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23/04/2024 | FRANCE | N°21/04399

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 23 avril 2024, 21/04399


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 23 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04399 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCLJ





Décision déférée à la Cour : Jugement du 1

7 JUIN 2021

Tribunal judiciaire de NARBONNE

N° RG 19/01185





APPELANTS :



Monsieur [V] [S]

né le [Date naissance 6] 1989

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représenté par Me Gilles BERTRAND de la SCP ELEOM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Aude GERIGNY, avocat au barreau de MON...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 23 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04399 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCLJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 JUIN 2021

Tribunal judiciaire de NARBONNE

N° RG 19/01185

APPELANTS :

Monsieur [V] [S]

né le [Date naissance 6] 1989

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représenté par Me Gilles BERTRAND de la SCP ELEOM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Aude GERIGNY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

SA MMA IARD inscrite au RCS du MANS sous le n°440048882 prise en la personne de son représentant légal en exercice M. [U] [D] Directeur Général domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Gilles BERTRAND de la SCP ELEOM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Aude GERIGNY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES Société d'assurances mutuelles immatriculée au RCS du MANS sous le n°775 652 126 prise en la personne de son représentant légal en exercice M. [U] [D] Directeur Général domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Gilles BERTRAND de la SCP ELEOM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Aude GERIGNY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMEES :

Madame [Z] [C] épouse [P]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Sébastien CAUNEILLE de la SCP BELLOTTI/CAUNEILLE, avocat au barreau de NARBONNE, avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Sébastien CAUNEILLE , avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant

CPAM DE L'AUDE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 9]

[Localité 2]

Assignée le 24 août 2021 - A personne habilitée

Ordonnance de clôture du 05 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 1er avril 2016, Mme [E] [P], assurée auprès de la MAAF, a été victime d'un accident de circulation dans lequel est également impliqué le véhicule de M. [V] [S], assuré auprès de la MMA, circulant en sens inverse. Les parties ont rempli un constat amiable dans lequel M. [S] a indiqué que la présence d'une butte de terre l'a privé de toute visibilité. Mme [P], blessée, n'a pas été hospitalisée et a été reconduite à son domicile par son époux après avoir été extraite du véhicule accidenté. Elle a consulté son médecin généraliste quatre jours après la survenance de l'accident en raison de douleurs vertébrales diffuses et une réaction émotionnelle importante.

Le 26 octobre 2016, Mme [P] signait une quittance provisionnelle aux termes de laquelle elle acceptait de la MAAF, son assureur, le versement d'une provision de 4.000 euros à valoir sur le règlement définitif des conséquences de l'accident.

Le 3 janvier 2017, un rapport d'expertise médicale a été établi par le docteur [O], mandaté par la MAAF, retenant une date de consolidation au 3 janvier 2017, sur la base duquel l'assurance a adressé le 31 mars 2017 une offre d'indemnité portant sur une somme de 2.345 euros après application d'un partage de responsabilité par moitié eu égard aux circonstances de l'accident.

Par acte d'huissier délivré le 26 juillet 2017, Mme [P] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Narbonne, qui par une décision rendue le 26 septembre 2017, a ordonné une expertise judiciaire confiée au docteur [N] et a condamné M. [S] ainsi que son assureur MMA à payer à Mme [E] [P] la somme provisionnelle de 1.500 euros à valoir sur son préjudice corporel.

Le rapport médical a été déposé le 22 février 2018 et conclut en faveur:

d'une date de consolidation : 29 décembre 2017 ;

d'un taux d'IPP : 5% ;

d'un déficit fonctionnel temporaire : 10% entre l'accident du 1er avril 2016 et la consolidation avec un arrêt complet du travail ;

d'un arrêt temporaire des activités professionnelles du 1er avril 2016 au 29 décembre 2017 ;

de souffrances endurées : 2,5/7 ;

de la possibilité de poursuivre les activités d'agrément ;

d'une répercussion sur la libido.

Le 13 août 2018, la MAAF adressait à Mme [P] une proposition d'indemnisation tenant compte du partage de responsabilité et de l'application d'un taux de 50%  :

Dépenses de santé et pertes de gains professionnels actuels : à justifier ;

Atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique : 7.000 euros soit 3.500 euros;

Gêne temporaire : 1.531, 20 soit 765.60 euros ;

Souffrances endurées : 4.000 euros soit 2.000 euros ;

Préjudice sexuel : 1.000 euros soit 500 euros.

Par acte d'huissier du 7 octobre 2019, Mme [E] [P] a fait assigner la CPAM de l'Aude, la compagnie d'assurance MMA ainsi que M. [V] [S] devant le tribunal judiciaire de Narbonne aux fins d'indemnisation de son préjudice corporel.

Le jugement rendu le 17 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Narbonne :

- condamne in solidum [V] [S] et la société MMA à payer à [E] [P] les sommes suivantes :

- Préjudices patrimoniaux :

* 18,5 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

* 10.089,16 euros au titre des gains professionnels actuels ;

* 85.477,24 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs ;

* 33.943,37 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

- Préjudices extra-patrimoniaux :

* 1.595 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

* 4.000 euros au titre des souffrances endurées ;

* 2.000 euros au titre du préjudice sexuel ;

* 5.700 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

Soit un total de 142.823,27 euros ;

- condamne in solidum [V] [S] et la société MMA à payer à [E] [P] une indemnité de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société MMA Assurances à supporter les dépens qui seront recouvrés directement par la SCP Bellotti-Caunelle selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

-ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Les juges ont écarté un partage de responsabilité dans la survenance de l'accident considérant que celui-ci a été causé par la grande vitesse à laquelle roulait M. [S] l'empêchant d'anticiper l'arrivée du véhicule de Mme [P]. Il a par ailleurs considéré qu'aucune faute n'est imputable à l'intéressée lui reconnaissant ainsi un droit à indemnisation plein et entier.

