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24/04/2024 | FRANCE | N°21/01383

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 24 avril 2024, 21/01383


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 24 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01383 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4UZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 FEVRIER 2021 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - NÂ

° RG F 20/00344







APPELANT :



Monsieur [S] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 9]

[Localité 8]



Représenté par Me PETIT FRERE substituant Me Thibault GANDILLON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocats au barreau de MONTPELLIER









INTIMES :



Maître [W] [F], è...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 24 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01383 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4UZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 FEVRIER 2021 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 20/00344

APPELANT :

Monsieur [S] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représenté par Me PETIT FRERE substituant Me Thibault GANDILLON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Maître [W] [F], ès qualités de Mandataire judiciaire de la SARL PASHA

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 8]

et

S.A.R.L. PASHA

[Adresse 5]

[Localité 8]

Toutes deux représentées par Me Fodé Moussa GUIRASSY, avocat au barreau de MONTPELLIER

UNEDIC DELEGATION AGS - CGEA de [Localité 10]

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Julien ASTRUC substitué par Me FONTAINE de la SCP DORIA AVOCATS, avocats au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 22 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Magali VENET, conseiller

Madame Véronique DUCHARNE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [S] [U] a été engagé en qualité de cuisinier employé polyvalent, par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, à compter du 23 janvier 2016, par la Société Pasha, qui exploite le restaurant '[7]' à [Localité 8] et relève de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants.

Par jugement du 6 septembre 2019, la société a été placée en redressement judiciaire et Maître [F] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Victime d'un accident du travail le 19 décembre 2019, le salarié a été placé continûment en arrêt de travail à compter de cette date, la salarié en imputant la cause à une agression physique subie de la part de son supérieur hiérarchique, M. [D] [P], contre lequel il a déposé plainte le lendemain.

Le 3 février 2020, le salarié a été déclaré inapte à son emploi et à tout poste dans l'entreprise.

Par jugement du tribunal judiciaire de Montpellier du 1er octobre 2020, M. [P]  a été reconnu coupable de faits de violence commis le 19 décembre 2019 sur M. [U]. Ce jugement a été confirmé sur la déclaration de culpabilité par arrêt de la chambre des appels correctionnels du 12 décembre 2022.

Convoqué le 10 février 2020, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 17 février suivant, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 25 février 2020.

Sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier par requête enregistrée le 10 avril 2020.

Par jugement du 3 février 2021, le conseil a statué comme suit :

Constate que M. [U] a été rempli de ses droits,

Constate qu'il a été licencié le 25 février 2020 par lettre recommandée avec accusé de réception,

Juge son licenciement régulier et justifié par une cause réelle et sérieuse, Juge qu'il n'a n'a pas été victime de harcèlement,

Le déboute de l'ensemble de ses demandes,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [U] aux entiers dépens de l'instance.

Le 3 mars 2021, M. [U] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Le 21 mai 2021, le tribunal de commerce de Montpellier a arrêté un plan de redressement et a désigné Maître [F] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 25 janvier 2023, M. [S] [U] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

A titre principal,

Ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du licenciement verbal notifié le 6 août 2020, ayant les conséquences d'un licenciement abusif,

A titre subsidiaire,

Juger la rupture du contrat sans lettre, par la remise des documents de fin de contrat en date du 6 août 2020 nulle ou abusive, à défaut, juger le licenciement notifié le 25 février 2020 sans cause réelle ni sérieuse ou nul pour cause de harcèlement moral, d'attitudes indélicates et de comportements répréhensibles de l'employeur,

Condamner l'employeur et/ou fixer au passif du redressement judiciaire de ce dernier, les sommes suivantes :

- 285 euros de rappel de salaire sur le mois de décembre 2019 et congés payés afférents,

- 7 605 euros bruts de rappel de salaire pour la période du 3 mars au 6 août 2020, outre 760 euros au titre des congés afférents,

- 5 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 15 000 euros de dommages intérêts pour licenciement abusif,

- 304 euros bruts de congés payés sur préavis,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

Juger le présent arrêt opposable au CGEA AGS et/ou préciser les condamnations opposables à celle-ci.

