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24/04/2024 | FRANCE | N°21/01413

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 24 avril 2024, 21/01413


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 24 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01413 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4WN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 FEVRIER 2021 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELL

IER - N° RG F 19/00910







APPELANT :



Monsieur [G] [W]

né le 05 Août 1977 à [Localité 6] (93)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Cécilia LASNE, avocate au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté par Me Jérôme PRIVAT d...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 24 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01413 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4WN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 FEVRIER 2021 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00910

APPELANT :

Monsieur [G] [W]

né le 05 Août 1977 à [Localité 6] (93)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Cécilia LASNE, avocate au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté par Me Jérôme PRIVAT de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A.S. SIMPLICITI

Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Thomas GONZALES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Hélène JULIEN substituant Me Diane GRELLET, avocats au barreau d'AVIGNON

Ordonnance de clôture du 22 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Magali VENET, conseiller

Madame Véronique DUCHARNE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 5 mars 2018, M. [G] [W] a été engagé en qualité de chargé de clientèle par la SAS Simpliciti qui développe une activité de conseil en système et logiciels informatiques et relève de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils dite Syntec.

Convoqué le 2 mai 2019, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 13 mai suivant, M. [W] a été licencié par lettre datée du 16 mai 2019, pour faute grave.

Contestant son licenciement, le salarié a saisi, le 1er août 2019, le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 12 février 2021, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

Dit et juge que la faute grave infligée par la société Simpliciti au licenciement de M. [W] est disproportionnée et donc infondée,

Juge la mise à pied à titre conservatoire infondée,

Juge que le licenciement s'analyse comme un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [W] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Condamne la société à verser au salarié les sommes suivantes :

- 607,66 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 2 080 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 208 euros de congés payés afférents,

- 1 040 euros au titre de la mise à pied à titre conservatoire injustifiée outre 104 euros de congés payés afférents,

Ordonne à la société la remise des bulletins de salaire et documents de rupture rectifiés, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, à compter du 30ème jour suivant notification du jugement,

Prononce l'exécution provisoire de droit,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société à verser au salarié la somme de 960 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Le 3 mars 2021, M. [W] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 22 novembre 2022, M. [G] [W] demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejeté sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et, statuant à nouveau, de :

Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 6 240 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (3 mois de salaire) outre 607, 66 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 2 080 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis 208 euros de congés payés afférents,

- 1 040 euros au titre de rappel de salaire suite à mise à pied injustifiée du 2 mai au 16 mai 2019 outre 104 euros de congés payés afférents,

Condamner l'employeur à lui délivrer, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, les documents de fin contrat et bulletins de salaires conformes à l'arrêt à intervenir,

Condamner la société à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 15 mars 2023, la société Simpliciti demande à la cour de :

Réformer le jugement en ce qu'il a jugé la faute grave disproportionnée,

Confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes,

Condamner le salarié à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 22 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 19 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS :

Sur la cause du licenciement :

Convoquée le 2 mai 2019, à un entretien préalable fixé au 13 mai suivant, M. [W] a été licenciée par lettre du 19 mai 2019, fixant les limites du litige, ainsi libellée :

« Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave [...] Nous vous reprochions les faits suivants :

- le 22 février 2019, vous avez refusé de prendre l'appel téléphonique du client

Véolia sans demander d'explication. En effet, M. [C] [Y] vous a demandé avec insistance de prendre cette communication ce que vous avez fini par faire. En tant que collaborateur, votre mission essentielle est de répondre aux sollicitations du client, en refusant de le faire, vous reconnaissez avoir manqué à votre obligation contractuelle,

- Le 28 mars 2019, vous avez critiqué la nouvelle organisation du service client/support devant certains de vos collègues, en disant que cela ne fonctionnerait pas, que votre directrice ne vous écoutait pas et qu'elle se comportait en maîtresse d'école.

- Le 29 mars 2019, vous avez à nouveau relancé la discussion en dénonçant la nouvelle organisation. Vous avez évoqué la question des différences de salaire, vous avez indiqué que votre directrice mentait et qu'elle était incompétente.

- Le 29 Avril 2019, votre supérieure vous a adressé un courriel dans lequel elle vous a fait un point sur le nombre de tickets restant à traiter à savoir 56.