Sur l'indemnisation des préjudices, le tribunal a arrêté à la somme de 18,50 euros les dépenses de santé dont le montant est justifié et non contesté par les parties.

Sur la perte de gains professionnels actuels, les juges l'ont indemnisée de sa perte de chance d'obtenir des gains professionnels sur une période de 20 mois, soit une somme de 10.089,16 euros considérant que l'accident a empêché Mme [P], embauchée par l'entreprise Onet Propreté et Services dans le cadre d'un contrat à durée déterminée avec un terme prévu au 30 avril 2016, de conclure un nouveau contrat à durée déterminée voire indéterminée puisqu'elle ne pouvait plus se rendre sur son lieu de travail, son préjudice n'étant pas consolidé.

Sur la perte de gains professionnels futurs, le tribunal a retenu que suite à l'accident de circulation, Mme [P] s'est vue attribuer une pension d'invalidité et qu'elle n'a plus été en état d'exercer son emploi de femme de ménage. Il a évalué ce préjudice à la somme de 85.477,24 euros.

S'agissant de l'incidence professionnelle, le tribunal l'a évalué à la somme de 33.943,37 euros qui correspond selon lui au préjudice subi sur la période postérieure au départ à la retraite.

S'agissant du déficit temporaire, le tribunal l'a évalué à la somme de 1.595 euros sur une base de 25 euros par jour avec un niveau d'incapacité de 10% du jour de l'accident, soit du 1er avril 2016, au jour de la consolidation, le 29 décembre 2017, ce qui représente 638 jours.

Sur les souffrances endurées, en considération du taux de 2,5/7, les juges lui ont accordé une somme de 4.000 euros.

Le tribunal a reconnu l'existence d'un préjudice sexuel qu'il a chiffré à une somme de 2.000 euros en raison d'une « gêne douloureuse posturale lors du rapport sexuel avec perte de plaisir, et répercussion sur sa libido avec perte d'envie ».

S'agissant du déficit fonctionnel permanent, le tribunal a évalué à 5% l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique en raison « des séquelles fonctionnelles, des troubles dans les conditions d'existence et de l'atteinte à la qualité de la vie en rapport avec les irradiations sciatiques du côté gauche'ses souffrances sont à l'origine d'une répercussion psychique qui nécessite un traitement au long cours, repris pendant l'année 2017 et poursuivi jusqu'au 19 février 2018 ». Il a ainsi fixé une indemnisation à hauteur de 7.200 euros sur laquelle il a retranché la provision de 1.500 euros.

M. [V] [S], MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles ont relevé appel du jugement en toutes ses dispositions par déclaration au greffe du 7 juillet 2021.

Les dernières écritures pour les appelants ont été déposées le 15 mars 2022.

Les dernières écritures pour l'intimée ont été déposées le 17 décembre 2021.

Le dispositif des écritures de M. [V] [S], MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles énonce :

Infirmer ledit jugement sur les condamnations allouées au titre des postes relatifs à la perte de gains professionnels actuels, la perte de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle, le déficit fonctionnel temporaire;

Statuant à nouveau,

Rejeter comme injustes et mal fondées, en tout cas injustifiées, toutes demandes, fins ou conclusions contraires ;

Débouter Madame [E] [P] de son appel incident ;

Fixer l'indemnisation de chacun des postes de préjudices retenus par l'expert à des sommes qui ne sauraient être supérieures aux sommes suivantes :

- Dépenses de Santé Actuelles : 18,50 € ;

- Perte de Gains Professionnels Actuels : 346,50 € ;

- Dire que les indemnités journalières s'imputeront sur ce poste de préjudice ;

- Perte de Gains Professionnels Futurs : rejet à titre principal et à titre subsidiaire : 30.984,34 € ;

- Dire que la rente AT capitalisée de 25.921,18 € s'imputera sur ce poste de préjudice, subsidiairement sur l'incidence professionnelle et encore plus subsidiairement sur le déficit fonctionnel permanent et dire en conséquence qu'il ne revient à la victime que la somme de 5.063,16 € ;

- Incidence professionnelle : rejet à titre principal et à titre subsidiaire 12.239,93 euros et dire que la rente AT capitalisée de 25.921,18 euros s'imputera sur ce poste de préjudice puis subsidiairement sur le poste du déficit fonctionnel permanent ;

- Déficit fonctionnel temporaire : 1.465,10 euros ;

- Souffrances endurées : 4.000 € ;

- Déficit Fonctionnel Permanent : 7.200 €

- Préjudice sexuel : 1.000,00 €

- Rejeter toutes autres demandes ;

- Déduire la somme de 141.961,50 € versée par la concluante en vertu de l'exécution provisoire et de condamner Madame [P] à payer le trop-perçu ;

Sur la demande de doublement des intérêts au taux légal :

A titre principal :

Dire qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable en vertu de l'article 564 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire :

Dire cette demande infondée et débouter Madame [P] de cette demande.

