La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/04/2024 | FRANCE | N°21/06096

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 23 avril 2024, 21/06096


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 23 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06096 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFTP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 SEPTEM

BRE 2021

Tribunal Judiciaire de CARCASSONNE

N° RG 11/1715





APPELANTS :



Madame [N] [Y]

née le 28 Septembre 1981 à [Localité 6] (31)

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée ...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 23 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06096 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFTP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 SEPTEMBRE 2021

Tribunal Judiciaire de CARCASSONNE

N° RG 11/1715

APPELANTS :

Madame [N] [Y]

née le 28 Septembre 1981 à [Localité 6] (31)

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Valérie LAMBERT, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat plaidant

Monsieur [L] [D]

né le 31 Mars 1972 à [Localité 5] (30)

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Valérie LAMBERT, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat plaidant

INTIMEE :

Madame [C] [U] épouse [G]

née le 17 Décembre 1953 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Gaëlle GUILLE-MEGHABBAR de la SCP SCP RECHE-GUILLE MEGHABBAR, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gaëlle GUILLE-MEGHABBAR, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 05 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat du 4 août 2014, avec effet au 1er septembre 2014, Mme [C] [U], épouse [G], a donné à bail à M. [L] [D] et Mme [N] [Y], une maison située [Adresse 3] à [Localité 1] (11), moyennant un loyer mensuel de 360 euros, outre 30 euros de provision sur charges.

Le 6 septembre 2014, un état des lieux d'entrée contradictoire a été établi.

Le 1er octobre 2015, l'association Habitat et Développement Méditerranée a établi un diagnostic technique de l'état du logement.

M. [L] [D] et Mme [N] [Y] ont fait établir un procès-verbal de constat le 2 mars 2016 et ont donné congé le 31 octobre 2016, avec un préavis d'un mois.

Un état des lieux de sortie a été dressé par huissier le 5 décembre 2016.

Le 5 janvier 2017, au motif qu'il ne leur avait pas été loué un logement décent et que la bailleresse n'avait pas procédé aux travaux pour y remédier, de même qu'elle ne leur avait pas fourni les diagnostics obligatoires, M. [L] [D] et Mme [N] [Y] ont fait assigner Mme [C] [G] devant le tribunal judiciaire de Carcassonne aux fins d'obtenir, pour l'essentiel, le paiement, à titre de dommages-intérêts, de la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice résultant du déménagement forcé, la somme de 3 300 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de réalisation des diagnostics et la somme de 2 000 euros pour résistance abusive.

Par jugement du 9 avril 2018, le tribunal judiciaire de Carcassonne a ordonné une expertise et a désigné M. [E] [W] pour y procéder. Celui-ci a déposé son rapport le 4 juin 2020.

Par jugement rendu le 10 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Carcassonne a :

Constaté l'extinction de l'instance introduite par Mme [N] [Y] et M. [L] [D] à rencontre de Mme [C] [G] suivant assignation du 5 janvier 2017 par l'effet de la péremption ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné Mme [N] [Y] et M. [L] [D] aux dépens.

Sur la péremption de l'instance et au visa des articles 386, 388 et 483 du code de procédure civile, le premier juge a retenu que le point de départ du délai de péremption de l'instance introduite par M. [L] [D] et Mme [N] [Y], suivant assignation du 5 janvier 2017, était constitué par le jugement du 9 avril 2018 qui a ordonné, avant-dire droit, une expertise judiciaire dans l'instance opposant les parties et qu'il devait être recherché si, à compter de cette date, elles avaient accompli des diligences de nature à donner une impulsion à la procédure, c'est-à-dire manifestant la volonté de poursuivre la procédure et de faire avancer le litige vers sa conclusion.

