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25/04/2024 | FRANCE | N°23/03631

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 25 avril 2024, 23/03631


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre civile



ARRET DU 25 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/03631 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P4R4





Décision déférée à la Cour :

Ordon

nance du 26 AVRIL 2023

PRESIDENT DU TJ DE PERPIGNAN

N° RG 22/00890





APPELANT :



Monsieur [C] [E]

né le [Date naissance 5] 2003 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représenté par Me Joël JUSTAFRE de la SCP SAGARD - CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES





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ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 25 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/03631 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P4R4

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 26 AVRIL 2023

PRESIDENT DU TJ DE PERPIGNAN

N° RG 22/00890

APPELANT :

Monsieur [C] [E]

né le [Date naissance 5] 2003 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représenté par Me Joël JUSTAFRE de la SCP SAGARD - CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIMES :

Monsieur [H] [F],

ordonnance d'irrecevabilité des conclusions le 16/11/23

né le [Date naissance 3] 2003 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représenté par Me Estelle FERNANDEZ, avocat au barreau de BEZIERS

Association RUGBY OLYMPIQUE AGATHOISE

[Adresse 13]

[Localité 8]

Représentée par Me Nathalie JOUKOFF, avocat au barreau de BEZIERS

S.A. GMF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER subsitué par Me JULIE

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE

[Adresse 6]

[Localité 7]

assignée à personne habilitée le 14 septembre 2023

Ordonnance de clôture du 19 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre

Madame Nelly CARLIER, Conseillère

Monsieur Jonathan ROBERTSON, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Le 7 décembre 2019, à [Localité 16], [C] [E], alors mineur comme étant né le [Date naissance 5] 2003 participe à un match de rugby opposant son équipe du club de la ville de [Localité 15] à celle du club de rugby de [Localité 8], l'association du Rugby Olympique Agathoise, dans le cadre d'une compétition organisée par la Fédération Française de Rugby, laquelle est assurée auprès de la GMF au titre de sa responsabilité civile.

À la fin de ce match et après le coup de sifflet final, une bagarre générale a éclaté entre les membres des deux équipes.

[C] [E], devenu majeur et invoquant avoir reçu de la part de d'[H] [F], joueur de l'équipe adverse un coup de poing lui ayant fait perdre une dent donnant lieu à une incapacité totale de travail de trois jours, a fait assigner, les 20 et 21 décembre 2022, [H] [F], l'association Rugby Olympique Agathoise, la SA GMF et la CPAM des Pyrénées-Orientales devant le président du tribunal judiciaire de Perpignan statuant en référé afin de voir ordonner une mesure d'expertise médicale sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et condamner in solidum les défendeurs sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile à lui payer une provision à valoir sur son préjudice corporel à hauteur de 4000 €, une provision ad litem de 3000 €, outre la somme de 3000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La CPAM de la Haute-Garonne intervenant volontairement pour le compte de la CPAM des Pyrénées-Orientales a également sollicité la condamnation provisionnelle des défendeurs à lui payer la somme de 249,96 € en remboursement des prestations servies à [C] [E].

Par ordonnance en date du 26 avril 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Perpignan a : .

- débouté M. [C] [E] et la CPAM des Pyrénées Orientales représentée par le CPAM de la Haute Garonne de l'integralité de leurs demandes en référé ;

- condamné M. [C] [E] aux dépens ;

- condamné M. [C] [E] à payer à l'association Rugby Olympique Agathoise et la SA GMF, chacun, la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte reçu au greffe de la Cour le 12 juillet 2023, M. [C] [E] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 janvier 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [C] [E] demande à la Cour :

* déclarer recevable l'appel interjeté par le concluant,

* infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

* débouter la GMF et l'Association Rugby Olympique Agathoise de ses prétentions comme injustes ou infondées.

* ordonner une mesure d'expertise médicale avec une mission conforme à la nomenclature DINTILHAC, aux frais avancés du concluant.

