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04/04/2024 | FRANCE | N°21/04444

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 04 avril 2024, 21/04444


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à



























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 04 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04444 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCOB





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 JUIN

2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F18/00240





APPELANT :



Monsieur [M] [Z]

né le 23 Décembre 1979 à [Localité 17]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Aurélie CARLES, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEES :



- S.A.R....

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 04 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04444 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCOB

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F18/00240

APPELANT :

Monsieur [M] [Z]

né le 23 Décembre 1979 à [Localité 17]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Aurélie CARLES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

- S.A.R.L. [13], prise en la personne de son représentant légal en exercice

Domiciliée [Adresse 3]

[Localité 4]

- S.A.R.L. [14], prise en la personne de son représentant légale en exercice

Domiciliée [Adresse 3]

[Localité 4]

- S.A.R.L. [15] Pris en la personne de son représentant légale en exercice

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentées par Me Laurent ERRERA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 08 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [M] [Z] a été engagé à compter du 2 mai 2016 par la société [15] par contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité d'agent de sécurité magasin AC, statut employé, niveau 3, échelon 2, coefficient 140 selon les dispositions de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité moyennant une rémunération mensuelle brute de 1524,13 euros pour 151,67 heures de travail.

Alors qu'il était affecté sur le site de [6] [Localité 5], l'employeur, après mise en 'uvre d'une procédure disciplinaire notifiait au salarié le 9 janvier 2018 une décision de mutation sur le site de [7] [Localité 10] pour des manquements reprochés sur le lieu de travail et intervenus les 23 novembre 2017 et 15 décembre 2017.

Monsieur [M] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier par requête du 7 mars 2018 aux fins d'annulation de la mise à pied disciplinaire qui lui avait été notifiée le 9 janvier 2018 et de condamnation de l'employeur à lui payer avec exécution provisoire une somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi qu'une somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction abusive, outre une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 décembre 2018, l'employeur notifiait au salarié un avertissement.

Le 6 mai 2019, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Une instance distincte était alors introduite par le salarié devant le conseil de prud'hommes qui ordonnait la jonction des procédures.

Aux termes de ses dernières écritures devant le conseil de prud'hommes, le salarié revendiquait l'annulation des sanctions prononcées contre lui et la condamnation de l'employeur à lui payer avec exécution provisoire les sommes suivantes :

'10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

'10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction abusive,

'15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

'6188 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1547 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 154,70 euros au titre des congés payés afférents,

'1160,25 euros à titre d'indemnité de licenciement,

'1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Montpellier a, déboutant le salarié de ses autres demandes, prononcé l'annulation de la mutation disciplinaire et condamné l'employeur à lui payer une somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction abusive ainsi qu'une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 9 juillet 2021, Monsieur [M] [Z] a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 20 décembre 2023, Monsieur [M] [Z] conclut à la réformation du jugement entrepris et il sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

'10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction abusive,

'15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

'6188 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1547 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 154,70 euros au titre des congés payés afférents,

'1160,25 euros à titre d'indemnité de licenciement,

'1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 12 novembre 2021, la société [15] conclut à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes, à l'irrecevabilité des demandes relatives aux sanctions de 2017 et de 2018, au débouté du salarié de ses demandes ainsi qu'à sa condamnation à lui payer une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2024.

SUR QUOI

$gt; Sur la demande d'annulation de la mutation disciplinaire

Le 9 janvier 2018, la société [15] notifiait au salarié une mutation disciplinaire aux motifs suivants:

« Le 23 novembre 2017 à 10h20, vous étiez en poste à la SSA et n'avez pas considéré un client, préférant favoriser un échange verbal avec un stagiaire en place ce jour-là, tout en étant dans une posture non déontologique (accoudé au pupitre), ce qui est contraire au 100% orienté client de l'enseigne. Vous avez tout d'abord refusé de prendre son sac, puis accepté.

Par ailleurs, aucune formule de politesse n'a été émise envers le client. Ce dernier a donc fait part de son mécontentement par mail au directeur du magasin ce même jour.