En l'espèce, le premier juge a relevé du rapport d'expertise que des dires avaient été adressés à l'expert par le conseil de M. [L] [D] et Mme [N] [Y], les 14 novembre 2019 et 19 décembre 2019, et par le conseil de Mme [C] [G], le 21 novembre 2019, à la suite de l'établissement du pré-rapport d'expertise du 14 octobre 2019, que toutefois, il ne pouvait être considéré que ces dires traduisaient des diligences des parties, à savoir leur volonté de faire progresser les opérations d'expertise et par là-même le litige vers sa conclusion, et qu'ils avaient ainsi interrompu la péremption de l'instance, de même que le courrier du 3 septembre 2019, par lequel le conseil de M. [L] [D] et Mme [N] [Y] avait demandé au tribunal de relancer l'expert pour qu'il dépose son rapport d'expertise le plus rapidement possible, de sorte qu'il en résultait qu'entre le jugement du 9 avril 2018, ordonnant une expertise, et le 1er février 2021, date à laquelle l'affaire a été retenue et où les conclusions des parties ont été déposées, plus de deux années s'étaient écoulées, sans qu'il ne soit justifié d'aucun acte interruptif de péremption, de sorte que la péremption d'instance devait être constatée d'office.

M. [L] [D] et Mme [N] [Y] ont relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe 15 octobre 2021.

Dans leurs dernières conclusions du 16 décembre 2021, M. [L] [D] et Mme [N] [Y] demandent à la cour de :

« Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Carcassonne ;

Statuant à nouveau,

Juger que la péremption d'instance n'est pas acquise, en ce que l'instance a été interrompue à multiples reprises ;

Rejeter purement et simplement le rapport d'expertise du 4 juin 2020 ;

Juger que Madame [Y] et Monsieur [D] ont subi un trouble de jouissance en raison des manquements de Madame [G] à ses obligations locatives ;

En conséquence,

Condamner Madame [G] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation dudit trouble ;

Condamner Madame [G] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des préjudices subis en raison du déménagement forcé ;

Donner acte de l'absence de fourniture et de réalisation des diagnostics immobiliers obligatoires ;

Donner acte de la perte de chance pour les locataires de faire un choix éclairé quant au logement loué ;

Condamner Madame [G] au paiement de la somme de 3 300 euros correspondant à la baisse rétroactive des loyers (diminution à hauteur de150 euros par mois) depuis la prise à bail des lieux ;

Constater la résistance abusive dont a fait preuve Madame [G] ;

Condamner la bailleresse au paiement de la somme de 2 000 euros à ce titre ;

Débouter Madame [G] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner Madame [G] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire. »

Sur la péremption d'instance, M. [L] [D] et Mme [N] [Y] entendent souligner que le 3 septembre 2019, leur conseil a adressé une correspondance au juge chargé du contrôle d'expertise, aux termes de laquelle il lui demandait d'inviter l'expert à déposer son rapport d'expertise, qu'il s'agit bien là, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, d'un acte interruptif d'instance, comme a pu le retenir le premier juge, qu'au surplus, leur conseil a adressé, les 2 mars 2020, 25 mars 2020 et 11 mai 2020, des correspondances à l'expert, afin de l'enjoindre de déposer son rapport définitif, qu'il s'agit également d'actes interruptifs, de sorte que l'instance n'est, selon eux, aucunement atteinte par la péremption.

S'agissant du rapport d'expertise judiciaire, M. [L] [D] et Mme [N] [Y] avancent que selon le procès-verbal de constat réalisé le 2 mars 2016, l'huissier a constaté d'importantes traces d'humidité et de moisissures dans la pièce principale, la cuisine, les chambres et la salle de bains, que, de la même manière, lors de l'état des lieux de sortie du 5 décembre 2016, l'huissier a également constaté un logement dans lequel des traces de moisissures étaient visibles, et ce dans l'ensemble des pièces du logement, ce qui a conduit l'association Habitat et Développement Méditerranée à qualifier le logement d'indécent.

