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25/04/2024 | FRANCE | N°21/04338

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 25 avril 2024, 21/04338


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à



























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 25 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04338 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCHT





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 AVRIL 2021 r>
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTPELLIER

N° RG 17/00644





APPELANTE :



Madame [N] [J]

née le 09 Octobre 1949 à [Localité 4]

de nationalité Française

Domiciliée [Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Olivier DUPUIS de la SARL OLIVIER DUPUIS, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTI...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 25 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04338 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCHT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 AVRIL 2021

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTPELLIER

N° RG 17/00644

APPELANTE :

Madame [N] [J]

née le 09 Octobre 1949 à [Localité 4]

de nationalité Française

Domiciliée [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier DUPUIS de la SARL OLIVIER DUPUIS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Société GROUPE LANGUEDOC MUTUALITE

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey NGUYEN PHUNG de la SARL NGUYEN PHUNG, MONTFORT, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Chris BAPTISTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Société AESIO SANTE MEDITERRANEE

Domiciliée [Adresse 1]

[Localité 3]

Ordonnance de clôture du 08 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suite à une promesse d'embauche du 12 août 2009, Mme [N] [J] a été engagée le 9 mars 2010 par le Groupe Languedoc Mutualité en qualité de directrice générale dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet.

Elle a été licenciée pour faute grave par une lettre du 21 janvier 2014.

Contestant cette décision, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier le 3 mars 2014, aux fins d'entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner le Groupe Languedoc Mutualité au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire dont une somme de 341 352 euros au titre d'une retraite supplémentaire prévue par un avenant en date du 17 septembre 2010.

Le 23 avril 2014, le Groupe Languedoc Mutualité a déposé plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Montpellier pour faux en écriture, usage de faux et tentative d'escroquerie à l'encontre de deux personnes, dont Mme [J].

Par un arrêt du 15 septembre 2021, la Chambre sociale de la Cour d'appel de Montpellier a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier rendu le 12 mars 2018, en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes supplémentaires parmi lesquelles figurait celle portant sur la retraite supplémentaire.

Entre-temps, le Groupe Languedoc Mutualité avait fait assigner le 26 janvier 2017 Mme [J] devant le tribunal judiciaire de Montpellier afin de voir prononcer la nullité de l'avenant n°1 au contrat de travail daté du 17 septembre 2010 concernant la retraite supplémentaire en fonction de l'espérance de vie, lequel, par jugement du 15 avril 2021, a statué comme suit :

Rejette la demande de sursis à statuer formée par Mme [J] et sa demande de communication des pièces,

Déclare l'avenant n°1 au contrat de travail en date du 17 septembre 2010 de Mme [J] nul et de nul effet,

Condamne Mme [J] à verser au Groupe Languedoc Mutualité la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [J] aux dépens.

Le 2 juillet 2021, Mme [J] a relevé appel de tous les chefs de ce jugement.

La société Aésio Santé Méditerranée, qui vient aux droits du Groupe Languedoc Mutualité, à qui Mme [J] a fait signifier la déclaration d'appel le 17 août 2021 ainsi que ses conclusions le 29 octobre 2021, le 15 avril 2022, et le 11 janvier 2024, n'a pas conclu.

' Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 5 janvier 2024, Mme [J] demande à la cour de :

La juger recevable en ses demandes,

Rejeter l'ensemble des demandes d'irrecevabilité formées par le Groupe Languedoc Mutualité,

Réformer le Jugement du Tribunal judiciaire de Montpellier en date du 15 avril 2021,

Et statuant à nouveau,

Juger à titre principal que l'action du Groupe Languedoc Mutualité est prescrite sur le fondement de l'article L.114-35 du Code de la Mutualité,

Juger la demande de nullité du Groupe Languedoc Mutualité irrecevable,

Condamner en conséquence le groupe Languedoc Mutualité et le cas échéant Aésio Santé Méditerranée, venant aux droits de Languedoc Mutualité, à lui verser la somme de 331 111,44 euros en application de l'avenant licite,

A titre subsidiaire,

Constater que Madame [J] n'était pas dirigeante salariée au sens de l'article L.114-19 du Code de la Mutualité,