Le 15/12/2017, vous avez laissé rentrer une hôtesse de caisse au local PC Sécurité. Celle-ci s'est assise à l'intérieur puis a branché son chargeur de portable sur le PC des alarmes du magasin. Celle-ci est restée 6 minutes jusqu'au retour de pause de Mr [B] qui lui a demandé de bien vouloir partir. En effet, le PC Sécurité est une zone réglementée, où sont présents certains organes de sécurité dont nous sommes tenus de respecter la confidentialité. Par ailleurs, l'accès au PC sécurité est réglementé, seul les personnes ayant fait l'objet d'une déclaration en préfecture sont habilitées à y entrer.

Lors de notre entretien nous vous avons exposé ces divers éléments. Les explications que vous nous avez fournies ne nous ont toutefois pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Ces faits sont constitutifs d'une faute contractuelle et constituent une infraction aux articles suivants du règlement intérieur et au Code de la Sécurité Intérieure :

3.7 RESPECT DES CONSIGNES « Le salarié prendra obligatoirement en compte l'ensemble des documents liés à l'exécution de la prestation (plans de prévention, consignes'). Tout manquement à cette obligation qui est un préalable indispensable à une exécution de la prestation de manière qualitative, mais surtout qui permet d'assurer la prestation en toute sécurité pour le salarié, et les autres personnes et biens présents sur site, pourra faire l'objet d'une sanction disciplinaire.»

3.10 RELATIONS DE TRAVAIL « toute attitude de nature à nuire aux relations de travail et au rapport entre les différents membres du personnel est proscrite.

Ainsi en est-il à titre d'exemple, dans les cas suivants :

'outrager quiconque ou proférer vis-à-vis de toute personne des propos racistes ou portant atteinte à l'honorabilité ou à la vie privée ou aux libertés de conscience, d'opinion ou de religion, et ce y compris hors du temps de travail,

'manquer de respect à l'encontre d'un supérieur hiérarchique ou de tout autre personne appartenant au personnel de l'entreprise ou du client, faire ou susciter tout acte de nature à troubler la bonne harmonie du personnel, provoquer ou participer à des rixes. »

C'est la raison pour laquelle nous avons pris la décision de vous notifier, à titre de sanction, une mutation disciplinaire.

Ainsi, à compter du 01/02/2016, vous serez désormais affecté sur le site de [7] [Localité 10] situé [Adresse 8]. (')

Ce changement d'affectation constituant une modification de votre contrat de travail nous vous informons que vous avez la possibilité de refuser cette sanction. Nous attirons néanmoins votre attention sur le fait que dans cette hypothèse, nous serions contraints d'envisager une autre sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement ».

$gt;

La société [15] soutient l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la mutation disciplinaire, au motif que celle-ci a été acceptée par le salarié aux termes d'un courrier du 16 janvier 2018 aux termes duquel il écrivait « je me vois contraint d'accepter cette mutation disciplinaire ne me laissant pas le choix' ».

L'acceptation par le salarié de la modification du contrat de travail proposée par l'employeur à titre de sanction n'emporte cependant pas renonciation du droit à contester la régularité et le bien-fondé de la sanction et il appartient à la cour de s'assurer, comme elle y est invitée, de la réalité des faits invoqués par l'employeur, de leur caractère fautif et de la proportionnalité de la sanction prononcée à la faute reprochée.

Au soutien de sa décision, l'employeur verse aux débats le courriel par lequel le client du magasin [6] de [Localité 5] se plaignait à son directeur le 23 novembre 2017 à la fois de la désinvolture et du manque de respect manifesté par le salarié à son égard ce jour-là dans les termes repris par le courrier de notification de la sanction.

Il produit encore le courriel par lequel le directeur du magasin [6] de [Localité 5] se plaignait à l'employeur du comportement du salarié en lui demandant de régler sans attendre cette situation ainsi que la fiche d'incident relevant un manquement aux règles de comportement, au respect des procédures et consignes et au respect des personnes et relative aux faits relatés dans le courrier de notification de la sanction.