* désigner tel orthodontiste ou chirurgien-dentiste qu'il plaira à la Cour d'Appel,

* condamner in solidum M. [F], l'Association Rugby Agathoise et la GMF à payer au concluant :

- Une provision à valoir sur le préjudice corporel de 4.000 euros,

- Une provision ad litem de 3.000 euros,

- Une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* condamner in solidum M. [F], l'Association Rugby Agathoise et la GMF aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP d'Avocats SAGARD ' CODERCH HERRE ' JUSTAFRE ' SAGARD ' CODERCH, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Au dispositif de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 24 octobre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, l'Association Rugby Olympique Agathoise demande à la Cour de :

- confirmer 1'ordonnance du 26 avril 2023 en toutes ses dispositions,

- débouter M. [C] [E] de sa demande d'expertise judiciaire,

- débouter M. [C] [E] de ses demandes en paiement à titre d'indemnité provisionnelle

- condamner M. [C] [E] à payer à l'association Rugby Olympique Agathoise la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

- le condamner aux entiers dépens.

Au dispositif de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 24 janvier 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SA GMF demande à la Cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 26 avril 2023,

- juger que la GMF ne s'oppose toutefois pas, sur le principe de la demande d'expertise mais formule les plus expresses protestations et réserves, de droit comme de fait, et sans aucune reconnaissance de responsabilite ou garantie.

- juger qu'il existe une contestation sérieuse portant sur la mobilisation de la garantie de la GMF, ne justifiant pas de la condamner, même in solidum, à allouer à M. [E] une quelconque provision à valoir sur son préjudice corporel.

- juger qu'il existe une contestation sérieuse portant sur la mobilisation de la garantie de la GMF, ne justifiant pas de la condamner, même in solidum, à allouer à M. [E] une quelconque provision ad litem.

- débouter M. [E] de ses autres fins et prétentions,

- condamner M. [E] à porter et payer à la GMF la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Les conclusions de M. [H] [F] signfiiées le 10 novembre 2023 ont été déclarées irrecevables par ordonnance du président de la présente chambre en date du 16 novembre 2023, sans qu'un déféré n'ait été introduit à l'encontre de cette ordonnance.

La Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, bien qu'assignée par acte en date du 14 septembre 2023, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS :

Il convient en préliminaire de rappeler que les conclusions de M. [H] [F], intimé ayant été déclarées irrecevables, ce dernier, en l'absence de toute conclusion, est réputé s'être approprié les motifs de la décision entreprise en application de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile.

Par ailleurs, la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute Garonne n'ayant pas constitué avocat, il y a lieu de relever que l'appel ne porte pas sur les dispositions de l'ordonnance entreprise qui a rejeté la demande de la Caisse aux fins de voir condamner à titre provisionnel les défendeurs à lui payer la somme de 249,96 € en remboursement des prestations servies à [C] [E].

Sur la demande aux fins d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande tout intéréssé sur requête ou en référé.

En l'espèce, l'appelant sollicite l'organisation d'une expertise médicale sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile afin d'évaluer le préjudice corporel qu'il invoque avoir subi lors d'une altercation ayant eu lieu à l'issue d'un match opposant les joueurs de son équipe de rugby à celle de l'association Rugby Olympique Agathoise en faisant valoir qu'il dispose d'un intêret légitime à voir déterminer son préjudice au contradictoire de M. [H] [F], joueur de l'équipe adverse qui lui a porté le coup à l'origine des dommages qu'il a subi, du club sportif de ce dernier et de son assureur, la GMF alors que ces faits de violences sont confirmées par les pièces versées aux débats, que la responsabilité de l'auteur du coup devra être discutée devant le juge du fond, qui seul pourra apprécier le caractère probant des éléments de preuve qui lui seront soumis, qu'il n'a pas besoin de justifier d'une décision pénale de condamnation et que la jurisprudence institue une presomption de responsabilité contre les clubs sportifs dont les joueurs même non identifiés sont à l'origine d'une rixe, même après la fin de la rencontre sportive.

