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04/04/2024 | FRANCE | N°21/04489

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 04 avril 2024, 21/04489


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à



























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 04 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04489 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCRF





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 JUIN

2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F 19/01320





APPELANT :



Monsieur [V] [R]

né le 03 juillet 1987 à [Localité 7] (26)

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Thomas GONZALES, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



S....

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 04 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04489 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCRF

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F 19/01320

APPELANT :

Monsieur [V] [R]

né le 03 juillet 1987 à [Localité 7] (26)

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Thomas GONZALES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. MEUBLES IKEA FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice

Domiciliée [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

Ordonnance de clôture du 08 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [V] [R] a été engagé à compter du 15 septembre 2010 par la société Ikea France en qualité d'employé assistance dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel régi par les dispositions de la convention collective nationale du négoce de l'ameublement et de l'accord interne d'entreprise.

Par un avenant en date du 3 janvier 2011, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Par avenant en date du 13 janvier 2014, le poste de Monsieur [R] a été modifié en celui d'employé conditionnement.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 septembre 2019, la société IKEA France convoquait le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 24 septembre 2019.

Reprochant à son salarié des manquements dans l'exécution de sa prestation de travail, la société IKEA France a licencié Monsieur [R] pour motif personnel le 3 octobre 2019.

Par requête du 25 novembre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier, à titre principal, d'une demande de dommages-intérêts de 50 000 euros pour discrimination et subsidiairement pour exécution déloyale du contrat de travail. Relativement à la rupture du contrat de travail il sollicitait la condamnation de la société IKEA France à lui payer une somme de 25 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'une somme de 15 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, outre la condamnation de la société IKEA France à lui remettre ses documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément au jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision. En tout état de cause, il réclamait la condamnation de la société IKEA France à lui payer une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les intérêts légaux portant sur les condamnations prononcées.

Par jugement du 30 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Montpellier a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes.

Monsieur [V] [R] a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 12 juillet 2021.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 7 octobre 2021,Monsieur [V] [R] conclut à l'infirmation du jugement entrepris il sollicite, sur l'exécution, du contrat de travail, à titre principal, la condamnation de l'employeur à lui payer un indemnité de 50 000 euros pour discrimination et subsidiairement une somme de 50 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail. Sur la rupture du contrat de travail, il sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 25 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'une somme de 15 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, outre la condamnation de la société IKEA France à lui remettre ses documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision. En tout état de cause, il sollicite la condamnation de la société IKEA France à lui payer une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les intérêts légaux portant sur les condamnations prononcées.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 21 décembre 2021, la société IKEA France conclut à titre principal à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes sur le fondement d'une discrimination et subsidiairement de celles qu'il avait formées sur le fondement d'une exécution déloyale du contrat de travail et en tout état de cause au débouté du salarié de ses demandes ainsi qu'à sa condamnation à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2024.

SUR QUOI

$gt; Sur la discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

 

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

$gt;

Monsieur [V] [R] sollicite la condamnation de la société IKEA France à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement d'une discrimination et il fait valoir à l'appui de cette demande que tandis qu'il a été engagé le 15 septembre 2010 en qualité d'employé pour une durée de travail de quinze heures par semaine, il a été nommé employé assistance clientèle à compter du 3 janvier 2011 pour un temps de travail de quinze heures par semaine, et que ce n'est qu'à la suite d'un courrier de l'inspecteur du travail signalant une situation de discrimination que son temps de travail était porté à vingt-cinq heures par semaine au poste d'employé reconditionnement le 13 janvier 2014 alors qu'il n'avait eu de cesse de solliciter une évolution de carrière et un passage à temps complet qu'il n'avait pas obtenus.

Pour étayer ses affirmations, Monsieur [V] [R] produit notamment les contrats à durée déterminée qu'il a conclus avec la société IKEA France, son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 15 heures par semaine à compter du 3 janvier 2011, et les différents avenants conclus depuis cette date aux termes desquels son temps de travail a oscillé entre 20h30 et 32 heures par semaine.

Il verse encore aux débats un courrier par lequel l'inspecteur du travail invite, le 9 décembre 2013, l'employeur à s'assurer que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire au motif que celui-ci avait indiqué avoir postulé à six reprises sur des emplois qui lui ont été refusés alors qu'un de ses collègues tenant des propos racistes et antisémites aurait bénéficié d'une promotion professionnelle.