La société [15] verse en outre aux débats la fiche de procédure disciplinaire signée des parties et de l'assistant du salarié aux termes de laquelle Monsieur [Z] reconnaît avoir été distrait par le stagiaire et prétend avoir initialement refusé le sac en raison de consignes Vigipirate dont il ne justifie ni de la nature ni de l'existence, soutenant par ailleurs avoir été respectueux.

Cette même fiche de procédure fait également référence au second grief à propos duquel Monsieur [Z] explique avoir remplacé Mr [B] pour sa pause et avoir laissé entrer l'hôtesse de caisse qui voulait charger son portable puis lui avoir suggéré de s'asseoir cinq minutes au motif qu'elle ne se sentait pas bien. Il ajoute : «NB pour info. Je me suis mis en arrêt le 16 décembre 2017 ».

L'employeur verse encore aux débats la fiche d'incident rédigée par le chef d'équipe sécurité sur ces faits.

L'employeur produit enfin l'attestation de Monsieur [B], agent de sécurité, lequel indique avoir le 15 décembre 2017, vu Monsieur [Z] assis avec une hôtesse de caisse au sein du PC sécurité et avoir demandé à celle-ci de bien vouloir quitter les lieux dans la mesure où l'accès à cet endroit lui était formellement interdit.

La société [15] a également communiqué, le règlement intérieur prévoyant la mutation disciplinaire parmi l'échelle des sanctions applicables et contenant les références des articles repris dans le courrier de notification de la sanction imposant le respect des clients ainsi que celui des consignes et fixant plus généralement au rang des faits constitutifs d'une faute grave, le non-respect de consignes et l'introduction de personnes non autorisées par le service ou le client.

Alors que le salarié ne justifie lui-même d'aucun élément de nature à remettre en cause les faits établis par l'employeur au vu des pièces produites, que ces faits, et en particulier le second grief, constituent un manquement grave du salarié à ses obligations au sens du règlement intérieur compte tenu de la nature de ses attributions, la sanction de mutation disciplinaire n'était pas disproportionnée aux fautes commises par le salarié.

Il convient donc, infirmant en cela le jugement entrepris, de débouter le salarié de sa demande d'annulation de la mutation disciplinaire ainsi que de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

$gt; Sur la demande d'annulation de l'avertissement notifié au salarié le 10 décembre 2018

Le 10 décembre 2018 l'employeur, après mise en 'uvre d'une procédure disciplinaire, notifiait au salarié un avertissement ainsi libellé :

«...Force a été de constater que vous avez manqué aux obligations, en faisant preuve d'une attitude non professionnelle.

En effet, plusieurs salariés de notre client ont attesté de vos comportements inappropriés (il m 'a pris par la taille, il m'a frôlé les cheveux, touché ma tenue vestimentaire) ainsi que vos propos déplacés à l'encontre de la gent féminine (il m'appelle ma belle, il fait des allusions à ma vie privées) lors de l'exécution de vos prestations, ce qui occasionnait une gêne importante pour ces salariées se sentant mal à l'aise notamment quant elles sont seules en votre présence...

Nous avons pris la décision de vous notifier un avertissement qui figurera dans votre dossier personnel »

À l'appui de la sanction prononcée, l'employeur verse aux débats :

'un courrier de Madame [W], salariée du magasin [6] de [Localité 10], en date du 12 novembre 2018, laquelle indique que Monsieur [Z] a eu des gestes déplacés à son égard « (appui sur les avant-bras, frôlement' » a voulu créer un climat d'intimité en parlant dans le creux de l'oreille presque à me toucher et tient des propos grossiers, sexuels même devant les clients. Cette situation ne pouvant plus durer car le climat est malsain, oppressant et je suis constamment sur mes gardes' »

'un courrier de Madame [T], salariée du magasin [6] de [Localité 10], en date du 10 novembre 2018, laquelle indique que Monsieur [Z] « a eu un comportement inacceptable à mon encontre, par le fait qu'il m'a pris par la taille sans raison apparente, qu'il a fait des allusions à ma vie privée et sexuelle sans raison d'être. Son comportement m'a mise mal à l'aise et je me sens gênée lorsque je me retrouve seule avec lui' »