L'association Rugby Olympique Agathoise s'oppose à cette demande aux motifs que la responsabilité d'[H] [F] n'est pas établie, des contestations portant sur son identification comme auteur des coups invoqués et qu'aucune poursuite pénale n'a d'ailleurs été engagée à l'encontre de ce dernier ou contre elle-même et que la présomption invoquée de responsabilité du club sportif sur le fondement de l'article 1242 du code civil n'est pas applicable, lorsque comme, en l'espèce, les violences ont été commises après le coup de sifflet de la fin du match et au surplus en dehors du terrain de jeu. Elle considère donc qu'il n'existe aucun litige susceptible d'être engagée à son encontre.

La SA GMF, en sa qualité d'assureur de la Fédération Française de rugby, dont l'association Rugby Olympique Agathoise est membre s'oppose également à la mesure d'expertise sollicitée, tout en émettant, comme en première instance, ses plus expresses protestations et réserves si elle devait être ordonnée, en exposant que l'action au fond de l'appelant est manifestement vouée à l'échec, compte tenu de la responsabilité non certaine de M. [F] dans les faits en cause et des incertitudes existant sur les circonstances de l'altercation, M. [E] ayant lui-même participé activement à cette bagarre générale en donnant des coups et alors qu'au surplus, l'expertise médicale ne vise pas à apporter des éléments de preuve justifiant le principe de la responsabilité.

Il ya lieu de rappeler que l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile suppose l'existence d'un motif légitime, c'est à dire d'un fait crédible et plausible ne relevant pas de la seule hypothèse et qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur.

Par ailleurs, lorsque le juge statue en référé sur le fondement de l'article 145 précité, il n'est pas soumis aux conditions imposées par l'article 834 du code de procédure civile et n'a notamment pas à rechercher si l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre de la mesure sollicitée, l'application de cet article n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.

Or, en l'espèce, il ressort des pièces produites par l'appelant, particulièrement de la procédure d'enquête pénale et des certificats médicaux produits, ce qui n'est d'ailleurs contesté par aucune des parties, que celui-ci a reçu, lors de l'altercation opposant les joueurs des deux équipes, un coup de poing au visage lui ayant fait perdre une dent et ayant donné lieu à une consultation en urgence au CHU de [Localité 14] le jour même puis le 9 décembre suivant auprès d'un chirurgien dentiste, avec une incapacité totale de travail de 3 jours. Lors de l'enquête, M. [E] a désigné comme étant l'auteur de ce coup, le joueur n° 13 de l'équipe adverse qui s'est avéré être M. [H] [F]. S'il est exact que ce dernier a contesté être l'auteur de ces violences, qu'aucune des personnes interrogées par les enquêteurs n'a déclaré avoir été témoin de ce coup et que M. [E] a admis avoir participé lui-même à cette bagarre générale qui s'est déroulée en plusieurs temps et avoir reçu d'autres coups d'autres joueurs en voulant les séparer, sa déclaration est confirmée par une attestation régulière en la forme établie le 25 novembre 2022 par [G] [K], lequel indique, alors qu'il se trouvait dans les tribunes, avoir été témoin de ce coup violent porté à M. [E] par le joueur n° 13 de l'équipe d'[Localité 8]. Ce témoignage, dont l'appréciation de la valeur probante ne peut incomber qu'au seul juge du fond rend ainsi crédible les déclarations de M. [E] et l'existence d'un lien de causalité entre le dommage qu'il a subi et l'existence d'un fait fautif de M. [F], dont la responsabilité civile délictuelle est donc susceptible d'être engagée. Le seul caractère possible de ce lien entre le fait dommageable et le préjudice subi suffit à rendre possible l'hypothèse crédible d'une action contre M. [F], action qui ne peut donc être considérée comme manifestement vouée à l'échec.