Juger en conséquence que l'avenant du 17 septembre 2010 ne relevait pas des dispositions de l'article L.114-32 du Code de la Mutualité et n'était pas soumis au régime des conventions règlement,

Condamner en conséquence le Groupe Languedoc Mutualité et le cas échéant Aésio Santé Méditerranée venant aux droits de Groupe Languedoc Mutualité à verser à Madame [J] en application de l'avenant licite la somme de 331 111,44 euros ;

A titre infiniment subsidiaire,

Si par extraordinaire la Cour devait confirmer la nullité de l'avenant du 17 septembre 2010, elle devrait juger que cet avenant est sans effet sur l'engagement premier du Groupe Languedoc Mutualité qui a commis une faute à l'encontre de Madame [J],

Condamner en conséquence le Groupe Languedoc Mutualité et le cas Aésio Santé Méditerranée, venant aux droits du Groupe Languedoc Mutualité, à lui verser à titre de dommages et intérêts à hauteur de 331 111,44 euros en réparation du préjudice lié au défaut de mise en place d'un complément de retraite supplémentaire.

Et en tout état de cause,

Débouter le Groupe Languedoc Mutualité de l'ensemble de ses demandes.

Condamner le Groupe Languedoc Mutualité, le cas échéant Aésio Santé Méditerranée venant aux droits de Groupe Languedoc Mutualité à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance engagée devant le tribunal judiciaire de Montpellier et 4 000 euros au titre de l'instance engagée devant la cour d'appel de Montpellier outre entiers dépens.

' Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 29 décembre 2021, le Groupe Languedoc Mutualité demande à la cour de :

Confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

In limine litis, sur l'irrecevabilité de la demande indemnitaire de Mme [J],

Dire et juger que seule la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur la demande indemnitaire de Mme [J],

En tout état de cause,

Dire et juger que la demande indemnitaire de Mme [J] se heurte à l'autorité de la chose jugée, tenant la décision rendue par la cour d'appel de Montpellier le 15 septembre 2021,

Dire et juger que la demande indemnitaire de Mme [J] constitue une demande nouvelle, formée pour la première fois en cause d'appel,

Débouter en conséquence Mme [J] de sa demande indemnitaire en ce qu'elle est irrecevable.

Sur la prescription soulevé par Mme [J],

Débouter Mme [J] de sa demande tendant à voir constater la prescription de l'action en nullité du Groupe Languedoc Mutualité.

En tout état de cause, si par extraordinaire, la cour devait juger la demande du Groupe Languedoc Mutualité irrecevable,

Débouter Mme [J] de sa demande reconventionnelle comme étant irrecevable.

Sur le fond

Déclarer l'avenant n°1 au contrat de travail de Mme [N] [J] en date du 17 septembre 2010, nul et de nul effet,

Débouter Mme [J] de sa demande indemnitaire en ce qu'elle est infondée,

Condamner Mme [J] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par décision en date du 8 janvier 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction du dossier et fixé l'affaire à l'audience du 12 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS

Sur l'appel principal :

Sur la fin de non recevoir :

Au visa de l'article L. 114-35 du code de la mutualité, Mme [J] soutient que l'action en nullité de l'avenant litigieux engagée par le Groupe Languedoc Mutualité faute d'avoir fait l'objet d'une autorisation préalable du conseil d'administration du Groupe Languedoc Mutualité est prescrite, ce constat ressortant de la lettre de licenciement du 21 janvier 2014, plus de trois ans avant l'engagement de l'action.

La société intimée lui oppose l'adage fraus omnia corrumpit et le fait que le point de départ du délai de prescription doit nécessairement être reporté à la date à laquelle elle a eu connaissance des causes de nullité de l'avenant litigieux et de la fraude, soit en l'espèce au 29 avril 2014, date à laquelle le Commissaire au comptes a répondu à son interpellation en l'avisant de ce qu'il n'avait 'jamais été informé de l'existence de cet avenant avant le courrier du 18 avril 2014 de M. [W], qu'au surplus les procès-verbaux des conseils d'administration et des assemblées générales à compter du mois de septembre 2010 jusqu'à ce jour ne retracent à aucun moment ce point, ni un quelconque vote d'approbation en ce sens. La procédure d'autorisation préalable du Conseil d'administration n'a donc pas été respectée', la fraude résultant de la falsification du document présenté comme un avenant au contrat de travail dont l'existence a été révélée postérieurement au licenciement. Elle se prévaut encore des dispositions de l'article 2240 du code civil, Mme [J] ayant reconnu expressément au cours de l'instance prud'homale que la procédure préalable d'autorisation du conseil d'administration n'avait pas été respectée.