'un courrier de Madame [U], salariée du magasin [6] de [Localité 10], en date du 12 novembre 2018, laquelle indique à propos de Monsieur [Z] « il m'importune régulièrement par son langage, il m'appelle ma belle. Je souhaite revenir sur un fait qui s'est déroulé il y a deux jours, alors que j'étais accroupie en train de mettre en rayon, il était derrière moi à me regarder fixement cela m'a mise très mal à l'aise et je le lui ai dit. Cela l'a fait sourire. Ce comportement me gêne fortement et nuit à mon intégrité en tant qu'individu et surtout en tant que femme' »

'un courrier de Madame [E], salariée du magasin [6] de [Localité 10], en date du 10 novembre 2018, laquelle indique à propos de Monsieur [Z] « cette personne s'est permise d'avoir des gestes déplacés et inopportuns vis-à-vis de moi. Lorsque nous étions isolés il m'a frôlé les cheveux, touché ma tenue vestimentaire, il a réduit l'espace physique entre nous pour créer une intimité que je n'ai pas cherchée (me parle dans le creux de l'oreille en me touchant presque) il me fait régulièrement des clins d''il. De plus il fait constamment des allusions aux parties intimes, à ma vie privée et cela même en présence de clients, cela ne le dérange pas. Si au début je considérais son comportement comme familier, petit à petit je me suis sentie harcelée, je suis oppressée et mal sur mon lieu de travail en sa présence et je redoute de me retrouver seule avec lui' »

$gt;

Si Monsieur [M] [Z] fait valoir en défense qu'aucune enquête n'a été menée par la société [15] à la suite des faits dénoncés, et s'il résulte du dossier que l'employeur s'est limité à une sanction d'avertissement après avoir initialement mis à pied le salarié à titre conservatoire, le seul argument tiré d'un complot ourdi par l'employeur avec la complicité de quatre salariées de la société non étayé par le moindre élément et l'attestation d'une salariée du magasin selon laquelle il n'aurait jamais eu de gestes ou propos déplacés à son égard, ne suffisent pas, quand bien même ces salariées de la société [6] n'auraient pas souhaité établir d'attestation selon les formes prévues à l'article 202 du code de procédure civile, à remettre en cause les éléments précis et circonstanciés, différents pour chacune d'entre elles, décrits dans leurs courriers et caractérisant à tout le moins le grief de « comportement de nature à nuire aux relations de travail », prévu à l'article 3.10 du règlement intérieur et retenu par l'employeur au soutien de la sanction d'avertissement prononcée.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de cette sanction et débouté le salarié de sa demande indemnitaire à ce titre.

$gt; Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

Au soutien de sa prétention le salarié fait valoir qu'en vertu de l'accord du 18 mai 1993 le temps de repos entre deux services ne peut être inférieur à 12h et que 24 heures de repos doivent être prévues après quarante-huit heures de travail.

Il ajoute que les plannings qu'il verse aux débats démontrent un non-respect du repos hebdomadaire.

Il verse ainsi aux débats des plannings prévisionnels d'activité pour les mois d'octobre et de novembre 2017 desquels il ressort qu'à trois occasions au cours du mois le temps de repos entre deux services était compris entre onze heures et douze heures. En revanche, les prévisions de repos hebdomadaire y figurent.

Toutefois, lorsqu'est mis en cause le non-respect par l'employeur des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, la charge de la preuve incombe à ce dernier.

Or, si l'employeur se prévaut de l'article 7.01 de l'accord de 1993 prévoyant que le temps de repos entre deux services peuvent être réduits à dix heures, cette dérogation ne concerne que le passage d'un service de nuit à un service de jour ou inversement, ce dont il n'est justifié par aucun élément.