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 28 juillet 2021, la société Pasha, et Maître [F], ès qualités de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan, demandent à la cour de confirmer le jugement, rejeter l'ensemble des demandes de M. [U] et le condamner à verser à la société la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 18 juin 2021, l' AGS demande à la cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,

Y ajoutant,

Dire que la garantie AGS sera suspendue pendant toute la durée d'exécution du plan de redressement,

Débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes,

Constater que la demande de résiliation judiciaire, postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, est de la seule initiative du salarié, exclure de la garantie AGS l'ensemble des indemnités de rupture et mettre hors de cause le CGEA,

En tout état de cause,

Constater que la garantie de l'AGS est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à l'un des trois plafonds définis par l'article D. 3253-5 du Code du travail et qu'en l'espèce, c'est le plafond 6 qui s'applique,

Exclure de la garantie AGS les sommes éventuellement fixées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens et astreinte,

Dire que toute créance sera fixée en brut et sous réserve de cotisations sociales et contributions éventuellement applicables, conformément aux dispositions de l'article L. 3253-8 in fine du Code du travail,

Lui donner acte au CGEA de ce qu'il revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan des conditions de la mise en 'uvre du régime d'assurance de créances des salariés que de l'étendue de ladite garantie.

Par ordonnance rendue le 22 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 19 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS :

Sur la demande de rappel de salaire pour le mois de décembre 2019 :

M. [U] conclut à la réformation du jugement qui l'a débouté de sa demande de rappel de salaire d'un montant de 285 euros au titre du mois de décembre 2019.

Il verse aux débats un courrier adressé par l'intermédiaire de son conseil, le 20 janvier 2020, à l'employeur enjoignant à ce dernier de lui payer le salaire pour la période du 1er au 19 décembre 2019 ainsi que de ses compléments de salaire à compter de cette date.

En réplique, le mandataire liquidateur se borne à dire que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'absence de paiement du salaire et produit le bulletin de salaire du mois de décembre 2019 mentionnant le paiement d'une somme de 666,27 euros net au 31 décembre 2019.

Il appartient à l'employeur qui prétend avoir payé la totalité du salaire d'en rapporter la preuve. Or, les seules mentions figurant sur le bulletin de paie ne suffisent pas à rapporter cette preuve, en l'absence de production d'éléments comptables justifiant de son paiement effectif.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que le salarié, placé en arrêt de travail pour accident du travail à compter du 19 décembre 2019, devait bénéficier, en vertu de de la convention collective applicable, d'un complément de rémunération à hauteur de 90% durant trente jours, puis de 66,66% de cette rémunération les 30 jours suivants. Or, l'employeur ne justifie pas du paiement de ces compléments de salaire, et ne conteste pas avoir opéré, comme cela résulte du bulletin de paie du mois de décembre 2019 une retenue sur salaire pour accident de travail pour la période du 19 au 31 décembre 2019, d'un montant de 631,80 euros.

En l'absence de preuve du paiement effectif du salaire du mois de décembre 2019, la Société Pasha sera condamnée à payer à M. [U] la somme de 285 euros à titre de rappel de salaire, par infirmation du jugement entrepris.

Sur le harcèlement moral :

En application de l'articles L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon les dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque le salarié présente des éléments de fait, précis et concordants, constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [U], énonce les faits suivants, constitutifs selon lui d'un harcèlement moral :

1. L'agression physique dont il a été victime le 19 décembre 2019 par son supérieur hiérarchique et qui a conduit à son arrêt de travail continu et à sa déclaration d'inaptitude,

2. L'absence de réaction de son employeur, Mme [B] épouse de M. [D] [P], qui n'a diligentée aucune enquête, ni engagée de procédure disciplinaire à son encontre,

3. La privation d'une partie de sa rémunération du mois de décembre 2019,

4. L'absence de réponse aux trois courriers de mise en demeure adressés à l'employeur par l'intermédiaire de son avocat.

Le mandataire liquidateur réfute tout harcèlement moral.

Sur ce, il convient d'analyser chacun des éléments invoqués par le salarié au soutien du harcèlement dénoncé :

M. [U] établit les faits suivants :

* Son supérieur hiérarchique, M. [D] [P], a été déclaré déclaré coupable de l'agression commise sur sa personne le 19 décembre 2019 par jugement du tribunal correctionnel de Montpellier en date du 1er octobre 2020, confirmé par arrêt de la chambre des appels correctionnels du 12 décembre 2020 et condamné à une peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis probatoire de deux ans,

* il a été placé en arrêt de travail à compter du 19 décembre 2019, pour 5 jours, en raison de brûlures au deuxième degré sur des multiples parties de son corps, prolongé pour 30 jours à compter du 23 décembre 2019, puis il a été déclaré inapte avec impossibilité de reclassement le 3 février 2020,

* Il adressé à l'employeur, par l'intermédiaire de son conseil, trois courriers de mise en demeure les 23 janvier, 16 mars, et 15 mai 2020 lui enjoignant de régulariser le paiement de son salaire du mois de décembre 2019 et de tirer les conséquences juridiques de sa déclaration d'inaptitude du 3 février 2020.