L'article L. 114-35 du code de la mutualité prévoit une prescription de 3 ans.

Il ressort du jugement entrepris qu'il était demandé au tribunal judiciaire de constater que l'avenant n°1 invoqué par Mme [J] n'avait fait l'objet d'aucune autorisation préalable du conseil d'administration du Groupe et de dire et juger que cet avenant portant la date du 17 septembre 2010 est nul et de nul effet.

Le Groupe Languedoc Mutualité confirme expressément dans ses dernières conclusions que le défaut d'autorisation préalable du conseil d'administration était le motif de nullité qu'il invoquait dans le cadre de l'instance initiée devant le tribunal judiciaire.

Or, il ressort de la lettre de licenciement du 21 janvier 2014 que l'employeur a notamment reproché à Mme [J] le grief suivant :

« Vous n'ignorez pas que l'avenant n°1 porte la signature et la date du « 17 septembre 2010 ». Or, depuis vous n'avez rien fait alors même qu'il découle de vos obligations contractuelles d'assurer la sécurité juridique des engagements du groupe. Pire, l'analyse littérale de cet avenant ne mentionne aucune obligation à vous servir un avantage de retraite supplémentaire à première demande. Enfin et c'est encore plus grave, la validité de cet avenant est compromise au regard notamment de l'absence de respect de toute formalité statutaire et de contrôle ».

Il ressort de ces éléments que dès la date de notification du licenciement, l'employeur avait connaissance du non respect du formalisme de cet avenant dont il se prévaudra pour en obtenir la nullité.

Il ne résulte nullement des conclusions de Mme [J] la reconnaissance d'une obligation susceptible de caractériser l'interruption du délai de prescription en application des dispositions de l'article 2240 du code civil.

Compte tenu du moyen de droit invoqué pour obtenir la nullité de l'avenant, il ne saurait se prévaloir de la fraude pour échapper à la prescription.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a accueilli la réclamation du Groupe Languedoc Mutualité dont l'action est prescrite.

Sur la demande reconventionnelle :

Mme [J] sollicite, pour la première fois en cause d'appel la condamnation du Groupe Languedoc Mutualité à lui verser la somme de

331 111,44 euros en application de l'avenant licite, et à titre subsidiaire, la même somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au défaut de mise en place d'un complément de retraite supplémentaire.

Sur la compétence :

La présente cour étant juridiction d'appel du conseil de prud'hommes de Montpellier, qui serait compétent matériellement de la demande en paiement d'une retraite complémentaire dont Mme [J] soutient que son employeur l'a souscrite, juridiction à laquelle l'appelante l'a, au demeurant, déjà soumise, il convient de rejeter l'exception d'incompétence par application des dispositions de l'article 88 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de la demande en paiement :

Bien qu'elle soit formulée pour la première fois en cause d'appel, cette prétention s'analysant en une demande reconventionnelle, est recevable en application des dispositions 567 du code de procédure civile.

En revanche, elle se heurte à l'autorité de la chose jugée.

En effet, il ressort de l'arrêt rendu par la présente cour, sur l'appel du jugement rendu le 12 mars 2018 par le conseil de prud'hommes de Montpellier, que saisie par Mme [J] d'une demande de condamnation du Groupe Languedoc Mutualité à lui verser la somme de '355 575 euros au titre de la retraite supplémentaire', la cour l'en a déboutée (Déboute Mme [J] du surplus de ses demandes) après avoir expressément statué sur cette prétention sous un chapitre intitulé 'Sur le rappel de salaire au titre de la retraite supplémentaire', dans les termes suivants :

« L'Union Groupe Languedoc Mutualité soutient que l'avenant n°1 du 17 septembre 2010 sur lequel la salariée fonde sa demande est un faux. Il expose que les expertises non contradictoires des 30 janvier et 3 février 2014 et l'expertise informatique ordonnée par le juge d'instruction démontrent que le document a été créé en février 2011 à une date à laquelle M. [V], cosignataire de l'avenant, n'était plus ni administrateur, ni président de l'Union. Il indique avoir porté plainte pour faux, usage de faux et escroquerie et précise que la procédure pénale est toujours pendante.

