'habitation en état assez vétuste, un atelier et un hangar attenant à l'ouest sous lesquels était exploitée une scierie hydraulique, le sol desdits bâtiments, une cour ou pâtus au devant et à l'est, un jardin à l'est et au sud.

Ces immeubles sont figurés en un plan dressé par Monsieur [R] [K], géomètre-expert, en date à [Localité 18] du 1er décembre 1954, lequel plan demeurera joint et annexé aux présentes après mention.

Ils sont portés au plan et à la matrice cadastrale de la commune de [Localité 19], sous le numéro [Cadastre 9] P de la section G [Adresse 15] pour une contenance d'ensemble de 4 ares 76 centiares.Ils confrontent d'une part à la route nationale, d'autre part à la propriété des héritiers [OT] [E] et de tous autres côtés à la propriété des vendeurs.

Tels au surplus que lesdits immeubles existent, s'étendent et se comportent, avec toutes leurs aisances et dépendances, sans aucune exception ni réserve, notamment tous droits au Beal conduisant l'eau de la rivière à la scierie, duquel Béal il sera plus loin parlé.

(...)

En cet acte de vente (l'acte du 31 mai 1902), il est précisé que font partie de la vente la propriété de la chaussée et de la prise d'eau conduisant l'eau à l'usine (depuis scierie), ces droits de propriété font partie de la présente vente et se trouvent ainsi acquis par Monsieur et Madame [T]'.

Il résulte de cet acte de vente que les époux [E]-[Z] ont vendu en 1954 à Monsieur et Madame [T] l'ensemble de la propriété comprenant, comme cela a été relevé par l'expert judiciaire, une maison de maître avec un terrain la séparant de la route, un bâtiment à usage de filature, une scierie et des terrains de part et d'autre du canal (béal) d'amenée d'eau à la turbine hydromotrice, le canal alimentant la turbine faisant partie de cet ensemble immobilier.

Par ailleurs, le plan annexé à l'acte, qui contrairement à ce que soutiennent les appelants est parfaitement lisible et daté du 1er décembre 1954, inclut bien la partie contestée du béal, une mention indiquant 'se prolonge jusqu'à la prise et reste propriété de Monsieurs [T]'.

Les époux [GI], faisant état de l'annotation (depuis scierie) mentionnée dans l'acte de 1954, soutiennent encore que l'acte du 24 décembre 1954 n'aurait vendu aux auteurs de Monsieur [V] que la partie située entre la scierie et l'usine et non la partie supérieure, au dessus de la scierie.

Or, comme le relève les intimés, il résulte de l'examen des actes de ventes de 1902 et 1954 que cette annotation signifie simplement que le bâtiment qualifié d'usine dans l'acte de 1902 est désormais qualifié de scierie et non pas que la vente ne porte que sur la partie située entre la scierie (en amont) et l'usine (carderie située en aval), étant enfin relevé qu'il n'est pas démontré que la carderie, la teinturerie et la filature existait toujours en 1954, l'acte de vente ne mentionnant qu'une scierie hydraulique et l'acte de vente [Z]-[M] du 26 juin 1979, premier acte dans la chaine des ventes ayant abouti à la vente [GI], ne mentionnant que la vente d'une maison avec parcelle de terre à usage de jardin et nullement une carderie, une teinturerie ou une filature.

Par conséquent, les appelants ne peuvent se prévaloir d'une incohérence portant sur les surfaces vendues en affirmant que la vente de 1954 ne concernait pas la superficie litigieuse (actuelle AC [Cadastre 5]), à savoir la partie du béal se trouvant au dessus de la scierie alors que l'acte de 1954 comme celui de 1902 transfèrent expressément la propriété de la chaussée et de la prise d'eau conduisant l'eau à l'usine (acte de 1902), l'acte de 1954 portant sur tous droits au béal conduisant l'eau de la rivière à la scierie, rien à la lecture de l'acte de 1954 ne permettant de conclure que Monsieur [T] n'aurait acquis que la partie de la chaussée et de la prise d'eau conduisant l'eau à l'usine depuis la scierie.

Les appelants font également valoir que Madame [Z] aurait légué en 1963 cette partie du béal qu'elle n'aurait pas vendu et conservé.

Or, il résulte de l'examen de l'acte de délivrance du legs en date du 5 octobre 1976 que Madame [H] [E] épouse [Z] a légué à son petit-fils la maison d'habitation et son entier contenu et avec ses dépendances, notamment le jardin, cet acte n'évoquant nullement le legs d'une partie du béal comme le soutiennent les époux [GI].