Le 30 avril 2019, vous recevez un courriel de votre supérieure en mentionnant 54 tickets restants. Le même jour, vous répondez que les chiffres sont faux et tenait des propos déplacés en disant « merci de te renseigner avant d'envoyer ce type de mail ».

Un tel comportement est incompatible avec le mode de fonctionnement du service client. Il nuit gravement à l'organisation du service. Vous avez dénigré devant vos collègues votre N+1 et avez eu des propos déplacés à l'égard de votre hiérarchie directe.

Les observations qui vous ont été faites sont restées sans effet et l'entretien préalable n'a apporté aucun élément nouveau.

Cette accumulation de faits graves nous contraignent à mettre fin au contrat de travail vous liant à l'entreprise. Les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au service de l'entreprise [...] 

M. [W] critique la décision entreprise en ce qu'elle a considéré établie une cause réelle et sérieuse de licenciement alors même que les seuls faits avérés et non prescrits, à savoir sa réaction à réception du message de sa supérieure hiérarchique le 30 avril, dans un contexte de pressions après un arrêt maladie de près d'un mois, pour laquelle il a exprimé des regrets si ses propos avaient pu choquer, n'est pas sérieuse.

La société Simpliciti, qui rejette la prescription du premier grief reproché, soutient rapporter la preuve des agissements qu'elle reproche au salarié. Elle fait valoir établir plusieurs manquements dans l'exercice de ses fonctions et qu'il n'avait de cesse de remettre en cause les directives de sa hiérarchie, caractérisant une insubordination et des critiques excessives, le salarié n'ayant en réalité pas accepté qu'elle ne donne pas de suite à sa candidature de mars 2019 pour occuper le poste de responsable du service client.

En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.

Sur la prescription du premier grief :

L'article L. 1332-4 du même code prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites. Le délai court du jour où l'employeur a eu connaissance exacte et complète des faits reprochés. Si un fait fautif ne peut plus donner lieu à lui seul à une sanction au-delà du délai de deux mois, l'employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les deux fautes procèdent d'un comportement identique.

Le grief consistant pour l'entreprise de reprocher à son salarié d'avoir refusé de répondre au téléphone à un client - tout en concédant que l'intéressé a fini par le faire - avant de conclure que le refus de répondre au client constitue un manquement professionnel, remonte à plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement.

En réponse à la prescription de ce grief, la société objecte que la faute reprochée s'inscrirait dans le cadre d'une opposition systématique des instructions et organisation du service. Rien de tel n'est formalisé dans la lettre de licenciement. À l'examen des autres griefs visés dans la lettre de licenciement il n'est reproché ni insubordination ni opposition ou refus d'exécuter les instructions de sa hiérarchie.

Ce grief, singulier, ne procède pas d'un comportement identique au fait d'avoir remis en cause la nouvelle organisation du service, dénigré la responsable et tenu des propos déplacés à l'égard de la nouvelle responsable du service client recrutée sur le poste qu'il convoitait. Il sera donc jugé comme prescrit.

Sur les autres faits reprochés :

1 - sur le fait d'avoir critiqué le 28 mars 2019, la nouvelle organisation du service client/support devant certains de vos collègues, en disant que cela ne fonctionnerait pas, que votre directrice ne vous écoutait pas et qu'elle se comportait en maîtresse d'école :

Dans un contexte de dysfonctionnement du service client ayant entraîné, selon le salarié, en fin d'année 2018 un important turn-over des personnels affectés à ce service, et nécessité une réunion de travail en janvier 2019 afin de définir de nouvelles modalités de fonctionnement, dans le cadre de laquelle M. [W] indique avoir formulé diverses propositions, s'il est constant que le salarié a pu manifester des critiques sur la nouvelle organisation, il n'est établi par aucun élément que le salarié aurait déclaré à des collègues que cela ne fonctionnerait pas et que Mme [K], directrice opérationnelle, se comportait en 'maîtresse d'école'.

Ce grief n'est pas démontré.

2 - Le 29 mars 2019, vous avez à nouveau relancé la discussion en dénonçant la nouvelle organisation. Vous avez évoqué la question des différences de salaire, vous avez indiqué que votre directrice mentait et qu'elle était incompétente.