Monsieur [Z] fait par ailleurs valoir que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas toutes les dispositions nécessaires pour éviter la dégradation de son état de santé lorsqu'il a mis en 'uvre la procédure disciplinaire à la suite des courriers adressés par quatre salariées de l'entreprise [6]. Monsieur [Z] verse aux débats à cet égard les factures de la psychologue clinicienne qu'il a consultée les 20 et 27 novembre 2018 et des bulletins de salaire ultérieurs mentionnant le versement d'indemnités journalières de sécurité sociale desquels il se déduit qu'il était placé en arrêt de travail pour maladie.

Or, quand bien même l'employeur n'a-t-il prononcé qu'un avertissement à la suite de la mise à pied notifiée à monsieur [Z] consécutivement aux révélations des quatre salariées de la société [6], qu'il ne peut utilement lui être fait grief d'un manquement à l'obligation de sécurité alors que le salarié n'était plus présent dans l'entreprise à la suite des faits dénoncés et au cours de la période à propos de laquelle il fait état d'une dégradation de son état de santé.

Monsieur [Z] prétend ensuite qu'il était contraint de vider les poubelles du magasin [6] de [Localité 5] sans équipements de protection. S'il justifie que cette question a été soulevée à l'occasion d'une réunion de délégués du personnel le 25 janvier 2018, il ressort du document que l'employeur a été alerté de cette situation le 4 janvier 2018 et que si les salariés avaient procédé à cette tâche de leur propre chef afin de gagner du temps à la fermeture en aidant les personnels des rayons, l'employeur avait préalablement à la tenue de la réunion, vu avec le client afin d'interdire l'accès aux poubelles aux agents dont la seule mission consistait à ouvrir le local.

Monsieur [Z] fait enfin valoir que les chaussures de sécurité fournies par l'employeur n'étaient pas adaptées à sa situation personnelle et qu'il a dû faire intervenir le médecin du travail à cet égard, qu'enfin il a dû lui-même avancer la somme en commandant ses chaussures le 3 mai 2018 et qu'il n'a été remboursé par l'employeur que le 11 mai 2018. L'employeur se défend de tout manquement à cet égard et justifie avoir adressé au salarié le 25 avril 2018 un formulaire de demande d'avance de frais en lui demandant d'effectuer l'achat avant le 15 mai 2018. Toutefois, même si les échanges entre les parties ont généré un retard dans l'acquisition de ces chaussures, le salarié ne justifie pas d'un préjudice, autre que d'agrément au cours de l'intervalle.

Partant, et sur la base des pièces produites par l'une et l'autre des parties, le fait que l'employeur même s'il s'en défend n'ait pas prévenu l'exposition à un risque des salariés amenés à excéder le champ de leurs missions en participant au vidage de poubelles sans équipement adapté jusqu'au 25 janvier 2018, le retard dans la fourniture de chaussures de sécurité adaptées aux pieds du salarié, et le non-respect du repos minimal quotidien prévu par l'accord dans des proportions cependant limitées justifient l'allocation par la société [15] au salarié d'une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

$gt; Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Au soutien de sa prétention à cet égard, le salarié fait valoir qu'il a subi des sanctions injustifiées et un non-respect des repos quotidiens et hebdomadaires à l'origine d'une dégradation de son état de santé.

Il expose ensuite qu'il a remplacé le chef de poste durant six mois mais qu'il n'a pas été rémunéré au taux qui lui aurait été applicable subissant ainsi un manque à gagner de 205,60 euros.

Il indique par ailleurs que son casier a été vidé hors sa présence et qu'il a été placé en repos forcé de décembre 2017 jusqu'à début janvier 2018, qu'en outre il a avancé la somme correspondant à l'acquisition de chaussures de sécurité adaptées à son pied.

Il invoque par ailleurs l'ensemble des éléments soulevés au titre du manquement à l'obligation de sécurité précédemment examinés et ayant donné lieu à réparation sur le fondement afférent à la demande.

$gt;

Au vu de ce qui précède, le moyen tiré de sanctions disciplinaires injustifiées sera rejeté.