A titre infiniment subsidiaire :

Dire que la sanction du doublement des intérêts court jusqu'au jour de l'offre tardive et sur le montant offert par l'assureur et non jusqu'au jour où le Tribunal statue et non sur le montant de l'indemnité allouée par le juge ;

Dire que les conclusions de la MAAF notifiées le 20 novembre 2019 valent offre. ;

Débouter Madame [E] [P] de ses demandes liées à l'art. 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Les appelants font valoir que Mme [P] travaillait de manière précaire dans le cadre d'un contrat à durée déterminée avec un terme fixé au 30 avril 2016 pour en déduire qu'elle peut réclamer la perte de salaire subi au cours du mois d'avril ce qui représente avec les congés payés la somme de 346,50 euros. Ils s'opposent à une indemnisation du préjudice sur 20 mois comme retenu par le premier juge et indiquent que la perte de chance ne peut être indemnisée que dans le cadre des préjudices patrimoniaux définitifs. Ils soulignent encore que l'intéressée a perçu sur cette période des indemnités journalières s'agissant d'un accident d'un trajet retour professionnel qui doivent nécessairement s'imputer sur le montant de l'indemnité accordée ce dont n'ont pas tenu compte les premiers juges.

Sur la perte de gains professionnels futurs, les appelants soutiennent que seule une hernie avec douleurs sciatique est à mettre en lien avec l'accident ce qui exclut l'atteinte cervicale. Ils ajoutent que l'expert ne retient qu'un retentissement temporaire avant consolidation excluant de ce fait une quelconque incidence professionnelle ou impossibilité à poursuivre son activité professionnelle.

A ce titre, ils relèvent que l'expertise ne fixe aucune indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle. Ils font valoir que Mme [P] ne justifie d'aucune perte de gains futurs et soulignent qu'elle ne justifie d'aucune recherche d'emploi, ne produit aucun CV de nature à démontrer l'impossibilité de travailler à raison de son état physique lombaire.

A titre subsidiaire, ils font valoir qu'elle ne peut revendiquer qu'une perte de chance de pouvoir signer un contrat à durée déterminée ou indéterminée mais qui doit être considérée sur les éléments de la cause à savoir qu'elle bénéficiait d'un emploi de 80 heures par mois, qu'elle a reçu une rente pour handicap qui couvre la perte de revenus invoqués à charge pour elle de justifier que l'inaptitude est en relation directe avec l'accident du 1er avril 2016. Ils proposent donc une perte évaluée à 30% d'un revenu annuel capitalisé, soit 30.984,34 euros, avec cette précision que la rente AT doit s'imputer sur ce poste de préjudice, ce qui n'a pas été fait par les premiers juges en méconnaissance du principe de réparation intégrale. Ils précisent que l'intimée perçoit une rente de 1.466,93 euros par an.

S'agissant de l'incidence professionnelle, les appelants s'y opposent dans la mesure où l'expert n'a pas retenu ce poste de préjudice. A défaut, ils font valoir que seule une perte de chance peut être retenue et que la rente AT doit venir en déduction.

Sur le déficit fonctionnel temporaire, les appelants demandent de retenir un taux de 10% sur période entre l'accident et la consolidation avec une base de 23 euros selon la jurisprudence du ressort.

Pour le surplus, les appelants s'en rapportent sur les montants déterminés par le tribunal (souffrances endurées, déficit fonctionnel permanent) sauf à préciser que la rente doit s'imputer sur ce dernier poste.

Ils demandent enfin de baisser l'indemnisation au titre du préjudice sexuel à la somme de 1.000 euros.

Pour finir, ils s'opposent à la demande relative au doublement des intérêts au taux légal comme étant irrecevable en appel au visa de l'article 564 du code de procédure civile. A défaut, ils font valoir qu'en présence d'une expertise amiable déposée le 3 janvier 2017 et une offre présentée par la MAAF le 31 mars 2017, puis d'une expertise judiciaire déposée le 1er juin 2018 et une offre présentée par la MAAF le 13 août 2018, il est justifié d'une offre conforme dans le délai imparti de cinq mois. A titre infiniment subsidiaire, ils demandent que les conclusions notifiées en première instance par la MAAF le 20 novembre 2019 soient considérées comme une offre.

Le dispositif des écritures Mme [E] [P] énonce :

- Confirmer la décision entreprise sauf en ce qu'elle a :

- rejeté implicitement la demande relative aux intérêts à appliquer à l'indemnisation due à Madame [P];

- imputé d'autorité la provision de 1500 € versée à Madame [P] au poste déficit fonctionnel permanent ;

- évalué ses droits à indemnisation à :

- 85477,24 € au titre de la perte de gains professionnels futurs ;

- 33 943,37 au titre de l'incidence professionnelle ;

- 1595 € au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

Statuant à nouveau sur ces points,

-Condamner in solidum Monsieur [S] et la MMA IARD à lui payer les sommes suivantes

- au titre de la perte de gains futurs : 165 561,08 € ;

- au titre de l'incidence professionnelle : 55 187,02 € et subsidiairement 173 530,73 € ;

- au titre du déficit fonctionnel temporaire : 1595 €

-Dire et juger que qu'il sera tenu compte de la provision de 1500 € versée par l'assureur à l'occasion de la procédure de référé ;

-Dire et juger que les condamnations intervenues porteront intérêt à la date de la consolidation, soit le 29 décembre 2017, s'agissant de la date d'exigibilité et de liquidation du préjudice ;

-Dire qu'en application de l'article L211-13 du code des assurances, les condamnations prononcées en réparation du préjudice de Madame [P] porteront intérêt de plein droit au double du taux légal du 7 juillet 2017 au 13 septembre 2021, date du paiement des condamnations intervenu au titre des condamnations de première instance ;

- Condamner in solidum Monsieur [S] et la MMA IARD à payer à madame [P] la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Sur la perte de gains actuels, elle soutient en référence au courrier établi par son employeur qu'elle devait signer un contrat à durée indéterminée et que du fait de l'accident, elle n'a pu poursuivre l'exercice de son emploi ce qui justifie l'indemnisation de son entier préjudice pour une période de 20 mois. Il n'appartient pas selon elle à l'assureur de conserver les sommes susceptibles d'être soumises à recours.