L'Union Groupe Languedoc Mutualité soulève la nullité de l'avenant et fait valoir que Mme [J] étant dirigeante salariée, statut qui se distingue de l'administrateur, la régularité de l'avenant était conditionnée à l'approbation du conseil d'administration conformément aux articles L.114-32 et suivants du code de la mutualité.

Elle considère que le maintien des demandes de la salariée constitue une tentative d'escroquerie au jugement.

Mme [J] réplique qu'elle n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale ni d'une citation directe qui aurait permis à l'employeur de prendre l'initiative de la poursuite pénale. Elle expose que les expertises produites sont dépourvues de toute force probante, celles-ci étant de simples constatations ou comportant des contradictions.

Elle s'oppose à la nullité soulevée et expose que, préalablement à l'embauche, les administrateurs ont été informés de son souhait de bénéficier d'une retraite supplémentaire afin de compenser le différentiel de prestation retraite généré par le retrait de son ancien poste. Elle fait valoir l'article L.114-32 du code de la mutualité ne lui est pas applicable dès lors que ni la promesse d'embauche, ni le contrat de travail ne lui attribue la qualité de directeur dirigeant. Elle souligne à ce titre que ce statut est facultatif et qu'il n'existe aucune délibération du conseil d'administration en ce sens. Subsidiairement, elle soutient que l'avenant ne constitue pas une convention réglementée mais

constitue une modalité de fixation de sa rémunération qui n'avait pas à être présenté au conseil d'administration.

Si la nullité de l'avenant n°1 devait être retenue, Mme [J] rappelle que l'employeur s'est engagé à lui verser un dispositif de retraite complémentaire. Elle considère le non-respect de cette clause essentielle du contrat constitue une faute de l'employeur qui justifie une indemnisation de son préjudice.

En l'espèce, la promesse d'embauche du 12 août 2009 prévoyait que le contrat de travail proposé à Mme [J] comporte notamment une disposition sur la « retraite complémentaire [qui] est en cours d'étude dans nos services ». Le contrat de travail, en son article X, précisait que le régime de retraite complémentaire était en cours de mise au point au sein du groupe et que la salariée bénéficierait « d'un régime de retraite supplémentaire en cours d'étude au sein du Groupe Languedoc Mutualité. »

La salariée produit la copie de son avenant n°1 au contrat de travail en date du 17 septembre 2010. Cet avenant met en place un dispositif de retraite supplémentaire au bénéfice de Mme [J], afin de compenser le différentiel mensuel fixé à la somme de 1293 euros brut. Il est précisé que le dispositif sera servi « soit mensuellement, soit lorsqu'il sera mis fin à ses fonctions de directeur général du Groupe Languedoc Mutualité, pour quelque motif que ce soit ». Le document comporte la signature de Mme [J] et de M. [V], en sa qualité de président et pour le nom de l'Union Groupe

Languedoc Mutualité.

Toutefois, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 30 janvier 2014, qu'après analyse du serveur du Groupe, le fichier informatique reprenant les termes de l'avenant ci-dessus avait été créé le 13 février 2011 à 19h36 et avait été modifié le 22 février 2011 à 21h41.

Le 3 février 2014, l'huissier de justice mandaté par le Groupe Languedoc Mutualité a analysé l'ordinateur portable de Mme [J] et a réalisé les mêmes constatations. Il est ajouté que « L'avenant

n°1 » a été imprimé le 22 février 2011 à 21h39. L'huissier a également consigné que le 13 février 2011, l'expéditeur « Direction Générale », adresse qui appartient à Mme [J], a adressé à M. [S], un courriel en ces termes : « Bonsoir [H], Pourriez-vous regarder ce projet et me donner votre avis sur la rédaction de cet avenant ». Y était joint un fichier intitulé « avenant n°1 au contrat de travail de Madame [N] [J], directeur général du Groupe Languedoc Mutualité » lequel consiste en une ébauche de l'avenant présenté à la cour, seul le montant différent.