Ils estiment que malgré ces constats, l'expert judiciaire a conclu à tort en page 17 de son rapport que « Bien que des traces de moisissures étaient visibles dans la chambre 2 lors de l'entrée dans les lieux des locataires, nous pouvons penser que le système de ventilation était globalement adapté et suffisamment efficace. A défaut, des moisissures auraient été visibles dans les pièces humides (salle de bain et cuisine) mais aussi dans les pièces de vie : séjour, chambre ».

M. [L] [D] et Mme [N] [Y] estiment qu'à supposer que d'autres traces de moisissures seraient apparues ultérieurement, il n'en demeure pas moins que l'indécence d'un logement peut être caractérisée à tout moment de l'exécution du contrat de bail, que si l'expert a pu avancer que la cause des moisissures et de l'humidité constatées dans le logement réside « dans le choix de chauffage et de ventilation [que les locataires] ont souhaité modifier à leur arrivée dans le logement », ils soutiennent qu'ils n'ont pas retiré l'ensemble des convecteurs électriques du logement mais simplement ceux présents au sein de la pièce principale, chauffée par ledit poêle, et que Mme [C] [G] en était parfaitement informée puisque la prise à bail était conditionnée à cette installation, qu'ils souhaitaient, au motif que le logement était mal isolé et mal chauffé.

M. [L] [D] et Mme [N] [Y] s'interrogent au surplus sur le fait de savoir comment l'expert judiciaire a pu affirmer que le logement donné à bail était décent, tout en se fondant sur son état au jour de l'expertise, en 2018, soit plus de deux ans après leur départ. Ils estiment que ce raisonnement de l'expert est grotesque et que Mme [C] [G] a amélioré son logement en vue de l'accédit.

Ils demandent en conséquence à la cour de rejeter ce rapport d'expertise judiciaire, de retenir que le logement en litige était indécent et de faire droit à leurs prétentions indemnitaires.

Dans ses dernières conclusions du 16 février 2022, Mme [C] [G] demande à la cour de :

« Faire droit à l'appel incident ;

Statuer ce que de droit sur la péremption de l'instance ;

Si la cour devait réformer la décision dont appel sur la péremption et évoquer l'affaire au fond,

Débouter M. [D] et Mme [Y] de l'intégralité de leurs demandes ;

Reconventionnellement,

Condamner M. [D] et Mme [Y] à payer à Mme [G] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par cette dernière ;

Condamner M. [D] et Mme [Y] au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [D] et Mme [Y] aux entiers dépens. »

Sur la péremption d'instance, Mme [C] [G] s'en rapporte à l'appréciation de la cour.

Sur les préjudices évoqués par M. [L] [D] et Mme [N] [Y], Mme [C] [G] entend préciser et démontrer, d'une part, qu'ils ont souhaité prendre à bail un logement dont il savait qu'il n'était pas neuf, ayant même accepté d'y effectuer quelques travaux eux-mêmes en contrepartie d'une réduction du loyer et, d'autre part, qu'en sa qualité de bailleresse, elle a toujours fait effectuer très rapidement les travaux qui lui étaient demandés par ses locataires, y compris ceux ne lui incombant pas, et que les artisans mandatés par elle ont rencontré les plus grandes difficultés à intervenir du fait de l'attitude des locataires.

Mme [C] [G] avance que dès leur entrée dans les lieux, M. [L] [D] et Mme [N] [Y] ont enlevé tous les appareils de chauffage électriques pour installer un poêle à bois, sans prendre aucune mesure de sécurité et sans son autorisation, que celui-ci ne permettait pas de chauffer toute la maison, qu'ainsi, certaines pièces n'étaient pas suffisamment chauffées, d'autant que, selon les artisans qu'elle a fait intervenir, les locataires avaient bouché les aérations, ce qui explique la présence récurrente d'humidité dans ces pièces.

S'agissant des conclusions de l'expert judiciaire, Mme [C] [G] entend rappeler qu'il a conclu son rapport en indiquant que « S'il ne fait aucun doute que le logement n'est pas récent et qu'il est imparfait, nous avons constaté à travers l'historique des faits que la propriétaire a procédé aux réparations et entretiens qui s'avéraient nécessaires. La propriétaire n'a pas fait preuve d'une grande vélocité pour faire réaliser des travaux indispensables. Les délais d'intervention ont parfois été anormalement élevés.