En réponse aux moyens exposés par les appelants, elle revendique sa faible qualification la contraignant à exercer des emplois « physiques » qu'elle ne peut plus occuper en raison d'une hernie handicapante, une sciatique invalidante et des difficultés à la démarche. Elle ajoute que l'accident a détruit ses espoirs professionnels sur un marché de l'emploi défavorable aux séniors.

Enfin, elle s'oppose à la déduction de la rente en l'absence de constitution de la CPAM et du défaut de recours subrogatoire.

Sur la perte des gains futurs, elle fait valoir sa perte de capacités physiques pour exercer son emploi ce qui lui a valu la reconnaissance du statut de travailleur handicapé et l'attribution d'une pension d'invalidité de catégorie 2. Elle ajoute que depuis le mois de mars 2018, elle présente un taux d'incapacité de 50 à 75% lui ayant permis de percevoir l'allocation adulte handicapée, qui ne peut être imputée au préjudice économique.

Sur le calcul, elle demande que soit retenu un âge de départ à la retraite fixé à 65 ans avec application d'un indice de capitalisation retenu pour une femme de 43 ans tel que proposé par la gazette du palais de 2018.

Sur l'incidence professionnelle, elle revendique l'existence d'un préjudice en lien avec la perte de droits à la retraite qu'elle ne peut obtenir suite à la diminution de salaire consécutive à l'accident. Elle conteste toute perte de chance. Elle réclame une somme de 55.187,02 euros plus importante que celle accordée par les premiers juges.

Sur le déficit fonctionnel temporaire, Mme [P] réclame l'application d'une valeur de 30 euros par jour telle qu'elle résulte du référentiel [X].

Sur le préjudice sexuel, l'intimée sollicite la confirmation de l'indemnisation arrêtée par le tribunal en l'absence d'élément justifié par les appelants de nature à diminuer le montant alloué.

Enfin, Mme [P] réclame un doublement du taux d'intérêt légal considérant ne pas avoir été saisie d'une offre conforme dans le délai de 5 mois en présence d'une offre partielle reçue le 31 mars 2017 sur la base d'un rapport du 7 février 2017.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 février 2024.

DECISION

La cour rappelle en premier lieu que le principe directeur en matière de réparation des préjudices est celui selon lequel « la victime doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s'était pas produit » ce qui se résume par « tout le préjudice et rien que le préjudice » et qui induit le principe de la réparation intégrale des préjudices subis par la victime sans perte ni profit.

Ce principe qui correspond à l'indemnisation in concreto permet au juge d'individualiser la réparation et si la pratique judiciaire se fonde sur les conclusions expertales et sur des barèmes forfaitaires il ne s'agit là que d'une aide à la décision et le juge ne se trouve jamais lié ni par les conclusions de l'expert, ni par les barèmes forfaitaires, ni par les référentiels indicatifs rédigés en la matière.

La cour rappelle enfin que les parties n'ont pas entendu la saisir de la question du partage de responsabilité, M. [S] étant reconnu entièrement responsable de l'accident, et de la fixation des préjudices en lien avec les dépenses de santé actuelles, le déficit fonctionnel permanent et les souffrances endurées, le montant de ces indemnités étant à ce jour définitif.

1/ Sur la fixation des préjudices :

Le rapport d'expertise judiciaire rappelle qu'à la suite de l'accident corporel survenu le 1er avril 2016, Mme [P], qui n'a pas été hospitalisée, a présenté des douleurs vertébrales diffuses prédominantes en région cervicales et dorsale haute ayant nécessité dans un premier temps la prise d'antalgiques dont la quantité a augmenté avec le temps, la douleur s'amplifiant. La victime présentait également une réaction émotionnelle importante nécessitant la prise d'un traitement psychotrope en raison du traumatisme lié à l'accident et ses incidences matérielles.

Le 6 avril 2016, des radiographies cervicales et dorsales sont pratiquées et ne mettent pas en évidence de lésion arthrosique cervicale franche.

Le 2 mai 2016, les douleurs se sont localisées en région lombaire et accompagnées d'irradiations sciatiques gauches tronquées L5-S1.

Le 11 mai 2016, un scanner lombaire a mis en évidence « une lombosciatique post-traumatique gauche avec présence d'une hernie discale L5-S1 latéralisée à gauche ascendante, vraisemblablement exclue en contact étroit avec la racine S1 gauche » ayant nécessité, en plus de la prise d'antalgiques, la mise en 'uvre d'une rééducation kinésithérapique lombaire à compter du 18 mai 2016 jusqu'au 12 décembre 2016 avec une fréquence de deux séances par semaine.

Le 10 juin 2016, un bilan de kinésithérapie note des douleurs et des contractures, une raideur cervicale et lombaire prédominant sur les trapèzes et le carré des lombes, le cou, la région lombaire à hauteur de L4 et L4 outre un retentissement sur les gestes de la vie courante et professionnelle.

Le 14 juin 2016, une IRM lombaire relevait « une lombosciatique S1 gauche avec lombalgies post-traumatique gauches ; image de hernie discale L5-S1 gauche» .

Le 10 octobre 2016, Mme [P] se voit prescrire une ceinture lombaire type lombax, puis un collier cervical le 28 octobre.