Si l'employeur indique qu'il a appliqué le taux différentiel pour les heures au cours desquelles le salarié a effectivement remplacé le chef de poste, et si les bulletins de paie sur les six mois concernés portent mention du paiement de cette indemnité différentielle, celle-ci ne concerne que partie des heures de travail accomplies. Or, la charge de la preuve que le salarié n'a effectué qu'un remplacement partiel du chef de poste sur cette période incombe à l'employeur qui n'en justifie pas, si bien que le moyen soulevé par le salarié est fondé.

Ensuite si monsieur [Z] démontre avoir procédé à l'acquisition de chaussures de sécurité adaptées pour un montant de 94 euros le 3 mai 2018, il disposait cependant du formulaire de demande d'avance de frais dès le 25 avril 2018 et il ne justifie pas l'avoir retourné en temps utile, si bien que tandis que l'employeur procédait au remboursement de la somme dès le 11 mai 2018, la déloyauté alléguée est insuffisamment démontrée.

Si monsieur [Z] soutient par ailleurs que son casier a été vidé hors sa présence, il ressort des courriels versés aux débats que l'employeur interrogeait le chef de poste à ce sujet, lequel a expliqué le 15 janvier 2018, qu'il avait constaté que ce casier était resté ouvert et avait conservé à disposition du salarié les éléments qui s'y trouvaient ayant simplement jeté une bouteille de Coca-Cola vide et un paquet de gâteaux vide. Il en résulte que l'initiative prise dans ces conditions par le chef de poste ne caractérise pas la déloyauté alléguée. Ensuite, le seul courriel produit aux débats par le salarié aux termes duquel le supérieur hiérarchique indique le 21 décembre 2017 « je te confirme que tu es en repos jusqu'au 2 janvier » ne caractérise pas davantage l'existence d'un repos forcé alors qu'en versant aux débats les seuls plannings d'octobre 2017 et novembre 2017, il ne justifie pas de la modification intempestive de planning alléguée.

Le seul manquement établi résultant du défaut de paiement de l'intégralité de l'indemnité différentielle pendant la période de remplacement du chef de poste justifie toutefois l'allocation d'une somme de 250 euros à titre de dommages-intérêts.

$gt;Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Le 6 mai 2006, le salarié adressait à l'employeur un courrier aux termes duquel il prenait acte de la rupture de son contrat de travail ainsi libellé :

« Depuis 2 mois vous continuez à m'adresser un planning en AR sur le site de Brico dépôt dans le Gard je vous ai adressé en retour plusieurs courriers afin de contester cette mutation en vous détaillant les motifs.

Malgré tout vous restez sur votre position en utilisant la mobilité géographique dans mon contrat de travail abusivement sans tenir compte qu'il pourrait avoir probablement une jurisprudence telle que « l'exercice d'une clause de mobilité géographique est abusif si l'employeur n'assure pas au salarié les moyens de se rendre sur son nouveau lieu de travail » en aucun moment ma situation a été prise en considération, ainsi que les conditions de la distance kilométrique, l'existence de moyens de transport afin de facilité mon déplacement, etc'

J'ai compris que le dialogue n'a pu s'installer, n'ayant plus rien à espérer de la part des dirigeants de cette société [12].

Pour rappel, mon arrêt fait suite à toutes vos calomnies, rien n'a été fait afin de me protéger, les problèmes n'ont fait que s'accentuer.

N'ayant plus de complément de salaire depuis 2 mois et de voir le salarié dans une précarité totale avec la tête sous l'eau, cela ne gêne personne.

J'ai pris la peine de contacter le service paie afin d'avoir des information sur le complément de salaire la réponse, « vous êtes dans le négatif c'est normal que vous n'ayez pas de complément de salaire » donc ma réponse « comment fait-on pour être dans le positif » à ce jour je n'ai toujours de réponse convaincante, ensuite j'ai contacté l'assurance santé prévoyance, le mercredi 10 avril 2019 afin de mieux comprendre la situation, l'interlocutrice me confirme que depuis le 20 janvier une prise en charge est faite à hauteur de 80% et m'affirme que le dernier versement a eu lieu le 25 mars à la société [12], à quoi bon cela sert-il de vous adresser mes IJSS si cela est juste que vous soyez remboursé, et non me verser le complément de salaire.