L'acte de vente du 14 novembre 1996 par lequel Monsieur [J] [T] et Madame [W] [YK] veuve [T] ont vendu leur propriété à Monsieur [C] [V] mentionne une maison d'habitation avec son sol et toutes ses aisances et dépendances, cadastrée AC [Cadastre 1], d'une contenance de 461 m², cet acte reprenant l'origine de propriété mentionnant l'acte du 24 décembre 1954 transférant la propriété du béal.

Si l'acte de vente [GJ]-[GI] du 5 août 1999, ainsi que les actes de leurs auteurs (vente [Z]/[M] du 26 juin 1979 et [M]/[YJ] du 17 juillet 1981) mentionnent une parcelle AC [Cadastre 5] correspondant au béal, le numero AC [Cadastre 3] devenu par la suite AC [Cadastre 5] figurant sur un plan cadastral procède manifestement d'une erreur qui a été par la suite reproduite dans chacun des actes de vente successifs, étant rappelé en tout état de cause que les documents cadastraux ne permettent pas d'établir le droit de propriété, mais constituent uniquement des documents fiscaux et ne peuvent venir contredire un titre.

Enfin, les époux [GI] se prévalent de l'application des dispositions de l'article L 215-2 du code de l'environnement disposant 'Le lit des cours d'eau non domaniaux appartient au propriétaires des deux rives.

Si les deux rives appartiennent à des propriétaires différents, chacun d'eux à la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que l'on suppose tracée au milieu du cours d'eau, sauf titre ou prescription contraire'.

Or, un béal, qui est un petit canal d'irrigation gravitaire, n'a pas les caractéristiques d'un cours d'eau et n'est donc pas assujetti à la loi sur l'eau et aux procédures de déclaration et d'autorisation, les dispositions de l'article L 215-2 du code de l'environnement n'ayant pas vocation à s'appliquer en l'espèce.

Sur la prescription acquisitive décennale :

Les époux [GI] se prévalent des dispositions de l'article 2272 du code civil aux termes desquelles 'Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.

Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans'.

Le juste titre est celui qui, considéré en soi, serait de nature à transférer la propriété à la partie qui invoque la prescription.

En l'espèce, les époux [GI] disposent d'un juste titre, leur acte de vente du 5 août 1999 mentionnant la parcelle AC [Cadastre 5] correspondant au béal, ce qui pouvait leur laisser croire, au moment de leur acquisition, que le béal leur avait été vendu.

En revanche, ils ne justifient pas d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire telle qu'exigée par les dispositions de l'article 2261 du code civil.

En effet, si les époux [GI] exposent avoir effectué des actes de possession dès leur acquisition en 1999 (clôture du jardin, entretien des berges, plantations...), produisant sur ce point un procès-verbal de constat du 10 mai 2007, ils indiquent à l'huissier dans ce même constat 'que la parcelle [GI] n° [Cadastre 5] correspond à un petit ruisseau dit béal qui sépare les parcelles [GI] n° [Cadastre 4] et [Cadastre 6] en nature de jardin ;

Qu'ils m'indiquent que leur voisin Monsieur [V] [C] propriétaire de la maison d'habitation cadastrée Section AC n° [Cadastre 1] bénéficiant d'un droit d'usage du béal, a accès à la vanne située sur le domaine public en amont ((parcelle n° [Cadastre 8] b sur le plan annexé au présent);'

Par conséquent, les époux [GI] reconnaissent qu'en 2007, Monsieur [V] avait la jouissance du béal, ce qui est confirmé par le témoignage de Monsieur [J] [T], vendeur de Monsieur [V], qui atteste que ce dernier entretenait le béal de 1996 à 2003, étant enfin relevé que le procès-verbal de constat mentionne encore qu'un panneau ' Propriété privée Béal 'défense d'entrer' est fixé dans le béal, Monsieur [GI] déclarant à l'huissier que ce panneau a été installé par Monsieur [V], et que seul ce dernier peut actionner la vanne permettant d'alimenter en eau le béal puisqu'il détient la clef du cadenas.

Les époux [GI] ne justifient donc pas d'une possession continue et non équivoque alors même qu'il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur [V] se comporte en propriétaire du béal depuis son acquisition en 1996 en entrenenant ce dernier, ce qui est encore confirmé par les attestations de Messieurs [U] [Y], [YG] [A] et [OW] [B] qui attestent que depuis 1996, c'est Monsieur [V] qui entretien le béal et qui gère la vanne d'alimentation de ce dernier.