Le 14 décembre 2016, le docteur [M], médecin généraliste, relève la persistance des douleurs lombaires et radiculaires S1 gauche handicapant la vie quotidienne précisant qu'une demande auprès de la MDPH est en cours.

Lors de l'examen réalisé le 3 janvier 2017 par le Docteur [O], médecin commis par la MAAF, s'il ait fait état d'une atténuation des douleurs grâce à la prise de médicaments et la rééducation, Mme [P] se plaint cependant toujours de douleurs lombaires et radiculaires S1 gauche avec une douleur lombofessière et sciatique tronquée gauche descendant jusqu'au genou. Ce médecin relève encore que l'intensité douloureuse et le retentissement matériel de l'accident, sont rendus responsables d'un déséquilibre psychologique avec cauchemars, manifestations dépressives.

Sur un plan professionnel, à la suite de l'accident du 1er avril 2016, Mme [P] a été placée en arrêt de travail à partir du 4 avril 2016, qui a été prolongé à plusieurs reprises pour se terminer le 9 janvier 2017 pour les motifs médicaux suivants :

8 avril 2016 : rachialgies diffuses, radiographies normales ;

14 avril 2016 : rachialgies diffuses ;

18 avril 2016 : rachialgies diffuses persistantes ;

2 mai 2016 : rachialgies diffuses et lombosciatalgie L5-S1 gauche ;

13 mai et 10 juin 2016 : rachialgies diffuses, hernie discale L5-S1 gauche avec lombosciatique.

Dans le cadre de l'examen réalisé le 22 février 2018, le docteur [N] constate le début d'un uncarthrose non imputable à l'accident ainsi qu'une « lombosciatique S1 gauche et une hernie discale non diagnostiquée auparavant ». Il retrouve ainsi des douleurs vertébrales étagées et une limitation douloureuse à la mobilisation lombaire plus que cervicale et des douleurs sciatalgiques gauches avec un Lasègue positif sans déficit moteur ni sensitif ni réflexe.

L'expert judiciaire ne fait pas mention d'un état antérieur qui pourrait interférer avec les lésions initiales.

Il retient l'imputabilité d'une sciatique gauche aux conséquences de l'accident en présence d'un choc frontal violent, ainsi qu'une composante psychique liée à l'accident ayant nécessité une prise en charge médicamenteuse arrêtée en août 2016 pour être reprise en janvier 2017. Il rappelle que le docteur [O] a retenu l'imputabilité de la hernie discale L5-S1 à cet accident.

Par contre, selon lui, l'uncarthrose cervicale, révélé par des radiographies réalisées en janvier 2018, n'est pas imputable à l'accident et doit être considéré comme une évolution inéluctable d'une arthrose cervicale.

Il déduit de ses constatations médicales les préjudices suivants :

Date de consolidation : 29 décembre 2017 ;

Déficit fonctionnel temporaire : 10% correspondant à la réduction des activités personnelles et de loisirs de classe 1 entre l'accident et la consolidation médico-légale ;

Perte de gains professionnels actuels : arrêt complet du travail du 1er avril 2016 jusqu'au 29 décembre 2017 ;

Déficit fonctionnel permanent : 5% tenant compte des séquelles fonctionnelles, des troubles dans les conditions d'existence et de l'atteinte à la qualité de vie au regard des irradiations sciatiques du côté gauche, sciatique tronquée ;

Souffrances endurées : 2,5/7 en lien avec les douleurs du traumatisme, la phase évolutive, la réaction émotionnelle et la composante psychique ;

Préjudice d'agrément : aucun, Mme [P] pouvant s'adonner aux activités qu'elle pratiquait antérieurement ;

Préjudice esthétique : aucun, le port d'un lombostat ne peut s'apprécier comme un dommage esthétique en l'absence de cicatrices ou de déformation ;

Préjudice sexuel : retenu par l'expert en raison d'un ressenti d'une gêne posturale lors du rapport sexuel avec perte de plaisir et répercussion sur sa libido et perte d'envie ;

Préjudices patrimoniaux :

La perte de gains professionnels actuels :

La perte de gains professionnels actuels vise à réparer de manière exclusive la perte de revenus subie par une victime en raison d'un fait dommageable et elle s'apprécie in concreto c'est à dire en comparant les revenus de l'intéressé avant l'accident et la perte de revenus depuis l'accident et jusqu'à la date de la consolidation. Il s'agit de fixer une indemnisation en principe égale au coût économique du dommage pour la victime.

Enfin, les revenus antérieurs sont pris en compte dans la mesure où ils ont vocation à être perçus après le dommage subi par la victime.

Les premiers juges ont alloué à l'intimée une indemnité d'un montant de 10.089,16 euros calculée sur la base d'un revenu annuel de 5.845 euros net, correspondant à la perte de chance de poursuivre son activité professionnelle du jour de l'accident à la date de consolidation se référant ainsi à un courrier établi par la société Onet propreté services indiquant que :

« Compte-tenu de son accident de circulation, elle n'a plus assuré sa prestation sur son chantier et nous avons soldé son contrat au terme prévu soit le 30 avril 2016. En conséquence, nous n'avons pas reconduit son contrat de travail en CDD ou en CDI car Mme [P] était dans l'impossibilité de se rendre sur son lieu de travail ».

En appel, la société MMA Iard assurances mutuelles, la société MMA Iard et M. [S] arrêtent ce poste de préjudice à la somme de 346,50 euros correspondant à la perte de salaire subi au cours du mois d'avril avec les congés payés alors que Mme [P] sollicite la confirmation du jugement entrepris.