En tout état de cause ce contexte et vos agissements ne font que de m'affaiblir psychologiquement et rend ma vie anxiogène.

Pour toutes les raisons citées et le non-respect de vos obligations, vous rendez impossible la poursuite de mon contrat de travail, c'est-à-dire de reprendre une activité.

Je vous informe donc que je prends acte de la rupture de mon contrat à vos torts exclusifs. Le terme du contrat est à effet immédiat à réception du présent courrier.

Je vous demande de me tenir informée des dispositions prises pour me remettre le certificat de travail, le solde de tout compte et l'attestation POLE EMPLOI. ('.) Pour rappel, conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation, l'attestation POLE EMMPLOI devrait faire mention du motif exact de la rupture du contrat à savoir « prise d'acte » à la rubrique 60 intitulée « autre motif » (Cass. Soc. n°05-40414 du 27 septembre 2006).

En aucun cas, il ne devra donc être fait état d'une démission ».

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Si postérieurement aux faits ayant donné lieu à l'avertissement du 10 décembre 2018 le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie, et s'il fait grief à l'employeur de ne pas lui avoir reversé le complément de salaire pendant l'arrêt maladie, il ressort des pièces produites qu'il a perçu en mars 2019 une indemnisation de la prévoyance pour un montant de 353,64 euros puis en avril 2019 une somme de 387,32 euros à ce titre, si bien que la situation avait été régularisée avant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail et qu'aux termes d'un courriel du 25 mai 2019 le salarié, qui ne forme aucune demande à cet égard, explique que si le détail analytique lui était parvenu antérieurement, cela aurait évité une polémique.

Le contrat de travail stipule ensuite une clause de mobilité dans la zone géographique couverte par l'établissement de rattachement [Localité 11] 2-[Localité 16] lequel s'étend aux départements 06-30-31-34-65-66-83.

En l'espèce, la validité de la clause de mobilité n'est pas discutée.

En suite de la demande du salarié de ne plus être affecté sur le site de [7] à [Localité 10], l'employeur lui proposait une affectation sur le site de [6] [Localité 9] le 18 janvier 2019.

Par courrier du 22 janvier 2019 le salarié refusait cette affectation au motif que le site était situé à 49 km de son domicile et que la circulation y était dense.

Or, outre l'existence d'une clause de mobilité non discutée, l'établissement [6] du [Localité 9] se situe dans le même secteur géographique que le précédent lieu de travail de monsieur [Z] et il est desservi par un réseau dense de transports en commun.

Par suite de ce refus, l'employeur lui proposait une nouvelle affectation à Aigues-Vive (30) que le salarié refusait à nouveau.

Tandis que l'employeur avait le pouvoir de modifier les conditions de travail du salarié lequel sollicitait de ne plus occuper son poste à [Localité 10], qu'il était d'autant mieux fondé à procéder au changement d'affectation envisagé que le poste du [Localité 9] était situé dans le même secteur géographique que celui précédemment occupé par monsieur [Z], les seuls manquements établis de l'employeur à ses obligations examinés ci-avant, n'étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail au 6 mai 2019.

Partant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié le 6 mai 2019 produisait les effets d'une démission.

$gt;Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution apportée au litige, la société [15], qui succombe partiellement, supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles, et elle sera également condamnée à payer au salarié qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 1500 euros titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier 18 juin 2021 sauf en ce qu'il a annulé la mutation disciplinaire et en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Déboute Monsieur [M] [Z] de sa demande d'annulation de la mutation disciplinaire et de sa demande de dommages-intérêts subséquente ;

Condamne la société [15] à payer à Monsieur [M] [Z] les sommes suivantes :

'500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

'250 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Condamne la société [15] à payer à Monsieur [M] [Z] une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [15] aux dépens ;

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04444
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;21.04444 ?
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