Il en est de même de l'action en responsabilité civile susceptible d'être engagée à l'encontre de l'association Rugby Olympique Agathoise, club de rugby de l'équipe adverse, et par voie de conséquence de son assureur, la GMF.La responsabilité civile des clubs sportifs ou associations sportives peut être , en effet, recherchée sur le fondement de la responsabilité du fait d'autrui de l'article 1242 alinéa 2 du code civil, lequel stipule qu'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l'on a sous sa garde. Contrairement au moyen développé à cet égard par les deux intimés, cette responsabilité est une responsabilité de plein droit, les associations sportives ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres et étant donc responsables des dommages que ces derniers causent à cette occasion dés lors qu'une faute caractérisée est imputable à un ou plusieurs de leurs membres, même non identifiées, une telle faute étant également retenue même si elle a été commise après la fin de la rencontre et en dehors du terrain de jeu. Il suffit à ce titre que les faits dommageables aient eu lieu dans l'enceinte sportive. Ainsi, en l'espèce, il importe peu que l'altercation au cours de laquelle M. [E] a été blessé se soit produite après le coup de sifflet de la fin du match et que ce dernier se soit trouvé en dehors du terrain de jeu, alors qu'il ressort de la procédure pénale et il n'est pas contesté qu'il se trouvait bien à l'intérieur du stade lorsque les faits se sont déroulés. Par ailleurs, à supposer même que M. [F] n'ait pas été l'auteur des faits, une telle circonstance n'a pas pour effet d'éxonérer le club sportif de sa responsabilité de plein droit résultant de coups susceptibles d'avoir été portés à M. [E] par d'autres joueurs, membres de son club, même si ceux-ci n'ont pas été identifés.

Par ailleurs, il ne revient pas au juge des référés dans le cadre d'une demande fondée sur l'article 145 du code de procédure civile d'apprécier si le comportement de la victime a pu contribuer totalement ou en partie à la survenance de son dommage et de se prononcer sur les responsabilités encourues. Il appartiendra, ainsi, en l'espèce au seul juge du fond d'apprécier si le comportement de M. [E] en participant lui-même à la bagarre générale opposant les deux équipes est susceptible d'éxonérer totalement la responsabilité civile des personnes mises en cause et du club sportif.

Enfin, si une décision pénale de relaxe ou d'acquittement de la personne poursuivie a pour effet de faire obstacle à l'exercice d'une action civile tendant à sa condamnation pour les mêmes faits, il n'en est pas de même de l'absence de toute décision pénale. Ainsi ,en l'espèce, le fait pour le Parquet de n'avoir engagé aucune poursuite pénale à l'encontre de M. [F] ou de son club ne saurait faire obstacle à l'action civile future susceptible d'être engagée par M. [E] à leur encontre.

C'est donc à tort que le premier juge a rejeté la demande d'expertise médicale aux motifs que la responsabilité de M. [F] n'était pas incontestablement établie et que la question de la responsabilité du club de sport du fait de violences volontaires survenues après la phase de jeu sans condamnation pénale définitive des personnes physiques auteurs ne revêt aucun caractère évident au regard de la jurisprudence applicable en la matière alors que M.[E] démontre l'existence d'un préjudice susceptible d'être en lien avec un comportement fautif soit de M. [F], soit d'un des joueurs de l'association Rugby Olympique Agathoise, son action n'étant pas manifestement vouée à l'échec à l'encontre des intimés et la mesure d'instruction sollicitée, si elle n'a pas pour objet de faire déterminer les responsabilités encourues, devant être considérée comme utile dans le cadre de l'action future que M. [E] envisage d'intenter puisqu'elle tend à établir l'étendue des dommages qu'il a subis à la suite des faits invoqués et à lui permettre de chiffrer ses préjudices dans la perspective d'une demande d'indemnisation.

Il convient donc d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise médicale formée par M. [E] et statuant à nouveau de faire droit à cette demande selon les modalités prévues au dispositif du présent arrêt.

Sur les demandes de provisions

M. [E] demande la condamnation in solidum de M. [F], de l'association Rugby Olympique Agathoise et de la GMF à lui verser une provision de 4000 euros à valoir sur son préjudice corporel, ainsi qu'une provision ad litem de 3000 euros en vertu de leur obligation non sérieusement contestable de l'indemniser tant de son préjudice corporel que financier résultant des frais de procédure et notamment des frais d'expertise qu'il doit supporter.

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il convient de rappeler qu'il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant, qui n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

En l'espèce, l'appelant fait valoir à l'appui de sa demande de provision à hauteur de 4000 € qu'il reste à sa charge des frais de prothèse s'élevant à 5715, 47 € selon devis en date 8 octobre 2020.