En l'espèce, Mme [P] travaillait de manière précaire en qualité d'agent d'entretien pour l'agence Onet et ce depuis huit mois dans le cadre d'un contrat à durée déterminée avec un terme fixé au 30 avril 2016.

Elle signale dans ses écritures qu'elle devait bénéficier d'un contrat à durée indéterminée à l'issue du contrat à durée déterminée et déplore à tout le moins l'impossibilité de poursuivre son activité professionnelle, les déplacements étant proscrits.

Elle justifie ainsi de l'occupation de plusieurs emplois précaires en pièce 24 :

CDD du 26 mars au 2 novembre 2012 (Malongo)

CDD du 21 mai au 24 mai 2013 (Randstad)

CDD du 10 juin au 14 juin 2013, 25 juillet au 26 juillet 2013 (Kelly services)

CDD du 12 août 2 au 6 septembre 2013 (Malongo) 

Diverses missions intérimaires au cours des années 2014 (juin, juillet, août, septembre octobre), 2015 (janvier, février) ;

A compter du mois de juillet 2015, CDD conclus avec la société Onet Services.

Elle produit encore un courrier établi le 3 novembre 2016 par la société Onet propreté services, qui a été visé par les premiers juges, et qui a été rédigé par la directrice d'agence « pour justifier uniquement de la « perte de chance » de Mme [P] de pouvoir poursuivre son activité au sein de notre entreprise ».

Il n'est pas contestable qu'au moment de l'accident, Mme [P] occupait un poste dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, dont l'échéance était fixée le 30 avril 2016, et qu'elle n'a pu poursuivre l'exécution de ce contrat en raison des gênes occasionnées par l'accident l'empêchant de se déplacer.

Il se déduit encore des éléments susvisés que Mme [P] a exercé depuis l'année 2013 une activité professionnelle régulière dans le cadre d'emplois intérimaires et sous la forme de contrats à durée déterminée successifs et ce jusqu'au mois d'avril 2016. Il est également à relever qu'elle était employée par la société Onet Services Propreté depuis le mois de juillet 2015.

Il convient donc d'admettre que le fait traumatique lui a fait perdre une chance de poursuivre l'exercice d'un emploi dans le cadre d'un contrat déterminée que la cour évalue à 80%, soit une perte mensuelle de 389,67 euros du 1er avril 2016 au 29 décembre 2017 (21 mois), soit une perte de chance de 8.183,07 euros (base annuelle nette: 5845 euros du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 ou base mensuelle : 487,09 euros).

La décision sera infirmée de ce chef mais également en ce qu'elle a omis de déduire du montant de l'indemnité les sommes versées par la CPAM de l'Aude.

Si Mme [P] conteste le principe de cette imputation, il convient de rappeler le principe de la réparation intégrale qui exclut le cumul de ressources notamment en matière d'indemnités journalières ou de rente.

Il résulte en effet de l'attestation de paiement des indemnités journalières (pièce 25) que Mme [P] a perçu des indemnités journalières comme suit :

4 avril 2016 au 1er mai 2016 : 331,52 euros ;

2 mai 2016 au 27 décembre 2017 : 9.552,95 euros

Soit un total de 9.884,47 euros.

En conséquence, après déduction de la créance de la CPAM qui sera fixée à la somme de 9.884,47 euros, il ne revient pas d'indemnisation à la victime au titre de la perte de gains professionnels actuels avec un résiduel au profit de la CPAM de 1701,40 euros.(8.183,07 - 9.884,47)

La perte de gains professionnels futurs :

La perte de gains professionnel futurs vise à réparer la perte ou la diminution de revenus subie par une victime après la consolidation en raison d'un fait dommageable.

Les premiers juges ont accordé à Mme [P] la somme de 85.477,24 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, intégrant la perte de revenus jusqu'à la décision judiciaire, puis pour la période postérieure en se référant à un coefficient de 14,124 applicable à une femme de 47 ans partant à la retraite à 62 ans.

Les appelants critiquent à titre principal cette approche soulignant que l'expert ne s'est pas prononcé sur ce poste de préjudice et que l'intimée ne justifie d'aucune incapacité professionnelle, pour proposer de manière subsidiaire une indemnisation basée sur une perte de chance à charge pour la cour de prendre en compte le règlement d'une rente d'invalidité.

En l'état, l'expertise judiciaire ne se prononce pas sur le poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels futurs ce qui ne prive pas la cour de la possibilité d'examiner l'existence d'un tel préjudice.

Il convient de rappeler que si l'expert judiciaire constate le début d'un uncarthrose non imputable à l'accident, tel n'est pas le cas de la lombosciatique S1 gauche et l'hernie discale qui sont en lien avec l'événement traumatique et qui expliquent l'absence de poursuite de l'activité professionnelle auprès de la société Onet Services Propreté comme cela résulte d'ailleurs du courrier déjà cité.

Il résulte par ailleurs des éléments produits par l'intimée qu'elle présente un état d'invalidité réduisant de 2/3 au moins la capacité de travail justifiant un classement dans la catégorie 2 à compter du 13 novembre 2017 (pièce 11). Elle s'est vue par ailleurs allouer l'allocation adulte handicapée à compter du 1er mars 2018 en raison d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à un emploi du fait d'un handicap.