Pris dans leur ensemble, ces faits précis et concordants permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Dès lors, il appartient à l'employeur de prouver que les agissements ci-avant identifiés comme établis, ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ces décisions ont été justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le mandataire judiciaire, ès qualités, objecte que l'agression dont a été victime le salarié par son supérieur hiérarchique n'est pas imputable à son employeur dès lors que l'auteur des faits n'était pas le gérant de la société, que cet incident était imprévisible et que Mme [B] a immédiatement réagi suite à l'agression en fermant le restaurant.

Force est de constater que l'auteur des faits était le supérieur hiérarchique direct du salarié, co-associé de la société et exerçait une autorité de fait sur le salarié dont il a manifestement abusé.

Par ailleurs, Mme [B] ne justifie avoir entrepris aucune enquête ni entamé de procédure disciplinaire à l'encontre de l'auteur des faits, son époux, et aucun élément ne permet d'étayer ses allégations selon lesquelles elle aurait immédiatement réagi suite à l'incident en fermant le restaurant.

Enfin, l'employeur ne justifie pas s'être libéré du paiement du salaire du mois de décembre 2019 et ne fournit aucune justification quant à son absence de réponse aux trois courriers de mise en demeure adressés par le conseil du salarié et dont il ne conteste pas avoir eu connaissance.

L'employeur ne justifie pas que ses agissements ainsi établis ne sont pas constitutifs d'un harcèlement.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef. Le préjudice du harcèlement moral ainsi subi sera réparé par l'allocation d'une somme de 4 500 euros de dommages-intérêts.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur :

Le salarié sollicite, à titre principal, la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il sollicite à titre subsidiaire, à ce que son licenciement pour inaptitude soit jugé comme étant nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse et invoque le lien entre son inaptitude et le harcèlement moral subi.

En l'espèce, il est constant que :

- la lettre de licenciement pour inaptitude a été expédiée le 25 février 2020 à l'adresse du domicile du salarié, sans précision du bâtiment, et été retournée à l'employeur pour 'défaut d'accès ou d'adressage'.

- La demande de résiliation judiciaire a été formulée par requête enregistrée au greffe le 10 avril 2020.

En l'absence de preuve par le salarié de la communication de son adresse complète à l'employeur antérieurement à la notification de son licenciement, les premiers juges ont à juste titre retenu que l'employeur ne pouvait être tenu responsable de ce défaut d'adressage.

Le licenciement ayant été régulièrement notifié le 25 février 2020 à la dernière adresse connue de l'employeur, la demande de résiliation formulée postérieurement au licenciement est sans objet.

Il y a donc lieu de débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire du contrat, ainsi que de sa demande subséquente de rappel de salaire pour la période du 3 mars au 6 août 2020, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le licenciement :

Il suit de ce qui précède, de la chronologie des faits et des éléments médicaux, d'une part, que les violences commises par M. [P] sont directement en lien avec le motif médical ayant justifié l'arrêt de travail continu du salarié à compter du 19 décembre 2019 faisant état de brûlures au deuxième degré sur de multiples parties de son corps, lequel a précédé son avis d'inaptitude et, d'autre part, que l'inaptitude du salarié trouve son origine dans le harcèlement moral subi.

Par application des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail, le licenciement ainsi prononcé est, non seulement dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais nul.

Le jugement déféré qui a débouté M. [U] de sa demande d'annulation du licenciement, doit être infirmé de ce chef.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :

Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul :

Lorsque le salarié dont le licenciement est nul ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, il a droit, d'une part, aux indemnités de rupture et, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, compte tenu de l'âge du salarié à la date de son licenciement (34 ans), de son ancienneté (4 ans), de sa rémunération mensuelle brut (1 539,45 euros) et de l'absence de justification de sa situation actuelle, il convient de lui allouer une somme de 12 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement nul.

Sur la demande des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis :

Le salarié conclut à la réformation du jugement qui l'a débouté de sa demande en paiement de la somme de 304 euros bruts au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis.

Aux termes de l'article L. 1234-5 du code du travail, en son deuxième alinéa, l'inexécution du préavis n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

En l'espèce, le salarié a été dispensé d'exécuter son préavis du fait de son inaptitude. L'employeur justifie lui avoir versé l'indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail laquelle n'ouvre pas droit à congés payés.