Pour preuve de ce grief, la société Simpliciti verse aux débats l'attestation de M. [X] qui témoigne dans les termes suivants :

« en mars 2019, une dernière modification de l'organisation du service client a été mise en place afin de permettre le passage à un service avec 2 niveaux distincts de réponse au client, un niveau '1" basique et un niveau '2" plus important. M. [W] et Mme [Z] étaient comme à chaque changement en désaccord profond sur chaque point mis en oeuvre. Ils avaient pour chacun une critique plus ou moins appropriée à formuler. Ils m'ont entretenu encore une fois durant près d'une heure de leurs griefs. Un des points les plus saillants concernait le fait que les salaires des personnes du service client n'étaient pas en adéquation avec leur nouvelle fonction de niveau 1 et niveau 2. En substance, un niveau 1 pouvait avoir un salaire supérieur à un niveau 2 alors que le travail nécessite des compétences clairement plus importantes au niveau 2. Je leur ai indiqué que c'était une conséquence normale de la mise en place de l'organisation sur des personnels en poste.

Il ressortait sur ce point de leurs propos que Mme [K] mentait lorsqu'elle indiquait ne pas être au courant du salaire de Mme [D], salaire négocié par leur ancien responsable. Ce point était important car celle-ci en tant que futur niveau 1 était mieux payée que certains niveaux 2. Il suivait de ces propos toute une théorie indiquant qu'il fallait être incompétent pour mettre en oeuvre la réorganisation du service de cette façon. »

Au vu de cette attestation, dont la formulation prudente ('Il ressortait sur ce point de leurs propos') conduit la cour à considérer que le témoin formule une interprétation, et par laquelle le témoin n'identifie pas, en toute hypothèse, la personne ayant pu tenir des propos dénigrants, alors même qu'il s'entretenait avec 2 collaborateurs, si la société établit que M. [W] a manifesté des critiques sur la réorganisation du service en lien notamment avec le niveau de rémunérations des salariés qui seraient affectés aux niveaux 1 et 2, lesquels n'exigeaient pas le même niveau de compétences, il ne résulte pas de cette attestation que M. [W] a traité sa N+2 de menteuse, ni d'incompétente.

Il ne résulte pas de cette attestation que le salarié aurait manqué à son obligation de ne pas abusé de sa liberté d'expression en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Ce grief n'est pas avéré.

3 - sur l'envoi le 30 avril 2019 d'un message en réponse à celui de sa supérieure lui annonçant qu'il avait encore 54 tickets à traiter par lequel il lui a indiqué que 'ces chiffres sont faux' et tenait des propos déplacés en disant 'merci de te renseigner avant d'envoyer ce type de mail'.

Les faits sont matériellement établis. En effet, il ressort des pièces communiquées les éléments suivants :

Alors que M. [W] a été arrêté du 4 au jeudi 25 avril 2019, qu'il a repris le vendredi 26 avril, il reçoit le lundi 2 mai, de sa nouvelle supérieure, Mme [N], récemment recrutée sur le poste de 'responsable du service client', poste pour lequel il s'était porté candidat en mars 2019, un message ainsi libellé :

'[G], comme vu ensemble ce matin, tu as 56 tickets en attente de traitement [...] 26 tickets à pioriser avec date de création antérieure au 30/03 à prioriser sur ton traitement d'aujourd'hui et de demain [...] Je te propose de faire un point sur ton avancée mardi 30/04 à 16H.'

Sans attendre le point convenu, Mme [N] lui adressait le 30 avril dès 8H, le message suivant :

'A ce matin tu as encore 54 tickets soit seulement -2 sur la journée d'hier'.

Ce à quoi le salarié répondait :

'Pour info, j'ai clôturé a minima 5 tickets hier. Tes chiffres sont faux. Restant à ta disposition pour tout renseignement complémentaire'.

Mme [N], lui répliquait :

'[G] les chiffres ne sont pas faux. Il faut faire le calcul entre ceux créés et ceux clôturés sur la journée. Donc tu es à -2 sur la journée je te le confirme : tu passes d'un BO de 56 à 54 tickets. Merci donc de continuer à prioriser les tickets de 2018, janvier et février 2019 : 9 tickets'.