Nous retenons que les désordres dénoncés par les demandeurs sont avant tout liés à leur propre intervention sur le système de chauffage et de ventilation du logement. Les locataires, les précédents et les suivants n'ont pas eu à se plaindre d'un logement ne répondant pas aux critères d'un logement décent ou de présence d'eau ruisselante sur les murs, d'infiltrations' ».

S'agissant de l'absence de réalisation de diagnostic performance énergétique, Mme [C] [G] oppose à M. [L] [D] et Mme [N] [Y], qui sollicitent le remboursement d'une partie du loyer, qu'ils n'ont jamais versé directement aucun loyer dans la mesure où l'allocation logement versée par la caisse d'allocations familiales couvrait l'intégralité du loyer, de sorte qu'une condamnation au remboursement d'une partie du loyer, qu'ils n'ont pas payée, reviendrait à un enrichissement sans cause.

Enfin, à titre reconventionnel, Mme [C] [G] expose que M. [L] [D] et Mme [N] [Y] n'ont eu de cesse de proférer des insultes et menaces à son égard, ainsi qu'à l'égard de sa famille, ce qui a abouti à huit dépôts de plaintes et une condamnation de M. [L] [D] par la juridiction de proximité de [Localité 4] statuant au pénal, pour des faits de violences sur la personne de son époux, M. [K] [G].

Elle indique qu'elle loue ce logement depuis de nombreuses années et qu'elle n'a rencontré aucun problème avec ses anciens locataires, qui en attestent, qu'elle a vécu deux ans de calvaire, de sorte qu'elle sollicite leur condamnation à lui payer la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice moral.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 5 février 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 26 février 2024 pour y être plaidée.

MOTIFS

1. Sur la péremption de l'instance

L'article 386 du code de procédure civile dispose que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

Comme l'a justement rappelé le premier juge, constitue une diligence de nature à interrompre la péremption d'instance, tout acte de nature à faire progresser l'affaire et manifestant la volonté d'une partie de poursuivre la procédure et de faire avancer le litige vers sa conclusion, la notion de diligences devant s'entendre de diligences utiles manifestant une impulsion processuelle et une volonté de faire progresser l'instance.

Au cas d'espèce, à compter du jugement du 9 avril 2018, qui a ordonné, avant-dire droit, une expertise judiciaire dans l'instance opposant les parties, M. [L] [D] et Mme [N] [Y] justifient que le 3 septembre 2019, leur conseil a adressé une correspondance au juge chargé du contrôle des expertises, aux termes de laquelle il lui demandait d'inviter l'expert à déposer son rapport, qu'il s'agit bien là, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, d'un acte interruptif d'instance, qu'au surplus, leur conseil a adressé les 2 mars 2020, 25 mars 2020 et 11 mai 2020, des correspondances à l'expert afin de l'inviter à déposer son rapport définitif, qu'il s'agit également d'actes interruptifs, qu'ainsi, l'instance n'est aucunement atteinte par la péremption dès lors que ces actes sont l'expression, de manière non ambiguë, de leur intention de poursuivre ou de faire avancer la procédure et de ne pas la laisser s'éteindre par l'effet du temps, de sorte qu'il ne saurait être fait application des dispositions susvisées.

Il s'ensuit que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il constaté l'extinction de l'instance introduite par Mme [N] [Y] et M. [L] [D] à l'encontre de Mme [C] [G], suivant assignation du 5 janvier 2017, par l'effet de la péremption, et il sera statué au fond sur les prétentions des appelants.

2. Sur la demande de rejet du rapport de l'expert judiciaire

L'expertise judiciaire, qui s'insère dans un ensemble procédural, ne peut être dégagée du procès auquel elle participe.