La SA GMF, pour s'opposer à cette demande de provision, soulève l'exclusion de sa garantie prévue par les clauses du contrat le liant à M. [E], ainsi que le comportement fautif de ce dernier dans la réalisation de so propre dommage.

L'association Rugby Olympique Agathoise soulève quant à elle une contestation sérieuse sur l'évaluation du coût des frais dentaires alors d'une part que le devis produit évoque la réparation des dents 11, 12 et 13 alors que seule la dent 11 a été touchée dans l'atercation en cause et d'autre part que le dernier certificat médical produit fait état d'un nouveau coup porté sur cette même dent en mai 2022.

Les contestations relatives à l'incohérence du devis de réparation au regard des dents visés par celui-ci et à l'existence d'un coup postérieur porté à M. [E] sur la même dent ne constituent pas des contestations sérieuses alors que s'il est exact que le devis 8 octobre 2020 vise les dents 11, 12 et 13, alors que le coup de poing en cause n'a causé des dommages qu'à la dent 11, il est aisé de comprendre à la lecture du certificat médical initial du 9 décembre 2019, qu'une intervention est nécessaire sur les dents 12 et 13, le remplacement de la dent 11 nécessitant de procéder à un collage du bridge sur les dents 12 et 13, même si celles-ont été épargnées par le choc. Par ailleurs, le fait que le certificat médical du 15 novembre 2022 fasse état d'un coup postérieur sur la même dent 11 ayant donné lieu le 17 mai 2022 au rescellement du bridge provisoire qui avait bougé n'est pas de nature à remettre en cause la nécessité de la pose d'un bridge, d'implant et de couronne faisant l'objet du devis litigieux, lequel est conforme aux dommages causés par le coup de poing d'origine, tels que constatés par le certificat médical précité du 9 décembre 2019 qui fait état de l'expulsion de la dent 11, ce devis ayant été établi d'ailleurs antérieurement au coup postérieur évoqué par le certificat du 15 novembre 2022.

En revanche, il est exact qu'en matière de responsablité civile, y compris lorsqu'elle est de plein droit, celle-ci est engagée à moins d'apporter la preuve de l'existence d'un cas de force majeure ou d'une faute de la victime.

Or, en l'espèce, il résulte de la propre audition de M. [E] devant les enquêteurs que lorsque la première altercation a débuté entre les joueurs de chaque équipe, il se trouvait à l'écart, qu'il est entré de sa propre initiative sur le terrain pout tenter, dit-il de séparer les joueurs, qu'il a été assailli de coups et en a donné en retour. Il ajoute lors de sa déclaration, qu'après voir réussi à se sortir de la mêlée et après que cette première bagarre se soit arrêtée, il s'est à nouveau mêlé spontanément à une seconde altercation ayant lieu plus loin et au cours de laquelle il indique avoir reçu le coup de poing en cause de M. [F].

Il n'est, en conséquence, pas démontré l'existence d'une obligation non sérieusement contestable à la charge de M. [F] et du club sportif au regard du comportement de M. [E] qui est susceptible d'être considéré comme fautif pour avoir participé à l'altercation opposant les joueurs des deux équipes alors qu'il n'était pas lui-même directement pris à partie, l'appréciation d'une telle faute ne pouvant incomber qu'au seul juge du fond et étant donc susceptible d'exonérer tant M. [F] que l'association Rugby Olympique Agathoise. L'obligation à indemnisation de cette dernière au regard du caractére fautif du comportement de M. [E] étant sérieusement contestable, la garantie de la GMF engagée en sa qualité d'assureur l'est également, étant précisé que le contrat d'assurance versé aux débats et sur lequel l'appelant se fonde pour solliciter la garantie de la compagnie d'assurance au titre des accidents corporels exclut, par ailleurs, expressément toute indemnisation en cas de participation de l'assuré à des rixes, sauf cas de légitime défense (page 12 paragraphe 2.4 du contrat) et ce, quelque soit le taux du déficit fonctionnel permanent qui ne pourra en tout état de cause être déterminée que par la mesure d'expertise ordonnée par le présent arrêt.