Il ne peut être exclu que l'état d'invalidité partielle de Mme [P], traduisant l'impossibilité de cette dernière d'exercer une activité professionnelle, soit en lien avec l'accident du 1er avril 2016 et que cette invalidité soit la conséquence au moins partielle de la lombosciatique S1 gauche et de la hernie discale et ce d'autant que la décision reconnaissant l'incapacité professionnelle de l'intimée et attribuant la perception d'une rente est intervenue le 24 janvier 2018 soit moins de deux ans après l'accident litigieux alors même que Mme [P] justifiait jusqu'alors d'une activité professionnelle régulière comme en atteste le relevé de carrière établi par l'assurance retraite (pièce 23).

Il en résulte donc une perte de chance pour celle-ci de pouvoir poursuivre au-delà de la date de consolidation une activité professionnelle régulière.

L'analyse financière des premiers juges ne saurait être confirmée en appel, l'indemnisation d'une perte de chance excluant la réparation intégrale du préjudice à charge pour les juges du fond d'en mesurer le pourcentage.

Il convient en conséquence d'indemniser ce préjudice à hauteur de 50% et d'allouer à Mme [P] la somme de 43.000 euros.

La décision sera infirmée de ce chef mais également en ce qu'elle a omis de déduire du montant de l'indemnité les sommes versées dans le cadre de la rente invalidité.

Il résulte de l'attestation produite en pièce 17 que Mme [P] perçoit depuis le 30 décembre 2017 une rente invalidité annuelle de 1.466,93 euros et depuis le 1er mars 2018 une allocation adulte handicapée.

Si la rente invalidité vient en déduction de l'indemnité susvisée, tel n'est pas le cas de l'allocation adulte handicapée qui est exclue du recours subrogatoire (cass,2 civ, 28 mars 1994 n°91-17165).

Sur la période échue, Mme [P] a perçu une rente invalidité à hauteur de 9.168,31 euros.

Sur la période à échoir, et sur la base d'un départ de retraite aujourd'hui arrêté à l'âge de 64 ans, Mme [P] ayant 51 ans, le montant de la rente capitalisée est de 18.003,63 (coefficient : 12,273).

En conséquence, après déduction de la créance de la CPAM qui sera fixée à la somme de 28.873,34 (9.168,31 euros+ 18.003,63 euros + 1.701,40 euros), les appelants seront condamnés à verser à Mme [P] la somme de 14.126,66 euros. (43.000 - 28.873,34)

L'incidence professionnelle :

Il s'agit là d'indemniser non pas la perte de revenus liée à l'invalidité mais les incidences périphériques du dommage touchant la sphère professionnelle comme la dévalorisation sur le marché du travail, l'augmentation de la pénibilité à l'emploi, l'abandon de la profession envisagée ou exercée avant le dommage.

Les premiers juges ont accordé à Mme [P] la somme de 33.943,37 euros au titre de la perte de l'incidence professionnelle correspondant à la perte des droits à la retraite de l'intéressée.

Les appelants critiquent à titre principal cette approche soulignant que l'expert ne s'est pas prononcé sur ce poste de préjudice et que l'intimée ne justifie d'aucune incapacité professionnelle, pour proposer de manière subsidiaire une indemnisation basée sur une perte de chance à charge pour la cour de prendre en compte le règlement d'une rente d'invalidité.

En l'état, l'expertise judiciaire ne se prononce pas sur le poste de préjudice lié à l'incidence professionnelle ce qui ne prive pas la cour de la possibilité d'examiner l'existence d'un tel préjudice.

Le placement en invalidité de Mme [P], aujourd'hui âgée de 51 ans et qui justifie de 86 trimestres, entraîne une perte des droits à la retraite que les premiers juges ont à bon droit indemnisé.

Il conviendra néanmoins de préciser que cette indemnité se fonde sur une perte de chance de percevoir une retraite plus importante si elle avait été dans la possibilité de poursuivre l'exercice de son activité professionnelle, ce qui exclut une indemnisation intégrale.

Il convient donc d'admettre que le fait traumatique lui a fait perdre une chance de percevoir une retraite plus importante que la cour évalue à 30%.

Mme [P] peut donc prétendre à la somme de 10.200 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

En conséquence, il y a lieu de fixer les préjudices de Mme [P] à 61.383,07 euros (8.183,07 + 43.000 + 10.200).

Et dire que la créance totale de la CPAM sera fixée à la somme de 37.056,41 euros qui viendra en déduction de ses préjudices patrimoniaux.

Préjudices extra-patrimoniaux :

Le déficit fonctionnel temporaire :

Ce préjudice inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en tenant compte des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité.

Il n'y a pas de discussion ni sur la période ni sur le taux de déficit retenu par l'expert soit 638 jours de déficit fonctionnel partiel à 10%.

L'expert judiciaire précise en effet que le déficit fonctionnel temporaire arrêté à 10% est justifié par la réduction des activités personnelles et de loisirs de classe 1 entre l'accident et la consolidation médico-légale.

Les parties s'opposent par contre sur la valeur à retenir, Mme [P] se référant à la base de 30 euros par jour tandis que les appelants demandent l'application d'une base de 23 euros.

Les premiers juges, pour allouer une somme totale de 1595 euros, ont appliqué la base de 25 euros par jour.

Les parties ne développent aucune critique sérieuse sauf à affirmer pour l'une que l'indemnisation est excessive, pour l'autre insuffisante.

Le taux retenu par les premiers juges correspond à la valeur moyenne applicable en la matière.

Le jugement dont appel sera donc confirmé sur l'indemnisation allouée au titre de ce poste de préjudice.

Le préjudice sexuel :

Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l'acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction). (Civ. 2, 17 juin 2010, n° 09-15.842).

L'évaluation de ce préjudice doit être modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l'âge et la situation familiale de la victime.