Il produit ensuite un courrier de candidature au poste de responsable de service bonnes affaires de l'établissement de [Localité 5] (21) le 26 octobre 2016, un courrier de candidature au poste d'ambassadeur IKEA du 1er janvier 2017 puis un courrier de candidature au poste de technicien qualité de l'établissement de [Localité 6] (91) le 3 mai 2017 et également un courrier de candidature au poste d'agent 008 le 9 février 2019. Il justifie encore avoir été volontaire pour travailler les dimanches et jours fériés sur 16 des 18 dates proposées entre le 2 septembre 2018 et le 15 août 2020.

Il verse par ailleurs aux débats ses entretiens d'évaluation 2014, 2015 et 2016 faisant état de la qualité de son travail et de sa demande de passage à temps complet ainsi que de son aspiration à prendre davantage de responsabilités.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, et notamment de ses demandes successives, à la fois d'évolution de carrière, mais également de passage à temps complet, ainsi que des entretiens d'évaluation faisant état de ses qualités professionnelles, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que Monsieur [V] [R] établit l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer qu'il a fait l'objet d'un traitement moins favorable que d'autres salariés recrutés par l'enseigne, et au regard des propos repris par l'inspecteur du travail, que cette différence de traitement pouvait résulter de ses convictions ou de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, voire qu'il faisait l'objet pour ces motifs d'un désavantage particulier pour l'accession à certains postes, si bien que les éléments qu'il a ainsi établis pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'une discrimination à son encontre.

 

La société IKEA France qui conteste toute discrimination fait valoir d'une part que sa procédure de recrutement interne passe par la mise en ligne des offres d'emploi dans le cadre du départ d'un salarié ou d'une création de poste afin de laisser la priorité aux collaborateurs pour autant que ces derniers postulent à l'offre en ligne. Elle fait ensuite valoir que les postes d'ambassadeur IKEA ou agent 008 ne correspondent pas à un poste de travail mais à une activité de représentation de l'entreprise au cours du temps de travail et font l'objet d'un recrutement par élection, qu'enfin il a été fait droit à toutes les demandes du salarié lorsqu'il a souhaité travailler le dimanche ou un jour férié.

Au soutien de ses allégations, la société IKEA France verse aux débats le livre des entrées et des sorties du personnel établissant une diversité des recrutements opérés ainsi que les différents documents relatifs au processus de recrutement des représentants de l'entreprise dans le cadre des opérations « ambassadeur IKEA » ou « agent 008 ». Elle justifie enfin par la réponse aux volontariats du dimanche et jours fériés exprimés par le salarié ainsi que par la production de ses bulletins de salaire avoir fait droit aux demandes du salarié lorsqu'il avait souhaité travailler le dimanche ou un jour férié.

Toutefois, alors que le salarié a justifié avoir formé des demandes réitérées de passage à temps complet au cours de ses entretiens d'évaluation, la société IKEA France ne produit aucun élément sur le processus de recrutement par offre en ligne dont elle fait état. Ensuite, alors que le salarié justifie, sans que cela ne soit autrement discuté, avoir postulé pour les emplois de responsable de service bonnes affaires de l'établissement de [Localité 5] le 26 octobre 2016 puis de technicien qualité à [Localité 6] (91) le 3 mai 2017, la société IKEA, ne produit aucune réponse qui aurait pu être faite au salarié à cet égard et ne verse pas davantage aux débats d'éléments susceptibles d'objectiver les raisons d'un refus. C'est pourquoi, à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour ne dispose pas de suffisamment d'éléments pour retenir que la société IKEA démontre que les faits matériellement établis par Monsieur [V] [R] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La discrimination est donc établie.

Si la société IKEA France en réplique à la demande indemnitaire formée par le salarié prétend ensuite que celui-ci ne justifie d'aucun préjudice, la discrimination démontrée est cependant à l'origine d'un préjudice moral justifiant l'allocation d'une indemnité de 4000 euros au profit de Monsieur [V] [R].

$gt;Sur le licenciement

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties; si un doute subsiste il profite au salarié.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Monsieur [V] [R] a été licencié pour les faits suivants :

« Monsieur,

Suite à l'entretien que nous avons eu le 24 Septembre 2019, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Les motifs de ce licenciement sont ceux qui vous ont déjà été exposés lors de l'entretien précité du 24 septembre dernier à savoir :

En date du 23 Juillet 2019 vers 15h00, soit à la fin de votre journée de travail. nous avons constaté que vous aviez en main trois étiquettes ASIS que vous veniez d'imprimer.