De même, l'obligation à la charge de M. [F] d'indemniser personnellement M. [E] est également sérieusement contestable dès lors que ce joueur conteste les faits, qu'aucune des personnes interrogées par les enquêteurs en 2019 à la suite des faits n'a été témoin de ce coup et que M. [E] verse aux débats le témoignage de M. [G] [K] le 25 novembre 2022, soit près de trois ans après les faits et qu'il appartiendra, en conséquence, au seul juge du fond d'apprécier la crédibilité des déclarations de M. [E] et du témoignage de M. [K], une telle appréciation ne relevant pas davantage de l'appréciation du juge des référés.

En conséquence, il convient de relever que c'est à bon droit que le premier juge a considéré qu'il existait des contestations sérieuses se heurtant à la demande de provision formée par M. [E] à valoir sur la réparation de son préjudice coporel, ainsi qu'à sa demande de provision ad litem présentée sur le même fondement en l'absence d'obligation à indemnisation non sérieusement contestable. Il y a lieu néanmoins d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté ces demandes de provisions alors que l'existence de contestations sérieuses affecte uniquement les pouvoirs du juge des référés et statuant à nouveau sur ce point, de dire n'y avoir lieu à référé, et de renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes formées par les parties sur ce fondement seront rejetées.

Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- infirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de la CPAM de la Haute-Garonne intervenant volontairement pour le compte de la CPAM des Pyrénées-Orientales aux fins de voir condamner à titre provisionnel les défendeurs à lui payer la somme de 249,96 € en remboursement des prestations servies à [C] [E],

- et statuant à nouveau des chefs d'infirmation,

Ordonne une mesure d'expertise et désigne à l'effet d'y procéder :

M. [U] [T], docteur en chirurgie dentaire, [Adresse 9] expert inscrit sur la liste de la Cour d'Appel de Montpellier,

Avec pour mission d'évaluer l'ensemble des séquelles de M. [C] [E] en relation avec les faits de violences du 7 décembre 2019, et ce, conformément à la mission suivante :

- Après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l'identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son niveau scolaire s'il s'agit d'un enfant ou d'un étudiant, son statut et/ou sa formation s'il s'agit d'un demandeur d'emploi, son mode de vie antérieur à l'accident et sa situation actuelle.

1. A partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins ;

2. Recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches et les transcrire fidèlement, l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance, la répétition et la durée des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences ;

3. Décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence directe sur les lésions ou leurs séquelles ;

4. Procéder contradictoirement à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;

5. A l'issue de cet examen et, au besoin après avoir recueilli l'avis d'un sapiteur d'une autre spécialité, particulièrement en matière d'orthodontie, analyser dans un exposé précis et synthétique :

- La réalité des lésions initiales

- La réalité de l'état séquellaire

- L'imputabilité certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur

6. (Perte de gains professionnels actuels)

Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle ;

7. (Déficit fonctionnel temporaire)

Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ;

En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;

8. Fixer la date de consolidation et, en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la victime ; préciser dans ce cas les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision ;

9. (Déficit fonctionnel permanent)

Indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent ; évaluer l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles mentales ou psychiques en en chiffrant le taux ;

- Dire si des douleurs permanentes existent et comment elles ont été prises en compte dans le taux retenu. Au cas où elles ne l'auraient pas été compte tenu du barème médico-légal utilisé, majorer ledit taux en considération de l'impact de ces douleurs sur les fonctions physiologiques, sensorielles, mentales et psychiques de la victime.

- Décrire les conséquences de ces altérations permanentes et de ces douleurs sur la qualité de vie de la victime.