De la même façon, l'expert désigné par le juge d'instruction dans le cadre de l'enquête pénale a conclu, dans son rapport du 22 novembre 2016, que le fichier de l'avenant litigieux, créé le 22 février 2011 à 20h41, avait été trouvé sur un ordinateur utilisé de décembre 2013 à février 2014 et qu'il avait été copié sur le disque dudit ordinateur le 17 juin 2013.

Une plainte pénale a été déposée par l'employeur, qui conteste la véracité de cet avenant, en juillet 2014 pour faux, usage de faux et escroquerie. En outre, il est relevé qu'après que Mme [J] ait sollicité la mise en oeuvre du dispositif prévu par l'avenant auprès de son employeur, les commissaires aux comptes SCP GVA avaient informé l'Union Groupe Languedoc Mutualité, par courrier du 29 avril 2014, n'avoir « jamais été informés de l'existence de cet avenant, avant le courriel du 18 avril 2014 de M. [W] ».

Le courrier précisait que les procès-verbaux des conseils d'administrations et des assemblées générales à compter du mois de septembre 2010 ne faisaient aucune référence à un vote d'approbation en ce sens et que la procédure d'autorisation préalable du conseil d'administration n'avait pas été respectée.

Les documents soumis à l'appréciation de la cour permettent de rapporter la preuve que le document litigieux a été rédigé non pas en septembre 2010 comme indiqué mais le 13 février 2011, la dernière modification étant datée du 22 février 2011 a minima à 20h41.

Ces éléments corroborent également que l'avenant n'avait pas été signé avant le soir du 22 février 2011, date de la dernière impression et de la dernière modification. Or, ainsi que le soutient à juste titre l'employeur, à cette date M. [V] ne disposait plus d'aucun pouvoir à cet effet du fait de la démission d'office actée lors de la réunion du conseil d'administration du Groupe qui a eu lieu le matin même à 10 heures.

Les documents ainsi produits par l'employeur, étant rappelé que la preuve est libre en matière prud'homale, mettent en doute la sincérité de l'avenant.

Dans ces conditions, Mme [J] ne peut s'appuyer sur cet avenant pour solliciter le versement d'une somme au titre de la retraite supplémentaire.

Même si la promesse d'embauche et le contrat de travail prévoyaient la mise en place d'une retraite complémentaire, cet engagement n'a pas vocation à rendre l'avenant n°1 convaincant.

Faute pour Mme [J] de justifier d'un acte probant et régulier régissant les conditions du versement de sa retraite supplémentaire, il convient de la débouter de sa demande à ce titre.

S'agissant de sa demande subsidiaire tendant à la réparation de son préjudice, une nouvelle fois Mme [J] ne reprend pas cette demande dans le dispositif de ses conclusions en sorte qu'il n'y a lieu de statuer sur ce point. »

En déboutant Mme [J] du surplus de ses demandes, la cour a définitivement statué sur la demande en paiement de la retraite complémentaire en application de l'avenant litigieux.

Demeure la demande subsidiaire en paiement de dommages-intérêts pour non respect d'un engagement de souscrire une retraite complémentaire. Il n'a pas été expressément statué sur ce point par la cour d'appel, faute pour la salariée d'avoir repris au dispositif de ses conclusions sa réclamation en ce sens. De ce chef, elle est donc recevable.

Mme [J] soutient que le Groupe Languedoc Mutualité a manqué à ses obligations en ne souscrivant pas une retraite complémentaire alors même que le 31 juillet 2009 le Conseil d'administration avait donné 'mandat au Président du Groupe pour notifier aux personnes intéressées une promesse d'embauche avec un différé de prise d'effet effective de fonctions en date du 1er janvier 2010 et assortie d'une période d'essai de six mois. les administrateurs chargent le président d'élaborer les contrats correspondant à la spécificité de chaque fonction de direction' et que le 12 août suivant, M. [I] [V], ès qualités de président du groupe Languedoc mutualité, seul représentant légal de la structure, s'était engagé vis-à-vis d'elle en l'assurant « une retraite complémentaire est en cours d'étude dans nos services ».