Interpellé par une cliente, vous avez posé lesdites étiquettes ASIS et avons pu observer qu'elles concernaient les produits «Marleby'', « vilasund str méridienne » et « vilasund housse », le tout constituant un canapé complet qui ne se trouvait pourtant pas sur la zone dédiée aux « bonnes trouvailles » (Recovery). Ce qui a éveillé notre curiosité.

Aussi, après avoir mené des investigations, il s'avère que trois étiquettes ASIS à 40% (soit la remise maximale que vous pouviez attribuer) ont été imprimées le 23 juillet à 15h03, soit au même moment où nous avons constaté votre présence au poste Informatique avec entre vos mains lesdites étiquettes.

Lors de notre vérification informatique, il est apparu que les produits correspondants aux étiquettes ASIS étaient bien ceux affichés sur ces dernières, à savoir :

- Le produit Marleby 202 634 39 au prix remise de 78 euros TTC au lieu du prix normal de vente de130 euros TTC ;

- Le produit Vliasund str conv + méridienne 702 429 BZ au prix de 270 euros TTC au lieu du prix normal de vente de 450 euros TTC ;

- Le produit Vilasund housse conv/mer Borred gris vert 70353994 au prix remise de 131,40 euros TTC au lieu du prix normal de vente de 219 euros ;

Soit une remise totale appliquée sur le canapé de 319,60 euros TTC puisque les étiquettes ASIS permettaient la vente de ce canapé aux prix de 479,40 euros au lieu de 799, soit une remise de 40%.

Nous avons encore constaté qu'il n'y a pas eu de transtype '' (document comptable de transaction de stockage ou déstockage de la valeur d'un produit référencé IKEA) depuis plus de4 mois sur les références de ces produits pour lesquels vous avez pourtant édité les étiquettes ASIS d'une part et, d'autre part, Il n'y a pas eu de descente de modèle d'exposition de ces produits depuis au moins 3 mois.

Pourtant, pour qu'un produit soit étiqueté ASIS et exposé dans la zone de vente de Recovery, il faut impérativement qu'il y ait eu au préalable un mouvement de marchandises (transtypes) ou qu'il s'agisse d'un modèle d'exposition, qui de fait peut bénéficier d'une remise exceptionnelle sur son prix de vente.

Il n'y avait donc aucune raison valable pour que vous puissiez créer 3 étiquettes produits avec une remise de 40% alors que nous n'avons aucune traçabilité desdits produits. Par conséquent, vous avez attribué une remise de 40% sur tous produits constituant en réalité un canapé sans respecter les règles et procédures applicables à cette opération particulière.

D'ailleurs la procédure visant l'étiquetage ASIS prévoit qu'un produit exposé lasse l'objet d'un étiquetage unique, soit une étiquette pour un canapé et non trois étiquettes pour chaque partie composant le canapé, et ce afin de rendre le prix du produit plus lisible et donc plus clair pour les clients et ainsi faciliter la vente.

Dans le cas précis de ce canapé, si ce dernier avait existé à la vente en zone « bonne trouvaille '', celui-ci aurait donc été assemblé (composé de 3 éléments) avec une seule étiquette ASIE. Or. Ce n'est pas ce que vous avez fait en l'espèce.

Par conséquent, à la lumière de ces faits, il s'avère que vous n'avez pas respecté les règles applicables quant à l'étiquetage A515 de nos produits, en affectant une remise sur des produits qui ne devaient faire l'objet d'aucune baisse de prix d'une part et, d'autre part, en multipliant les étiquetages alors que les trois références constituaient un produit qui ne devait pas être proposé à la vente séparément dans la zone « bonne trouvaille. »

Ce non-respect de nos procédures est de nature à générer un manque à gagner pour le magasin et la société puisque vous appliquez des remises de prix sur des produits non présents dans les différentes zones Recovery, et vous créez des étiquettes sans non plus respecter les conditions d'étiquetage ASIS en vigueur.

Plus grave encore, vous vous êtes permis de générer lesdites étiquettes sous l'identifiant de Monsieur [Y] [T] ([U]) qui n'était pas présent dans l'établissement à cette période en raison d'un arrêt maladie.

Comme vous le savez parfaitement et conformément à notre charte informatique, il est formellement interdit de se servir des identifiants autre que ceux qui nous sont affectés.