L'expert judiciaire a relevé la prétention légitime de Mme [P] quant à la reconnaissance d'un préjudice sexuel motivée par le ressenti d'une gêne posturale lors du rapport sexuel avec perte de plaisir et répercussion sur sa libido et perte d'envie.

Les premiers juges ont évalué ce préjudice à une somme de 2.000 euros, ce que critique l'appelant qui propose une somme de 1.000 euros sans toutefois ne développer aucune critique sérieuse, sauf à affirmer que l'indemnisation est excessive.

Par conséquent, le jugement dont appel sera confirmé en ce qui concerne l'indemnisation des du préjudice sexuel.

2/ Sur le doublement des intérêts :

Sur la recevabilité de la demande :

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

La cour de cassation considère que ne sont pas nouvelles et partant sont recevables, les demandes qui tendent aux mêmes fins que celles présentées devant les premiers juges même si leur fondement juridique est différent (com 19 juin 2019 n°18-11.798).

En l'espèce, Mme [P] réclame devant la cour l'application de l'article L211-13 du code des assurances et que les condamnations prononcées en réparation du préjudice de Mme [P] portent intérêt de plein droit au double du taux légal du 7 juillet 2017 au 13 septembre 2021.

Cette demande ne peut être considérée comme nouvelle en appel puisqu'elle s'inscrit dans les mêmes fins que la prétention initiale relative à la reconnaissance et à l'indemnisation d'un préjudice corporel.

Il convient en conséquence de constater la recevabilité de cette prétention.

Sur le bien-fondé de la demande :

Dans le dispositif de ses conclusions, Mme [P] demande à la cour de dire que les sommes lui revenant porteront intérêts au double du taux légal en l'absence d'offre, et ce à compter du 7 juillet 2017 jusqu'au 13 septembre 2021, date de paiement des indemnités.

En vertu de l'article L 211-9 du code des assurances, l'assureur est tenu de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne une offre d'indemnité, qui comprend tous les éléments indemnisables du préjudice, dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident, laquelle peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; l'offre définitive doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

La sanction de l'inobservation de ces délais, prévue par l'article L 211-13 du même code, réside dans l'octroi des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

L'offre même provisionnelle doit comporter tous les éléments connus du préjudice indemnisable.

En l'espèce, le rapport d'expertise judiciaire déposé le 22 février 2018 a fixé une date de consolidation au 29 décembre 2017.

Le 13 août 2018, la MAAF adressait à Mme [P] une proposition d'indemnisation tenant compte du partage de responsabilité et de l'application d'un taux de 50%  :

Dépenses de santé et pertes de gains professionnels actuels : à justifier ;

Atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique : 7.000 euros soit 3.500 euros;

Gêne temporaire : 1.531, 20 soit 765.60 euros ;

Souffrances endurées : 4.000 euros soit 2.000 euros ;

Préjudice sexuel : 1.000 euros soit 500 euros.

Il n'est donc pas justifié de la remise d'une offre définitive dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées devant le tribunal judiciaire, l'assureur n'a pas adressé de proposition d'indemnisation des préjudices liés à la perte des gains futurs et de l'incidence professionnelle rendant ainsi cette offre incomplète.

Devant la cour et par conclusions signifiées le 15 mars 2022, l'assureur a proposé à titre subsidiaire l'indemnisation de l'incidence professionnelle, de la perte des gains professionnels futurs. Il s'ensuit que les offres contenues dans ces conclusions, et au titre de ces deux postes de préjudice, sont complètes et valent offre au sens des dispositions précitées du code des assurances.

Ceci étant, Mme [P] réclame la condamnation de l'assureur au doublement de cet intérêt au taux légal sur la période du 7 juillet 2017 jusqu'au 13 septembre 2021.

En conséquence, la cour étant liée par cette prétention, la sanction du doublement des intérêts au taux légal est justifiée au titre l'absence d'une offre complète sur le préjudice global de Mme [P] du 7 juillet 2017 jusqu'au 13 septembre 2021.

3/ Sur les frais accessoires :

Le jugement entrepris sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

En appel, les appelants, succombant partiellement, seront condamnés aux dépens ainsi qu'à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Dans les limites de la saisine de la cour,

Déclare recevable la demande présentée par Mme [E] [P] au titre du doublement des intérêts,

Confirme le jugement entrepris sauf sur les condamnations allouées au titre des postes relatifs à la perte de gains professionnels actuels, la perte de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle,

Et statuant à nouveau,

Fixe les préjudices de Mme [E] [P] comme suit :

8.183,07 euros au titre de la perte de gains actuels,

43.000 euros au titre de la perte de gains futurs,

10.200 euros incidence professionnelle,

Fixe la créance de la CPAM Aude à la somme de 37.056,41 euros,

Dit qu'après recours subrogatoire, il ne revient pas d'indemnisation à Mme [E] [P] au titre de la perte de gains professionnels actuels,

Pour le surplus,

Condamne in solidum M. [V] [S], MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles à payer à Mme [E] [P] les sommes suivantes :

14.126,66 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

10.200 euros au titre de l'incidence professionnelle,

Dit que doit être déduite la provision de 1.500 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance de référé rendue le 26 septembre 2017,

Ordonne le doublement de cet intérêt au taux légal sur la période du 7 juillet 2017 jusqu'au 13 septembre 2021,

Condamne in solidum M. [V] [S], MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles à payer à Mme [E] [P] 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [V] [S], MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles aux dépens d'appel.

Le greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/04399
Date de la décision : 23/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-23;21.04399 ?
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