L'expert judiciaire est donc soumis à la même éthique que le juge, définie à l'article 237 du code de procédure civile, à savoir le respect d'une obligation d'objectivité, d'impartialité et d'indépendance vis-à-vis des parties. Seul le respect de ces règles et du principe du contradictoire, inhérent au débat judiciaire, donne à l'expertise son caractère incontestable.

En l'espèce, si M. [L] [D] et Mme [N] [Y] demandent le rejet du rapport de l'expert judiciaire au motif que, selon eux, il a conclu à tort à la décence du logement en litige, ils n'apportent toutefois aucun élément qui permettrait à la cour de constater qu'il n'aurait pas respecté les obligations qui s'imposaient à lui dans l'exercice de sa mission, étant relevé au contraire qu'il a parfaitement respecté le contradictoire, répondant aux dires qui lui étaient soumis, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à cette demande, le seul motif de l'insatisfaction des conclusions expertales étant insuffisant pour obtenir le rejet du rapport.

3. Sur les prétentions indemnitaires fondées sur le caractère indécent du logement pris à bail

La cour relève du rapport de l'expert judiciaire, dont il ressort qu'il a pris en considération l'ensemble des pièces et dires produits par les parties, qu'il indique en page 9 que « Nous avons visité ce même logement le 6 juin 2018. Nous n'avons aperçu aucune trace de moisissure. Le logement que nous avons visité répond aux critères de décence. ».

Les appelants contestent ce constat au motif que l'expert judiciaire se prononcerait uniquement sur 1'état du logement en 2018 alors qu'ils ont délivré congé en fin d'année 2016.

Cependant et à ce titre, la cour relève que cet argument avait déjà soulevé devant l'expert, par l'intermédiaire du conseil de M. [L] [D] et Mme [N] [Y], et que l'expert avait pu indiquer, en page 22, sur la question de l'état du logement lors de la prise de possession des locataires que « S'il ne faut aucun doute que ce logement n'était pas neuf, qu'il était imparfait en août 2014, nous maintenons notre position, qui est que ce logement n'était pas insalubre ou indécent et qu'il répondait aux critères d'un logement décent. »

A ce titre, l'expert judiciaire indique en page 17 que « De ce que nous pouvons voir en 2018, nous considérons que le bailleur a remis aux locataires un logement décent, ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Nous confirmons que le bailleur a délivré aux locataires un logement en bon état d'usage et de réparation, ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement. Enfin, nous estimons que le bailleur a entretenu les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et y fait toutes les réparations, autres que locatives nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués. »

S'agissant de l'installation électrique, dont le diagnostic technique de l'état du logement établi le 1er octobre 2015 par l'association Habitat et Développement Méditerranée mettait en évidence une distance du tableau électrique non conforme, l'expert judiciaire a pu indiquer, en page 18, que « L'installation électrique du logement a été modifiée à plusieurs reprises aux frais de la propriétaire. Le logement proposé par Mme [G] répond indiscutablement désormais aux critères d'un logement décent. Il est possible d'améliorer les performances thermiques et l'étanchéité à l'air de ce logement afin de baisser sa consommation énergétique mais, il ne s'agit pas là de critères de décence. »

Enfin, sur la question du préjudice éventuellement subi par les locataires, l'expert judiciaire a pu indiquer que « Les locataires ont subi un inconfort tel qu'ils ont fait le choix de quitter le logement, d'après leurs dires. Selon notre analyse technique, cet inconfort (taux d'humidité ambiant anormalement élevé générant des moisissures) est directement lié à leur choix de chauffage et de ventilation qu'ils ont souhaité modifier à leur arrivée dans le logement. »

L'expert a conclu son rapport en indiquant que « S'il ne fait aucun doute que le logement n'est pas récent et qu'il est imparfait, nous avons constaté à travers l'historique des faits que la propriétaire a procédé aux réparations et entretiens qui s'avéraient nécessaires. La propriétaire n'a pas fait preuve d'une grande vélocité pour faire réaliser des travaux indispensables. Les délais d'intervention ont parfois été anormalement élevés. Nous retenons que les désordres dénoncés par les demandeurs sont avant tout liés à leur propre intervention sur le système de chauffage et de ventilation du logement. Les locataires les précèdents et les suivants n'ont pas eu à sa plaindre d'un logement ne répondant pas aux critères d'un logement décent ou de présence d'eau ruisselante sur les murs, d'infiltrations ' ».