En effet, les identifiants qui sont confiés à chaque collaborateur sont strictement personnels et individuels, permettant ainsi de sécuriser les opérations de chacun.

Cependant, pour une raison que nous ignorons toujours à ce jour, et alors que vous avez généré et édité de nombreuses étiquettes sous votre identifiant personnel ce 23 juillet 2019, vous avez fait le choix de générer les trois étiquettes ASIS litigieuses avec les identifiants de votre collègue de travail, ce qui est intolérable.

En effet, pourquoi méconnaitre votre obligation de respect de la charte informatique pour générer des étiquettes ASIS sur des produits qui ne devaient pas bénéficier de baisse de prix '

Vous avez ainsi, exposé votre collègue de travail à un risque de sanction disciplinaire en utilisant ses identifiants pour agir dans l'irrespect de nos règles d'étiquetage ASIS, ce qui montre votre peu de respect de vos collègues et de moralité, ce que nous ne pouvons pas tolérer.

Nous regrettons d'ailleurs votre manque de transparence quant à ces faits et votre mutisme observé lors de l'entretien préalable.

Votre comportement illustre votre irrespect de nos règles et procédures, votre manque de moralité et loyauté à l'égard de vos collègues de travail et aussi votre insubordination quant à nos directives.

Aussi, au regard de ce qui précède et donc de l'ensemble de vos manquements, nous sommes au regret de devoir vous licencier pour cause réelle et sérieuse pour faute simple.

La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ du préavis de 2 mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.

Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis et que vous percevrez donc l'indemnité compensatrice correspondante.

Eu égard à la dispense d'exécution de votre préavis, nous vous remercions de nous restituer l'ensemble des outils de travail mis à votre disposition pour l'exécution de votre prestation de travail.

Bien évidemment, pendant la durée de ce préavis vous demeurerez salarié de la société et nous vous remettrons une attestation vous permettant de bénéficier jusqu'au terme de votre préavis des avantages réservés à notre personnel au sein du magasin.

A ce titre, nous vous remercions de contacter le service du personnel, afin de convenir d'un rendez-vous pour que nous puissions vous remettre ladite attestation et que vous nous restituiez les outils de travail appartenant à la société.

Nous vous libérons de toute clause de non-concurrence que nous aurions conclue et, vous adresserons vos documents post-contractuels. Nous vous adressons, par courrier séparé, le solde de votre compte, votre certificat de travail et l'attestation destinée au Pôle Emploi.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le :as échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement' »

$gt;

Au soutien de sa décision de licenciement, la société IKEA France verse aux débats une attestation de Madame [W] [M] datée du 17 septembre 2019, indiquant avoir constaté que le 23 juillet 2019 vers quinze heures Monsieur [V] [R] tenait en main, à sa fin de poste, trois étiquettes ASIS qu'il dissimulait à sa vue avant de partir de l'établissement en les emportant, ce qui l'avait conduite à procéder à des vérifications démontrant qu'aucun objet correspondant à ces étiquettes n'avait été amené dans la zone de vente. Aux termes de la même attestation, Madame [M] indiquait avoir constaté depuis plusieurs mois que le salarié déplaçait des marchandises pour les emballer dans des cartons étiquetés à petits prix avec des étiquettes ASIS mais qu'elle n'en avait pas parlé car dénoncer un de ses collègues n'était pas chose facile.

La société IKEA France produit encore le courriel adressé, le 26 août 2019, par Madame [F] [P] au responsable administratif et financier de l'établissement par lequel elle relate avoir été appelée le 23 juillet 2019 vers 17h30 par un collaborateur qui souhaitait l'informer officieusement du fait que [V] [R] avait édité vers 15h03 des étiquettes ASIS alors d'une part qu'il finissait sa journée et qu'il les avait cachées à plusieurs reprises, s'agissant d'une étiquette [G] et de deux étiquettes Vilasund si bien qu'elle avait alerté le responsable ressources humaines puis le responsable administratif et financier dès le retour de congés de celui-ci, le 29 juillet 2019, pour vérification.

Elle verse ensuite aux débats le courriel adressé le 28 août 2019 par le responsable administratif et financier de l'établissement à ses supérieurs hiérarchiques aux termes duquel ce dernière analyse les éléments portés à sa connaissance ayant fait naître un questionnement sur le comportement du salarié pouvant laisser penser qu'il entendait par ce procédé faire bénéficier quelqu'un d'une remise ultérieure, doutes qui, aux termes du document, étaient partagés par deux de ses collaboratrices directes.