Compte tenu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que Monsieur [V] est propriétaire pour l'avoir acquis de ses auteurs Monsieur et Madame [T], qui l'avaient eux-mêmes acquis selon acte du 24 décembre 1954, de la parcelle actuellement cadastrée section AC n°[Cadastre 5] sur la commune de [Localité 19] (12) [Adresse 14] pour une contenance de 47 m² et a ordonné la publication de la présente décision au service de la publicité foncière territorialement compétent.

Sur les vues :

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que Monsieur [V] a détruit le bâtiment en ossature bois servant d'atelier ainsi que les différents appendices pour réaliser une extension du bâtiment scierie devenue habitation.

Il a construit un bâtiment dont la façade en pierre est en avancée par rapport à celle de l'ancienne filature couvrant ainsi le canal (béal). Il a réalisé une terrasse en rez-de-chaussée surélevée par rapport au terrain naturel, de base approximativement rectangulaire formant une avancée dans la parcelle [Cadastre 2], cette terrasse n'apparaissant pas sur les documents de demande de permis de construire.

L'expert constate que :

- deux côtés de la terrasse donnent sur la propriété [GI] : un côté Est est bordé d'un mur d'environ un mètre de hauteur surmonté de bardage bois à claire-voie n'empêchant pas totalement la vue sur le fonds voisin ;

- côté Béal, il n'y a pas de retour de mur, ce qui crée une vue oblique dérogeant à l'article 679 du code civil, étant cependant rappelé que le béal n'est pas la propriété des époux [GI] qui ne peuvent donc solliciter la suppression des vues sur ce dernier.

L'expert conclut que la terrasse construite en béton, surélevée et bordée de murs constitue une construction à partir de laquelle s'exercent des vues droites et obliques sur le fonds [GI].

Le tribunal a justement relevé que les photographies annexées au rapport, dont la qualité est en outre toute relative, ne permettaient pas de démontrer l'existence de vues préexistantes comme le soutient Monsieur [V].

Par conséquent, les vues illicitement créées par la construction de la terrasse ne respectant ni les distances légales, ni l'interdiction de créer des vues nouvelles doivent être supprimées, conformément aux dispositions des articles 678 et 679 du code civil.

En revanche, si les époux [GI] sollicitent la suppression d'une fenêtre au 2ème étage de l'habitation de Monsieur [V] qu'il a créée et qui constitue une vue illégale sur leur propriété, l'expert n'évoque que l'existence d'une petite fenêtre en haut du pignon qui est située à plus de 1,90 m de distance de la limite de propriété et ne constitue donc pas un droit de vue.

La demande présentée à ce titre par les époux [GI] sera donc rejetée.

Enfin, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé que l'expert préconisait des travaux suffisants pour mettre fin à l'ensemble des vues créées et que la démolition de la terrasse ne s'imposait pas.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que Monsieur [V] a créé des vues illicites sur les fonds des époux [GI] du fait de l'édification d'une terrasse et a condamné Monsieur [V] à réaliser les travaux préconisés par l'expert en page 3 de son rapport et ce, sous astreinte de 40 euros par jour de retard, qui courra deux mois après la signification de la présente décision à savoir :

* remplacer les pans de bois ajourés existants par un remplissage opaque (maçonnerie, panneaux de bois jointifs, vitrage opaque ou tout autre matériaux) au-dessus des murets existants, interdisant la vue droite sur le fonds des époux [GI] ;

* réaliser un remplissage opaque (maçonnerie, panneaux de bois jointifs, vitrage opaque ou tout autre matériaux) de part et d'autre de l'ouverture existant dans le mur de clôture au-dessus du canal et de 60 cm de large ;

Sur les autres demandes :

Chacune des parties succombant partiellement, les demandes de dommages et intérêts et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentées respectivement par chacune d'entre elles en première instance et en cause d'appel seront rejetées, le jugement étant confirmé de ce chef.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel, les frais d'expertise judiciaire étant partagés par moitié entre elles.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné Monsieur [C] [V] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire de Monsieur [F] ;

Statuant à nouveau,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel, les frais d'expertise judiciaire étant partagés par moitié entre elles ;

Déboute les parties de leurs demandes de dommages et intérêts et de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentées en cause d'appel.

le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/03484
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;19.03484 ?
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