Ainsi, de l'ensemble des pièces versées au débat et du rapport d'expertise judiciaire, la cour relève que si le logement pris à bail par donné à bail par M. [L] [D] et Mme [N] [Y] n'était pas en parfait état, ils n'établissent pas qu'il ne répondait pas aux critères légaux de décence, de sorte que les appelants seront déboutés de l'ensemble de leurs prétentions indemnitaires.

3. Sur les diagnostics obligatoires

Il est exact qu'en ne remettant pas le diagnostic de performance énergétique au locataire lors de la conclusion du contrat de bail, le bailleur ne respecte pas ses obligations légales et contractuelles, et commet ainsi une faute susceptible d'ouvrir droit, pour le locataire, au versement de dommages-intérêts par le bailleur.

A cette fin, le locataire doit néanmoins démontrer avoir subi un préjudice et établir un lien de causalité entre son préjudice et la faute du bailleur.

En l'espèce, s'il est constant que Mme [C] [G] n'a pas remis aux locataires le diagnostic de performance énergétique lors de la conclusion du contrat de bail en litige, M. [L] [D] et Mme [N] [Y] ne démontrent toutefois pas l'existence d'un préjudice financier indemnisable en lien de causalité avec ce manquement, échouant à démontrer une perte de chance d'avoir pu, comme ils l'avancent, choisir un logement adapté en termes de consommation énergétique, cette perte de chance restant, de ce fait, alléguée et donc insuffisante pour entrer en voie de condamnation.

M. [L] [D] et Mme [N] [Y] seront en conséquence déboutés de leurs prétentions indemnitaires fondées sur l'absence de transmission des diagnostics obligatoires.

4. Sur les prétentions indemnitaires de Mme [C] [G] au motif d'un préjudice de moral

Il est constant que les relations ont été particulièrement conflictuelles entre Mme [C] [G], bailleresse, et son mari, d'une part, et M. [L] [D] et Mme [N] [Y], locataires d'autre part.

Si M. [L] [D] a été condamné par le tribunal judiciaire de Carcassonne, statuant au pénal, pour des faits de violences sur la personne de M. [K] [G], époux de la bailleresse, et qu'il aurait pu ainsi demander indemnisation de son préjudice en résultant auprès de la juridiction de jugement, statuant sur intérêts civils, les faits de l'espèce ne permettent cependant pas de retenir un préjudice moral suffisant, subi par Mme [C] [G], pour entrer en voie de condamnation, de sorte qu'elle sera déboutée de ses prétentions indemnitaires.

5. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [L] [D] et Mme [N] [Y] seront condamnés aux dépens de l'appel.

M. [L] [D] et Mme [N] [Y], qui échouent en leur appel, en toutes leurs prétentions, seront en outre condamnés à payer à Mme [C] [G] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement rendu le 10 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Carcassonne, en ce qu'il a constaté l'extinction de l'instance introduite par Mme [N] [Y] et M. [L] [D] à rencontre de Mme [C] [G], suivant assignation du 5 janvier 2017, par l'effet de la péremption ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTE M. [L] [D] et Mme [N] [Y] de leur prétention visant au rejet du rapport d'expertise judiciaire du 4 juin 2020 ;

DEBOUTE les parties de leurs prétentions indemnitaires ;

CONDAMNE M. [L] [D] et Mme [N] [Y] à payer à Mme [C] [G] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;

CONDAMNE M. [L] [D] et Mme [N] [Y] aux dépens de l'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/06096
Date de la décision : 23/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-23;21.06096 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award