L'appelante expose que dans la perspective de son recrutement par le Groupe Languedoc Mutualité et alors qu'elle avait fait toute sa carrière dans l'administration, la société s'était engagée à compenser la perte de retraite qu'elle subirait par la liquidation anticipée de ses droits à pension.

Elle se prévaut à ce titre des éléments suivants :

- la décision du conseil d'administration du 31 juillet 2009 de retenir sa candidature pour le poste de directrice générale du groupe [...]. les administrateurs donnent mandat au Président du groupe pour notifier aux personnes intéressées une promesse d'embauche avec un différé de prise effective de fonctions à la date du 1er janvier 2010 et assortie d'une période d'essai de six mois. Les administrateurs chargent le président d'élaborer les contrats correspondant à la spécificité de chaque fonction de direction.'

- la correspondance du 12 août 2009, ayant pour objet 'promesse d'embauche', par laquelle le président l'informait que le conseil d'administration lors de sa séance du 31 juillet 2009 avait décidé de retenir sa candidature au poste de [...], l'embauche définitive étant néanmoins subordonnée à la signature du contrat de travail dans le dernier trimestre et qui comportera dans les grandes lignes et selon nos entretiens préalables, les dispositions suivantes :

' réalisation d'une période d'essai [...] ;

' votre statut sera celui de cadre de direction [...] ;

' votre rémunération annuelle brute s'élèvera à 120 000 euros ;

' une retraite complémentaire est en cours d'étude dans nos services [...] ».

- un échange de courriels avec M. [T], en date du 18 novembre 2009 par lequel elle informait le président du Groupe Languedoc Mutualité des éléments financiers relatifs à la perte de retraite qu'elle subirait si elle liquidait ses droits de manière anticipée pour rejoindre le groupe (3 002,12 euros contre 4 559,61 euros soit un différentiel de 1557,49 euros) qu'elle concluait comme suit : 'j'espère que vous pourrez trouver un dispositif me permettant de compenser au moins partiellement ce différentiel'.

- le message adressé le 18 novembre au président du Groupe par lequel elle l'informe avoir pris attache avec M. [T] pour les dispositions à intégrer à son contrat, dont la rémunération de 120 000 euros, et que M. [X] allait étudier les différents solutions destinées à lui permettre de compenser ce différentiel [...].

Le contrat de travail conclu le 9 mars 2010, pour une prise d'effet au 8 mars, ne prévoit aucune stipulation relativement à la retraite, mais porte le salaire annuel, par rapport à la promesse d'embauche, de 120 à 132 000 euros bruts.

En l'état de ces seuls éléments, Mme [J] ne rapporte pas la preuve d'un engagement formel de l'employeur de souscrire une retraite complémentaire, qui n'était qu'envisagée, plus de six mois avant la conclusion du contrat de travail, 3 mois s'étant encore écoulés entre le 18 novembre 2009, date à laquelle Mme [J] a communiqué les éléments financiers susceptibles d'étayer sa perte de retraite, et la date de conclusion du contrat de travail qui a vu la rémunération annuelle être nettement réévaluée.

Si les conclusions de l'appelante comportent un calcul de préjudice calculé sur la base d'une perte mensuelle brute de 1 293 euros, qu'elle multiplie par le nombre de mois la séparant de 85ème anniversaire, elle ne fournit aucun élément de nature à étayer la perte de retraite alléguée, Mme [J] ne justifiant pas ni de la date à laquelle elle a liquidé ses droits à pension de retraite de l'administration, ni surtout de ses droits à pension de retraites.

Mme [J] sera déboutée de sa demande subsidiaire.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

et statuant à nouveau sur le tout,

Déclare la demande de nullité de l'avenant litigieux, fondée sur le non respect du formalisme et l'absence d'autorisation préalable du conseil d'administration, prescrite,

Rejette l'exception d'incompétence,

Vu l'arrêt de la présente cour d'appel rendu le 15 septembre 2021,

Déclare irrecevable la demande en paiement de la somme de 331 111,44 euros fondée sur l'avenant litigieux,

Déclare Mme [J] recevable en sa demande subsidiaire en indemnisation du préjudice subi, mais mal fondée de ce chef,

L'en déboute.

Condamne Mme [J] à verser à la Groupe Languedoc Mutualité la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [J] aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par, Madame Naïma Digini, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04338
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;21.04338 ?
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