Toutefois, en l'espèce, l'employeur ayant commis à l'encontre du salarié des faits de harcèlement moral ayant entraîné son inaptitude, emportant la nullité du licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, de sorte que l'inexécution du préavis était imputable à l'employeur, le salarié était bien fondé à solliciter le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1235-4, laquelle ouvre droit à congés payés.

de préavis d'un montant de 3 078, 90 euros par chèque daté du 31 juillet 2020. En revanche, il ne justifie pas s'être libéré du paiement des congés payés afférents à cette indemnité compensatrice de préavis.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande du salarié à hauteur de 304 euros bruts de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis, par infirmation du jugement entrepris.

Sur la garantie de l'AGS :

Selon l'article L. 3253-8 du code du travail, l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre :

1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ;

2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :

a) Pendant la période d'observation ;

b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;

c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;

d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité ;

3° Les créances résultant de la rupture du contrat de travail des salariés auxquels a été proposé le contrat de sécurisation professionnelle, sous réserve que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, ait proposé ce contrat aux intéressés au cours de l'une des périodes indiquées au 2°, y compris les contributions dues par l'employeur dans le cadre de ce contrat et les salaires dus pendant le délai de réponse du salarié ;

4° Les mesures d'accompagnement résultant d'un plan de sauvegarde de l'emploi déterminé par un accord collectif majoritaire ou par un document élaboré par l'employeur, conformément aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4, dès lors qu'il a été validé ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 1233-58 avant ou après l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;

5° Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues :

a) Au cours de la période d'observation ;

b) Au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;

c) Au cours du mois suivant le jugement de liquidation pour les représentants des salariés prévus par les articles L. 621-4 et L. 631-9 du code de commerce ;

d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation et au cours des quinze jours, ou vingt et un jours

lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité.

La garantie des sommes et créances mentionnées aux 1°, 2° et 5° inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts.

Par jugements en date des 6 septembre 2019 et 21 mai 2021, le tribunal de commerce de Montpellier a successivement ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société, puis arrêté un plan de redressement à son égard, désignant Maître [F] es qualité de commissaire à l'exécution du plan.

L'AGS sollicite, à titre principal, la suspension de sa garantie pendant toute la durée d'exécution du plan de redressement, au motif que, la société, redevenue in bonis, est en possession des fonds disponibles permettant le règlement des créances nées postérieurement à l'adoption du plan. Elle fait valoir à titre subsidiaire que sa garantie n'est pas due au titre des indemnités de rupture dès lors que la demande de résiliation judiciaire, postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective est de la seule initiative du salarié.

Il résulte des dispositions de l'article L. 3253-8- 2° du code du travail que l'AGS couvre les créances résultant de la rupture du contrat de travail, intervenues pendant la période d'observation. Le licenciement du salarié ayant été prononcé pendant la période d'observation, l'AGS doit garantir les dommages intérêts résultant de l'annulation du licenciement ainsi que les congés payés sur indemnité compensatrice de préavis.

En revanche, les autres créances de nature salariale ou indemnitaire de M. [U], nées postérieurement au jugement d'ouverture pendant la période d'observation, ne sont pas garanties par l' AGS.

Sa garantie n'étant que subsidiaire, l'AGS ne fera l'avance des créances garanties que sur présentation d'un relevé par le commissaire à l'exécution du plan et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement uniquement en ce qu'il a débouté M. [S] [U] de ses demandes de résiliation judiciaire et de rappel de salaire pour la période du 3 mars au 6 août 2020,

Réforme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que M. [S] [U] a été victime de harcèlement moral de la part de la société Pasha,

Prononce la nullité de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement,

Condamne la société Pasha à payer à M. [U] les sommes suivantes :

- 12 000 euros bruts à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,

- 304 euros bruts de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

- 285 euros bruts de rappel de salaire sur le mois de décembre 2019 et congés payés y afférents,

- 4 500 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

Condamne la société Pasha à verser à M. [U] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Dit que l'AGS doit sa garantie au titre des créances de M. [U] résultant de la rupture de son contrat de travail, à savoir les sommes de 12 000 euros bruts à titre de dommages intérêts pour licenciement nul et de 304 euros bruts de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis, et qu'elle n'en fera l'avance que sur présentation d'un relevé par le commissaire à l'exécution du plan et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01383
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;21.01383 ?
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