La société IKEA France justifie encore de l'absence de Monsieur [T] sur la période considérée par la production d'un arrêt de travail de ce salarié ainsi que des temps de travail aux jours concernés de Madame [M].

Elle verse enfin aux débats la charte informatique de la société faisant état du caractère personnel et confidentiel des paramètres utilisateur ainsi que de l'interdiction notamment d'usurper l'identité d'un autre utilisateur.

$gt;

Le salarié expose en réplique que l'édition des étiquettes litigieuses en utilisant l'identité d'un autre salarié qu'il conteste avoir effectuée, résulterait tout au plus, si elle était établie, d'une erreur, dans la mesure où aucune utilisation frauduleuse de ces étiquettes n'a été constatée par la suite et que son licenciement sur la base d'attestations non étayée par des éléments objectifs était en réalité discriminatoire.

$gt;

En définitive, si le responsable administratif et financier indique que les vérifications qu'il a réalisées établissent que trois étiquettes ASIS à -40% correspondant aux articles décrits dans la lettre de licenciement ont été édités à 15 heures 03 sous l'identifiant de [Y] [T], absent ce jour là, et si le listing informatique des documents justificatifs de l'édition sont annexés au courriel du responsable administratif, ces éléments, confortés par l'attestation de Madame [M] et le courriel antérieur concordant de Madame [P] suffisent à rapporter la preuve que monsieur [V] [R] avait édité ces documents le 23 juillet 2019 sans que ce dernier ne produise d'élément permettant de laisser supposer l'existence d'une manipulation réalisée par erreur.

Pour autant, l'affirmation de Madame [M] selon laquelle ce type d'agissements n'était pas isolé de la part de Monsieur [V] [R], n'est corroborée par aucun élément, et c'est seulement sur la base de cette affirmation non étayée par des éléments objectifs que le responsable administratif et financier fait état de ses soupçons d'agissements frauduleux.

Or, en dépit d'une découverte des faits le 23 juillet 2019 et d'un engagement de la procédure de licenciement seulement le 17 septembre 2019, aucune utilisation de ces étiquettes n'est intervenue.

Il résulte des pièces produites aux débats, que le seul comportement fautif imputable au salarié qui a été démontré réside en l'édition de trois étiquettes dans des conditions prohibées par la charte informatique au préjudice éventuel d'un autre salarié.

Si le comportement fautif reproché par la lettre de licenciement n'est que très partiellement établi sur la base des éléments versés aux débats, la faute démontrée suffit cependant à écarter le caractère discriminatoire du licenciement.

Pour autant les soupçons qu'ont pu faire naître les seuls éléments démontrés ne suffisent pas à établir la cause réelle et sérieuse du licenciement d'un salarié jusqu'alors jamais sanctionné au cours des neuf années passées dans l'entreprise.

D'où il suit, que les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail restent applicables au licenciement sans cause réelle et sérieuse de Monsieur [V] [R] qui justifiait par ailleurs d'un salaire mensuel brut moyen de 1712,48 euros dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés. Âgé de trente-deux ans à la date de la rupture du contrat de travail, Monsieur [V] [R] ne produit pas d'élément sur sa situation postérieure au licenciement. La cour dispose par conséquent d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 10 274,88 euros bruts le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur [V] [R] ne justifie en revanche d'aucune circonstance vexatoire entourant le licenciement. Aussi le jugement sera-t-il confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.

$gt;Sur les demandes accessoires

La remise par l'employeur au salarié des documents sociaux de fin de contrat étant de droit, il convient de l'ordonner sans pour autant qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte à ce titre.

Il convient de rappeler que les créances de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les créances à caractère indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant

Compte tenu de la solution apportée au litige la société IKEA France supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles, et elle sera également condamnée à payer au salarié qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 30 juin 2021, sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages intérêts pour licenciement vexatoire ;

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Condamne la société IKEA France à payer à Monsieur [V] [R] les sommes suivantes :

- 4000 euros à titre de dommages intérêts pour discrimination,

- 10 274,88 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société IKEA France à remettre à Monsieur [V] [R] ses documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

Rappelle que les créances de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les créances à caractère indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant;

Condamne la société IKEA France à payer à Monsieur [V] [R] une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société IKEA France aux dépens ;

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04489
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;21.04489 ?
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