M. [W] lui adressait alors le message litigieux :

'je ne parlais de tickets créés mais de tickets réaffectés. Merci donc de te renseigner avant de m'envoyer ce type de mail dès mon retour après quasiment 1 mois d'arrêt maladie.'

Lors de l'entretien préalable à un éventuel licenciement, M. [W] a regretté ses propos s'ils avaient pu paraître déplacés à son interlocutrice.

Il résulte de cet échange de mails, qui survient dans un bref trait de temps, au retour d'arrêt maladie, une réaction épidermique de M. [W] liée à son incompréhension du message transmis le 30 avril au matin par sa supérieure, qui ne lui reprochait pas de n'avoir traité la veille que 2 dossiers, alors qu'il en avait traité 5, Mme [N] ne se basant plus comme la veille sur le nombre de dossiers qu'il avait en stock au jour de la reprise, mais sur le stock en continu en prenant en compte les nouveaux dossiers qui lui avaient été attribués.

Si les messages de Mme [N] ne comportaient, contrairement à ce que soutient l'employeur, aucune proposition d'aide du salarié, il n'en demeure pas moins qu'ils constituaient des instructions et ne sauraient être constitutifs de 'pressions' comme le prétend par l'appelant.

En revanche, alors que le salarié indique sans être utilement contredit par l'employeur qu'après un arrêt de plus de 3 semaines il se trouvait en présence de 300 mails à traiter et à devoir concilier les instructions de Mme [N] et la reprise de son service ainsi que sa formation à un nouvel outil évoqué par les témoins [T] et [E], la virulence de sa réaction, dans ces circonstances, ne présente pas de caractère sérieux susceptible de justifier le licenciement.

Il ne résulte donc pas des éléments qui précèdent que l'employeur rapporte la preuve d'une faute grave, ni qu'il soit établi une faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La faute grave étant écartée, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de rupture et au rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, qui sont justifiées dans leur principe et ne sont pas discutées par les parties dans leur quantum, mais le licenciement ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse, la salariée est fondée en sa demande en paiement de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Au jour de la rupture, M. [W] âgé de 41 ans bénéficiait d'une ancienneté de 1 an et 2 mois au sein de la société Simpliciti qui employait plus de dix salariés. Il percevait un salaire mensuel brut de 2 080,01 euros.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d'un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut.

Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge du salarié au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 4 000 euros bruts.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

A l'appui de sa demande indemnitaire, l'appelant fait valoir que l'employeur a sollicité de sa part des remontées concernant le fonctionnement du service, lesquelles ont été effectuées mais non suivies d'effet, qu'il a dû rappeler à sa supérieure qu'on ne pouvait lui reprocher de ne pas effectuer des heures en plus, suite à un déplacement professionnel organisé sur [Localité 5], que [S] a exercé des pressions sur lui en lui adressant des instructions le 29 avril.

L'employeur objecte que le salarié ne justifie ni de manquement de sa part à ses obligations contractuelles ni d'un quelconque préjudice.

Il résulte des conclusions et pièces communiquées que M. [W] , qui a été rémunéré des heures supplémentaires accomplies ne formule aucune réclamation de ce chef, que la société a pu légitimement lui demander des compte-rendus d'activité, lesquels s'inscrivent dans l'exercice non abusif du pouvoir de direction, et que les messages litigieux adressés par Mme [S] ne s'analysent pas en des pressions.

Faute pour le salarié de rapporter la preuve de manquement de l'employeur à ses obligations susceptibles de caractériser une exécution déloyale du contrat de travail, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté sur ce point.

Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Il sera ordonné à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat régularisés, mais sans astreinte laquelle n'est pas nécessaire à assurer l'exécution de cette injonction.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, dit que son licenciement ne reposait pas sur une faute grave et en ce qu'il a condamné la société Simpliciti à lui verser les sommes suivantes :

- 607,66 euros nets d'indemnité légale de licenciement,

- 2 080 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis outre 208 euros de congés payés afférents,

- 1 040 euros bruts au titre de la mise à pied à titre conservatoire injustifiée outre 104 euros de congés payés afférents,

- 960 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les dépens de l'instance.

L'infirme en ce qu'il a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Simpliciti à verser à M. [W] la somme de 4 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Ordonne la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.

Rejette la demande d'astreinte.

Condamne la société Simpliciti à verser à M. [W] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01413
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;21.01413 ?
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