Dans l'hypothèse d'un état antérieur :

- Préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur cet état antérieur et décrire les conséquences,

- Evaluer le taux global de l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles mentales ou psychiques, préciser le cas échéant la part imputable à l'état antérieur

10. (Assistance par tierce personne)

Indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une aide humaine (étrangère ou non à la famille) a été et/ou est nécessaire pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; décrire précisément les besoins en tierce personne ; préciser la nature de l'aide à prodiguer et sa durée quotidienne ;

11. (Dépenses de santé futures)

Décrire les soins futurs et les aides techniques compensatoires au handicap de la victime (prothèses, appareillages spécifiques, véhicule) en précisant la fréquence de leur renouvellement ;

12. (Frais de logement et/ou de véhicule adapté)

Donner son avis sur d'éventuels aménagements nécessaire pour permettre, le cas échéant, à la victime d'adapter son logement et/ ou son véhicule à son handicap ;

13. (Pertes de gains professionnels futurs)

Indiquer si le déficit fonctionnel permanent entraîne l'obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle, d'adapter celle-ci ou de changer d'activité professionnelle ;

14. (Incidence professionnelle)

Indiquer si le déficit fonctionnel permanent entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, « dévalorisation » sur le marché du travail, etc.) ;

15. (Préjudice scolaire, universitaire ou de formation)

Si la victime est scolarisée ou en cours d'études, dire si en raison des lésions consécutives au fait traumatique, elle a subi une perte d'année scolaire, universitaire ou de formation, l'obligeant, le cas échéant, à se réorienter ou à renoncer à certaines formations ;

Préciser si la victime n'a jamais pu être scolarisée ou si elle l'a été en milieu adapté ou de façon partielle.

16. (Souffrances endurées)

Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant de blessures subies pendant la maladie traumatique (avant consolidation) ; les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 ;

17. (Préjudice esthétique temporaire et /ou définitif)

Décrire et donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et définitif. Evaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif de 1 à 7 ;

18. (Préjudice sexuel)

Indiquer s'il a existé ou s'il existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité) ;

19. (Préjudice d'établissement)

Dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser un projet de vie familial ;

20. (Préjudice d'agrément)

Indiquer si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir ;

21. (Préjudices permanents exceptionnels)

Dire si la victime subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents ;

22. Dire si l'état de la victime est susceptible de modifications en aggravation ;

23. Etablir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission ;

24. Dire que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises

25. Dire que l'expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits.

Dire que l'expert, après avoir répondu aux dires des parties devra transmettre aux représentants de ces dernières et à la juridiction qui a procédé à sa désignation, son rapport définitif.

Dit que l'expertise est ordonnée aux frais avancés de M. [C] [E] qui devra consigner au greffe une provision de 900 €, avant le 29 juin 2024 ;

Dit qu'à l'issue de la première et au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert soumettra au magistrat chargé du contrôle des expertises et communiquera aux parties, un état prévisionnel détaillé de ses frais et honoraires, et, en cas d'insuffisance manifeste de la provision allouée devra demander la consignation d'une provision complémentaire ;

Dit que l'expert fera connaître sans délai son acceptation, qu'en cas de refus ou d'empêchement légitime il sera pourvu aussitôt à son remplacement,

Dit que l'expert commencera ses opérations dès qu'il sera averti par le greffe que les parties ont consigné la provision mise à leur charge,

Rappelons qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis la désignation de l'expert sera caduque (article 271 du Code de Procédure Civile), un relevé de caducité ne pouvant être accordé que sur justifications de motifs légitimes ;

Dit que préalablement au dépôt de son rapport, l'expert devra déposer un pré rapport susceptible de recueillir les observations des parties et y répondre dans le cadre de son rapport définitif,

Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe de la cour dans le délai de quatre mois à compter du jour où il aura été saisi de sa mission par le greffe sauf prorogation des opérations dûment autorisée ;

Rappelle que l'article 173 du Code de Procédure Civile fait obligation à l'expert d'adresser copie du rapport à chacune des parties, ou pour elles à leur avocat ;

Désigne le président de chambre de la présente Cour pour suivre les opérations d'expertise et de faire rapport en cas de difficultés ;

Dit que le dessaisissement de la Cour interviendra dès le dépôt du rapport d'expertise ;

Dit n'y avoir lieu à référé en ce qui concerne les demandes de provisions formées par M. [C] [E] et renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront,

Rejette la demande formée par chacune des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/03631
Date de la décision : 25/04/2024
Sens de l'arrêt : Désignation de juridiction

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;23.03631 ?
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